dimanche 6 septembre 2020

En marche arrière


Si les gens sourient, c'est qu'ils n'ont personne à qui adresser ce sourire. S'ils ne jugeaient pas des choses en fonction de celui qui les leur adresse, ou de qui les signe, ils seraient si perdus qu'on les verrait soudain pris d'une mortelle angoisse, comme ces enfants abandonnés qui espèrent leur mère à l'accueil des grands magasins. Il n'y a que très peu de choses indispensables, dans une journée : Dormir, s'alimenter, chier et pisser. Il est possible de faire autre chose en même temps que trois de ces actions ; il n'y a que dormir, qui nous requiert complètement, qui nous oblige à arrêter tout le reste. Pourquoi appelle-t-on "propositions" les parties d'une phrase ? « Souris ! », nous disait-on, quand on se faisait prendre en photo. Sourire, oui, mais à qui ? Ce personnage qui aime être à l'unisson, et donc veut sourire au monde, est en nous ; certains sont en lui. Les réseaux sociaux ont remplacé le sourire que nous donnions à l'objectif par la grimace sociale. Elle se promène dans la rue, et, de temps à autre, soulève son pull pour montrer ses seins (qui sont fort beaux). Elle marche en regardant l'écran de son smartphone. Elle a remplacé le sourire par le dévoilement des seins. Le brillant oiseau voltigeant sur les horreurs d'un gouffre. Cette jeune fille devrait dormir plus. Si j'écris ici, c'est que je peux pas lui écrire.