dimanche 11 septembre 2022

Restez chez vous !



J'ai un peu honte de faire ça, mais je ne résiste pas au plaisir de copier la belle critique de Pascal Adam, dans Profession-Spectacle

« Puisque c’est, comme disent les représentants de commerce, la "rentrée littéraire", parlons d’autre chose. De Luna, de Georges de La Fuly, par exemple, qui ne s’achète que sur Amazon. Luna est morte et l’auteur n’en fait pas le deuil, il ne veut pas, peut-être même se doit-il de ne pas. "On ne tient jamais parole. Malgré toute la volonté vraie, sincère, profonde, on va faillir au moment important, c’est écrit. L’homme est maudit. On ne peut pas compter sur lui. Même pas moi ! Mais tu seras vengée car moi non plus je n’aurai personne quand l’heure sera venue. Le faux salaud se transforme vite en vrai martyr, abandonné lui aussi, sur son bout de carton souillé, c’est la seule consolation, celle que chacun veut ignorer absolument." Je ne suis pas certain que La Fuly ait cherché un éditeur ; il a bien fait, gagné du temps et peu perdu en publicité. "Le bleu des montagnes avait cette tonalité schubertienne qui pousse les êtres à se taire définitivement parce qu’ils savent que personne ne sera là au moment crucial. Il n’y a pas de port d’attache." Pour être bref et plat, je dirais que Luna en textes serrés parle d’amour, de solitude et de musique ; ce qui serait presque banal, s’il n’en parlait profondément, jusqu’à l’insupportable, dans des pages souvent extraordinaires ; si ces trois choses-là n’étaient pas si intimement liées, à s’en confondre, à en former la vie même, mort incluse. Le temps et lui seul peut-être a composé ce livre dont chaque texte est soigné, précis, osé, éreintant, intelligent, agaçant parfois, émouvant à pleurer, plein de motifs qui reviennent aussi quand on ne s’y attend pas ; ou plus. "Tu es morte dans mes bras. J’ai vu tes yeux jusqu’à ce qu’ils ne voient plus, et même au-delà. Nous avons respiré ensemble jusqu’à ton dernier souffle. Ne pouvant aller de l’autre côté avec toi, je me suis arrêté au seuil, effaré de constater que mon souffle continuait, que mes yeux voyaient encore, éblouis par la lumière sombre qui émanait de ton corps quand tu l’as quitté." »