jeudi 8 mars 2012

Explosition universelle !



Merde d'artiste, merde d'artiste ! Mais c'est trop facile ! Manzoni, petit, si petit. La boîte est fermée hermétiquement, même si certaines se sont ouvertes, dit-on. Le concept, le ready made, quelle barbe ! Moi je vais chier sur la toile, et on enfermera les visiteurs dans la salle, sans possibilité de sortir avant deux bonnes heures. Odeurs, odeurs, odeurs… Ah, mes salauds, vous vouliez de la culture, vous vouliez remplir les salles des musées ! Eh bien, je vous prends au mot : Je vais remplir le cadre, chier sur la toile, ça c'est de la culture. Auto-focus sur le déchet. Marron, couleur discriminée, le brun d'atelier doit être réhabilité ! Il s'agit de métissage moral et fécal. Chauds les marrons, 2012 sera brun ou ne sera pas ! Michel Pastoureau a un gros pain sur la planche. Le bleu, le noir, le rouge, tout ça c'est de la couleur de pédé.

Mais qu'avait donc mangé l'artiste, la veille ? Telle est l'une des questions que devront se poser les nouveaux amateurs d'art, les nouveaux remplisseurs de musée. Le niveau monte, paraît-il, les salles sont pleines, les tuyaux aussi. On se bouscule devant le Concept. Pas assez de confessionnaux. Poussez-vous, poussez-vous, je veux respirer la culture, moi aussi ! Ah, la bonne odeur de merde ! Pas besoin de faire du trekking au Népal, l'exotisme est ringard, on a des idées et de la merde chez nous aussi. Produisons français ! Imaginez une ville comme Paris, tous ces gens en train de chier, le matin, quelle symphonie ! Et on nous le cache ! Scandale ! Tous au musée d'Orsay, arrondissement après arrondissement, de quatre heures du matin à minuit. Calmez-vous, votre tour viendra. Vous aussi, vous pouvez être un artiste, vous aussi, vous aurez votre quart d'heure de gloire assise. Tant pis pour les constipés, il seront autorisés à faire semblant. Permettra-t-on la burqua ? Mais oui ! Imaginez le tableau, cent-onze femmes en burqua en train de pousser de concert, en se tenant les mains. Oh, religieux de toutes les nations, gays, infirmes en chaises roulantes, minorités agissantes, la grande flash-mob fécale c'est pour demain matin, haut les cœurs !

Je vous jure que les élections présidentielles en seront transformées, purifiées en quelque sorte, débarrassées de toutes ces heures sombres qui traînent encore dans les coins de quelques têtes. On remet les compteurs à zéro, au printemps des peuples, égalité, fraternité, caca. Pas de liberté pour les ennemis de la merde. On fera entrer le Bel Étron au Panthéon, on trouvera un nouveau Malraux pour le discours, j'ai déjà quelques idées. Debussy avait eu son Exposition universelle, il y avait découvert le gamelan javanais. Je veux la mienne. On construira une nouvelle tour, la Tour de l'Étron Suprême, à Saint-Denis, près des sépultures royales, une tour en forme de néant mou. France, terre d'asile, patrie du vin, du fromage, de la CGT et du Caca. La boucle est bouclée. On mange, on chie. Entre les deux, pas grand-chose, quand on y pense. On rêve un peu, soit, on s'endort devant la télé, on marie les homos, on pourchasse l'élitiste et l'on constate que les-inégalités-se-creusent et que les zakisocios se font la malle, que les-marchés-financiers n'en font qu'à leur tête, tout ça ne va pas très loin et n'est pas digne d'un grand pays comme la France. Je ne vise rien de moins que le Prix Nobel des Fèces, afin de confondre tous les petits prix-nobel-de-la-morale qui nous crachent dans les oreilles toute la journée à la radio et dans les journaux. Les Écuries d'Augias, il ne faut pas les nettoyer, il faut les inonder de caca, il faut les exposer, il faut y habiter, il faut y demeurer, il faut les investir, et je suis l'Hercule de l'art. Je vous inscris au GR 20 du Caca, Mademoiselle ? Ah, vous êtes anorexique ? Revenez plus tard, quand vous aurez pris un peu de brioche. Nous ne faisons pas de la dentelle, notre œuvre au noir tient au corps. Donnez-nous votre caca de chaque jour, le fruit de vos entrailles. Nous sommes au four et au moulin, et aux toilettes, suivez-nous, et vous serez rassasiés. L'avenir vous attend, les cuvettes vous tendent leurs jolis bras immaculés, le papier parfumé à la rose a faim de votre encre boueuse, aucune angoisse de la page blanche, l'éternité est là, dans sa gloire brunie et fétide. Il n'y a pas de crise : tout le monde est dans la merde. Je vous le prouve. Égalité, fraternité, caca. Halte aux paradis fiscaux, bienvenue au Paradis fécal. Faites donner le Te Deum et qu'on n'en parle plus.

Quels sont les anagrammes d'étron ? Noter, trône, ténor. Notez qu'il faut monter sur le trône, pour y chanter d'une voix de ténor la gloire de l'excrément. C'est sur le trône qu'on fait des listes, occupation des rois. La liste (la théorie) est le chant des chants (voyez la Bible) : je naîtrai, je chierai, je mourrai. Voilà le programme. Les noms, les actions, les sons, les couleurs, les formes, les parties du corps, celles du violon, les gammes, la mathématique lyrique ne fait jamais grève, on ne la prend pas en défaut. Et tout finit par la chanson brune. Dans "étron", on entend l'être et le on. Le ça universel, en somme. Quand je pense qu'il y en a qui en sont encore à la pulsion de mort ou de vie… Même la psychologie est une sous-catégorie de la mathématique lyrique : vous qui entrez ici, laissez votre forme et vos espérances à l'entrée, car vous ne pouvez les emporter avec vous. La dépouille se parfume au désastre et s'habille chez Caca. Au terme du défilé : Rien (la paix).

Deux grands mystères humains m'ont toujours obsédé : où sont passés tous les morts, et où passe toute la merde accumulée depuis la nuit des temps ? Et ne me dites pas que c'est la même chose ! Faites un rapide calcul et vous vous apercevrez que depuis Adam et Ève ça fait un volume considérable. À côté de ça, le problème des déchets radioactifs et l'absence de gouvernement en Belgique, c'est de la gnognote. La Porte est étroite, le monde est de plus en plus petit, et nous sommes de plus ne plus nombreux. Ni Pascal Ory, ni Edgar Morin, ni Stéphane Hessel, ni Frédéric Martel, ni Emmanuelle Béard n'ont l'air de s'alarmer de la situation, et pourtant il y a péril en la demeure. C'est pourquoi Georges, une fois de plus, se dévoue, et exige la création d'un grand ministère du Caca, qu'il conviendrait de fusionner avec celui de la Culture. Il est temps de vider l'abcès. L'art sert à ça.

Il faut absolument éclaircir la situation.