Ça tape à l'intérieur. C'est douloureux. Opaque. On a des acouphènes, des désespoirs nerveux, des coups sourds nous traversent, lancinants, une tension permanente qui empêche de dormir. Si l'on pouvait mourir un bon coup… Céder, sous la pression. Pas de lendemain. Nul emploi du temps… Être débarrassé de tout ce qui oblige à poursuivre sans qu'on en voit la nécessité. J'ai peur.
Comment savoir ?
On ne peut pas faire qu'on n'ait pas vécu, c'est impossible, et pourtant, on sait trop bien que dès la sortie on sombre dans un néant qui se répercute instantanément, ou presque, sur tout ce qu'on fut. L'effacement est rétroactif.
Pourquoi s'agripper à la rampe, dès lors ? Autrefois, on a tenté de s'acharner à maintenir en vie celle qui était parvenue au terme de son existence ; mais il est bien plus facile de s'acharner pour les autres. Il paraît indécent de le faire pour soi, car nous savons bien, nous, ce qu'il en est du voyage qu'on a cru devoir faire à l'instar des autres. Faire comme tout le monde… Est-ce que vivre se réduit à ça ? Rester dans le chemin où d'autres peinent avec nous, non, pas avec nous, sans nous ?
C'est une sensation de marche rétrograde, d'involution, terrible et suffocante. Qu'il est difficile de savoir que le corps peut se tromper quand il parle avec tant de véhémence !
J'ai voulu regarder ma vie mais j'ai vu qu'un autre avait pris ma place.
J'ai voulu regarder ma vie mais j'ai vu qu'un autre avait pris ma place.