lundi 6 août 2018

« De qui se moque-t-on ? »



Nanard adore prononcer cette phrase. Il sent gonfler ses biceps. C'est une variante de la méthode Coué.

De qui se moque-t-on ? Mais de toi, bien sûr, et tu l'as parfaitement compris. Ce n'est pas la peine de faire semblant de poser la question, pour tenter d'offusquer la légitime humiliation qui devrait être la tienne, par ce pauvre geste de bravade. Oui, toi, c'est bien de toi qu'on se moque, et si l'on peut se moquer de toi, c'est pour une raison simple : c'est que tu permets qu'on se moque de toi. Qui permet encourage. 

Quand il a dit ça, le Français, il est soulagé, a alors l'impression qu'on se moque un peu moins de lui. Pourtant, c'est l'inverse : plus il profère ce genre de sentences plus le pouvoir et l'ennemi se moquent de lui. Je dois reconnaître que je les comprends : quand un peuple passe son temps à montrer qu'il est faible, sans défense, sans nerfs et sans mémoire, toutes les pulsions agressives alentour sont stimulées au centuple. 

Les « de qui se moque-t-on » comme les « pauvre France », les « on va dans le mur » et les « on marche sur la tête, là », ce sont des phrases qui sont faites pour être prononcées, pas pensées. La profération annule le sens.

Que le Souchien retrouve ses vieilles formules et ses vieux dictons serait une bonne chose si ce n'était pas une manière de façadisme langagier : les mots sont les mêmes, on les reconnaît, et pourtant, derrière, tout a changé, plus rien n'est pareil. C'est un corps énervé, c'est une âme inanimée, c'est un squelette en caoutchouc, c'est un peuple qui répète des syntagmes sans les entendre, pour celer son impuissance, cette agénésie qui lui gonfle la bouche. Ça manque d'épinards, Nanard !