samedi 2 juin 2012

Les Professionnels


À la librairie où je viens chercher des livres commandés, une cliente, à la caisse. Quarante-cinq ans environ, assez laide, habillée samedi matin bariolé, jambes nues. « Et combien ça coûte, c't'histoire ? (…) Bon, ça change ! 'Toute façon, l'cahier d'vacances y s'ra jamais terminé, alors. » Elle a posé ses affaires sur la planchette, juste devant la caisse : une canette entamée de Fanta orange, un "smartphone" dernier cri, et son sac, à moitié ouvert. La libraire lui donne le prix du "Machin pour les nuls" qu'elle lui vend, et s'apprête à encaisser. La cliente sort de son sac un porte-cartes, qui, à ce que je crois voir, en contient au minimum une trentaine. L'ouvrant ostensiblement, elle croit devoir lancer à l'adresse de la jeune femme qui tient la caisse : « C'que vous pouvez nous emmerder avec toutes vos cartes ! » Elle parle des "cartes de fidélité" qu'elle collectionne avec suffisamment d'acharnement pour en remplir un porte-cartes épais, mais elle croit devoir en faire le reproche à ceux qui proposent ces bouts de plastique à son opiniâtre et paradoxale détestation.

Un mari qui trompe sa femme, lorsqu'elle le surprend en flagrant délit, lui fait le reproche d'avoir des amies qui sont jolies et désirables. 

Un ami qui se fout ouvertement de ma gueule, lorsque je lui montre que je m'en rends compte, me fait le reproche "de ne pas lui faire confiance". 

Etc.