Depuis toutes ces années, je suis dans la peau de Jérôme Vallet. Au début, c'était juste pour quelques heures, quelques jours, tout au plus, mais on m'a oublié là. Je suis Jérôme Vallet, aujourd'hui, et il semble que rien ne me fera plus sortir de ce personnage. Je ne sais pas comment ça s'est fait. Je ne me suis pas rendu compte. Je trouvais ça amusant d'avoir une identité, mais je n'ai pas réellement pris garde à ce qui arrivait. Le perle vient du fond de l'océan, elle est cachée, personne ne la voit venir. J'ai sombré dans un profond sommeil. J'ai oublié qui j'étais. J'ai oublié d'où je venais, et quel était mon nom. C'est en le lisant un peu partout, que j'ai su.
Au bout d'un moment, on s'habitue, bien sûr. Les autres nous appellent comme ça, on ne relève plus, à quoi bon. On ne peut pas lutter contre le monde. Si le monde dit que vous vous appelez Jérôme Vallet, c'est qu'il en est ainsi. (Je dis ça parce qu'il faut le dire, mais je n'en pense pas un mot.)
Je connais quelqu'un qu'on appelle Ophélie S. — qu'on appelle et qui s'appelle. On me l'a présentée sous ce nom, qui lui va bien, mais je me demande depuis combien de temps exactement elle est Ophélie S. : est-elle complètement et définitivement Ophélie S., c'est ce que j'aimerais savoir. Il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts, et ceux qui connaissent Ophélie S. Je ne suis ni mort ni vivant.
Ma vie aurait tout de même été un peu moins ratée si j'étais mort en sodomisant Ophélie S.