Ils sont infaillibles. Au moindre signe de fatigue ou de vulnérabilité, ils accentuent leur pression, ils deviennent gonflants, arrogants, ils ne vous laissent plus finir vos phrases, vous coupent, lèvent les yeux au ciel, regardent leur montre, vous contredisent sur n'importe quoi, vous font comprendre qu'ils ont bouclé leur dossier sur votre compte. On devine leur plan : il faudrait que la Bête sur laquelle ils vivent finisse par croire qu'elle est elle-même le Parasite de ses Parasites, qu'elle se sente en dette par rapport à eux, alors que, sans cesse, ils la pillent et la pompent. Pousser la Bête à en finir ? La liquider ? Lui grouiller dessus ? Sans doute. Il arrive un moment où les Parasites ont envie de changer de Bête, d'en prendre une plus jeune, plus active, plus naïve. Le plus économique serait de pousser la Bête au suicide. Ils s'y emploient. Elle était bien Belle, cette Bête, mais un peu usée, après tout.
Y a-t-il des pilules ou des vaccins anti-Parasites ? C'est toute la question. La Bête, qui n'est pas si bête, peut avoir conscience de sa situation, et trouver étrange ces pertes d'énergie, ces ralentissements, ces abattements sans raison, ces oublis, ces confusions, ces vertiges. Quelle attitude adopter ? Surtout, ne pas consulter : les médecins, en général, sont au service des Parasites. Non, silence, absence de réaction, inertie, écart, rupture, et surtout exercices de mémoire intenses, puisque les Parasites inoculent l'effacement des preuves comme la falsification des faits. Les Parasites ont la loi pour eux, alors que la Bête est là en surplus, par hasard, et sa solitude le prouve.
(…)
« Ce n'est pas à la lutte mais à la joie que je finirai par succomber. »
À lire en écoutant les Collines d'Anacapri, de Debussy.