dimanche 3 novembre 2013

La Lettre volée


C'est sans fin. Plus on essaie de s'expliquer moins l'autre comprend. C'est la raison pour laquelle il est inutile, dans quatre-vingt-dix-neuf cas sur cent, de faire le moindre effort en ce sens. Soit le sens est là immédiatement, soit il n'y est jamais. Le problème est qu'on se dit à chaque fois qu'il s'agit peut-être du centième cas, celui justement où il serait tout de même utile, bon, généreux, humble, gentil, miséricordieux, intéressant, valorisant, sympathique, charitabledémocratique, cool, avantageux, d'essayer de se faire comprendre.

Finalement, je crois que les seuls arguments véritables et sincères sont ceux dits "au physique". Précisément ceux qui sont interdits aujourd'hui, ceux qui font pousser des couinements aux Mamans éternelles. Je trouve qu'il a une sale gueule, je trouve qu'elle a une voix de pouffiasse, des mains de poissonnière, une démarche de caissière d'HyperU, je trouve qu'il est laid comme un poux, il a une tête de cul, de faux-cul, de vrai-cul, de con, etc. Tout le reste est discutable, se discute, peut se discuter, faire débat, à l'infini, ça ne sert à rien, ça se retourne comme un gant, c'est sujet à toutes sortes de fluctuations saisonnières, aux aléas de la digestion, au sens du vent, aux intérêts en présence, aux pressions souterraines, à la démographie, la Bourse, à toutes sortes d'impondérables, alors que le physique, la gueule, la voix, l'odeur, l'aspect, la figure, le visage, c'est indiscutable, c'est un donné, un fait, une évidence, c'est là, sous les yeux, il n'y a qu'à regarder tranquillement et sans ciller. Dieu nous a donné un monde qu'il suffit de regarder, d'écouter, de voir et d'entendre. Pas besoin d'aller chercher derrière, dessous, au-delà, plus loin, de soulever les tentures, de retourner les coussins, de secouer les draps, d'ouvrir les tiroirs, de regarder par le trou de la serrure, tout est là, immédiatement, bien en évidence. Ça crève les yeux. Freud et Lacan, contrairement à ce qu'on croit, n'ont jamais rien dit d'autre.

Je sens qu'on va me demander de prendre un exemple. Oh, je pourrais en prendre mille, bien sûr. Et parmi ces mille, il y aura toujours un couillon qui viendra me prouver que ce que je dis est faux puisqu'il (s')en trouvera un qui contredit ma théorie, lui.

Comment ça, ça va se retourner contre moi ? Et alors ?