samedi 1 septembre 2018

À Table !



– C'est la Gauche !
– Non, c'est la Droite !
– Non, la Gauche !
– Non, la Droite !
– Mais pas du tout !
– Bien sûr que si !
– Mais enfin, vous êtes fou !
– C'est vous qui l'êtes !
– C'est ce que dit toujours la Gauche !
– Oui, la Droite parle toujours ainsi, on le sait !
– La Droite sait où elle va.
– C'est la Gauche qui a une ligne directrice !
– Mais oui mais oui, c'est ça !
– Mais oui, parfaitement !
– Laissez-moi rire…
– Je vous laisse rire, mais c'est un fait.
– Les gauchistes sont fous et dangereux.
– Les droitards sont des salauds.
– Le communisme a fait plus de mort que le nazisme !
– Vous ne savez pas compter, à droite !
– Vous voyez ! Vous êtes complotistes, en plus !
– Non, nous sommes réalistes, et scientifiques.
– Ah ah ah, scientifiques, laissez-moi rire !
– Mais oui, parfaitement ! La science est de gauche.
– C'est la folie, qui est de gauche, oui !
– Et la culture est de gauche aussi.
– Et mon cul, il est de gauche ?
– Ah non, alors ! Vous avez un cul de droite, vous, c'est net !
– Et vous des pieds de gauche. C'est affreux, monstrueux !
– Et cette chevalière, là, non mais quelle horreur !
– Non mais dites donc ! Je n'ai rien dit de vos mains sales !
– Les mains sales, c'est plutôt un truc de droite, ça. Vous les trempez dans la merde…
– Comme votre Jean-Paul Sartre ?
– Comme votre Brasillach, vous voulez dire !
– Ah oui alors ! Vive Brasillach, si on le compare à Sartre !
– Vous voyez, vous n'avez même pas honte !
– Mais de quoi aurais-je honte ?
– Un Collabo, un traître, un fasciste !
– Collabo vous-même, traître vous-même !
– Ah, vous ne manquez pas d'air !
– Si, je manque d'air ! Vous me pompez l'air, Monsieur !
– Tant mieux ! Des gens comme vous ne devraient pas avoir le droit de respirer.
– Respirer près de vous ? Vous n'y pensez pas ! Ça sent bien trop mauvais…
– Vous êtes injurieux et méprisant.
– Vous êtes con et bien-pensant.
– Ah, je l'attendais, celle-là.
– Eh bien oui, vous êtes un bien-pensant, c'est la vérité.
– La bien-pensance est de droite, tout le monde sait ça.
– En plus d'être con, vous êtes inculte.
– Ah, ça y est, le mépris de classe, comme toujours…
– Ah, ça y est, le coup du mépris de classe, comme toujours…
– On ne peut pas discuter, avec des gens comme vous.
– C'est ce que j'allais dire : vous êtes trop bête !
– Trop bête pour Monseigneur, oui, c'est certain !
– Ce n'est tout de même pas ma faute si vous êtes de gauche !
– Ça, non, vous n'y êtes pour rien, c'est vrai !
– Ah bon ? Et moi qui croyais que c'était à cause de gens horribles, comme moi, que la Gauche avait conçu son grand projet…
– Ne vous donnez pas tant d'importance. Vous n'existez tout simplement pas. 
– Je n'existe peut-être pas mais vous avez quand-même le projet de m'anéantir !
– N'employez donc pas de grands mots que vous ne comprenez pas. Nous voulons seulement l'égalité sociale.
– L'égalité sociale ? Mais c'est un mensonge. Ce n'est pas l'égalité sociale, que vous voulez, c'est l'égalité tout court, c'est l'égalité en tout et pour tous. 
– Eh bien oui, justement. Nous voulons l'égalité en tout et pour tous ! Vous ne pouvez pas comprendre, puisque vous êtes pour les privilèges. 
– Les privilèges, non, mais les différences, la non-égalité, la discrimination, oui.
– Ah, vous voyez ! La discrimination ! 
– Mais oui, la discrimination ! La discrimination est à la base de la liberté. Le choix…
– Ne parlez donc pas de liberté ! La seule liberté que vous connaissez, c'est la liberté du riche d'écraser le pauvre, c'est la liberté du bourgeois de mépriser le prolétaire, la liberté du national d'exploiter l'étranger.
– Mais vous n'en avez pas assez, de répéter éternellement ces formules creuses auxquelles vous ne croyez même pas ?
– Mais si, j'y crois.
– Oui, j'oubliais, vous êtes un croyant, vous êtes un bigot, vous êtes un curé.
– Je préfère être un curé qu'un salaud.
– Mais vous ÊTES, un salaud, et le pire de tous, puisque vous êtes un salaud qui se prend pour un type bien.
– Ça vous dépasse, hein, qu'on puisse vouloir le bien !
– Vouloir le bien ? Mais quel bien, où voyez-vous du bien, dans vos projets tordus de curé sadique ?
– Donner à manger à tout le monde, vouloir que les femmes soient les égales des hommes, vouloir protéger le faible contre le fort, ce n'est pas bien, pour vous ?
– Non, en effet, ce n'est pas bien du tout, parce que le mensonge n'est jamais le bien.
– Mais qui vous parle de mensonge ?
– C'est précisément ça, le problème de la Gauche, elle finit par croire à ses mensonges.
– Là où vous voyez des mensonges, je ne vois que des utopies.
– Depuis le temps que vous pourrissez la vie de tout le monde, avec vos utopies, il ne vous est pas encore venu à l'esprit que ces utopies n'étaient que le vice à l'état pur ?
– Vous préférez vous contenter de ce qui est, de l'injustice éternelle, que vous voulez reproduire pour les siècles des siècles, comme il est dit dans votre maudit bouquin ?
– C'est de la Bible, que vous parlez ?
– Bien sûr que je parle de votre foutue Bible, ce livre terrible qui nous a mis dans le pétrin depuis vingt siècles !
– Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas, je vous prie.
– Ah, ça vous ennuie, hein, que je connaisse la Bible !
– Vous ne la connaissez pas.
– Mais si je la connais. Je la connais suffisamment pour savoir toutes les horreurs qu'elle renferme, tous ces ferments de haine qu'elle distille depuis que votre Jésus de Nazareth s'est cru autorisé à se prendre pour Dieu.
– Vous venez de prouver que vous ne connaissiez pas la Bible.
– Et alors ? Qu'est-ce qu'on s'en fout, de la Bible, de la Torah, de tous ces vieux grimoires qui ne nous disent plus rien depuis longtemps ?
– C'est curieux, pourquoi ne mentionnez-vous pas le Coran ?
– Mais oui, mais oui, le Coran, si vous y tenez. Et aussi le catalogue de la Manufacture de Saint-Étienne. Ça vous branche, ça, les armes, non ?
– Pas spécialement, mais il faut bien se défendre contre les fous de votre espèce.
– Et les "invasions barbares", n'est-ce pas ? Vous devez sans doute trouver que nous sommes envahis par les bougnoules et les bamboulas…
– En effet, nous sommes envahis, c'est un fait.
– J'en étais sûr. Ce que vous êtes prévisibles, vous, les gens de droite.
– Si vous nous trouvez prévisibles, c'est que vous voyez la réalité aussi bien que nous. Simplement, vous n'osez pas la nommer.
– La réalité, vous voulez parler de votre fameux Grand Remplacement, là ?
– Par exemple, oui.
– Le fantasme d'un vieil écrivain moisi et sans talent retranché dans son château du Gers, recroquevillé sur ses peurs et ses souvenirs qui n'a pas pris ses pilules à temps…
– Vous au moins vous n'avez pas peur des clichés. Vous les ramassez à la pelle. Je me demande ce que vous faites des monceaux que vous accumulez ainsi…
– Il ne manque pas d'air, le droitard, de me parler de mes clichés, lui qui aime tant les préjugés !
– Cher ami, vous me donnez l'idée d'un slogan, et je vous en remercie : Vive les préjugés ! À bas les clichés !
– C'est complètement idiot, puisque c'est la même chose. Et je ne suis pas votre ami !
–Ah, on peut dire que vous me facilitez les choses, vous.
– Ce qui signifie ?
– Ce qui signifie que vous ne cessez de confirmer ce que je pense de vous et de me démontrer que j'ai raison d'avoir cette opinion de vous.
– Ne faites pas le malin, vous n'en avez pas les moyens.
– C'est vrai, je n'ai pas les moyens d'être malin, et de plus cela ne servirait à rien de l'être avec vous.
– Et pourquoi donc ? Vous me trouvez trop bête pour partager votre vision paranoïaque de l'histoire ?
– Je vous crois suffisamment intelligent pour croire parfois à ce que vous ne voyez pas, mais largement assez bête pour ne jamais croire ce que vous voyez.
– Ah ah ah ! C'est vraiment l'EHPAD qui se fout du CARE. Vous êtes incurable !
– Merci du compliment. Si guérir c'est vous ressembler, plutôt crever !
– En fait, vous êtes une caricature : le droitard dans toute sa splendeur. Prétentieux, arrogant, méprisant, sûr de ses valeurs, obtus, sans aucune compassion pour le genre humain, pour ceux qui souffrent…
– Ceux qui souffrent… J'imagine que vous avez à l'esprit vos éternels damnés de la terre, vos saints laïques, votre divin prolétariat ?
– Ah, ça vous défrise, qu'on se sente proche des petites gens, hein !
– Proche des petites gens, vous ? Mais quelle blague ! Vous ne les voyez pas, vous ne les connaissez pas, vous les créez, dans votre labo idéologique qui sent la mort et le goulag !
– Ça y est, c'est reparti avec les clichés.
– Ce ne sont pas des clichés. Quand vous vous désintéressez de vos prolétaires, sans doute parce qu'ils ne votent pas bien, vous allez en chercher à l'autre bout du monde et vous les façonnez à votre image.
– Nous essayons d'être en empathie avec nos frères humains, oui, et nous en sommes fiers.
– Empathie de Jean-Foutre ! Vous n'aimez pas les autres, puisque vous voulez qu'ils soient les mêmes.
– Je vous vois venir, avec vos arguments spécieux. La Gauche a toujours voulu le bien des peuples.
– Ça c'est vrai. Y compris en les colonisant.
– Et votre Église, elle n'a pas cherché à les convertir, peut-être, ces peuples que vous trouviez inférieurs ?
– L'Église, ce n'est rien du tout, si on compare avec les massacres de votre chère Révolution.
– MA Révolution ? Ah oui, c'est vrai que vous ne vous sentez pas républicain, vous !
– Oh si, par la force des choses, mais enfin, je ne suis pas comme vous dévotement attaché à cette révolution, c'est vrai.
– La Révolution a libéré le peuple, et ça ça vous embête, hein ! Vous préfériez les serfs et les privilèges attachés à une caste.
– Les castes… Vous voulez vraiment qu'on en parle ? Je vous préviens que ça ne vous sera pas fav…


À taaaaable !!! 

– …

Georges, tu es encore en train de parler tout seul ? Viens dîner, s'il te plaît, la soupe est servie ! 

– J'arrive, j'arrive ! Si on peut même plus discuter politique, maintenant…