Hélène croit toujours que je lui cache quelque chose. Elle me regarde et creuse en moi des galeries. Elle fait attention à tout. Si elle élève un peu la voix, l'instant d'après elle vient s'excuser.
Nous nous sommes rencontrés dans le train, le matin, très tôt, entre Dijon et Paris. Elle dormait, la tête posée sur la tablette, devant elle, et on ne voyait pas son visage tant sa chevelure était abondante, qui recouvrait tout.
Je suis passé plusieurs fois.
Comme le train était à peu près vide, j'ai changé de place, je me suis installé dans la même rangée, de l'autre côté du couloir. Elle a levé la tête, l'a tournée de mon côté, m'a jeté un bref coup d'œil, et s'est rendormie aussitôt. J'avais eu le temps d'apercevoir ses yeux gonflés, son long cou, et ses épais sourcils.
Peu après Laroche-Migennes, elle a ouvert un œil et est allée aux toilettes. Quand elle est revenue, je l'ai regardée, jusqu'à la gêner. Elle a ouvert la bouche, comme si elle allait dire quelque chose, mais s'est ravisée et s'est assise sans bruit. Je l'ai vue regarder par la fenêtre (le jour commençait à se lever), et j'apercevais parfois sa bouche dans le reflet de la glace contre laquelle elle avait appuyé sa tête. Elle allait peut-être se rendormir, alors je me suis levé et me suis assis à côté d'elle. Elle a tourné la tête vers moi sans sourire et je me suis excusé. Elle m'a demandé de quoi. J'ai répondu de vouloir être près de vous. Elle m'a demandé si elle pouvait continuer à dormir. Je n'ai pas pu refuser. Alors elle a posé la tête contre mon épaule et elle a fermé les yeux.