mercredi 22 juin 2022

Bander à Bandol (la chanson)


(…)

Sans l'effroi, le sexe n'est pas grand-chose. C'est une chose qu'on sent bien, quand on écrit, ça. Peut-être aussi quand on n'écrit pas. Mais écrire, c'est décoller l'effroi du désir, ou plutôt l'inverse, c'est les séparer artificiellement à l'aide des mots. Tout le monde ment, oui, mais on peut mentir avec plus ou moins d'intelligence érotique, et le sexe est une caisse de résonance pour les mots. Nous cherchons dans le sexe une autre direction que celle des jours, que celle du mouvement de la vie claire, et il arrive qu'on la trouve, mais cette direction n'a pas d'épaisseur, sans les phrases, elle reste muette et poisseuse. Le monde que Clara me laisse entrevoir est un monde d'où la sexualité a été rejetée aux marges, non pas parce qu'elle serait un péché, ou qu'elle serait immorale, mais plus simplement parce qu'elle a raté son examen d'entrée dans la société-générale de pénurie qui se donne des airs de grandiose sauvetage. Toutes les issues sont condamnées, je crois. On ne rentre plus. On ne sort pas. L'effroi, qui était jusqu'alors une sorte d'arrière-pays très-haut terrifiant que nous pouvions par moment observer, est désormais à l'intérieur de nous, au centre, au fond, il a pris la parole et il ne la lâche plus, il fait même taire tout ce qui n'est pas lui, car c'est une grande gueule infâme. La lenteur, le secret, le silence, la distinction, c'est pas son truc. Pour le dire simplement, l'effroi a changé de signe : de noble, il est devenu ignoble. Encore un pan de l'être qui s'écroule sans que personne ne s'en avise. Tout ce qui les intéresse, c'est la température des pôles, les chiffres, les courbes des ventes et la survie éternelle. Encore une saloperie de mot qui a changé, incognito, l'effroi. C'est plus que le grand chagrin qui boîte, pénible, dans le boucan dégueulasse des minables humoristes. Plutôt la gangrène ! Et le sexe va se planquer, qui titube de honte non bue. Mais qu'on nous rende notre bon vieux cul, merde ! Le monde des chattes bien poilues, bien humides et bien mijotées dans les culottes de coton blanc, du whisky et des ballades jouées par John Coltrane. Au moins celui-là ! Ça devrait pas être si compliqué, non ? Je veux bander encore un peu, moi. J'y ai droit ! 

(…)


File-moi ton obole,

Ma belle Fernande,

Que je me gondole 

Comme une légende

Sur mes pauvres guiboles. 


C'est à Bandol

Que je bande.

C'est une farandole

Au goût d'amande,

Mais je dégringole

Et j'en redemande.


Mets-moi la camisole

Qu'on danse la sarabande,

Et verse tout l'alcool 

Avant que j'en redemande.

(Dans son faux-col

Il se réprimande.)


J'en ai ras le bol

Et je débande !

Il me faudrait deux bémols

Par-dessus la viande

Pour que ça me console

De la sale gourmande.