samedi 13 décembre 2025

La Bëte

 


La folie, l’ingratitude, l’aveuglement, la nature et la sauvagerie, le pouvoir, la légitimité, le néant, la justice, le langage et le silence. Le hurlement muet. La jalousie. Les fratries. Quelle mixture ! Quelle noirceur ! Cette lecture me fait mieux comprendre le Théâtre de Sabbath, évidemment, mais elle me le gâche un peu aussi. J’étais tout prêt à prendre fait et cause pour Sabbath, par évidente solidarité d’obsédé, et voici que l’hypothèse de l’ironie ou de la satire pointe son nez. Lire Lear n’était peut-être pas une si bonne idée que ça. J’ai un peu la sensation d’avoir fouillé dans les tiroirs de Roth. Goneril, Regan, Cordelia, Kent, Edmond, Edgar, Oswald, Gloucester, Albany, Cornwall, le fou pouvaient bien dormir encore un peu entre des culottes parfumées et des photos érotiques oubliées. Cornwall arrache les yeux de Gloucester, qu’il écrase de son pied (« Dehors, gelée immonde ! Où est ton éclat maintenant ? »). Sa mort ne rachètera rien. C’est la brutalité politique à l’état pur, qui sème le désastre après lui en y prenant plaisir. C’est le bras armé de la nouvelle génération qui dévore l’ancienne. Ça ne vous rappelle rien ?