dimanche 25 avril 2021

Petit portrait en prose (21)

Elle avait toujours au cou cette vilaine marque laissée par l'instrument, l'alto, elle tenait sa cigarette un peu à la manière de Michel Houellebecq, elle avait un léger défaut de prononciation et elle était jolie, avec ses yeux vairons, même alors qu'elle imitait l'accent picard dans le métro. Elle avait longtemps été la maitresse d'un célèbre violoncelliste parisien et elle me suçait dans les toilettes du conservatoire. 

Tout le monde la trouvait fragile et délicate, mais elle m'avait ridiculisé en courant plus longtemps et plus vite que moi, un matin que j'avais voulu l'impressionner, en Haute-Savoie. Elle aimait m'inviter dans les restaurants à la mode, à Paris.

Quand je me suis installé place des Vosges, elle m'a aidé à déménager, très vaillamment, et je l'ai beaucoup fait souffrir, car j'étais alors amoureux d'une fille beaucoup plus jeune. Elle s'est bien vengée de moi, par la suite, et j'ai eu honte de penser tant de mal d'elle.