jeudi 11 novembre 2010

Graffitis et dérapages


J'ai une copine qui dérape. Elle le fait super bien, AMHA. C'est une dérapeuse de première, Onvadir. Mais vous la connaissez, je la publicise dès que je peux depuis trop longtemps pour que quiconque l'ignore. J'crois qu'c'est clair, comme dirait Serge, nous sommes dans l'après-rap, dans le dérapement décontrôlé et surassumé, j'ai envie de dire. Faut ce qui faut. Je parle sous l'contrôle de la Bransle, c'est vrai que. Les sports de glisse, c'était dans les années 90, aujourd'hui c'est la glisse des porcs, la fragrance madrée, les Jardins de Bagatelle qui sentent le fauve, la réglisse et le flux, et "l'intelligence connective", comme dit l'autre crétin de "philosophe" qui croit avoir inventé un concept france-culturiant (il ne se trompe pas du tout, d'ailleurs, c'est exactement ça). Nos dockers de la CGT agissent par réflexe (c'est pas nouveau. Quand j'avais dix ans, c'est-à-dire il y a un siècle, il y avait un grafitti sur un mur près de chez moi, qui disait : "La CGT, c'est cul." (merveille des graffitis, saloperie des tags…)), mais je crois que par-delà leurs réflexes conditionnés ils sentent quelque chose de très profond, ils dérapent à leur manière, ils empêchent la glisse des ports, sans même avoir lu Régis Debray. Après MC Solar, Doc Gynéco, et l'autre gueulard défiguré, la dérape est venu de Houellebecq et Muray, comme on aurait dû s'y attendre, et puisque Sollers avait laissé la place vacante, depuis qu'il kiffe Martine de Lille. Le dérapement, c'est un truc de réac, de ces réacs qui sont à la pointe du combat et qui retournent l'action à la face des endormis qui se sont mis il y a des lustres dans le sens de l'Histoire (il faudrait songer un de ces jours à les réveiller, ces abrutis, mais je ne m'en chargerai pas. (Depuis, le train a changé plusieurs fois de direction, car la réalité est pressée et indifférente aux idées des hommes, mais il ne faut pas le dire…)).

Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour affirmer que la seule littérature qui vaille aujourd'hui serait une littérature du dérapement, du dérapage, de la dérape, et du dérap. Il serait tout de même temps de reprendre là où l'on avait abandonné la partie, il y a soixante-dix ans. La vis sans fin des lettres pourrait éventuellement reprendre langue avec le vice de la lecture, l'anti-glisse, l'anti-surf, l'antimmédiat et l'anti-tourisme.

Arrêtez de déconner, déconnectez-vous, enconnez à donf ! Apprenez le hautbois, observez (longuement !) le con de votre femme, lavez-vous les oreilles, achetez-vous le disque du quartet de Ben Webster avec Art Tatum, Red Callender et Bill Douglas, n'écoutez que ça pendant un mois, n'ouvrez plus un journal, lisez Hemingway, Claudel, mangez des nouilles au beurre, ne votez pas, regardez les filles qui passent, et, quand vous serez prêts, allez-y, dérapez !