dimanche 10 octobre 2010

vendredi 24 septembre 2010

Éthique de la toison pure


Les poils de tes aisselles répondant à ta chatte
Ouvrent en me souriant deux puits supplémentaires
Tu miaules en t'écartant lorsque je te colmate
Offrant à mon plaisir tes forêts spéculaires

Dehors c'est le blocus du bonheur asexué
Les filles à nombril défilent sans m'exciter
Elles roulent des fesses mais ne savent pas plaire
On ne croise dans les rues que putes velléitaires

Mon amie toisonnée tu bafoues le programme
Qui voulait que tu sois totalement nickelée
Afin que jamais plus on ne te veuille niquer
Même si tu criais que tu brûles dans les flammes

Dehors souffle en tornade l'époque qui commence
Le bruit que tu entends ce sont ses doléances
Les cris que tu perçois sont des cris de vengeance
L'humanité entière bout dans son innocence

Triple pilosité rayonnante et propice
Souveraines broderies que tu viens exhiber
Que j'embrasse sans fin avant de te courber
Pressé de dévoiler tes plus beaux orifices

Et dehors l'ennemi cuit dans ses sucreries
Il a tout effacé derrière ses vacheries
La ville est maintenant soigneusement contrôlée
Tout espoir s'est enfui de cet Espace Bébé

(…)

Je savais que je pouvais compter sur Muray.

samedi 11 septembre 2010

vendredi 10 septembre 2010

Lumière de la musique


Après tous les grands et petits détours, après les chemins de traverse, les voies secondaires, les ruelles pauvres, et même les sombres impasses, revenons à l'essentiel. Il faut se nettoyer les oreilles régulièrement. Les Variations opus 31 de Schoenberg, le Sacre*, et encore de Schoenberg la formidable orchestration du quatuor avec piano de Brahms. Comme le soleil qui revient, au mois de janvier…

(*) Il faut absolument écouter la version de Simon Rattle avec son orchestre de Birmingham, qui donne l'impression d'écouter une musique très simple, claire et somptueuse.

vendredi 3 septembre 2010

Aux femmes

La nature a donné les cornes au taureau, les sabots au cheval, au lion les dents d'une large gueule, au lièvre de courir vite, aux poissons de nager, aux oiseaux de voler ; elle a donné le courage aux hommes. Rien ne restait aux femmes. Que leur a-t-elle donné ? La beauté, pour lances et boucliers. Le feu et le fer cèdent à la femme, si elle est belle. 

 (Anacréon, Odes)

Leconte de Lisle

jeudi 2 septembre 2010

Attractif et son passif


Encore un adjectif de merde. Le Quick halal de la rue des Chiens dociles est-il attractif ? Le prix de l'iPod touchpasmamotte est-il attractif ? La meuf qui passe dans la rue en me zieutant est-elle attractive ? Les billets SNCF pour La Mecque-sur-Marne sont-ils attractifs ? Cette salle de prière est-elle attractive ? Cette paire de seins est-elle attractive ? Attractifs mon cul ! Attirant, intéressant, avantageux, attrayant, appétissant, séduisant, engageant, fascinant, avenant, affriolant, c'est pour les chiens ? Tout ça me donne envie d'envahir l'aggloméré…

jeudi 19 août 2010

À pied sur les molaires de marbre


Faites comme Georges, faites le ramadents. Ne mordez que le soir après le coucher du soleil ou le matin avant l'aurore, mais allez-y carrément. Et si quelqu'un vous lèche les bottes, mettez-lui le pied dessus avant qu'il ne commence à vous mordre.

Vite !

Ligne tendue entre le tragique et la joie, le bop est sans doute la seule musique qui sache à ce point mettre de la vitesse dans l'abandon et la désinvolture. On n'imagine pas un Charlie Parker à la retraite, en cure thermale ou surfant sur le Net. Il y a autant de différence entre la musique de Bird et le jazz qu'il a entendu enfant qu'entre une page de blog et les paperolles de Proust. J'aime énormément le fait qu'une musique de divertissement ait pu se réveiller un beau matin dans les draps froissés d'une guerrière pressée. Même dans les ballades, et peut-être surtout dans les ballades, on entend cette morsure de la mort qui va droit vers la sortie, le geste dur et coupant, en zig-zag au plomb.

mercredi 18 août 2010

Frédéric et Martha



Au moment de l’autopsie, on préleva son cœur, selon le vœu exprimé par le mourant. Il fut plongé dans un vase de cristal rempli de cognac, placé dans une urne, et celle-ci, rapatriée à Varsovie par sa sœur Ludwika, fut enfermée dans un double coffre d’ébène et de chêne, et déposée dans les catacombes de l’église Sainte-Croix. En 1878, le neveu de Chopin obtint que l’urne fût transférée dans la nef de l’église où elle fut scellée dans un pilier. Elle y est toujours.



Argerich : Chopin est terriblement difficile. Il y a longtemps que je ne l’ai pas joué... C’est mon amour impossible. Il est très jaloux.




Jouer

Un des plus beaux exemples qu'il m'ait été donné de voir de ce mystérieux pouvoir de la musique savante occidentale de se jouer de ses représentations. L'enregistrement est épouvantable, le son est catastrophiquement mauvais, et pourtant, on saisit tout, on comprend tout, on entend tout, la musique est là, entièrement, souveraine.


mardi 17 août 2010

Le Quatuor


À gauche, le violoncelle. Au centre, l'alto. À droite et en haut, plus loin mais revenant, les deux violons. On notera que le violoncelle et l'alto sont bruns et accroupis, alors que les violons sont debout et blonds. La photo est prise à l'instant des pizzicatos.


lundi 9 août 2010

Teneramente…

Le corbeau dans la plaie (messages personnels)


Plaie d'anonyme n'est pas mortelle. Mieux vaut un Gardel que deux tu l'auras. Si tu ne vas pas au New Phonic Art, le New Phonic Art ira-t-à toi. Quand elle remplit le si, je vide le la. Anna Colute (son gros pistolet sur ma tempe) me fait les gros yeux.

jeudi 5 août 2010

Très peu



Norma était mal assise. Elle avait peut-être un bleu à la fesse droite. Ferdinand reprit de la tarte, en félicitant Marceau : "Super, ta femme, on n'en fait plus des comme ça !" Sa braguette était à demi-ouverte, il avait la joue coupée. Quand Valentine revint s'asseoir, elle se pencha au-dessus de la table basse pour attraper la carafe d'eau. Sa lourde poitrine frôla le bras de Ferdinand. La conversation continua sur les Pères de l'Église.

(à Michel, à Régis)

lundi 2 août 2010

Oui !


samedi 31 juillet 2010

Pour le plaisir



À 2'20", juste pour les quelques instants où l'on voit Marion Jones se concentrer. Que c'est beau l'athlétisme !

lundi 26 juillet 2010

Et votre ami, c'est Beethoven ?


Otto Klemperer parcourait les rues de New York en compagnie de Mendelssohn, le patron des disques Vox. Il lui parlait de ses enregistrements des symphonies de Beethoven que son ami ne connaissait pas et, désirant passer de la théorie à la pratique, il l’entraîna dans un magasin de disques.

« Avez-vous un enregistrement des symphonies de Beethoven ?
– Oui, avec quel chef d’orchestre ?
– Avec Otto Klemperer.
– Désolé, nous n’avons pas Klemperer, mais nous avons Bruno Walter.
– Non, je voudrais Klemperer.
– Après vérification, je ne le trouve vraiment pas. Mais nous avons Karajan, ou, si vous préférez, Toscanini.
– Non, je veux vraiment Klemperer.
– Pourquoi tenez-vous tant à Klemperer ?
– Mais, parce que je suis Klemperer !
– Et votre ami, c’est Beethoven ???
– Non, c’est Mendelssohn ! »

jeudi 22 juillet 2010

Rediffusion gratuite (ou comment emballer fillette)

Pour ceux qui auraient manqué un épigode, Georges vous offre celui dit du Théorème de Popper-Clitoris.

lundi 19 juillet 2010

mercredi 14 juillet 2010

Apocalypse


La plus grande déception d'Internet vient finalement du fait qu'il est facile de se rendre compte que les belles filles sont légion. On croyait jusqu'à présent qu'une belle femme était quelque chose de rare, et même d'exceptionnel, mais ce foutu réseau nous prouve tous les jours le contraire. C'est affreux. On a vraiment l'impression d'une conspiration. Je me souviens de ma jeunesse, où il n'y avait qu'une seule belle fille dans toute la ville. L'été, on arpentait les rues dans l'espoir de seulement la rencontrer. On a du mal à croire que c'est possible, n'est-ce pas ! La beauté féminine était une expérience presque traumatisante, un événement, au sens propre. C'est devenu banal. On m'aurait dit que la beauté pouvait se démocratiser que je ne l'aurais pas cru…

Il faudra bien se résoudre un jour à réaliser que la démocratie est une catastrophe. Pour l'art, pour la culture, pour la civilisation, pour la nourriture, pour le goût, pour l'écologie, pour la musique, et même pour ce bien précieux entre tous, les femmes.

dimanche 4 juillet 2010

Livre de comptes


Le football, la-prière, le-cochon, l'alcool, les blogs, l'iPhone, les hurlements, le bruit, la chaleur, le rap, les gamines vulgaires, Damien Hirst, Jeff Koons, Facebook,,,


Domenico Scarlatti, l'encre, le violon, la lenteur, les poils, les peaux blanches, la belle phrase, le silence, la fraîcheur, la forme sonate, les belles femmes, le vin, Rothko, Peter Eötvös,,,

jeudi 1 juillet 2010

Le cimetière des apocopes (en ville)

Rmation et Alité se sont rendus chez Lescent pour y prendre un p'tit euner. Zy et Lène étaient déjà là, à se chamailler, regardant un match de ball à la vision. « Mais c'est une vraie strophe ! » dit la maman du cologue, qui étalait les macarons à la fraise sur sa poitrine de mane. « Mon thérapeute est complètement phrène, il veut me persuader que mon ris est à masser, vous vous rendez compte ! Il prétend que je suis sexuelle et que mon problème est d'ordre onaire, le con ! Encore un raste, ce butor. »

Ica s'astique à la meule dans un coin, on l'entend couiner en fa majeur. Cette fille est totalement tionnaire, c'est évident complet. Même sans graphie, ça saute aux yeux. Faut dire aussi qu'avec des parents chanalystes, ça ne laisse pas beaucoup d'autres possibilités. C'est bien dans ses itudes de mettre la main au bourgeon en public, et c'est clair qu'elle est tout sauf thique. Mais en dehors de ça, c'est le genre pleine de principes, quoi. Elle passe le rateur à poil mais elle va à la messe deux fois par semaine ! Il faut toujours qu'elle en fasse des grammes, c'est le genre qui fait du ma, onvadir. Que son frère, là, à part ses entérites à répétition et sa ration aigre, c'est un chou. Citoyen modèle qui lit Télérama, qui écoute Arnaud Parlotte à midi et qui pouffe avec eux à s'en faire péter le plexus. C'est bien pour ça qu'il est sorti vite fait, rapport à Zy qui vient papoter. Plus tard il veut être chutiste virtuel, comme son cousin Mohammed. Il câline son nateur, faut voir ça ! Le meilleur de sa tion, dans la classe d'informatique ! Ses esseurs sont hyper fiers de lui ! Faut toujours mettre l'atisation à donf, dans sa chambre, à cause des puces qui ébulitionnent. Ah, s'ils étaient tous comme lui, c'est sûr qu'on vendrait moins d'aments.


vendredi 11 juin 2010

Les Misérables

On ne sait plus quoi faire !
Le rapport qui recense les blogs et les sites fascisants nauséabonds nazis réactionnaires vilains honteux racistes méchants extrêmedroitistes heuressombristes passéistes identitaires tortionnaires colonialistes céliniens criminels poussantàlahainistes lepenistes franchissantlalignejaunistes nihiliques antidémocratiques catholiques diarrhéiques scrofuleux patibulaires antimodernes acariâtres demauvaisehumeurs râleurs xénophobes technophobes islamophobes homophobes agoraphobes machophiles repliéssurleurpassémoisistes jeunophobes aguévaristes a oublié Georges !
C'est une honte, c'est un scandale, c'est dégueulasse, c'est honteux, c'est minable, c'est mesquin, c'est antidémocratique, c'est stigmatisant ! Même Didier Goux y est ! Mais qu'est-ce que Georges a fait pour mériter ça ? Boire le vin jusqu'à la Licra, Georges y est habitué, mais il y a tout de même des limites !

jeudi 3 juin 2010

Mais le mois de mai pour moi...


« Ma vie détruit ma vie. »

mercredi 26 mai 2010

Glad to be unhappy

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la

surfa

du

visa

l'infin

nostal

du

mond.

jeudi 13 mai 2010

Les vacances de Serge


Il n'était pas vraiment très beau. Roux, très myope, un peu négligé. Fumant des Dunhill, le paquet rouge. Il entre dans la classe du nouveau professeur de flûte. Elle a la trentaine, porte un col roulé blanc. Il lui demande, avec un grand naturel : « Est-ce tu peux me montrer tes seins ? » Et en guise d'explication : « Je suis musicien de jazz, je ne pars pas souvent en vacances. »

Irène




Elle avait ses lunettes et un petit pull noir qui laissait voir la chair de ses hanches, qui étaient dodues, lustrées, d’une finesse de peau réellement merveilleuse. J’avais envie de me jeter sur elle et de poser mes lèvres sur cette petite portion de peau que j’essayais de ne pas trop regarder. Elle avait l’air fatigué, sa figure avait rétréci, elle était pâle.

Elle a un tic, de plus en plus souvent. Avant de commencer à jouer, elle se met à taper sur ses cuisses avec la paume de ses mains, en alternance, comme le font si souvent les percussionnistes amateurs, mais avec une irrégularité caractéristique, comme si l’impatience simulée que ce geste est censé traduire tenait tout entière dans cette irrégularité. Pendant qu’elle martèle ses cuisses, elle relève le visage et regarde droit devant elle, comme si elle voulait dire à la tranquille partition qui lui fait face : « Tu vas voir ce que tu vas voir, toi, tu ne perds rien pour attendre ! » Malheureusement, ou heureusement, la partition, impassible, est l’indiscutable vainqueur de ce bras de fer qui tourne au rituel.

mercredi 12 mai 2010

Les Horizons qui leurrent



Bernure Acouphène accourait. Il accourait toujours. On le reconnaissait à cette manière d'arriver la langue pendante, toujours en sueur et en jogging. Même quand il marchait tranquillo, "à la Brahms", il accourait. Ça sentait le poireau frais et les glaïeuls se couchaient sur son passage.

Colbert, son chien, ne l'accompagnait pas, il préférait rester à la maison, rêver de Marie-Antoinette et mordiller son coussin-péteur. En avait soupé de l'accourement d'Acouphène, vraiment ! Colbert avait un âge respectable que Bernure ne respectait pas. Et puis, de toute façon, Acouphène n'en avait rien à battre de la photosynthèse et de la bitonalité. Ces deux-là n'avaient pas grand-chose en commun, c'est moi qui vous le dis.

Canopée le dromadaire, soprano colorature et mufle providentiel, était bien aise de ces dissentiments : ça créait un vide juridique qui lui permettait de se livrer à son art tout à son aise. Après l'Air des Clochettes, on verrait ce qu'on peut faire d'Olympia. Le rêve de Canopée était d'aller s'établir à Naxos, mais il lui fallait tout d'abord faire provision de contre-uts. L'air de rien, il y travaillait dur.

Cratule Ascension, l'afamme, avait du poil dans les oreilles. Sans cette qualité, on l'aurait peu remarquée. Elle habitait près du dernier fjord, le seul qui n'avait pas été encore aménagé en lieu de vie pour transexuels à la retraite. Cratule se trouvait souvent sur le chemin de Bernure Acouphène. Comme par hasard.

jeudi 15 avril 2010

Rafffe


C'était une super-criminelle, tueuse à gadgets et voleuse de bougies, qui conduisait une voiture amphibie dégonflée de partout et grognait d'une voix hargneuse un thème scrofuleux de Nietzsche, en bulles naines. Je l'adorais pour sa voiture et pour un con surnaturel dont je sentais que je pourrais le limer dans la super-réalité. La voiture n'était qu'anfractuosités luisantes, toute en soie brossée, d'une méchante efficacité. Ses phares projetaient un rayon de nord nucléaire qui changeait les gens en pierres ; au lieu d'essence, le moteur consommait du foutre humain. La sellerie, c'était de la peausserie d'avocats marrons. Du coffre dépassait un piano démembré en bois de citronnier.

— Dieu bénisse les pédés, ça fait des femmes en plus pour ceux qui restent.



mardi 6 avril 2010

Éloge du con - Sujet sur fond blanc


Il faut définitivement admettre que l'organe génital féminin externe est parfaitement adapté aux nécessités biologiques de notre espèce. Qu'il a atteint ce stade d'optimisation que le regretté Emile Leipp reconnaissait aux instruments de musique réussis. Que cette merveille d'adaptation fonctionnelle et comportementale, le sexe de la femme, mérite les mêmes honneurs, les mêmes louanges, et surtout le même respect que sa chevelure, sa bouche, ses seins, sa croupe et ses mollets. (Gérard Zwang)


Il y a des livres qu'il faudrait interdire à tout prix. Un livre, par exemple, qui nous expliquerait qu'« entre leurs cuisses, les femmes cachent une énigme », serait un candidat sérieux à l'interdiction pure et simple. En effet, on pourrait facilement prouver qu'un tel discours est réactionnaire (ce qui vaut aujourd'hui inéluctable condamnation), qu'il assigne les femmes à une essence (Pouah !), et que le coup du mystère, on nous l'a déjà fait à maintes reprises, à chaque fois qu'on voulait in fine dévaloriser l'objet ou le sujet à qui était accolée la glu romantique et dix-neuvièmiste d'un discours cachant mal ses intentions réductrices derrière un terme faussement élogieux, ou, sinon le dévaloriser, le (re)mettre (…) dans la perspective du patriarcat le plus éculé. Aucun mystère pour les modernes, en tout cas pas ici, pas dans ce département, pas au centre géographique du territoire féminin. Le mystère, on en veut bien, à condition qu'il se situe à des années-lumière de nous, dans les confins de ces secondes sacrées où l'Univers s'est décidé à devenir lui-même, et du même coup à faire voler en éclats notre vieille cosmogonie chrétienne.

Tout le monde connaît le Docteur Zwang, mais très peu savent qu'il a écrit des livres intéressants, qu'il n'est pas seulement un sexologue fameux, mais qu'il a écrit dans ses ouvrages des pages importantes sur cette chose que la pornographie ordinaire qui sévit sans concurrence depuis Internet a scellée bien plus que l'infatigable et obligatoire pleine lumière pourrait le laisser penser. Je n'hésiterai pas une seconde à écrire qu'à aucune autre époque le sexe de la femme n'a été méconnu comme il l'est aujourd'hui, et je rends grâce à Zwang d'avoir été sa vie durant un obsédé du con, obsession que je revendique fièrement — et humblement — comme mienne.

Seulement, on ne peut pas être un con-templateur, sans avoir le courage de dire toute l'ignominie de notre époque, dans ce domaine comme dans bien d'autres. C'est impossible, tant notre temps fait tout ce qu'il peut pour se faire détester de ceux qui aiment les femmes. Kundera a cette définition lumineuse de l'aliénation : « être l'allié de ses propres fossoyeurs ». Quelle époque aura vu les femmes si proches de ce qui les détruit inexorablement, de ce qui les abîme, de ce qui les défigure ? On peut rapprocher ce mouvement morbide de celui de ces peuples qui se laissent sciemment remplacer, évincer, en encourageant le plus souvent (en ne le décourageant pas) le mouvement qui va les emporter. Est-il scandaleux de dire que les femmes ont besoin des hommes pour être femmes ? Plus scandaleux que l'inverse ? Quelle autre époque aura sanctifié l'Autre à ce point, et éradiqué dans le même mouvement son occurrence réelle ? Il est difficile de croire que nous faisons partie d'une génération qui a vécu "la libération sexuelle", qui en garde des souvenirs, tant l'assujettissement des femmes est désormais un principe si universel que plus personne ne le remarque ni ne remet en question ses véritables manifestations. Il est assez comique que ce soit l'époque d'un ultra-féminisme qui aura vu éclore les formes les plus féroces d'une véritable aliénation de la femme. Tout se renverse constamment, en un mouvement bathmologique sans trêve, et les professionnels de la gueulante sont eux-mêmes constamment en retard d'une guerre, quand ce n'est pas d'un monde. Maintenant que les hommes ne menacent plus du tout les femmes, que la tendance s'est inversée depuis belle lurette, il est grand temps pour ces distraits systématiques de leur porter le glaive et de les achever, à terre. Ils ne voient pas que c'est d'abord aux femmes qu'ils font du tort, privées qu'elles sont de cette part de l'humanité où elles pouvaient appuyer leur féminité, contre laquelle elles pouvaient la faire jouer, l'aiguiser ou éventuellement la repenser. Il est infiniment plus difficile de se former, de s'informer ou de se réformer au contact du même, tout le monde sait ça.

Depuis que l'Origine du monde, le fameux tableau de Courbet, est visible, très en vue, sans qu'il soit besoin pour cela de faire partie des intimes du Docteur Lacan, depuis qu'on va le contempler en famille, on a pris l'habitude de regarder (ou plutôt de voir) cette chose, de la photographier, de la filmer, sous toutes les coutures et à tous les âges (pas une ado qui ne la propose au monde entier sur sa web-cam, entre la poire et le fromage, comme un fruit très peu défendu mais très promotionnel). Il n'y a plus rien à dévoiler, quand le mystère féminin est mis en pleine lumière, quand l'intérieur est montré avec tant de désinvolture, quand l'intime est retourné comme un gant. Le Sphynx reste coi, quand l'Énigme vocifère sur tous les plateaux. Monologues du vagin, cours de masturbation, épilation intégrale, pornographie "next door" de la voisine de palier, dans ces tristes conditions, l'envie serait plutôt de demander un peu de discrétion à cette bouche d'ombre devenue grande gueule.

Dans cet environnement, dans la compagnie des blogs, indécente par nature, comment oser encore célébrer le con, ou même seulement en parler, sans tomber dans le travers qu'on dénonce ? Aucun risque, en réalité, car les blogueurs et la modernité extasiée n'aiment pas le con. Qu'admire-t-on, chez les "stars du porno" ? Chez les hommes, la dimension de leur queue, chez les femmes leur disponibilité totale et stéréotypée, répondant parfaitement aux attentes calibrées des immatures de tout poil, ces adolescents éternels qui ont appris la sexualité chez John B. Root et la morale sur l'île de la tentation. Pas une seconde n'est accordée à la contemplation, autre nom du désir. Un des phénomènes les plus déprimants que je connaisse est celui de ces mères de famille qui se félicitent de suivre à la lettre les conseils de leurs filles, à propos de leur apparence, de leur(s) toilette(s), de leur corps. Naguère les parents expliquaient à leurs enfants comment il convient de se vêtir, de se présenter à autrui, quels sont les codes vestimentaires et langagiers adaptés à telle ou telle situation, ils formaient le goût de ceux-ci et les préservaient ainsi du stéréotype qui s'ignore, le seul à être vraiment mortel. (Les nouveaux venus apprenaient de ceux qui leur avaient fait place, ils s'inscrivaient dans une chaîne de sens.) Un terme résume bien la chose : la tenue. La tenue, c'est la vêture, mais c'est aussi la manière de se tenir devant autrui, la manière de parler, la façon qu'on a de s'empêcher, de faire advenir une certaine forme avant (ou avec) ses désirs ou ses pulsions propres. « Dans quelle tenue es-tu ! » Ce genre de phrases, entendues dans mon enfance, n'a plus cours, n'est plus recevable, désormais, puisque chacun prétend être soi-même avant toute autre considération. Certains auraient voulu penser que ce "soi-mêmisme" déchaîné et triomphant allait produire des humains libres et singuliers, puisqu'il y avait dorénavant autant d'êtres que d'individus, autant de manières que de canons. C'est bien entendu l'inverse qui est advenu. Mais ce qui a changé, par rapport aux époques antérieures, c'est que le conformisme ne s'appuie plus sur des valeurs déclarées et identifiées, acceptées ou combattues, façonnées par des classes sociales distinctes, mais qu'il est intériorisé par une société indistincte qui n'aperçoit plus son reflet dans la glace, ou qui prend ce même pour un autre, où l'on retrouve l'aliénation de ces individus dont la différence a le visage étrangement morne de la multitude.

Il est tout de même extravagant qu'une époque qui ne cesse de vanter la floraison infinie du singulier soit aussi castratrice et autoritaire, quand elle se mêle de dire la manière dont il convient de traiter ce qui devrait être précisément le comble du privé. Comme toujours, les plus normatifs sont les adolescents, mais comme ils sont maintenant orphelins de ceux qui jadis les aidaient à se défaire de cette grégarité passagère, pour entrer dans l'âge adulte, ils vont au contraire en faire profiter les ci-devant parents qui ne sont plus que des copains mal vieillis et pétrifiés d'admiration devant leur progéniture. Ce n'est pas la femme, qui est l'avenir de l'homme, c'est l'enfant. Mais nos ados, sentencieux et moralisateurs, ont reçu le renfort inattendu de la religion, ou plutôt d'une religion, dans leur détestation programmée et la confusion de leur esprit. Les inesthéticiennes ont entendu le message et sont montées sur le bateau qui est en train de larguer les dernières amarres avec le réel d'une humanité naguère sexuée. Le conforme est l'ennemi du con, autant que les esthéticiennes sont les ennemies de l'esthétique. Celles-là feraient bien de commencer par se regarder dans une glace. On ne peut pas ne pas penser que beaucoup de femmes qui répètent après les marchands que le beau est glabre ne se connaissent tout simplement pas, n'ont tout simplement jamais pris la peine de se contempler dans le miroir, qu'elles n'ont jamais eu assez de curiosité, d'amour et d'humilité pour seulement remarquer à quel point la femelle humaine est arrivée, après des millions d'années d'évolution, à une plénitude formelle, à quel point la vulve de nos femmes est arrivée à un stade esthétique où il n'y a rien à lui ajouter, et surtout rien à lui retrancher. Le con de la femme, c'est la lettre à la fois volée, ouverte, cachetée, illisible, mais dont l'évidence infalsifiable ne rebute que les illettrés qui pensent encore que le poil est un attribut de la virilité. Les arracheuses de touffe pensent comme on leur dit de penser dans les salles d'attente des salons de coiffure. Elles ne savent pas que le poil pubien et axillaire désigne au contraire la femme en âge d'avoir une sexualité normale, celle qui est apte à se donner du plaisir et à le partager librement avec l'homme qu'elle a choisi. La plupart des mammifères femelles n'ont pas de poils à ces endroits-là ! Les fillettes n'en ont pas encore, les vieilles femmes n'en ont plus. Le poil n'est ni un attribut typiquement masculin ni un signe d'animalité, contrairement à ce que tout le monde croit aujourd'hui. Il est là pour attirer le regard, pour aimanter le désir, pour lui donner un cadre, il est là comme promesse. C'est un signe, un stimulus, un exhausteur de goût, un amplificateur, un prélude. Mais on préfère désormais les écrans aux écrins, les portes de frigos aux forêts profondes. La Nuit sur le mont chauve n'est plus cet épisode terrifiant qu'il était pour Moussorgski, et nos femmes décrépies (décrépites avant l'âge) et passées au Napalm puant des connasses en blouses blanches et chewing gum qui les conseillent ressemblent dorénavant à des poulets cancéreux et immatures dont le sex-appeal est aussi développé que l'intelligence de leur nouvelles prêtresses de Monoprix. Y a-t-il expression plus hideuse que « Je vous fais le maillot ? », y a-t-il compagnie plus vulgaire que ces agents du mauvais goût institutionnel qui veulent avant tout que personne ne soit moins moche qu'elles ? Comment ne pas comprendre que ces pauvres filles dont l'arrogante bêtise cache mal une timidité maladive et mal placée ne supportent pas l'admirable provocation de la touffe pileuse, du mont de Vénus gonflé sous la culotte, configuration à la fois proéminente et pudique, complexe, stratifiée, médiatrice, qui donne tant de prix à l'ultime abandon ? La toison est un redoublement du vêtement, son signe ultime et ambigu, une pelure supplémentaire, un voile de plus qu'il convient d'écarter, une porte à ouvrir, un détour, un supplément, un voyage ! Il faut aller la chercher, l'arracher au dragon qui la garde. Toutes les femmes sont Chrysomallos, tous les hommes sont Jason, tous sont des chercheurs d'or.

Plus j'y pense, plus je me dis que ceux qui détestent le poil féminin sont les mêmes que ceux qui n'aiment pas la langue, son ambiguité, sa complexité, sa richesse, le travail qu'elle exige, le fait qu'elle ne se donne pas au premier (mal)venu, qu'elle exige de la tenue. La transparence et l'immédiat sont les ennemis irréductibles du sens, et des sens.

vendredi 2 avril 2010

mercredi 31 mars 2010

Diversité et eucharistie

Le pianiste fit un nombre de fausses notes impressionnant. Comme me le chuchote un ami, alors : « C'est plus des pains, c'est une boulangerie ! » 

À la sortie du récital, on l'interroge : « Maître, que s'est-il passé, une méforme, un mauvais piano, des courants d'air ? » Le type ne se démonte pas : « Je ne supporte plus ce fasciste de Mozart. Cette sonate est écrite en ut majeur, une tonalité éminemment suspecte. Vous rendez-vous compte que toutes les notes noires, ou presque, y sont odieusement discriminées ? J'ai simplement voulu faire œuvre citoyenne, en m'élevant contre la ségrégation, en apportant un peu de diversité dans la composition de cet artiste homophobe et raciste, n'en doutez pas, qui sent le moisi et le patriarcat insupportable d'un pays notoirement réactionnaire. Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour dire que ce genre d'œuvres est responsable entre autre du conflit israélo-palestinien, par un enchaînement de causes et d'effets qu'il serait trop long de décrire ici. Vous comprenez, j'ai eu la chance de côtoyer Anthony Braxton et Joan La Barbara, et il m'est très difficile de faire abstraction au quotidien de l'enrichissement considérable que ces artistes ont apporté à l'art en général et à la musique en particulier. Je continue à jouer Mozart, OK, mais en le revisitant, si vous voulez, en l'investissant avec mon vécu perso. C'est vrai que ça me semble on va dire la moindre des choses pour un artiste citoyen contemporain ! » 

Mon ami lui demande de tirer sur son petit doigt. Le pianiste s'exécute, et l'on entend un formidable pet en ré bémol majeur. Sublime modulation !

L'autre s'évanouit dans un nuage odorant. On trinque.

mardi 30 mars 2010

Höhenfeuer


Vingt-cinq ans. Durant vingt-cinq ans, j'ai vu ses seins. De très beaux seins, lourds, un peu trop lourds, des seins un peu déplacés sur cette poitrine d'adolescente. J'avais gardé en moi ce souvenir. Un souvenir précis, un souvenir charnel (c'est le cas de le dire), un de ces souvenirs qui vous constituent, qui donnent un sens à vos goûts, qui vous forment le jugement, et même peut-être le caractère — un souvenir comme une empreinte. Ce n'est pas une question d'esthétique, d'ailleurs, au sens propre, c'est plus une question de densité de la chair, d'accroche, de présence, de centre de gravité. Ce qui fait, après tout, qu'une femme est une femme, ou au moins qu'elle n'est pas un homme.

J'ai revu ce film, il y a quelques jours. Höhenfeuer, ou l'Âme sœur. Je l'ai autant aimé qu'à l'époque où je l'avais vu au cinéma, en 1985 ; c'est un petit chef-dœuvre brûlant. À nouveau, cette envie pressante d'aller vivre là-haut, comme eux. À la montagne, sans télévision, sans Internet, sans téléphone, sans chauffage central ni électricité. Près des vaches, et seul.

Seulement, pas une fois, dans ce film que j'ai revu, seul dans mon lit, pas une fois on ne voit les seins de Belli. J'attendais ce moment avec impatience, bien sûr. Rien. Rien, ou presque. Ils sont là tout au long du film, quand elle court, quand elle parle (ah oui, quand elle parle !), quand elle se penche en avant, mais jamais on ne les voit. Le moment où elle se réveille, et se rhabille, à demi assise encore dans le sac de couchage… Là non plus.

Les souvenirs les plus vivaces sont souvent des souvenirs de choses qui n'ont pas existé, comme les idées que nous défendons avec le plus d'âpreté sont le plus souvent celles qui ne sont pas les nôtres.

Je pourrais bien entendu écrire que les seins de Belli n'ont aucune importance, et que tout ce qui m'a marqué dans ce film merveilleux est l'écrin qui a rendu possible ce souvenir fantôme. Mais ce serait faux, ou ce ne serait pas réellement vrai. Après tout, que sont les seins des femmes, sinon ce souvenir (toujours vif) du bonheur après lequel nous courons toute notre vie ?

Le titre français n'est pas si mauvais qu'il y paraît d'abord. Il est même très bon, quand on y réfléchit un peu. Cette âme sœur dont on cherche la trace ou l'écho tout au long de notre vie, elle s'incarne dans des signes mystérieux, dans des formes, dans un désir insatiable que nous ne comprenons jamais. C'est un risque à courir, c'est sans doute le seul. S'écouter, tenter d'entendre cette voix qui ne se distingue de nous qu'en de rares et fugitifs moments durant lesquels un monde à la fois immense et ténu surgit comme une montagne qui est au loin et pourtant semble nous écraser de sa puissance intemporelle. Le geste du Bouèbe, qui pose sa main sur le cou de sa sœur pour l'"entendre" chanter (il est sourd), alors qu'ils viennent de se disputer parce qu'il a jeté la radio de celle-ci dans le bassin, est une des plus belles choses que j'ai vues au cinéma. Ne chante que pour moi, ne parle qu'à moi, qu'est donc cette demande, sinon l'amour ?

D'un trait, on peut réunir deux vies, à vingt-cinq années de distance.


samedi 27 mars 2010

Albert Duspasme (3)




Albert était rentré tard de la partouze du samedi soir. Ce n'est pas qu'il rechignait à s'y rendre, mais il était plutôt gros dormeur, et le dimanche matin, au printemps, était consacré à la Séduc-Action. Tout cela prenait du temps et il n'était plus tout jeune. À la partouze d'hier, quelqu'un lui avait fait en passant la remarque qu'il ne pratiquait peut-être pas le cunnilingus avec tout l'entrain qui convenait. Bien sûr, la chose avait été dite avec le sourire, mais il fallait néanmoins rester sur ses gardes. On pouvait facilement être dénoncé. Il avait déjà aperçu cette femme, qu'il n'aimait pas. Qui sait quelles étaient ses fonctions. Il allait devoir faire un effort à la Séduc-Action de ce matin. Il passa sous la douche avec un soulagement : la Fantaisie s'entendait beaucoup moins quand on avait la tête sous l'eau.

lundi 22 mars 2010

Albert Duspasme (2)


Le lundi est un jour tranquille. En sortant du travail, Albert va directement au Sensutrans de son quartier. Il y fait ses quatre gymnosensues et regagne à pied son domicile. Ce soir, il a embrassé seize femmes. Ce n'est pas si terrible quand on a la technique. Deux d'entre elles avaient mauvaise haleine mais il a déjà vu pire. Il a été bien noté à l'exercice de palpation dans le noir et les douches étaient exceptionnellement calmes. Même pas une fellation. Vraiment, Albert aime bien le lundi.

dimanche 21 mars 2010

Albert Duspasme


Albert était rentré tard de la partouze du samedi soir. Ce n'est pas qu'il rechignait à s'y rendre, mais il était plutôt gros dormeur, et le dimanche matin, au printemps, était consacré à la Séduc-Action. Tout cela prenait du temps et il n'était plus tout jeune. À la partouze d'hier, quelqu'un lui avait fait en passant la remarque qu'il ne pratiquait peut-être pas le cunnilingus avec tout l'entrain qui convenait. Bien sûr, la chose avait été dite avec le sourire, mais il fallait néanmoins rester sur ses gardes. On pouvait facilement être dénoncé. Il avait déjà aperçu cette femme, qu'il n'aimait pas. Qui sait quelles étaient ses fonctions. Il allait devoir faire un effort à la Séduc-Action de ce matin. Il passa sous la douche avec un soulagement : la Fantaisie s'entendait beaucoup moins quand on avait la tête sous l'eau.

vendredi 19 mars 2010

La vérité


Et vous n'avez pas honte, et ça ne vous humilie pas ? me direz-vous peut-être, en secouant la tête avec mépris. Vous avez soif de vivre et vous répondez vous-mêmes aux questions essentielles avec votre logique de la confusion. Vos attaques sont tellement énervantes, tellement insolentes, et — en même temps — comme vous avez peur ! Vous dites n'importe quoi et vous en êtes satisfait; vous proférez des insolences, vous tremblez perpétuellement de ce que vous dites, et vous demandez pardon. Vous assurez que vous n'avez peur de rien, et, en même temps, vous essayez de vous grandir devant nous. Vous assurez que vous grincez des dents, et, en même temps, vous plaisantez pour nous faire rire. Vous savez que vos bons mots ne sont pas drôles, mais il est clair que vous êtes heureux de leur qualité littéraire. Peut-être est-ce vrai que vous avez souffert, mais vous n'éprouvez pas le moindre respect pour votre souffrance. Vous détenez une vérité, mais vous n'avez pas la moindre pudeur ; c'est la gloriole la plus mesquine qui vous fait exhiber votre vérité devant tout le monde, au pilori, à la foire… Oui, vous voulez dire quelque chose, mais votre peur vous fait cacher votre dernier mot car vous n'avez pas assez de cran pour lui trouver une expression, vous n'êtes mû que par une insolence lâche. Vous vous flattez de votre conscience, mais vous ne faites qu'hésiter, car même s'il est vrai que votre esprit travaille, votre cœur est noirci par la dépravation et, sans un cœur pur, une conscience pleine et juste est inimaginable. Et comme vous êtes énervant, que vous êtes collant avec toutes vos grimaces ! Mensonge, mensonge et encore mensonge !


mardi 16 mars 2010

Interruption

Georges vous demande quelques instants de silence, il est en train de faire sa prière.

lundi 15 mars 2010

Mode d'emploi


1. Cliquez sur le lecteur audio de la Berceuse pour Luna.

2. Attendez 8 secondes…

3. Cliquez sur le lecteur audio du Message personnel n°13.

4. Rendormez-vous.

dimanche 14 mars 2010

Message personnel n°13


Mais tu vas le décrocher ce putain de téléphone, oui ou merde !?



samedi 13 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

Blog




Et voilà, à peine rouvert, ce blog me fait déjà ch… Faut dire aussi que j'ai des c-o-m-m-e-n-t-a-t-e-u-r-s qui décourageraient même un Digoux devant son verre de pinard.

D'ailleurs, il passe son temps à cela, Georges, à essayer de semer ses lecteurs. Quelle joie quand il voit le compteur de visites qui descend, descend ! Pendant plus d'une semaine, il a été plat comme l'encéphalogramme d'un cuirassier de la Grande Armée en 2010. C'était beau, cette ligne droite. Il y a bien eu une alerte dimanche dernier, un visiteur égaré sur une page inexistante. Mais il a dû rapidement se sentir de trop, le visiteur, à peine la porte entrouverte il était déjà reparti, sans demander son reste. C'est curieux, ces habitudes que prennent les blogueurs, ces habitudes si rapidement prises. Pourquoi revenir, encore et encore, alors que rien ne les attend ici, que rien n'est amène, qu'aucun sens ni aucune information digne de ce nom ne peut leur donner l'illusion qu'ils ne perdent pas leur temps. À peine le rideau remonté en grinçant, on a vu les mêmes cohortes, les mêmes petits groupes, les mêmes individus patibulaires et vaguement honteux, la sueur au front, passer, repasser, le regard absent, comme les "repasseurs" des rues chaudes, quand ils déambulent, l'air de rien, sur le trottoir. Vraiment passif, le racolage de Georges ! On ne peut pas dire qu'on va les chercher, on ne peut pas nous accuser d'être "commerçant" ! D'ailleurs, je me demande si la devise de la maison ne va pas changer. De « Tais-toi, je t'en prie ! », qui n'est guère efficace, semble-t-il, on va sans doute dorénavant préférer : « Plutôt mort que sympa ! » Ici, le "Bonjour!" a la signification de good bye, à plus, à la revoyure, à tout'. On ne change jamais la devanture, on ne fait pas la poussière, le néon au-dessus de l'entrée est toujours en panne, ce n'est plus GEORGES, mais G OR ES. Les mouches volent au-dessus des tables tachées et ça sent le graillon. En vitrine, un vieux livre de poche de Ray Bradbury, taché lui aussi, Fahrenheit 451, et un album de photos souvenirs aux pages arrachées. Au fond, on entend un pianiste amateur qui s'escrime sur la Polonaise en la bémol. Il manque des touches à l'instrument, complètement faux. Ce con va nous rendre dingues ! Héroïque mon cul ! Seul le va-et-vient pour aller aux toilettes, en sous-sol, les talons qui tapent sur les marches de béton, et l'air de ne pas y toucher des habitués, pourraient donner l'idée qu'il se passe encore quelque chose ici. Le patron fait la gueule et il n'a plus rien à boire. Les clients rasent les murs et sont mal rasés. On se demande vraiment pourquoi l'autorité ne ferme pas définitivement l'établissement.

Écouter ? Comment ça, écouter ?


Si quelqu'un vous demande ce que vous faites dans la vie et que vous répondez que vous écoutez de la musique, il est exclu que vous soyez pris au sérieux. Je pense souvent au mot de Richard Wagner qui disait en substance qu'il était parfaitement normal qu'on lui assure non seulement la subsistance mais même une vie confortable et luxueuse, car il était "l'auteur de Tristan", et n'aurait-il composé que cet opéra. Les quelques artistes qui peuvent se flatter d'avoir écrit, peint ou composé quelque chose qui leur paraît compter dans la production artistique humaine comprennent cela, il me semble. Et ce n'est pas moi qui voudrais leur retirer ce privilège. Il existera toujours des envieux qui ne comprendront pas qu'un homme, fût-il un grand artiste, n'ait pas à gagner sa croûte à la sueur de son front. Que Gustav Mahler ait dû diriger et un orchestre et une maison d'opéra n'est pas quelque chose qui lui a fait perdre son temps, loin de là, mais il eut été préférable qu'il ait le choix, et donc la possibilité de ne pas le faire.

Écouter de la musique ? Et puis quoi encore ? Vous me voyez venir. Ici nous pensons sincèrement qu'il serait grand temps que Georges ne fasse plus que ça. Ça, quoi ? Vous voulez dire critiquer, donner son avis, écrire des notices pour des disques, pour des festivals, pour des encyclopédies, parler dans un micro, raconter la vie passionnante de Célestin Barmadu, le grand hautboïste ardéchois que personne ne connaît ? Non, on ne veut pas du tout dire cela. Écouter, et rien de plus : voilà ce que devrait-être l'activité principale de Georges.

Le matin, il se lèverait, prendrait son petit déjeuner, son bain, ferait une courte balade avec Luna. Puis il reviendrait s'asseoir, se préparer. Il passerait alors son habit, fraîchement repassé, se parfumerait, reprendrait une tasse de café (un mélange de Mexique Gragé et de Salvador Pacamara, avec un fond de Moka Lekempti).

Ensuite ? C'est très simple. Il appuierait sur le gros bouton rouge, installé dans son confortable fauteuil d'écoute. Tenez, ce matin par exemple, il s'agit du deuxième mouvement du concerto pour violon de Samuel Barber. Il dure neuf minutes.

Vous voudriez peut-être qu'on vous fasse part de nos réflexions, que l'on explique pourquoi ce concerto, pourquoi cette artiste, pourquoi le violon, pourquoi Barber plutôt que Chopin, et qu'on se mette à faire comme les imbéciles de la radio qui "comparent" des versions en cherchant désespérément à donner l'impression qu'ils savent de quoi ils parlent ? C'est bien sûr exclus. Que vous écoutiez Barber ou Sting, Bério ou Charles Aznavour, les Noces de Stravinski ou le dernier opéra rock qui passe à la salle des fêtes de Boudurin-les-Eaux, voilà bien de quoi on se moque éperdument. Nous n'avons aucunement le désir de changer vos habitudes, de réformer vos goûts, ni même, Dieu nous en garde !, de vous instruire. Surtout pas ! Il faut à tout prix que le monde continue comme il est, que personne ne change rien à son cours, il est hors de question de déranger quiconque. D'une ancienne vie, nous avons gardé un profond dégoût de l'enseignement, quel qu'il soit.

Soit, me direz-vous, mais alors, écouter quoi, écouter pourquoi, écouter comment, et surtout, comment justifier une telle occupation, si l'on peut parler ainsi, et comment même (le comble !) la faire rétribuer (par le fameux contribuable) ? Je dois avouer que je n'ai pas les réponses à toutes ces questions très ennuyeuses. Cependant, qu'on ait ou non les réponses à ces questions, il va de soi que c'est désormais le seul but de la vie de Georges. Il faut absolument que quelqu'un soit là pour écouter, le faire sérieusement, et ne faire que ça. Qu'on le comprenne ou non n'a pas d'importance. Pensez-vous avoir compris à quoi servent ces bonnes sœurs ou ces bons pères qui prient en silence dans les monastères catholiques ? Seriez-vous absolument certains qu'ils ne servent à rien que cela ne les détournerait pas une seconde de leur sympathique passe-temps. Savez-vous pourquoi Georges doit être désormais écouter la musique ? Je vais vous le dire : parce que c'est ainsi.

mardi 23 février 2010

Miroirs

Ce que L'Église nomme la Communion des saints est un article de foi et ne peut pas être autre chose. Il faut y croire comme on croit à l'économie des insectes, aux effluves de germinal, à la voie lactée, en sachant très bien qu'on ne peut pas comprendre. Quand on s'y refuse on est un sot ou un pervers. Par l'Oraison dominicale il est enseigné qu'il faut demander notre pain et non pas mon pain. Cela pour toute la terre et pour tous les siècles. Identité du pain de César et du pain de l'esclave. Identité mondiale de l'impétration. Équilibre mystérieux de la puissance et de la faiblesse dans la Balance où tout est pesé. Il n'y a pas un être humain capable de dire ce qu'il est, avec certitude. Nul ne sait ce qu'il est venu faire en ce monde, à quoi correspondent ses actes, ses sentiments, ses pensées ; qui sont ses plus proches parmi tous les hommes, ni quel est son nom véritable, son impérissable Nom dans le registre de la Lumière. Empereur ou débardeur nul ne sait son fardeau ni sa couronne.

(…)

« La terre est un homme », a dit je ne sais quel philosophe mystique. Cette parole étrange me revient tout à coup en songeant, une fois de plus, au Globe impérial que je vois toujours accourant du fond des siècles, pour se placer enfin dans la main de Napoléon. Ce globe naturellement exprime la sphère terrestre, image renversée de la sphère céleste où elle paraît n'être qu'un point tout à fait imperceptible. Mais l'Espace aussi bien que la Quantité n'est qu'une illusion de notre esprit. Le Nombre n'est que la multiplication indéfinie de l'Unité primordiale et rien d'autre. Il est donc probables et même certain que la minuscule terre, si vaste pour les pauvres humains forcés de la parcourir, est, en réalité, plus grande que tout, puisque Dieu s'y est incarné pour sauver jusqu'aux astronomes.

Cette incarnation n'est pas seulement un Mystère, ainsi qu'on l'enseigne, elle est le centre de tous les mystères. Omnia in IPSA constant. Quand on lit que le Fils de Dieu, son Verbe, « a été fait chair », c'est exactement comme si on lisait qu'il a été fait terre, puisque la terre est la substance de la chair de l'homme. Mais Dieu, prenant la nature humaine, a opéré nécessairement selon sa nature divine, c'est-à-dire d'une manière absolue, devenant ainsi plus homme que tous les hommes formés de terre, devenant lui-même la Terre au sens le plus mystérieux, le plus profond.

Lorsqu'on nomme la terre, c'est donc le Fils de Dieu, le Christ Jésus lui-même qu'on nomme, et c'est à décourager toute constance exégétique de découvrir que le mot terra est écrit beaucoup plus de deux mille fois dans la Vulgate, pour ne rien dire du mot humus, invocateur et synonyme d'homo qu'on peut y lire exactement quarante-cinq fois.

Remplis de ces pensées, ouvrez le saint Livre et vous aurez comme le déchirement du voile de l'Abyme. Vous serez aussitôt le témoin bouleversé des épousailles du Ravissement et de l'Épouvante. Vous ne saurez plus, vous n'oserez plus parler. Vous n'oserez plus cracher sur la terre qui est la face de Jésus-Christ, car vous sentirez que cela est vraiment ainsi. Quand vous lirez, par exemple, dans saint Jean, que Jésus « écrivait du doigt sur la terre », en présence des Scribes et des Pharisiens accusant son Épouse à lui, l'Église pour laquelle il devait mourir, d'avoir été « surprise en adultère », vous sentirez peut-être, avec une émotion inconnue, que ce Rédempteur écrivait sur sa propre face, du même doigt qui avait guéri les aveugles et les sourds, la condamnation silencieuse des implacables et des imbéciles. « Celui qui est issu de terre, est de terre et parle de la terre », avait dit son Précurseur, et c'est pour cela que le Maître s'exprima toujours en paraboles et similitudes. On ne finirait pas, s'il fallait d'une main tremblante et le cœur battant comme les cloches de l'Épiphanie, dérouler toutes ces concordances du Texte saint.

Alors un respect sans bornes serait dû à cette terre miraculeuse, inexprimablement souillée par tous les peuples depuis tant de siècles et si cruellement déshonorée aujourd'hui par les industries avaricieuses qui la dépouillent de tout son décor, après l'avoir violée jusqu'en ses entrailles. Mais toute la malice des démons ne l'insultera pas plus que la Face du Rédempteur ne fut insultée. On a beau la vendre ou l'échanger avec injustice et par les détours de la cupidité la plus ignoble, cela ne fera jamais une équivalente qualité d'outrages. Quelque dévastée que puisse être la face visible de notre globe, on ne le dépouillera pas cependant des trésors cachés de la colère de Celui dont il est l'image et on n'éteindra pas non plus la fournaise immense de son cœur.

(Léon Bloy, L'Âme de Napoléon)