dimanche 8 février 2015

La Fête du Jasmin


Nous souhaitons santé et longue vie au Chef suprême. C'est bon de te voir ! Tu t'es lavé les mains ? Allons au fin fond des impasses et voyons si là aussi les enfants jouent au foot. Ils leur donnent de l'argent pour fumer de l'opium. Vous voyez ? Oui, je vois, je vois, l'opium, je connais. C'est ça la vie ? Bien sûr, mon frère, c'est ça la vie ! Tu ne le savais pas ? Si, je le savais. Mais je ne l'avais pas vue de mes propres yeux, cette vie-là. Alors tu ne connais rien à la vie. Welcome ! La parabole, mon frère, la parabole, c'est ça l'école ! Darius le grand, nous lui souhaitons aussi longue vie et santé, non ? Et les jeux vidéos, vous y jouez aussi ? Les jasmins de Mossoul et les roses d'Ispahan, tout ça, toutes ces chansons, hein, c'est joli… Longue vie à toi, Mère, viens là que je te prenne dans mes bras. Avant que je parte, tu dois savoir, toi aussi, qui j'ai été dans cette vie. Vous aimez la pâtisserie ? Oh oui, je suis gourmand, très gourmand, le sucre, les amandes, le miel, j'aime ça. Mais vous n'êtes pas juif ? À votre avis, je suis juif ? Alors ça va, vous êtes comme nous. Je vous donnerai de l'opium, des jeux vidéos, et des gâteaux au miel, si vous voulez. Ma sœur est jolie, si, si, elle est très jolie. Êtes-vous un terroriste ? Non, ne riez pas s'il-vous-plaît, êtes-vous un terroriste ? Je suis obligé de vous poser cette question. Vous allez vous laver les mains encore une fois ? Si je réponds que je ne suis pas un terroriste, vous allez penser que j'en suis un. Ce n'est pas faux, ça. Vous êtes fou ? Non, non, je ne suis pas fou, enfin pas trop. Vous préférez le whisky ou la religion ? Je préfère le vin, et le foot. Il faut que ça change. Changer, changer, vous avez un diplôme de changement ? Je préfère le whisky à la religion, mais le changement ne m'intéresse pas. S'ils n'ont pas peur, eux, pourquoi avez-vous peur, vous ? Ils veulent se faire entendre. Juste ça, être ensemble et se faire entendre. Les téléphones sonnent tous en même temps, il est impossible de répondre. Les fleurs de l'oranger, et ton souffle, mon amour, près de mon visage, quand tu dors, je vais me laver les mains, je reviens près de toi, je pose mes mains sur ton visage et ton souffle passe en moi, comme la nuée du matin, l'été, dans la montagne. Ta lèvre de corail, ton rire léger, la mousse de ton sexe, le papillon qui sort de ton cœur et vole vers le soleil, les roses du passé et les jasmins de ton jeune amour, je les respire et les respire. Je dois rester ici. Nous voulons la liberté. Et le whisky ? Tu es enceinte, tu sais ? Mais je le sais, que je suis enceinte, qu'est-ce que tu crois ? C'est mon ventre, ça ! Viens en moi. Comment ça, en toi ? En moi, là, tu vois, là, c'est l'entrée. Mais le bébé ? Ne t'inquiète pas pour le bébé, il dort. Comme ça, c'est ça, prends mon visage entre tes mains et respire mon souffle léger. Tu es belle. Je sais. Tu mens, mais je sais. Je suis belle comme l'opium et les roses et les fesses d'un bébé. Good night. Je mange ton gâteau, je lèche le miel qui sort de toi, je plonge ma cuillère dans la pâte tiède et je m'endors la bouche ouverte. Welcome. Rien ne reste ainsi pour toujours, rien. Je sais. Lave-toi les mains et prends-moi. Tu as une arme et tu refuses de t'en servir ? Je suis ton impasse, ton cul de sac, je suis la dernière station. La femme est allongée sur le macadam, elle a les yeux révulsés. Quand on est là, on pense qu'on est au centre du monde et que tous doivent voir ça. Le sang coule, mais il coule aussi à l'intérieur de millions de corps, c'est le même sang, comprends-tu ? Prends ton arme et suis-moi. Tu n'es pas juif ? Les ordres viennent de l'étranger, tu comprends ? Nous devons comprendre ce qui se passe, ils doivent parler. Es-tu en prison ? Suis-je ta prison ? N'es-tu pas plutôt prisonnier de toi-même ? Je dois me laver les mains. C'est ça, lave-toi les mains et bois un peu de whisky. Ensuite nous parlerons. Qui est Marcel Proust ? Vous plaisantez ? Qui est Marcel Proust ? Un Juif ? Quelle question ! D'accord, mais était-il juif, oui ou non ? Quelle importance ? Ça nous intéresse, ça nous intéresse beaucoup. C'est ça la vie ? Justement, nous voudrions savoir si c'est ça la vie, pour vous. Je ne comprends pas vos questions. Vous n'avez pas à les comprendre mais à y répondre. Laissez-moi sentir les roses et je vous dirai tout ce que vous voulez savoir. Tu n'as pas de nez, comment pourrais-tu sentir les roses ! Tu n'es pas au centre du monde, tu sais, tout le monde t'a oublié. Tout le monde m'a oublié, je sais. Nous souhaitons santé et longue vie au Chef suprême ! Welcome !