« Ma solitude repose sur leur mime sexuel commis en commun. »
C'est reparti comme en quarante ! Sarkozy apporte aux stakhanovistes du conflit derrière l'écran leur ration hebdomadaire d'avoine numérique. Ils étaient un peu en manque, malgré la Palestine, l'assassinat de Charlie Kirk et le discours de Trump. Ils ont leur dope pour quelques jours, mais plus ça va plus ils sont à court rapidement. Tout est en ordre. Les deux camps s'affrontent, pour que rien ne change jamais, surtout. « Vous n'avez rien compris ! » « Vous-même ! » « Vous n'avez pas lu les 380 pages du jugement, vous ne pouvez donc pas en parler ! » « Informez-vous ! Pensez par vous-même ! »
Message important (sic) de Christophe Hondelatte : « Nul ne peut avoir un “avis” sur une décision judiciaire, qui n’a pas lu l’intégralité du dossier d’instruction et assisté à la totalité du procès ». Merci, de rien … (Le « merci, de rien », tic obligatoire du Crétin twitterisé, est bien sûr de lui.)
Allons plus loin, les mous du gland : je dénie à quiconque le droit de parler de littérature, s'il n'a pas lu l'intégralité des Écritures, du Talmud, de la Somme de saint Thomas d'Aquin, de la Divine Comédie de Dante, du Paradis perdu, de Milton, de Villon, de la Comédie humaine de Balzac (91 livres), s'il ne connaît pas le Littré par cœur, s'il n'a pas lu l'intégralité de l'œuvre de Victor Hugo, celle de Shakespeare, de Stendhal, de Flaubert, des 12 tomes (17 000 pages manuscrites) du journal d'Amiel, l'intégralité des œuvres de La Fontaine, de Racine, de Corneille, de Chrétien de Troyes, de Rutebeuf et du Bellay, de Ronsard, de Malherbe, de Pascal, de Boileau, de Marivaux, de Rabelais, de Montaigne, de Molière, de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, de Chateaubriand, d'Alexandre Dumas, de Théophile Gautier, de Huysmans, de George Sand, de Lamartine, de Musset, de Maupassant, de Zola, de Baudelaire, de Verlaine, de Rimbaud, de Kafka, de Proust, de Céline, de Claudel, de Gide, de Colette, de Valéry, de Breton, de Malraux, de Sartre, de Camus, de Duras, de Beauvoir, de Yourcenar, de Sarraute, de Perec, de Butor, de Gracq… et bien sûr de Georges de La Fuly. Fermez-la. Vous n'y connaissez rien, bande de tapettes ! Le Clézio aussi ? Le Clézio aussi, et aussi Despentes et Thomas Clavel. Et les posts de Machin Truc sur Facebook aussi ? Et les articles de Causeur ? Aussi ! Allez, au boulot, avale ! Après tu seras convoqué au 97, Chemin de la Rouflaquette pour passer ton exam. Viens à jeun, y aura un contrôle anti-dopage. Mais moi en fait, du coup, à la base, je voulais simplement dire qu'ils sont hors sujet ! C'est tout. Ta gueule ! On s'en bat les steaks, de ton obsession du hors-sujet. C'est toi, qui l'es, hors-sujet, à donf. Et d'abord, que connais-tu à la rhétorique, à la philologie, à la philosophie, à la grammaire ? T'as des diplômes ? T'es agrégé ? Non, alors tu la boucles. T'as fait du Droit ? Non plus. De la psychologie ? Nada. Au moins une école de Commerce ? L'ENA ? Tu vois, t'es à la rue, mon pauvre ami. Aucune légitimité. T'es expert en que dalle. Ça fait des années que tu pérores tout seul dans ton coin comme un débile mental, ça suffit, on va pas te laisser empoisonner le circuit de tes délires de vieux con atrabilaire et nostalgique ! Tu croyais que ça allait durer longtemps, peut-être ? Tu croyais quoi, que tu étais libre, que tu vivais à ta guise, dans ton pays, que tu pouvais dire ce qui te passait par la tête ? Et pourquoi pas te taper des gonzesses, pendant que t'y es ? Tu ne m'as pas l'air d'être au courant, le monde a bougé, depuis tes années de jeunesse à faire le con derrière tes claviers et à sauter de la morue encore laiteuse ! On est passé de l'autre côté, mon vieux, faut t'y faire ! T'as bientôt des couches, c'est ça, la réalité. Tu veux que je te fasse la liste des choses interdites, terminées, abolies, jetées au tri sélectif, recyclées ? Je te préviens, on va y passer la matinée. Tu risquerais de nous faire une syncope. À ton âge, c'est pas raisonnable. Avec le variant Frankenstein qui rode, t'as très peu de chances d'arriver à l'écluse. Tu es sûr que tu ne préfères pas le Rivotril en perfusion pendant que tu mates un dernier Pornhub Gros Seins ? Ce serait une fin digne de toi. T'as signé la pétition de Villiers ? C'est à peu près tout ce qui te reste, non ? Pense à faire ta toilette, faudrait pas que le médecin légiste tourne de l'œil en entrant dans ta chambre qui doit ressembler à un souterrain du Hamas. Dans agonie, il y a agôn, t'as remarqué ? Retourne à ta sonate, ça vaudra mieux.
On connaît tous les acteurs. Au rendez-vous, comme un seul homme, comme une armée, comme un lumpenprolétariat post-Thénardier ! Le doigt sur la couture du clavier, jour après jour, vaille que vaille. Ils ne manquent pas un épisode. Ils seraient déshonorés de n'avoir pas leur mot à dire. Ils font monter la température numérique, comme de bons petits soldats de la société en réseau. Ça leur tient lieu de porno et de salle de sport et de grignotage de sucreries. Pas un hasard si Twitter a été renommé « X ». On a les croix qu'on peut, depuis le Golgotha. Bossuet a été délaissé au profit du pop-corn. La jubilation mauvaise pacsée aux bons sentiments est le fast-food en PVC qui remplace les églises et les salles de PMU. Je n'aurais jamais cru que le conformisme atteigne de tels niveaux, je l'avoue. Rendez-nous Gavroche et Cosette, et même Javert ! L'orchestre jouait moins faux. Ma dernière pensée ne sera pas pour vous. À chaque ouverture de fenêtre sur un réseau social, c'est l'ouverture de la chasse. À quelle meute appartenez-vous est la seule question qui vaille.
Voilà à quoi on assiste chaque jour : au potin. Au Boucan. Clameur contre Clameur, Rumeur contre Rumeur. Tout plutôt que d'être seul ! Dans les Pensées étranglées, Cioran écrit : « Regardez la gueule de celui qui a réussi, qui a peiné, dans n'importe quel domaine. Vous n'y découvrirez pas la moindre trace de pitié. Il a l'étoffe dont est fait un ennemi. » En quoi réussissent-ils, nos contemporains essentiels ? Ils sont les gardiens des miradors du Potin. La pitié, ils en ont vaguement entendu parler quand ils bavaient dans leur berceau, mais on leur a expliqué depuis que c'était une farce du même acabit que le Père Noël. Il faudra attendre qu'ils arrivent à ce moment, à l'hôpital, où ils comprendront enfin qu'ils vont mourir, pour se rappeler ce que cela fait d'appeler en vain dans le noir.
Aucun risque que leur pensée s'étrangle. On a inventé le mouvement perpétuel de la pensée qui ne pense pas (mais toute seule). Si Hugo revenait, il récrirait les Misérables en une après-midi. Il n'aurait qu'à ouvrir une fenêtre sur son écran, et noter ce qu'il lit, sans même commenter. Ça s'écrirait tout seul.