mardi 28 mai 2013

Chanter



Mendelssohn et Krenek, quel rapport ? Entendant un peu par hasard le concerto pour violon du premier, j'ai immédiatement pensé à la troisième sonate opus 92 du deuxième. 

À chaque fois que j'entends l'ouverture du concerto de Mendelssohn, je suis frappé par la manière dont le thème commence immédiatement, sans préambule, et c'est exactement la même chose pour la sonate de Krenek, avec un caractère plus abrupt, étant donné la nature propre du thème en question. J'aime infiniment ces commencements sans chichis, sans précautions, sans rien qui vienne suggérer, donner envie, sans artifice. Quand on a un thème comme ceux-là au bout du crayon, on a envie de le faire entendre tel qu'il est arrivé, dans sa perfection inouïe

À peine est-il exposé qu'il se déploie avec le naturel de la matière vivante en train de s'ébattre comme un jeune chien qui découvre le jour (ici je pense plus particulièrement à Krenek), les gestes, les tensions et les détentes, les questions et les réponses sont tous évidents, ils ne cherchent pas la beauté, ils sont seulement et heureusement nécessaires. Le thème du concerto porte en lui plus de musique (plus de tradition, plus de mémoire), il a encore moins besoin de dire, il est issu du Chant, du chant immémorial, de ce besoin spontané et mystérieux qu'ont les hommes de chanter quand ils sont heureux ou malheureux, c'est une voile gonflée, parce que la vie est là, tout simplement. Cette qualité du cantabile irrépressible, sans avoir l'air d'y toucher, est évidemment l'une de celles qui rendent Mendelssohn si précieux, si unique. Quelle merveilleuse jeune fille est-ce là, pour être emplie d'une telle inspiration, à la fois candide et profonde, généreuse et libre, digne et élégante, grande dans sa simplicité ?

On peut mourir de nostalgie, quand on prend conscience que cette jeune fille a réellement existé, jadis.