samedi 24 septembre 2011

"Didier Bourjon est un con"


Ce n'est pas moi qui le dis. C'est lui qui l'a cherché.

C'est le nouveau jeu à la mode au 3,14. Tapez dans Google la phrase : « X est un con. » Si X = Onfray, on arrive sur ce blog, ce que je déplore grandement, car bien sûr, Onfray n'est pas un con, même s'il lui arrive de l'être de façon carabinée. C'est bien, Internet : si par exemple, un jour, vous dites à votre petite amie : "Connasse, je vais te tuer !" ce qui évidemment n'est pas très malin, mais qui peut se comprendre parce qu'il lui arrive effectivement de se conduire comme une connasse et qu'il vous arrive conséquemment d'avoir envie de l'étrangler, bref, si un jour vous avez proféré des menaces de mort à l'encontre de quelqu'un, et même si ce quelqu'un et vous-même savez parfaitement qu'il ne vous viendrait jamais à l'idée de tuer votre connasse de petite amie, qui n'est d'ailleurs pas du tout une connasse, soit dit en passant, eh bien, ce jour-là, gros couillon de blogueur, tu peux finir en taule, au motif que "tu l'as dit". "Les mots sont des actes", comme le disent la psychanalyse et Facebook, dont Georges est mordu. Les mots sont même parfois des choses, ou la chose. En tout cas, ils consolent, de ça je suis certain.

Je pense que c'est arrivé à tout le monde, ou presque, une femme vous a dit, un beau jour : « Je t'aime. » N'essayez pas de me faire croire que avez eu envie de lui rétorquer : « Tais-toi, je t'en prie. » car je ne vous croirai pas. Non, tel que je vous connais, et je vous connais bien, vous avez dû lui demander de répéter, en faisant celui qui n'a pas entendu. Et là, avec la deuxième occurrence de ces trois mots usés jusqu'à la corde, vous étiez foutu, foutu, et foutu. Bien sûr vous ne le saviez pas, et vous ne le savez toujours pas, d'ailleurs. C'est vrai, vous n'aviez pas entendu, c'est la vérité vraie. Personne ne peut entendre ces trois mots, c'est comme ça. On voudrait se taire, on voudrait ne jamais avoir écouté quelqu'un qui vous dit ça, mais ça tombe dans l'oreille d'un sourd aussi sûrement que les pommes dans le jardin où se trouve Eve. Il n'y a même pas besoin d'un serpent pour tendre l'oreille, la cloche de bord sonne pour le lunch, et l'on ne sait plus où on en est, la machine se met en route, tic, tac, tic, tac, pourquoi la mémoire, Papa dit, dans le lit, le dimanche matin : « Et tout à coup… »

M'aurait-on dit 22000 fois que j'étais un con, ou qu'on m'aimait, enfin, que tu m'aimais, que cette chose n'arriverait pas jusqu'à moi, ne me dérangerait pas dans mes pensées. La femme est perdue, et même quand elle place ses mains entre les vôtres et prend cet air de fenêtre ouverte, il faut savoir qu'elle n'entend pas ce qu'elle dit, que ses paroles lui échappent, comme le râle du mourant, comme tous les vingt-huit jours un peu de sang épais vous donne envie de la poignarder sur le si interminable et lancinant de Wozzeck. Toutes les consolations sont aiguisées comme des vendettas. Elle voudrait se taire, cette femme qui vous dit "je t'aime". Elle ne le peut pas. Il faut qu'elle retourne ce poignard contre vous, préventivement en quelque sorte. C'est beau l'amour. On ne peut en être vengé.


Maintenant, vous êtes prêts pour taper dans Google : "Je t'aime, X." Mais ne venez pas pleurer ici, après. Les mots sont des actes, et qui cherche trouve.