mardi 21 avril 2020

Le Mal en patience (4)


Le COVID, c'est d'abord un attentat contre les malades, contre tous ceux qui étaient malades avant son arrivée sur le marché, les cardiaques, les cancéreux, les sclérosés en plaque, les malades orphelins, les malades au long cours, les malades ordinaires, les handicapés sévères, les brûlés, les énervés, les écorchés, les écervelés, les trépanés, les aliénés, les aveuglés, les paralysés, les accidentés, les martyrisés, les oubliés, les esseulés, tout ce peuple meurtri et fragile qui, juste avant la survenue de COVID Ier, emplissait les chambres d'hôpital et les mouroirs cachés, les hospices des pauvres et les cliniques des riches.

Sa majesté COVID les a fait disparaître, tous ces malades et toutes ces maladies. Une maladie majuscule a relégué les maladies ordinaires dans les souterrains du réel. Comme elle a vidé les rues et les villes, elle a vidé les hôpitaux et les cabinets médicaux, mais également l'esprit de l'homme. La vérité ordinaire a cédé le pas à la Vérité virale, la vérité banale à la Vérité extraordinaire, la vérité plurielle à la Vérité unique. Et la Vérité majuscule a ceci de particulier qu'elle tue tout ce qui n'est pas elle. J'ai connu, personnellement connu, des gens qui, avant le COVID, étaient parfaitement capables de réfléchir, et qui ont cessé brutalement de faire usage de leur intelligence, dès l'arrivée sur le marché de la Vérité virale, basée sur les nombres et les statistiques. Quelque chose en eux s'est débranché. Un circuit a été rompu. C'est très net. Ils ont d'eux-mêmes cessé, d'un seul coup, de se servir de leur esprit, comme si cette cessation était une offrande au dieu COVID. Une vérité chiffrée, une vérité de laboratoire ou de tableau noir est tellement plus sexy qu'une vérité sale, approximative, sanguinolente, et qui sent.

On observe que les pays pauvres ont réagi comme on réagissait dans le monde d'avant, ce monde duquel la Vérité virale était absente. On est malade ? Eh bien il faut soigner ! Pas de ça dans les pays riches qui, eux, ont désormais à leur disposition une réponse d'un niveau supérieur. Vous êtes malades ? Il faut apprendre à vivre autrement, à vivre à travers un écran, dans un écrin. Il faut changer de paradigme (ils adorent cette expression). Platon écrivait qu'« on peut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de l'obscurité. La vraie tragédie de la vie, c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière ». La lumière crue du réel blesse les yeux de Moderne, il lui préfère celle du Chiffre, du Numérique, le confinement social, la distanciation corporelle. Les réseaux dits sociaux nous y auront efficacement préparés. 

Avez-vous remarqué que dans COVID il y a "vide" ? Comme dans un tour de magie, nous avons tous braqué les yeux sur quelque chose qui n'existait pas, pendant que le prestidigitateur agissait ailleurs. Il ne s'agit pas d'un attentat, comme je l'écris plus haut, mais d'illusionnisme. Plus on éclaire le faux, plus le vrai disparaît.