dimanche 1 mai 2011

Tourisme à balles réelles




Comme j'appartiens au monde vilain des méchants ricaneurs, je ne peux m'empêcher de vous recopier ce billet que je trouve particulièrement réussi et justifié. Mêlez-vous de vos oignons, petits cons de blogueurs, et arrêtez un instant de vous prendre pour des humains, car vous n'en avez plus que les papiers d'identité. Vous n'êtes plus que des touristes sous écran total sédentarisés par l'instant, que vous prenez pour votre instinct.



Le tourisme à balles réelles a rattrapé Modernœud


« Nous ne sommes pas venus ici pour couvrir une guerre, nous voulions juste voir une révolution, comme celle en Tunisie »


Une révolution en trois D et en temps réel, voilà ce qui leur semblait fun, furieusement peuple-en-lutte, à nos jeunes modernœuds hexagonaux. Les sables de la Libye en direct live, c'était quand même autre chose que de jouer à insurrection-sur-blog tous les jours à heures fixes depuis sa petite piaule d'étudiant, non ? Là, on allait faire dans le tourisme de l'extrême, l'Ushuaïa à balles réelles. Et en plus, on ne risquerait rien, puisqu'on est les gentils. Et que, comme il a été pleurniché ensuite, “ on était juste là pour voir, M'sieur, c'est trop injuste à la fin, ces blockbusters qui massacrent même les spectateurs ! »

Ce n'est pas injuste, c'est bien fait. Je reconnais que pour apprendre que l'eau mouille, que la guerre tue et que la bonne conscience n'est pas un gilet en kevlar la leçon est cher payée – mais c'est bien fait tout de même. Je ne vois pas pourquoi la connerie satisfaite et ostentatoire devrait toujours rester impunie. L'avalanche du skieur hors-piste, l'arraisonnement pirate du caboteur en eaux somaliennes ou la balle perdue pour le warrio-touriste, c'est du pareil au même : bien fait.

Le seul bémol c'est la souffrance que l'on imagine chez les braves gens qui ont enfanté ce crétin et qui, eux, sont peut-être tout à fait normaux – et donc dans l'incapacité de comprendre ce qui a bien pu se produire pour que leur petit garçon, d'une belle gravité rieuse autrefois, se transforme un sale jour en ce cyborg progressiste, enragé de rédemption introuvable. Ils pourront toujours se dire qu'aux rescapés indemnes de ce war tour il reste encore un espoir collectif, ainsi que le signale L'Express.fr en guise de conclusion : « Après avoir financé leur voyage en Libye sur leurs propres deniers, ils espèrent pouvoir vendre leurs reportages à leur retour en France. »

Je crains que la consolation ne leur soit maigre, mais enfin : pendant le travail du deuil, les affaires continuent, le show goes on – et tournent, tournent les révolutions en dolby.