mercredi 11 septembre 2024

Souligné

 

« Alors une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer. » Qu'est-ce qu'il a de plus beau que tout ? Une femme nue. Que les Enfants du Web, de la télé, des directives de Bruxelles et de la modernité digitalisée se soient déterminés dans le même sens que les crocodiles des jurys précités ne paraîtra comique qu'à ceux qui s'imaginent qu'il pourrait subsister des “conflits de génération”. Il n'y a plus de générations, et encore moins de conflits, à l'heure du multimédia ; il n'y a plus qu'une vague maladie sénile de l'humanité. dans le rôle de la lessiveuse à bons sentiments, le roman de Makine, plus bourré d'assouplissant que la plus performante des machines à laver, représente une sorte d'idéal. dans cette prose connivente. À tendre une oreille indulgente à toute cette poésie des confins incertains, on s'est discrédité soi-même. Slave qui peut ! Le mou des steppes. avec son sourire d'anachorète du fin fond des pages de magazines, son beau regard de stylite en extase et sa barbe modérément christique, semblent vous déconseiller gentiment de chercher à faire le malin. Ne dirait-on pas qu'un seul et même journaliste a rédigé tous ces articles ? À vrai dire, quand un livre ne présente qu'un faible intérêt, la manière dont le transfigure ceux qui en parlent, lecteurs ou critiques, peut devenir une captivante révélation, autant sur le livre lui-même que sur la société qui s'en enchante. Plus navrant le prétexte, plus éclairant l'enthousiasme qu'il suscite. la machine à fumée émotionnelle unanimisante. La “communication”, qui est un mot poli pour domestication, a fait son œuvre, elle a anéanti les êtres particuliers. cet avenir radieux du “virtuel” que l'on nous annonce tous les jours (et qui n'est peut-être que l'ultime illusion romantique d'autonomie de l'humanité. rien ne serait plus impoli que de se désolidariser de l'émotion collective, transfigurante, sans objet. On ne voit pas pourquoi le rêve de retomber en enfance se réaliserait partout dans la société et pas dans la littérature. C'est avec le sentiment apaisant de rouler dans les justes ornières du vertuisme obligatoire quand le roman n'est plus qu'une sous-division du produit culturel appelé Livre, il ne s'agit plus pour les romanciers de nous rendre étrangères des choses familières, comme par le passé, c'est-à-dire de détruire le rapport de conjugalité que nous entretenons avec nous-mêmes comme avec les autres et avec le monde (en quoi résidait sans doute l'aspect le plus profondément érotique du roman) ; au contraire, on congratulera un auteur d'avoir répété, sur tel ou tel point, ce qui était déjà écrit chez un autre auteur. A fortiori lorsque celui-ci comme celui-là œuvrent pour le bien public. L'esthétique publicitaire savait depuis les âges farouches que la voie royale du succès passait par la propagande bien-pensante. Avec Makine et quelques autres, le roman lé découvre à son tour. Un bon roman doit rendre bon. C'est à ces choses, entre parenthèses, que l'on peut apprécier la vieillesse d'une civilisation. Quand une société sort de l'Histoire commence alors pour elle le temps des bonnes œuvre. Tout se passe aujourd'hui comme si les romanciers avaient décidé d'emboîter le pas à ces sommités de la médecine que l'on voit finir leur carrière dans les Comités d'éthique. ce réflexe d'étonnement par lequel le narrateur ne cesse de nous convier à découvrir la lune en sa compagnie. cette inexpérience montée en épingle, exhibée comme un trésor sans prix. On nous a déjà si souvent resservi cette vieille soupe des émerveillements asexués de l'enfance qu'on s'étonne qu'elle puisse encore paraître consommable. l'acharnement de l'auteur à se mettre en scène comme une machine à produire de l'extase. qu'est-ce que j'y découvre ? Mon nom ! Dans la liste des écoutés ! Contribuer, à travers le langage de la mode, à un monde uni au-delà des frontières et des différences. 80% des auteurs de polars sont plus ou moins d'extrême-gauche. Le seul problème, c'est qu'on ne sait jamais s'il a fini ce qu'il voulait dire lorsqu'il se tait. Il peut cesser de parler mais continuer son idée souterrainement, pendant que les autres changent de sujet, et, au bout de dix minutes, lâcher de nouvelles phrases qui prolongent sa pensée. Le Mal absolu, c'est la petite-bourgeoisie Savigneau ou Laure Adler. Le petite-bourgeoisie en surfusion de Culture. Je me demande combien de temps encore les culs des femmes ressembleront aux culs naturels d'autrefois. Elles ont d'ailleurs commencé à s'amputer artisanalement : élagage des chattes, rasage des aisselles, régimes amaigrissants, seins au silicone, etc., mais ce n'est sans doute qu'un début. Écrire son journal en étant fermement décidé à ne pas le rendre public de son vivant : donner la preuve, jour après jour, que le public ne nous est pas nécessaire. Ni agréable. Ces enfants-là, me dis-je, sont comme des poissons d'avril que les pétasses agrafent dans le dos de leurs compagnons… Je vois la main griffue de Sollers là-dessous. Bien creusé, vieille tarte. Donner d'autres significations que les significations dominantes au réel social et historique, c'est ça, le roman. Après le Captagon supprimé il y a quelques années, le Dinintel interdit il y a quelques mois, c'est maintenant le Fenproporex qui passe à la trappe. Plus d'amphés sur le marché ! Plus rien pour s'aiguiser les dents, donner aux gens envie de mordre, de trahir et de haïr ! Terminé! Seules les pilules de bonheur, c'est-à-dire de l'adhésion, sont autorisées désormais. Et même encouragées s'ils pouvaient. S'ils osaient. Ordonnance d'Ordinator. Comme la pègre tient les “grand” journaux et les autres médias, elle ne cesse de ridiculiser les marges, et même de les déclarer désormais impossibles. Occupant le centre, elle tient à faire croire aussi que la “subversion” y réside. Sous cette couverture “subversive” et “révolutionnaire”, elle peut continuer tranquillement ses exactions mafieuses. Il est devenu banal de voir s'autoproclamer “politiquement incorrect” n'importe quel plumitif d'influence. se féliciter de la présence de touristes, où que ce soit, est déjà un crime contre l'espèce. Mais si la réalité disparaît, l'utopie n'est plus l'utopie, il n'y a plus rien pour la distinguer de rien, elle peut régner seule. La liquidation forcenée de l'accidentel a entraîné l'hypertrophie de la notion de responsabilité. Tout ce qui arrive quand-même, malgré les protections infinies dont nous nous entourons, est désormais de l'ordre de la faute, ou même du crime. Comme si elle ne pouvait comprendre son propre drame qu'à travers la transformation de celui-ci en question de société. Dans l'impuissance de vivre pleinement l'effectivité de sa peine, l'être contemporain se retrouve dans la position de l'hystérique. Il n'a accès à la réalité de sa douleur que par l'intermédiaire d'une globalisation de son cas (dont il espère aussi qu'elle atténuera sa douleur). On entre en victimance comme on entre sur le marché de l'emploi. En groupisant son propre chagrin, c'est peut-être son chagrin que l'on diminue, mais c'est sûrement son être que l'on anéantit. Il fait re-beau, tout à coup, beau d'une manière furieuse. Le bleu du ciel est plus bruyant que le pire des orages. Le soleil relève soudain de la catégorie des mauvais traitements. Les palmiers salement mistralisés, écorchés par les bourrasques, font avec leurs feuilles des bruits de sacs en papier froissés. Un vent éblouissant transforme l'écume accourante des vagues en troupeau de vaches folles. Au garde-à-vous horizontal, les femmes étalées sur les galets ouvrent incroyablement leurs cuisses à cette violence qui les laissera vierges comme elle les a trouvées. La fête comme destruction du bonheur privé. On dirait qu'elles ont laissé leur âme dans le grand sac où elles ont aussi rangé leurs vêtements en se déshabillant. une lettre lécheuse de Frédéric Berthet, hibou impuissant, alcoolique et sollersoïde. et où précisément Onfray publie (pour la seconde fois puisque c'est déjà sorti dans son dernier bouquin) l'article où il traite Duteurtre de nazi. Cet univers est peut-être le premier dont la seule perpective vous console par avance de la perspective d'en être un jour privé. Toutes les larves n'y écrivent que pour, par, dans, et à travers l'Arnaqueur Sémiliant. Zagdansky, Bourgeade, Moix, Nabe, Pleynet, Beigbeder se bousculent pour astiquer la statue du Frauduleur. Quelle belle équipe ! Regrets éternels ! Un imbécile ressuscite Dada en aspergeant Laure Adler avec un arrosoir. Pourquoi il ne lui pisse pas dessus ? La voilà toute mouillée. Déjà, pauvres et gras au naturel, ses cheveux inondés la rendent pire que jamais. Elle a le rimmel qui fuit. Sollers n'arrête pas de lui essuyer sa sainte face avec des petits gestes de marquis des bacs à sable. On en reste là. Rideau. On accuse cette idiote qui n'a pas volé ce qui lui arrive de “désinvolture” (tiens, un nouveau délit). Ils croient à ce qu'ils voient parce qu'ils le camescopisent. La preuve de Paris, c'est qu'ils le filment. Meyer, en sympathique apparatchik payé par le Système pour remplir la case “turbulences”. En conseil de discipline pour banalisation, annonce Bayrou-tête-de-nœud ! Comme si l'art avait valeur de remède ou de narcotique grâce auquel on pourrait se défaire toutes les autres misères. Quand Babar et Céleste se marient, par exemple, “rien n'indique que Céleste ait eu son mot à dire dans cette affaire”, écrit le con yankee. L'hypothèse morale est toujours au bord des lèvres. C'est cette révolution des transports (avec effacement du territoire, disparition progressive de l'espace, donc de la réalité, etc.) qui est l'objet fondamental, essentiel, des livres de Céline, et qui leur donne leur esthétique. En prison dans l'instantanéité. Veuf de la distance. Amputé des intervalles. le délai dans la communication (le “retard”, le temps passé) était une condition essentielle de la liberté de l'homme. le délire autour du harcèlement sexuel, ce procès d'intention fait à l'autre, est déjà un signe pathologique de la haine du prochain ou de la prochaine. Les médias au sens large, dit-il enfin (et sans grandiloquence), c'est l'Occupation. enfant de chœur urinant dans le bénitier. Je demande la peine capitale contre l'amitié. Le monde présent ne cesse d'offrir à la littérature romanesque des sujets inouïs. La difficulté à les traiter vient de ce qu'il faut commencer par les dégager de la propagande effervescente qui les environne et les protège de toute menace d'impertinence. Le burlesque est partout ; les obscénités inconscientes d'elles-mêmes prolifèrent, mais elles sont offertes à l'admiration de tous comme autant de chefs-d'œuvre du génie moderne, ou comme des émanations parfaitement naturelles, donc incritiquables, de la réalité nouvelle. S'il y a quelque chose que le touriste a en horreur, c'est de se voir et d'être vu comme un touriste. Le touriste (c'est-à-dire aussi quatre-vingt-dix-neuf pour cent des lecteurs. Il souhaite qu'on lui offre à contempler ce qui n'existe plus du fait de sa présence. qui y trouve justement une occasion prestigieuse de se nier lui-même. Par l'irréel dont il était l'une des plus hautes formes d'expression, le théâtre permettait une perception aiguë du réel. L'art serait désormais, et de façon naturelle, un service public, Citoyen-spectateur, Citoyen-lecteur. Et pourquoi pas Citoyen-écrivain ? On se souviendra qu'en 1793, la Convention bannit les termes “madame” et “monsieur” au profit de citoyenne et citoyen, en même temps qu'elle rendait le tutoiement obligatoire. L'homme célinien peut fuir, espérer fuir, se donner l'illusion de la fuite L'homme coincé, bloqué, baisé, enculé jusqu'aux yeux par le Tout sous ses innombrables aspects annonce le règne de la Solidarité de fer. Plus de divers, plus d'autre. Et pourquoi la conversation a-t-elle disparu ? Parce qu'après la Révolution, dit-il, les femmes ne sortent plus seules, elles sont perpétuellement et pesamment accompagnées de leurs maris. Chacun, dès le début du XIXe, a donc son Big Brother intime auprès de lui. L'époux à son épouse, l'épouse a son époux. Chacun vit désormais sous le contrôle de son épouvantail. Kafka n'est plus, et définitivement, que celui qui “a décrit avant terme les arrestations des Juifs, les événements des camps”. Toute son œuvre “est une méditation sur la judéité”. J'aime trop ce pays pour le gâcher par deux phrases et trois comparaisons. Et qu'en est-il de la sexualité du touristanthrope ? De son érotisme ? De son érotourisme ? J'ai bien peur qu'il n'en ait guère, dans la mesure où il représente une sorte de perfection dans l'anéantissement de la négativité. Le touristanthrope est un intégré. Un réconcilié. Il est partout chez lui (définition du touriste). Sorti de l'état de séparation, il n'a littéralement pas d'objets de désir. s'il baise (et il baise, bien sûr), c'est comme on joue au docteur quand on a cinq ans. Grande et belle femme brune qu'il serait agréable de foutre impunément sans lui adresser la parole. remplacement des éléments naturels de l'humanité par du sirop de sucre. Les Maîtres confiseurssuccédant aux Maîtres penseurs. C'est comme s'ils chiaient devant nous. Je me sens dans l'état de quelqu'un qui, après une guerre, appartiendrait au camp des vaincus, des battus à plates coutures. C'est seulement quand elle fait l'éloge de Pennac que je craque. Les originaux ont généralement été aussi des nommeurs », écrivait Nietzsche. les Ceaucescu de l'Infini. (…) les Thénardiers de la rue des Saints-Pères, l'inénarrable Lévy et son Arielle sans bouillir. Pompéi de l'âge touristique. Ils ont mis un nez rouge à tout ça. Et puis voilà. Ça suffit. Au matin, les nuages n'ont pas décroché du ciel. Ils deviennent même, au fil des heures, de plus en plus lourds, noirs, sinistres. Vers midi, tout est consommé. Les nuages sombres fument au-dessus des collines comme des incendies froids. Le ciel traîne sur la terre comme un ventre dégueulasse et trop fatigué pour essayer de se relever. Une pluie de novembre ou décembre tombe sur nous de tout son poids. C'est comme si le Midi lui-même ne croyait plus au Midi. Depuis le début des temps, tout ce qui était possible dans l'ordre des choses vivables et normales a été essayé. Maintenant commence l'âge des choses folles, monstrueuses, difformes, atroces et non critiquables. Côté cul, son plus bel exploit est d'avoir, il y a quelques années, mis son corps en congé sabbatique pour rompre un schéma amoureux qui se répétait un peu trop souvent à son gré. il s'agit de “dégager” un espace “authentiquement démocratique, non hiérarchique, multiculturel, multiracial, dans un pays rongé comme d'autres par le cancer du “nationalisme ethnique”.C'est un monde à part, explique-t-elle, un monde de nobles, qui vivait dans une bulle sans ce soucier du sort des autres. Évidemment, si la Marquise s'était souciée des autres, elle n'aurait jamais écrit ses lettres, on ne viendrait pas visiter son château, il n'y aurait donc pas de guide, et la gentille Lili n'aurait pas de travail. Mais ça c'est une autre affaire. Ils s'emmerdent ensemble. Leurs conversations se traînent misérablement. À intervalles réguliers, l'un ou l'autre se jette sur son téléphone portable, le cramponne, gueule dedans des choses insignifiantes et passionnées, puis coupe la communication, et le néant se réinstalle à table. Avec le café, je me souviens d'un roman, Je vous hais tu connais, de Michel Desgranges. le sport est notre langue mondiale, c'est la lingua franca de la planète ! L' « olympisme est un renverseur de cloisons », il a le merveilleux pouvoir de nous rassembler, de réunifier les hommes ! l'hébétude programmée continue. Les méchants de l'ancienne civilisation désespéraient Billancourt, ceux du monde actuel désespèrent Nouvelles Frontières. Toutes les activités contemporaines vont dans le sens de la réconciliation par l'effacement des derniers discriminants. une frénésie de liquidation de frontières qui se poursuit et ne cesse de s'étendre négation (féministe ou homo) des sexes comme des espèces réunion enfin de tout ce qui peut-être n'avait de goût, de saveur, de charme, que parce que c'était séparé, que parce que c'était repérable et désirable en tant que séparé. Dieu a sorti ses trompettes, ses grosses caisses, tout son merdier d'orchestre. Toutes les opinions ou conduites majoritairement respectées sont en même temps parées des plumes de la subversion. Tous les salauds, bien entendu, hurlent à la saloperie. Pour ce qui concerne le roman, je préconise d'essayer d'exprimer dans le style de Céline des histoires “à la” Kundera. Pour ce qui concerne l'essai, je propose des analyses “à la” Baudrillard, mais avec la violence de Bloy. Au fond, ce n'est plus la droite et la gauche qui nourrissent les choix politiques et composent l'éventail des partis, mais l'apitoiement et la haine. La pluie tombe du matin au soir comme une longue chevelure morne. On va donc enfin pouvoir, comme je le prévoyais depuis si longtemps, mettre en examen la plupart des écrivains et artistes des siècles passés, tous plus ou moins infirmes de la sensibilité (démocratique, humanitaire, multiculturelle, zoophile, etc.). un assez joli aveu du crapuleux Lelouch Les romans de la rentrée sont tous formidables, surtout quand leurs auteurs sont des femmes. Tout ce qui peut arriver de négatif à la culture, je trouve ça bien. Je travaille, c'est-à-dire que j'essaie de me plaire. M. et Mme Vu-à-la-télé, c'est-à-dire Kristeva et Sollers. Sa voix de volupté nasillarde, sa voix midinette mourante, sa voix nymphette démoniaque. Il ne verra donc pas la statue de Michael Jackson en faux bronze plastique érigée sur une colline exactement là où, dans les années cinquante, d'élevait celle de Staline. C'est le gladiateur agonisant dans toute sa scandaleuse splendeur. L'Histoire est terminée (elle était catholique, l'Histoire) ; l'Empire fémino-luthéro-homosexuel commence. Cette rencontre avec Bérénice au Select est plus décevante que je ne le craignais. Le temps et les souvenirs l'avaient bien arrangée, Bérénice. Ils avaient supprimé de son fantôme tout ce qui m'ennuyait, en elle, du temps où elle était vivante, c'est-à-dire vivante dans mes bras, sous moi, sur moi, toute nue, en sueur et rebondie et ardente. Qu'est-ce que j'ai pu m'enfouir dans les poils de sa chatte. Ce qui ne veut pas dire que la Bérénice d'aujourd'hui manque de séduction, loin de là. D'ailleurs, c'est pour me séduire qu'elle voulait me voir. Pour me faire le coup de l'amitié. Elle cherche un “ami”. Un ami homme. Est-ce que je pourrais faire l'affaire ? On en discute tout en marivaudant pendant deux heures. À un moment, dans le but de lui démontrer que l'amitié est impossible entre elle et moi (parce qu'elle ne s'intéresse pas, parce qu'elle ne s'est jamais intéressé à ce que je dis), je me mets à lui raconter mes démêlés avec les voisins du dessous. Elle s'ennuie immédiatement. Sans doute s'animerait-elle si je lui parlais de X, de Y, des noms chatoyants. Du people. comment matérialiser quelque chose (quelqu'un) qui est de l'ordre du flux et de la fuite ? le dégagement du ridicule passant pour la norme. que peut le roman dans un monde où tous les ridicules se démesurent d'eux-mêmes sans la moindre apparence d'intuition de leur propre dérision ? Peut-on encore exagérer une réalité enragée et contente de l'être ? Même si la graphomanie n'existait pas, il faudrait la combattre. Comme toutes les espèces qui, se sachant menacées, ne peuvent plus rien inventer d'autre que l'accélération de leur disparition, les artistes contemporains adhèrent à l'humanitarisme, qui est l'ennemi mortel de chaque art séparé. Pour que les arts séparés entrent dans la sphère de l'humanitarisme, il faut qu'ils perdent leur spécificité. La meilleure manière de leur faire perdre cette spécificité est de les noyer tous ensemble dans la soupe de la Culture. Ce qui tombe de la littérature à la faveur de son absorption dans la Culture, c'est d'abord la bienfaisante fonction handicapante, complexante, inhibante, “paternelle” en somme, qu'elle exerçait face à chaque candidat écrivain. La Culture ne retire rien aux arts qu'elle absorbe, sauf une chose, une seule, leur qualité d'empêchement : autant dire leur sexe. En tant que destin mondial de l'absence des arts, la Culture est l'expérience essentielle de l'histoire contemporaine. Dans l'époque historique de la littérature, il existait des impostures. Dans l'ère graphomaniaque, il n'y a que des postures. Céline promettait, contre une rente à vie, de ne plus jamais écrire une ligne. Ne permettons plus aux artistes, aux écrivains, déclarent-ils avec autorité, de dire que la condition humaine est tragique, que la mort existe, que Dieu est éloigné, que l'enfance est à jamais perdue. Faisons triompher la vérité ! On n'entend plus les écrivains taper. Moins le graphomane est dans l'admiration (et l'imitation) des œuvres du passé, et plus il est dans la concurrence mimétique avec ses jumeaux en graphomanie. C'est de l'art au foyer. Où trouver un lecteur, quand tout le monde écrit ou s'apprête à le faire ?« Le parterre a tout à coup sauté sur le théâtre. » Et il ajoute avec ironie : « Un homme de génie est presque impossible au milieu d'une foule aussi puissamment intelligente. Napoléon commandait à des soldats silencieux, tandis qu'en littérature chacun s'adresse à des gens qui raisonnent. » « Son bébé, son nouveau film, ses trente ans, son premier roman. » Moins il y a de demande et plus il y a d'offre. Si la graphomanie relevait des lois communes, il y a longtemps qu'elle aurait disparu. Même quand elle prend l'allure d'une lamentation ou d'une critique, sa littérature appartient à l'industrie de la positivité. le graphomane n'a que des amis. Cela suffirait à le différencier des écrivains. chaque participant avait quelque chose à y perdre, ne serait-ce que sa singularité). Ils sont aussi des temps de disparition des genres. Dans les temps d'égalité, l'œil voit ce qui unit. Le graphomane exerce son droit à écrire comme les handicapés exercent leur droit au sport. Celui qui s'arrête fait remarquer l'emportement des autres. se demander ce que peut le roman dans un monde où tout le monde devrait être mort de rire. « Qu'est-ce qu'il y a de plus intelligent chez une femme ? – Le sperrrme. » Elle veut faire des films, des enfants et passer son permis. Maintenant, en ouvrant les journaux, chaque matin, j'ai honte d'être encore vivant parmi eux. La Fête c'est la peste. La Feste ou le choléra. La fin de l'histoire, c'est le règne des femmes. C'est le pouvoir féminin dans toute son horreur. La fin de l'histoire, c'est les hommes devenus femmes. revanche de la progestérone, Mais ça suffit. Le charme est niqué. Ils sont là. Ils sont là, les monstres de l'inadmissible maintenant. « Ce que nous cherchons, dit-il, c'est rendre aux gens leur dignité de consommateurs. » on pouvait baiser pour pas cher dans l'arrière-boutique de “certaines librairies-lingeries”. On empêche la techno d'avancer. ce qui était bon, ou non, pour lui-même. La désinvolture, l'insolence vis-à-vis de la réalité / me faire prescrire des ersatz d'excitants. De l'Ordinator. Faut cesser de dire du mal du monde contemporain, oh oui, oui, oui, mon petit chou. Au lieu de foutre cette bonne femme dans une camisole de force, on lui tend un micro. « Vers sept-huit ans, ajoute-t-elle, je mimais “Apostrophes” avec mes poupées »… l'épidémie actuelle de découvertes de cas d'incestes dans les familles (découvertes très exactement contemporaines de la mise au pinacle de l'homosexualité. Il me révèle, enfin, que le sinistre Nabe chie sur moi dans le troisième tome de son journal. J'ai l'impression assez désagréable qu'elle me parle comme à une copine, moi qui l'ai si solidement enculée par le passé. Je me demande comment, avec tout ça, elle espère mon appui. Enfin elle est charmante. Un peu ennuyeuse. Le lecteur d'aujourd'hui est prêt à payer très cher pour qu'on ne lui dise pas ce qui se passe. Affecté par le collectif. Infecté par le subjectif. on pourra bientôt affirmer, sans faire rire personne, que Don Quichotte a été écrit dans le but de résoudre le problème des banlieues, qu'Illusions perdues est une défense des sans-papiers, que Flaubert luttait pour la visibilité gay et Baudelaire pour la reconnaissance immédiate de toutes les minorités. Les femmes sont désormais les gardiennes de deux choses : 1° Le bon déroulement de l'après-Histoire ; 2° Le mensonge obligatoire concernant le fait que l'Histoire ne serait pas terminée. Bref, j'ai vécu partout sauf parmi les intellectuels de cette époque. C'est naturellement parce que je les méprise ; et qui donc, connaissant leurs œuvres complètes, s'en étonnera ? Bientôt, ils feront leurs gros titres sur le fait que le soleil se lève à l'est (et se couche à l'ouest, pour les quotidiens dits du soir). Ou que c'est mouillé quand il pleut. Mais bien entendu, l'Histoire n'est pas finie, oh non, non, non. L'histoire moderne est celle de ses récupérations. La civilisation actuelle ne tolère aucun extérieur. Ses “ennemis”, elle les accueille et les nourrit, c'est plus sûr. les plus veules présentateurs de télévision font l'apologie de la marginalité. Il faudra inculper les nouveaux totalitaires pour confiscation d'alternative. Ainsi le féminisme et l'homosexualité ont gagné partout, à un point tel que ceux qui en sont écœurés n'osent plus publiquement les vomir ; cependant, même leur victoire doit continuer à être proclamée en tant qu'échec, racontée éternellement sur le mode épique d'une héroïque minorité contre une majorité répugnante ; les machos, les pères, les homophobes, etc., dont il n'existe pourtant plus aucun exemplaire en circulation. Depuis la guerre, c'est la mode de crier au fascisme à tort et à travers, alors que l'on prépare de nouveaux conditionnements socio-culturels, alors que les nouveaux dangers idéologiques paraissent inoffensifs. La culture s'est libérée de l'“élite” qui semblait en être propriétaire, mais, dans le même temps, elle n'a plus cru qu'à elle-même et a été obligée de se constituer en religion pour durer quand-même. toutes les conditions de la vie actuelle rassemblent en leur sein en même temps la maladie et tous les médicaments, analgésiques, hypnotiques, permettant d'endurer cette maladie, et même de l'empirer sans cesse, appel constant à lutter contre des ennemis oniriques, Si, comme je le disais, les individus les plus veules, les appointés les mieux domestiqués du système font jour et nuit l'apologie de la marginalité ou de la subversion, c'est qu'il est impossible désormais à quiconque d'être réactionnaire. le roman ne peut avoir d'autre projet que de dévoiler le monde en tant que valeur d'échange, Devant un bol de café, elle décortique la dépendance des hommes à leur mère, assassine Freud et Dolto, parle de la paternité, de mère toute puissante et assène cette phrase formidable : “Pour moi, l'homme et la femme sont pareils devant les enfants”. Je revois aussi Isabelle, morte aujourd'hui. Isabelle, dans une chambre d'hôtel, à Deauville, en septembre 1975. Isabelle rugissant. Me disant plus tard, dans un bar, en s'accoudant au comptoir : “C'est merveilleux, tu sais, je ne peux plus m'asseoir.” Ce qui me gêne dans ce texte (…) c'est que je m'y plagie. « La seule chose que je me flatte d'avoir comprise très tôt, avant ma vingtième année, c'est qu'il ne fallait pas engendrer. » Oui. Et ce n'est même pas moi qui ai écrit ça, mais Cioran, en 1962. Finkielkraut, paraît-il, se demande pourquoi je le déteste. J'ai eu l'audace, par deux fois, de refuser d'aller à son émission. Je suis tombé sur les cinq mille trois cent quatre-vingt-deux lettres que Bérénice m'a écrites entre octobre 87 et mai ou juin 88. Je les ai vaguement relues, puis jetées. Je n'ai conservé que les photos, celles surtout où elle est à poil avec vue sur son cul, ses hanches agressives, sa grande toison noire hallucinée. Tout cela est allé rejoindre d'autres documents dans un petit cimetière de chattes mortes connu de moi seul.