samedi 16 juillet 2011

La Pluie


Sous la pluie, il se sent coupable. Être mouillé le désigne comme étant celui qui ne passe pas à travers les gouttes, qui est malhabile, comme le sinistre qui ne peut cacher sa malheureuse présence à contre-temps. Même lorsqu'il fait beau, il sent bien que toute trace d'humidité en lui, sur lui, n'a pas disparu. Tous ceux qu'il croise, il les considère comme des "Tropicaux", ils possèdent certainement une sorte de convecteur intime qui les immunise, à titre individuel et collectif, contre les larmes acides du ciel, car ils sont impeccables. Lui est le dernier pécheur sur Terre, il en est certain. Homme tempéré qui ne marche que blessé de son scrupule aigu, tenant son parapluie d'une main moite, prêt à tout instant à faire amende honorable, il baisse les yeux. Comment en est-on arrivé là ? se demande-t-il silencieusement. Pourquoi moi ? Il cherche dans son passé, parmi ses aïeux, et ne trouve que trop facilement des raisons à cette situation. Mais eux, tous ces Tropicaux, ils n'ont donc rien à ne se reprocher ? Comment ont-ils échappé à l'antique malédiction ? N'ont-ils pas eux aussi des parents, une histoire ? Ils sont beaux, ils ont une grande santé, ils sont joyeux, nulle frayeur ne se lit dans leur regard, leur démarche est franche, souple, leurs paroles sont assurées, ils ont cet air de qui se sent en plein accord avec l'instant et le lieu, un lieu clair et sec, chaud et lumineux. S'ils savaient qui est celui qu'ils ont croisé, ils ne le comprendraient sans doute pas, il est même possible qu'ils ne le voient tout simplement pas, ces Impeccables.