Je pense que tous ceux qui écrivent le savent, mais je suis toujours surpris d'une chose, qui est que lorsqu'on écrit deux phrases, on peut être absolument certain que celle dont on est content, qu'on pense avoir réussie, n'intéresse absolument personne, et que l'autre, tout à fait banale, va donner lieu, en certains cas, à d'innombrables commentaires. Il suffit pour cela qu'elle ouvre la porte sacrée de l'opinion.
L'opinion n'est rien d'autre que cette chose à laquelle on accroche son être, le temps d'un frottement d'épidermes. C'est la partie la moins intéressante d'un corps parlant, mais c'est celle qui prend le plus de place, toujours.
Là encore, je vois la grande supériorité de la musique sur tous les autres arts. Un contrepoint réussi n'a rien à voir avec l'opinion : il se dégage de lui une vérité incontestable, qui organise l'espace acoustique en produisant une joie de tous les sens — plus de l'intelligence. Savoir et saveur sont inextricablement liés, alors, et le nœud qu'ils forment est une des figures suprêmes de la connaissance.