mardi 14 janvier 2020

Au fond de l'amour



Si - - -  Ré - - -  Do - - - — Do - - -  Mi - - -  Ré - - - —

Lentement, c'est l'hiver, je rentre chez moi, lentement, entre chien et loup, dans des gris, pâles, foncés, clairs, diaphanes, bistrés, luisants ou mats, profonds, légers, dégradés, épaissis, évanescents, je ralentis tous mes mouvements, je respire moins vite, moins fort, j'économise mes gestes, même mon regard, j'avance, lentement, lentement, comme à travers les gris, ma vie, lentement à travers la musique de Bach, la pulsation à 32, un pas après l'autre, sans me laisser distraire par la mémoire, par la douleur, par l'espoir, mon sang ralentit dans mes veines, ça continue, je glisse au plus léger du jour et vers la nuit, sans peur, sans à-coup, sans regarder en moi, sans penser, à la surface d'un être si peu là, déjà tellement absent, loin, ça continue, lentement, la vie déjà presque effacée, comme là-bas, comme autrefois, en si mineur, la neige tombant doucement dehors, oh, Dieu, quel bonheur, quelle paix, la solitude, et ce silence légèrement teinté de Bach, ruissellement régulier des double-croches, et le chant, au milieu, qui jamais ne s'arrête, dans le froid, long voyage interminable et calme, entre les ombres, immobile entre les cœurs, entre le ciel et la terre, dans le grand abandon du soir qui vient, immense paix liquide…