mercredi 29 mai 2019

Registre national du refus

« ‪Il y a 37 ans, la sublime Romy Schneider nous quittait.‬ » Et au-dessous de ce "statut" Facebook, des smileys pleurnicheurs, et des « Elle était merveilleuse »… Je n'en peux plus.

Facebook, on n'en peut plus. Un tel déversement quotidien de bêtise vient à bout des meilleurs organismes. 

On pourrait presque tous les citer, les statuts Facebook… 98% des "statuts" (je ne me ferais jamais à ce mot) sont de cet ordre-là, et encore, ils ne sont rien à côté des "commentaires".

Tiens, par exemple, ce petit dialogue, sous une photo de profil :
– L'Homme : Pas assez souriante 😂😅😋😘
– La Femme : Je ne suis pas une femme Souriante C'est ma gueule !
– moui mais tu a le regard grave...
– Certes Je suis comme ça Grave de légèreté Et légèrement grave
– Joliment dit
– C pas ma photo préféré alors...
– Sûrement Mais c'est elle qui me représente le mieux
– sauvage
– Vouala Tout est dit Un puma
– Une prédatrice sensible...
– Rien que ça !? Vu comme je reste dans ma tanière Ça risque pas d'arriver, pour le côté "prédatrice"!
– je vous sortirai de votre tanière Pour un cigare et un Martini
– Peut être
– on verra
– Voilà

Le ridicule achevé des commentaires et des commentateurs politiques… 

Jour après jour, ils ne se lassent jamais, ils tapent toujours sur les mêmes cibles, avec une opiniâtreté de mulet sans mémoire. Ils l'ont fait la veille, mais ils ont sans doute oublié, alors il faut le refaire aujourd'hui, et surtout demain. Attali, BHL, Brigitte Macron, etc. On pourrait dresser des listes interminables de ces appâts irrésistibles, véritables chiffons rouges pour les taureaux numériques qui se pressent en cette arène. À deux ou trois exceptions près, on ne regrettera pas cette presse. 

Hier-soir, j'ai déposé un petit texte idiot, qui, bien sûr, a eu beaucoup de succès. On peut être certain que tout ce qui est liké est mauvais. 

Et l'autre, qui donne du "Cher ami" à Renaud Camus. C'est inouï. Cher ami, à l'un des grands écrivains français, qui a soixante-treize ans, alors que lui en a cinquante. Pourquoi pas "cher collègue", pendant qu'il y est ? Plouc et replouc. 

Le déménagement secret de mon blog a de grands avantages. L'un de ceux-là est qu'ENFIN je suis débarrassé des lecteurs qui venaient de chez Didier Goux. Ils n'ont pas retrouvé ma trace : quel soulagement ! 

Je viens de recevoir ceci, par mail, qui est tout à fait extraordinaire : « Vous avez effectué une demande d'inscription sur le registre national du refus. Après vérification des pièces fournies, votre demande est validée. » Il s'agit de refuser de donner ses organes, bien entendu, mais je trouve que la proposition s'applique merveilleusement à mon état d'esprit du moment, quant à la vie. Je suis donc inscrit dans le Grand Livre du Refus. Ouf ! Il était temps !

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au temple de Jérusalem. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de dessiner une croix gammée sur une plage. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit de blasphème. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allèrent l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

« ces jours derniers, j’ai été très pris, et, me trouvant entre deux villes et deux trains, je me suis tenu éloigné des réseaux sociaux – mais j’ai pu voir la photo de Fiorina Lignier : j’approuve totalement votre décision de vous retirer de La Ligne Claire. Je ne veux moi-même rien avoir en commun avec cette frange-là du « milieu natio », ses réflexes antisémites et son folklore nazi. Ces choses-là ne me font pas rire : mon grand homme est depuis toujours celui du 18-Juin, et la Résistance ma seule référence. » Moi, moi, moi… Quand on publie une lettre ouverte en soutien à quelqu'un d'autre, on ne parle pas de soi, ou le moins possible.

Plouc.

« J’ai simultanément découvert les attaques répugnantes dont vous faisiez l’objet. J’ai publié dans l’urgence sur Facebook quelques lignes pour dire ce que j’en pensais : ce n’était pas assez, et j’aurais voulu livrer un texte plus fourni – mais j’ai dû encore disparaître quelques jours. » Je, je, je…

Replouc.

Et ça, encore : « Quand j’ai réapparu, ce fut la seconde photo, celle d’une colistière faisant un salut nazi ; et de nouvelles injures contre vous, d’une spectaculaire hideur (j’ai bien vu que j’étais un amateur, avec mes grossièretés à l’égard de Mme Schiappa). Cette fois, c’est comme si le voile se déchirait : on ne minimisait pas le nazisme, on vivait dans sa mythologie. Ainsi, c’étaient eux, les militants qui disaient vouloir nous suivre, nous aider, nous soutenir : des Sections d’Assaut de réseaux sociaux. Jamais je ne me serais engagé à figurer sur cette liste si j’avais su que j’aurais affaire à eux, qui ont paru n’attendre que ce moment pour révéler leur vraie nature. »

Pour faire un bon mot (les « Sections d’Assaut de réseaux sociaux ») il perd la vérité en cours de route – la vérité mais pas son personnage… Comme il est avantageux de forcer la réalité pour se peindre soi-même en héros trahi ! Il faut néanmoins reconnaître que l'écrivain-qui-n'est-pas-écrivain est un peu petit bras, si on le compare à un Karim Ouchikh, capable d'écrire tranquillement : « La politique est une affaire de lucidité, de courage et de principe (mon parcours en témoigne largement), mais aussi de sang-froid, de lucidité et peut-être aussi et surtout d’esprit de corps (n’avons-nous pas "charge d’âmes" ?). »

De cette lettre ouverte, je ne sauve que le deuxième et le dernier paragraphes.

Un troisième chat a fait son apparition aujourd'hui, au jardin. Il est gris, et très maigre. Moins craintif que les autres, il est venu se faire caresser. Je lui ai donné un peu de pâté. C'est amusant, il y a trois chats qui me rendent régulièrement visite : un tout blanc, un tout noir, et un tout gris. Non, j'oublie le quatrième, qui est tigré, mais lui, c'est un chat domestique, bien nourri, bien propre, et qui sent bon. Les trois autres sont à l'évidence des chats qui doivent se débrouiller seuls pour se nourrir. Le noir est d'ailleurs assez voleur pour se faufiler dans ma cuisine quand je laisse la fenêtre ouverte. Ils sont perpétuellement aux aguets, le noir et le blanc ne font confiance à personne. On les sent toujours sur la brèche. Pour eux, la vie est un combat incessant. Le gris est un peu plus abordable, bien que très méfiant. Est-ce pour cette raison que c'est le plus maigre des trois ? Ils ont chacun leur personnalité : le noir est le plus hostile, le plus dur, le blanc le plus craintif, et le gris semble le moins expérimenté.

Comme toujours quand je décide de quitter un lieu, une institution, une famille, un clan, une profession, je ressens un soulagement intense. Je ne suis pas fait pour appartenir. Tous ceux qui publient des livres (je ne parle pas de ceux qui en écrivent, mais de ceux qui en publient) ont lutté pour appartenir à la famille des écrivains. Je comprends qu'on ait envie d'en faire partie, mais je sais aussi qu'une fois admis dans le cénacle, il faut absolument s'en aller. La place qu'on occupe ne peut pas être neutre. On veut le croire, très souvent, mais ce n'est pas vrai. Il faudrait pouvoir faire sans être, et être sans faire, mais c'est malheureusement impossible dans la vie réelle, dans la vie sociale.

On aime beaucoup parler de la taqîya des musulmans, bien réelle, mais il existe aussi une taqîya des jeunes nostalgiques du IIIe Reich qui ont trouvé abri dans la "fachosphère", je m'en aperçois aujourd'hui, un peu tard. Les vieux, eux, ne s'en cachent pas, mais leurs descendants sont plus malins et plus prudents. Ils fanfaronnent volontiers en se disant fascistes, mais en revanche, ils sont beaucoup plus discrets quand il s'agit de se revendiquer du national-socialisme.

Romy Schneider… Quand je pense qu'elle était chez Brialy, dans son appartement de la place des Vosges, quand j'allais rendre visite à Tante Glyne, en face… Elle aussi était inscrite sur le Grand Livre du Refus.