mardi 16 avril 2013

Les Tiroirs de Georges de la Fuly (22)



La matinée avait pourtant bien commencé. Je m'étais levé tôt, le café était bon, le croissant aussi. Luna avait son os, il y avait du soleil, il faisait un peu frais et la nuit avait été calme. Pas un bruit dans la maison. En furetant ici ou là, je suis tombé sur une vidéo de David Fray qui jouait Bach. Une, puis deux, puis trois vidéos. Pourquoi ai-je regardé ça, je n'en sais rien. Sans doute parce que j'en avais entendu parler, et parce que Bach. 

Mais pourquoi ai-je regardé ça, j'aurais pu arrêter immédiatement : quelques mesures suffisent en général pour se faire une idée assez précise, surtout quand c'est mauvais. Non, je me suis acharné, bêtement, je croyais qu'il allait se passer quelque chose qui allait me réconcilier avec ce que je voyais et entendait. Ça n'arrive jamais. 

Quel malaise ! Quelle horrible sensation d'être sali par ce qu'on entend, d'être abîmé, comme s'il fallait refaire tout le chemin en sens inverse ensuite ! Mais quoi, ce n'est pas si mauvais, tout de même ! Il sait jouer du piano ? Oui, il sait. Non, il ne sait pas. En tout cas, il ne sait pas ce que c'est que la musique. (Et l'on reste étonné que personne n'ait été là pour lui dire deux ou trois choses qui, peut-être, lui auraient évité de faire une si mauvaise action. Mais peut-être tout simplement qu'il n'est qu'un enfant à qui il manque une dizaine d'années et quelques maîtres qui ne pensent pas à autre chose quand ils l'écoutent. Il faudrait surtout qu'il arrête de se regarder jouer et qu'il s'écoute, tout simplement.)

Et dire qu'ils sont des dizaines, des centaines, comme ça, de nos jours. Ça sort du conservatoire comme les autos de l'usine. On les voit passer sur les trains, recouvertes de bâches. Elles traversent la campagne au petit matin, on n'y fait pas attention. On a tort. Si elles ne faisaient que passer…

Vite, mettons un peu de musique !