dimanche 19 juin 2016

Écho



POURQUOI pleures-tu ? Parce que j'ai un mouchoir. On va en rester là pour aujourd'hui, me dit-il. Ça tombe bien, je n'ai plus rien à dire. Allons sur Youtube… Oui, oui, c'est ça, allons-y, allons-y. Tu me fatigues, tu sais ? Ah ça, pour le savoir je le sais ! Je suis ta fatigue. TA FATIGUE ! ne crie pas comme ça, je ne suis pas sourd. Oh si, tu es sourd… Quand tu veux. Pourquoi parle-t-il de Youtube ? Quel con ! Il se prend pour mon psy ou quoi ? Youtube, Itube, Hetube, faut quand-même être con pour parler anglais alors qu'il est si simple de parler français sans tituber ! Non mais tu t'entends parler ? Eh non, justement, c'est ça le problème : je ne m'entends pas. Personne ne s'entend. On peut s'écouter parler, mais s'entendre, c'est une autre histoire. S'entendre parler c'est se faire entuber sans but. Quelle fatigue, les autres. Ils se mouchent sur vous. Tu connais Écho ? Si je connais Écho ? Mais je ne connais qu'elle, mon pauvre ami ! Je parle de la nymphe. Moi aussi je parle de la nymphe, qu'est-ce que tu crois ! Ses lèvres, grand con, qui s'ouvrent comme un œil aveugle, dans lequel disparaît le monde, le son, l'autre, une orbite creuse creusée dans le vague d'un désir infini, un œil qui pleure sans cesse, un œil incontinent, un continent de regard infini, mouillé, larmoyant, désarmé, incapable de dire, de voir, de saisir, de reconnaître, un œil qui pisse la vie sourde et liquide, la vie de l'image en écho liquide et salé. Longtemps je me suis mouché de travers. J'ai la cloison déviante, le tube qui titube et enjambe, j'entends tout ce qui se passe de l'autre côté, c'est comme ça, c'est de naissance. Y a de l'écho dans l'alarme. Elle me prend les narines, cette nana, toujours à la ramener à soi. Tu t'entends ? Tu entends comme tu me parles ? Mais je ne te parle pas, je parle à travers et à tort-toi. Il faudrait te mettre en maison de redressement ; t'es vraiment tordu comme mec ! Je veux bien chercher une aiguille dans une meute de foin, mais pas marcher avec le troupeau. Le troupeau n'entendra jamais "geste-à-peau", il entendra toujours Gestapo, il se ruera toujours sur l'effigie du monstre, sur le totem, il faut le piquer, le troupeau, enlève ta main de ma joue, je n'ai pas envie d'être giflée. Comme ça tu saurais pourquoi tu pleures… Larme à gauche, gifle à droite. Fasciste ! Connasse ! Tu te complais dans ton étang. J'ai désappris à nager. Fatigue ! Je titube… Je m'allonge… J'entends double… Du bout des lèvres, j'embrasse la nymphe, et je m'endors. Je manque d'être et de musique.