dimanche 7 août 2011

Busy Line


Put a nickel in the telephone

Ma chère Rose Murphy chante une des plus jolies chansons que je connaisse, Busy Line. "Mettre une pièce dans la fente du téléphone" et entendre (comprendre) que "la ligne est occupée". Y a-t-il plus merveilleuse métaphore de l'amour ? Les hommes passent leur vie à "mettre une pièce dans la fente" et à "entendre que la ligne est occupée" : tut tut tut tut… ! Ils ne peuvent dès lors que rester au bord (de la fente), avec leur nickel à la main, à attendre que la ligne se libère, ce qui n'arrive évidemment jamais. Une femme est toujours occupée ailleurs, même quand elle semble si proche de vous que la géométrie en est défaite.

"Votre correspondant est déjà en ligne"… (c'est une voix de femme qui le dit !) Toujours déjà ! Quand la ligne se libère et que "celle qui vous correspond" semble s'offrir à vous, rien qu'à vous, c'est pour un autre qu'elle est indisponible, voire indisposée. Vous ne faites que prendre place dans la ronde, vous faites un tour de manège. Vous avez un ticket, mon vieux, allez, ne laissez pas passer votre tour ; et vous êtes prié de jouer à l'Unique.

J'ai vécu une expérience traumatisante, un soir, à Paris, dans un taxi, au long du boulevard Saint-Germain. J'étais en compagnie d'une très belle jeune femme dont le téléphone portable a sonné. Elle n'a d'abord pas répondu. Puis, devant l'insistance de celui qui appelait, elle a fini par décrocher, et j'ai dû subir, pendant de longues minutes, le discours terriblement convaincant de celle qui jurait à l'autre qu'elle était seule, mais qu'elle ne pouvait pas lui parler à l'instant, qu'elle était indisponible, voire indisposée. Son discours s'adressait à l'autre, l'appelant, celui qui voulait mettre un nickel dans la fente, mais aussi bien à moi, évidemment, l'appelé, l'élu d'un soir. Ce que j'entendais, pendant qu'elle parlait à voix basse, dans ce taxi, c'était les "tut tut tut tut…"qui m'attendaient, moi aussi.

L'amusant est que, contre toute évidence, celle qui vous joue cette scène pourra vous jurer l'instant d'après qu'à vous elle ne mentira jamais. Et il faudra bien entendu faire semblant de le croire, sous peine de ne pas être admis au cercle, de ne pouvoir entrer dans le jeu.

Les femmes sont comme la musique et la mer, il faut rester au bord. De toute façon, qui pourrait bien vouloir plonger au cœur du néant ?