vendredi 11 décembre 2015

Pourquoi se contenter d’être terroriste quand on peut être musicien ?


Je parlerais volontiers de la Sonate de César Auguste Jean Guillaume Hubert Franck, né il y a 193 ans exactement, mais on va encore me reprocher de faire le jeu du Front national.

Qu'est-ce qu'on rigole, depuis une petite semaine ! Mamma mia ! La vie politique française est de plus en plus cocasse, il faut bien l'avouer, et ce, malgré les attentats. Les contorsions des "acteurs politiques" (sic) sont merveilleuses de drôlerie, mais pas seulement. Les amis, les connaissances, les relations, les "amis facebook", toute cette triperie sociale est en émoi et en ébullition grâce à notre Front national si french. Les pauvres. On les sent tellement mal à l'aise, cherchant désespérément à se "positionner" correctement, à placer le curseur au bon endroit, avec une précision suisse. J'ai eu beaucoup de discussions, privées et publiques, sur Facebook, à ce sujet, et je m'amuse énormément. Ce FN est décidément le grand révélateur humain d'une France qui surnage avec de grosses bouées autour du cou, de grosses bouées qui tantôt portent les couleurs de la Palestine et tantôt (fugitivement) sont tricolores. De plus en plus, en privé bien entendu, m'avouent leur vote à mots plus moins couverts, mais se feraient plutôt tuer sur place que de révéler au grand jour qu'ils donnent leur voix à la Poissonnière populiste. Ils ont tous évidemment de très bonnes raisons à cela. Il n'existe plus qu'une seule alternative en France, en 2015, qui est : Faire barrage au FN ou faire le jeu du FN. Selon que vous êtes plutôt faire le jeu ou plutôt faire barrage, vous appartenez à deux Frances différentes. Surtout que pour compliquer la chose, on peut très bien faire le jeu en faisant barrage et faire barrage en faisant le jeu. Je me demande s'il y a encore quelque chose qui tient lieu de ciment à la nation française, en dehors de cette intense problématique, et je n'en suis pas certain. On attend avec impatience les élections qui vont nous permettre, à chaque fois, de remettre le couvert : alors, FN ou pas FN ? Contre, tout-contre, très-contre, à l'intérieur de l'extérieur ou à l'extérieur de l'intérieur ? Chacun prend et tient sa place avec un soin jaloux. Nous autres Français sommes très fiers de notre papier-tournesol, on ne se le laisserait voler pour rien au monde. En 2079, les Français, ou ce qu'il en restera, en seront toujours à se positionner avec un soin maniaque par rapport à cette indestructible boussole socialo-morale. Les Américains ont inventé le GPS, nous avons inventé le FN : à chacun son pied à coulisse. Le FN est notre Pacifique intérieur, et, dans ce miroir sans bords se regardent indéfiniment les Français qui s'y trouvent et très beaux et très moches. 

Où va se nicher la mauvaise foi ! On est capable de tous les mensonges, quand on veut se justifier absolument, quand on sent qu'il y va de sa survie esthético-morale. L'obscénité moralineuse est sans doute la plus puante des obscénités et les blanches mains ne laissent pas de doute sur leurs obscures relations avec l'ordure qui tient le manche du compas social, celui qui trace le cercle à l'extérieur duquel il convient de ne pas s'aventurer. Tout cette mollesse mentale qu'on sent partout a quelque chose de répugnant, surtout lorsqu'elle entend se parer d'atours qui lui vont très mal, mais elle est surtout désespérante. On peut tout de même attendre un peu plus des élans humains ; faut-il se résoudre à se désaltérer à l'eau tiède ? J'en reviens toujours à mon dada, mais si les hommes écoutaient un peu Beethoven, ou de la musique de cette trempe, ils auraient immanquablement une autre morale, une autre colonne vertébrale esthético-éthique. On parle toujours de la morale, mais justement, on en parle beaucoup trop ; il faut l'absorber, la morale, il faut vivre dans ses sonorités, et un quatuor de Beethoven ou une sonate de Haydn ont plus d'efficacité en ce domaine que des heures de parlote. Nous vivons à l'ère de la morale de la chansonnette et du rap, que nous le voulions ou non, c'est dans ces sonorités et ce sens que les enfants grandissent.

Là-bas c'est la guerre ! devrait-on se dire tous les matins en se levant, avant de se demander comment tortiller du cul devant les voisins, ou alors il faut délibérément cracher à la figure de la France et partir se cacher au soleil en attendant des jours meilleurs.

Le complexe politico-médiatique est responsable de la radicalisation des pauvres islamistes dont les actes sincères ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Il faut faire barrage au Front national qui, parce qu'il a très vite et depuis longtemps pris la mesure des choses, a obligé le pouvoir et ses assistants (journalistes, artistes, juges) à réagir en niant cette même réalité, afin de ne pas faire son jeu.

Je viens de regarder une vidéo d'Aldo Sterone, et, comme la plupart du temps, je l'ai trouvée passionnante. Il y parle de la mémoire, de deux formes antagonistes de mémoire. La mémoire "occidentale" et la mémoire "arabo-musulmane". Et au même moment, je tombe sur une nouvelle absolument merveilleuse : ce type qui veut intenter un procès au Metropolitan Museum de New-York, au motif que dans ce musée se trouvent des peintures représentant l'enfant Jésus, ou le Christ, sous la forme, tenez-vous bien, d'un blanc à la chevelure blonde ! On me soumet un article rédigé en anglais, dans lequel, le plaignant est donc désigné par le vocable anglais : "plaintif", et je me dis que c'est ça, que c'est exactement ça, qu'il ne faut absolument pas traduire ce substantif de "plaintif" en français, qu'il faut le garder tel quel (à la manière de journalistes d'aujourd'hui (ou à la manière de cette internaute qui me lance, furieuse : « Je ne vois vraiment pas ce qu'il fait d'élogieux pour connaître un tel succès. »)) : ce type est exactement "un plaintif", comme le sont tous les modernes dont l'envie de pénal les tenaille nuit et jour, c'est même la dernière chose qui les maintient un peu en vie. C'est précisément ce dont parle Aldo Sterone dans son intervention. Les arabo-musulmans archaïques sont à cet égard très proches des modernes plaintifs. Ils n'existent plus que dans la plainte incessante, dans cette forme de mémoire perverse et malade qui réactive sans cesse l'émotion et oublie constamment les faits, l'Histoire. Les modernes plaintifs et les arabo-musulmans archaïques ont en commun une forme de mémoire malade, qui fait du surplace, ne se réactivant que dans et par l'émotion, jamais dans les faits et par l'histoire. Ils sont si proches les uns des autres que ce sont les mêmes, souvent. Il va falloir reconstruire les palais de justice. On les fera désormais en forme de spirale, ou d'anneau de Mœbius, ou de dédale, au centre duquel se cachera (très mal) l'émotion. Quand on enterre les pères, la filiation et la verticalité, c'est tout à fait normal ; on ne peut pas s'attendre à récolter des prunes si l'on fait pousser des courgettes.

Les Incomptables… Il me semble que ce serait un bon titre pour un essai sur les connes. J'ai déposé hier sur Facebook une merveilleuse citation du grand Ortega y Gasset qui a évidemment fait s'évanouir toutes les dindes qui se trouvaient là. « La femme ne collabore pas au perfectionnement de l'espèce par ses préférences sentimentales, du moins dans le sens que les hommes attribuent à ce perfectionnement. Elle tend bien plutôt à éliminer les meilleurs, selon le point de vue masculin, ceux qui innovent et se lancent dans de hautes entreprises, et elle manifeste une passion décidée pour la médiocrité. Quand on a passé une bonne partie de sa vie, l'œil bien ouvert, à observer les mouvements de la femme, il n'est pas facile de se faire des illusions sur la norme de ses préférences (sentimentales). » (…) « Le fait est qu'à prendre la question dans son horizon le plus large, et zoologiquement en quelque sorte, la tendance générale des ardeurs féminines semble décidée à maintenir l'espèce à l'intérieur de limites médiocres, à éviter la sélection dans le sens de l'excellence, à interdire à jamais à l'homme d'être un demi-dieu ou un archange. » qu'il faut rapprocher de : « Il y a des situations, des instants de la vie où, sans y prendre garde, l'être humain avoue de grandes portions de son intimité décisive, de ce qu'il est authentiquement. L'une de ces situations est l'amour. Dans le choix de l'aimée, l'homme révèle son fond secret ; la femme, dans le choix de l'homme qu'elle aime. » Le tout est extrait de ses merveilleuses Études sur l'amour, que je recommande vivement à tous les honnêtes hommes. Comme chez tout bon auteur, tout serait à citer, donc je vous laisse faire votre choix.

Je découvre, ce matin, que France-Musique, c'est désormais, à 50/50 : Frank Sinatra et Jean Sibélius. Aplatir, toujours. C'est la seule injonction qui vaille. Prouver par l'exemple que rien ne dépasse. L'équipe du Rendez-vous, de Laurent Goumarre, avait merveilleusement préparé le terrain, durant des années. Il est d'ailleurs très significatif que l'émission qui a succédé au Rendez-vous, de sept à huit, le soir, "Ping-Pong", ait remplacé le funeste Mathieu Conquet par l'effroyable Zoé Sfez. Mathieu Conquet, c'était Sinatra/ Sibélius à 50/50 pendant des années. Zoé Sfez, c'est Sinatra 100%. Le procédé est toujours le même. On commence par dire qu'il n'y a pas de hiérarchies entre les arts, entre les genres, on commence par mettre l'éclectisme au pinacle, on commence par dire qu'il n'y a « que de la bonne et de la mauvaise musique », on commence par dire que la musique et la musique c'est la même chose, on commence par dire qu'Andy Warhol et Marcel Duchamp c'est pareil, ou que Phil Glass et John Cage, et, une fois que la leçon est bien enfoncée dans les oreilles, on peut passer à la deuxième partie du plan. La deuxième partie du plan fait évidemment sortir Jean Sibélius et Pierre Boulez du cercle enchanté, et on se retrouve à écouter du Yannick Noah toute la journée. À ce propos, je crois que j'ai trouvé le nouveau slogan de Georges de La Fuly : « Pourquoi se contenter d’être terroriste quand on peut être musicien ? »

Quand-même, je me demande bien ce que Proust aurait pensé de la Sonate de Franck jouée par Thibaud et Cortot en 1929.