Maintenant, ferme les yeux. À quoi est-ce que je ressemble ?, lui demande-t-elle en lui mettant ses pieds nus près du visage. Elle rit. C'est l'automne. On entend la Jeune fille et la mort, de Schubert. Tu bois toujours beaucoup, le soir ? Oui, non, enfin je bois un peu, oui. Pas toi ? Mais quand je suis seule, je ne bois rien, tu sais. Ou alors du thé brûlant. Je ne suis jamais vraiment ivre. Alors, dis-moi à quoi je ressemble. Tu as de très jolis pieds. Ah bon, tu trouves ? Oui, je trouve. C'est rare. Vous couchez encore ensemble ? Qu'est-ce que c'est que ces questions ? J'aimerais bien savoir, mais si tu ne veux pas répondre, ne réponds pas. D'accord, je ne réponds pas. Alors, à part mes pieds ? Tes doigts sont fins, fragiles, le petit doigt de ta main droite est légèrement déformé. Oui. L'adultère, ça t'excite ? Non, non, vraiment non, je ne crois pas. Tu ne me dis pas grand-chose sur moi… Sur toi, sur ton corps ? Sur ce que tu veux. J'ai envie que tu parles de moi. Tu n'as pas des mollets de danseuse. Non, mais j'ai été sportive, tu sais ! Je sais, mais ça ne se voit pas trop, heureusement. Tu es ici, près de moi, j'ai les yeux fermés, et je te vois comme si je t'observais depuis une cabine téléphonique un jour de pluie. Sois plus précis. J'essaie d'être le plus précis possible, crois-moi. Ton ventre, par exemple… Oui ? Je peux le toucher ? Oui. J'adore ton ventre. J'ai un peu de ventre. Juste ce qu'il faut, si tu veux mon avis. J'aime savoir ce qui se passe dans ta tête, et dans ton ventre. Ça te passera. Tu n'en sais rien. Mais si, je le sais, bien sûr que je le sais. C'est la vie. Non, la vie ce n'est pas ça. La vie c'est tes fesses. Tu aimes mes fesses ? Comment sont-elles ? Comment s'appelle ce parc, au-dessus de Prague, où nous nous étions assis ? Tu dois confondre, je ne suis jamais allée à Prague. Tu as déjà participé à une partouze ? Mais ça va pas, non ! Bon, bon, je n'ai rien dit. Et toi, tu as déjà partouzé ? Non. Non. Je suis peut-être en train de mourir, là, je ne sais pas si tu en es conscient ? Pourquoi dis-tu ça ? Je ne sais pas. Quand je suis près de toi, je sens que ma vie ralentit. Elle ralentit tellement que je pense qu'elle va s'arrêter. Mais c'est très méchant, ce que tu dis là ! Non, pas du tout, ce n'est pas méchant, c'est une sensation agréable. J'aime ton prénom. Oui, tu me l'as déjà dit. Ah bon ? Tiens, je n'ai aucun souvenir de ça. Qui parle ? Toi, ou moi ? Je ne sais plus. Ça a de l'importance ? Non, pas beaucoup. Tu as ouvert les yeux ! Oui, j'ai ouvert les yeux, oui. Je ne vais pas disparaître, ne t'inquiète pas. Oh si, je m'inquiète. Si tu savais… Il prend la main de la femme et la place sur son visage. Es-tu contre le mensonge ou contre le plaisir ? Est-ce que je te déçois déjà ? Est-ce que je peux te poser toutes les questions ? Es-tu malade ? Est-ce que tu aimes ma façon de m'habiller ? As-tu aimé être enceinte ? Elle caresse la joue de l'homme. Ne répond pas.
(…)