Affichage des articles dont le libellé est Bile. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bile. Afficher tous les articles

jeudi 18 août 2022

Les commentaires imbéciles, pourtant

 Soit cet extrait de Schopenhauer déposé sur Facebook. 

« Pour moi, je nourris depuis longtemps l’idée que la quantité de bruit qu’un homme peut supporter sans en être incommodé, est en raison inverse de son intelligence, et par conséquent peut en donner la mesure approchée. Aussi lorsque j’entends, dans la cour d’une maison, les chiens aboyer pendant une heure, sans qu’on les fasse taire, je sais déjà à quoi m’en tenir sur l’intelligence du propriétaire. Celui qui fait claquer habituellement les portes, au lieu de les fermer avec la main, ou qui le tolère dans sa maison, est non seulement un homme mal élevé, mais encore une nature grossière et bornée. “Sensible” en anglais signifie également “intelligent”, et ce sens-là procède d’une remarque très fine et très juste. Nous ne serons complètement civilisés que le jour où les oreilles seront libres, elles aussi, et où l’on n’aura plus le droit, à mille pas à la ronde, de venir troubler la conscience d’un être qui pense, par des sifflements, des cris, des hurlements, des coups de marteaux ou de fouets, des aboiements etc. Les Sybarites bannissaient hors de leur ville tous les métiers bruyants ; et la respectable secte des Shakers, dans le nord de l’Amérique, ne souffre aucun bruit inutile dans les villages ; on raconte la même chose des frères moraves. »  

Qui donne lieu à des commentaires tels que :

« Comme j'aime les chiens, leur aboiement ne m'est pas insupportable. J'ai plus de mal à endurer les cris des marmailles sur la plage ou dans un parc. »

Et encore :

« C'est un beau texte, pas très scientifique mais beau. Normal pour un philosophe j'ai envie de dire. Ça n'en fait, heureusement, pas une généralité [sic]. Sans compter que les exemple cités ont des pertinences qu'il n'y a pas ici (en tout cas pour les chiens) »

Et surtout :

« Après pour le silence, il reste l'ehpad ou le tombeau. Les bruits font aussi partie de la vie. »

Ça c'est vraiment le bouquet ! Ce crétin se croit sans doute spirituel, en plus. Ou très fin. Ou les deux. Pauvre imbécile. C'est vraiment pitoyable. Et ce con a l'air d'être flûtiste, en plus… Les bruits font partie de la vie… J'ai rarement entendue répartie aussi bête. A-t-il seulement lu le texte que j'ai déposé ? Il vaudrait mieux penser que non, par charité chrétienne. Ce genre de commentaires ne me donnent jamais envie de répondre sérieusement, rationnellement, logiquement, mais seulement d'insulter — ce que j'ai fait. Merde alors, ils ne méritent pas mieux. La tolérance a des limites. On a beau en avoir l'habitude, la confrontation avec la bêtise crue bouleverse. Pour peu, elle nous ferait fondre en larmes, car elle vient toujours comme un coup de couteau dans la trame courante de l'esprit. Elle nous prend toujours au dépourvu, même si nous la connaissons bien. La bêtise est toujours une agression, quoi qu'on dise. Pour me calmer, j'écoute des chansons de Bola de Nieve, que j'adore. Quel baume ! Où est donc passée la bonté que ces chanteurs-là savaient mettre dans leur voix ? La bonté, la douceur et le sourire aimable, tout le contraire du ricanement et du clinquant, brutal ou stupide, qui aujourd'hui a étouffé toute poésie, toute gentillesse et tout savoir-vivre. Il existe un lien direct entre amabilité et silence, et toute personne qui ne le voit pas est pour moi une brute. Tout grand art porte en lui une dose immense de silence. C'est lui, le silence, qui rend possible le son, les notes, les phrases, qui les habille de cette couleur chaude et précieuse, qui les protège de la vulgarité, qui leur donne finalement une forme humaine, généreuse, une forme qui adoucit les angles de la réalité et qui éloigne les sauvages. 


« C'est une chose étonnante que l'indifférence vraiment stoïque avec laquelle les cerveaux ordinaires supportent le bruit. » (C'est Schopenhauer encore.) Mais voici le passage en entier, qui précède tout juste celui que j'ai cité plus haut. « En revanche, c’est une chose étonnante que l’indifférence vraiment stoïque avec laquelle les cerveaux ordinaires supportent le bruit ; qu’ils pensent, qu’ils lisent ou qu’ils écrivent, rien ne peut les troubler, tandis que les cerveaux d’élite en deviennent incapables de tout travail. Mais ce qui les rend si insensibles aux bruits de toutes sortes, les rend également insensibles à la beauté dans les arts plastiques, à la profondeur de la pensée ou à la finesse de l’expression dans les arts du discours, bref à tout ce qui ne les intéresse pas personnellement. Au sujet de l’action paralysante qu’exerce au contraire le bruit sur les esprits d’élite, citons la remarque suivante de Lichtemberg, qui trouve ici sa place.  “C’est toujours un bon signe, quand un artiste est empêché par des riens d’exercer son art comme il faut. F… plongeait ses doigts dans de la poudre de lycopode, lorsqu’il voulait jouer du piano… Des esprits moyens ne sont pas empêchés par de telles vétilles. Ce sont des cribles à larges trous.” »


***


Je dépose cette phrase, sur Facebook : « Un bon professeur, c'est quelqu'un qui jamais n'a voulu enseigner, mais qui a toujours désiré apprendre. » Il y a peu de choses, il y a très peu de choses dont je sois sûr, dans la vie. Celle-ci en fait partie.


Aussitôt, un professeur surgit pour me rappeler à l'ordre : « Non. C'est quelqu'un qui désire partager ce qu'il ne cesse d'apprendre. Le plaisir d'enseigner est essentiel. » Outre que cette manière d'asséner des truismes est assez ridicule, il y a le ton, bien sûr. Eût-il dit la même chose d'une aimable manière que j'aurais volontiers répondu en précisant ma pensée : il est vrai que je pense plus au maître qu'au professeur à proprement parler. Un "bon professeur", donc, pour moi, c'est quelqu'un qui est devenu ce qu'il enseigne. Il a fait plus que l'étudier, il en a fait sa vie. Il est devenu son art, ou sa discipline. Il n'a jamais désiré être professeur. Quelle piètre ambition, quand on y songe ! Vouloir exercer le métier de professeur… Oh, il en faut, certes, il en faut et il en faudrait beaucoup, même. Mais moi ce n'est pas du tout de cela que je parle. Non, je ne m'intéresse pas à ces ouvriers du savoir qui « aiment leur métier et le font le mieux possible ». Grand dieux, s'ils aiment ça, eh bien qu'ils le fassent, leur métier, et qu'ils ne viennent pas en plus nous chanter leurs propres louanges ! C'est trop, vraiment ! Il y en même un qui, venant à la rescousse du grand professeur outragé, s'est écrié, la main sur le cœur et la tripe palpitante : « magnifique! Mon credo » (sans espace avant le ! ni point à la fin de son exorde sans suite, bien sûr (les profs ne savent pas se déguiser très longtemps en professeurs, il leur manque la patine donnée par l'habitude). Je parle des grands professeurs, je parle de ceux qu'on appelait jadis les maîtres. Un maître selon mon cœur ne se réveille pas un matin avec « la passion de transmettre », cette triste baudruche du temps de l'École mise à terre (ou plus bas que terre). Un maître passe sa vie à se confondre avec sa discipline, à ne faire qu'un avec elle et, à la condition qu'on lui demande avec insistance, et généralement à la fin de sa vie, il accepte d'avoir quelques élèves, car il ne peut pas refuser. Encore une fois, ce n'est pas son but dans la vie. Son enseignement ne sera que ce qu'il ne peut empêcher de laisser voir de son savoir, ou, pour mieux dire, de son être. Il n'aura que très rarement une fiche de paie (et jamais une retraite). On choisit un maître, on vient à lui parce qu'il est lui. Lui ne va pas aux élèves. Qu'il enseigne le piano, le kung fu, ou la calligraphie, il a passé sa vie à se passer de ces élèves qui viennent le trouver quand il a côtoyé son art durant trente ou quarante ou cinquante ans. C'est justement parce qu'il n'a pas d'élèves qu'on vient le voir. Ce qu'on vient chercher, chez lui, c'est son silence ; c'est le mystère de son désir inflexible, c'est tout ce qu'il ne dira pas. Il n'apprendra pas à faire des gestes, à jouer comme ceci ou comme cela, à penser comme ceci ou comme cela, à faire des fiches, des exercices, il pensera, il jouera, ou il se taira, et cette pensée, ce jeu ou ce silence seront plus qu'un exemple ; ce sera le Désir qui flambe dans les deux corps mis côte à côte ; ce sera la Pensée qui se dresse dans deux esprits mis côte à côte, le Son et la Forme qui naissent simultanément dans deux êtres mis côte à côte ; ce sera le Geste qui naît pour la première fois dans les membres de l'élève. Voilà le Professeur dont je parle. Il se contrefiche de “transmettre”, car transmettre signifie qu'on transmet quelque chose. Lui il poursuit son chemin, il continue à apprendre, jusqu'à la mort, et si son inlassable apprentissage peut jeter un peu de lumière (ou de trouble) dans l'âme du néophyte, ce sera une bonne chose. Sinon, tant pis. D'autres le feront. Il est d'abord et avant tout le gardien de sa discipline, qu'il désire porter au point le plus haut. Ce n'est que de cette manière qu'il est utile, vraiment utile. 


Mais le professeur outragé s'était signalé un peu plus tôt dans la journée par une intervention tout aussi cuistre. J'avais déposé le quatrième des Vier Letze Lieder de Strauss, dans l'interprétation de Jessie Norman, et j'avais ajouté en commentaire qu'un peu plus tôt dans la journée, j'avais été très surpris de constater que je m'étais trompé sur la voix que j'entendais à la radio sans rien savoir d'elle, en passant dans ma cuisine. C'est précisément parce que cette méprise m'avait surpris (j'avais cru reconnaître Schwarzkopf, sur une ou deux mesures (c'est-à-dire trois ou quatre notes) entendues je le répète en passant) que j'avais jugé amusant et utile de le dire. C'est précisément dans la mesure où ces deux voix sont très dissemblables que ma méprise m'a amusé, ou m'a semblé intéressante. Mais le professeur outragé a tenu à me faire la leçon : « Deux voix à l'opposé l'une de l'autre pourtant. » Ça alors par exemple ! Quelle information inouïe et capitale ! Comme il était utile de me l'apprendre ! Je ne m'en serais jamais douté. Comme il est bon de se faire redresser la parole par un spécialiste bien assis et bien coiffé ! 


***


À quoi répondent-ils, ces commentaires imbéciles ? On se le demande. Certainement pas à ce qui est écrit, ou dit, en tout cas. Sans doute se répondent-ils à eux-mêmes. Mais si c'est bien le cas, pourquoi ne dialoguent-ils pas avec eux-mêmes ? Ce serait tellement plus intéressant et pertinent. Pourquoi rompent-ils le silence ? C'est cela la vraie question.

Dans un dialogue, le plus important est de savoir à quoi répondre, et donc, sur quoi se taire. C'est comme de savoir ce que l'on doit voir dans un tableau ou entendre dans une page de musique. Nous n'avons pas les bras assez grands pour embrasser le sens, ni le tout de la parole de l'autre. Quand nous lisons un livre, c'est la même chose. Nous savons bien que nous ne lisons pas tout. C'est le choix que nous faisons qui importe : ce que nous laissons est aussi important que ce que nous prenons. Mais surtout, il m'est de plus en plus difficile de supporter ces gens (de plus en plus nombreux) pour qui lire, c'est confronter le sens qu'ils portent en eux au sens de celui qu'il lise. Ils ne veulent savoir qu'une chose : vrai ou faux ? Ils veulent pouvoir dire : Oui ou non ? Eh bien je leur propose de vite refermer le livre, car ils perdent leur temps. Il existe bien d'autres occupations et situations qui leur permettront de jouer à ces jeux binaires et de croire conséquemment qu'ils savent quelque chose. Les bruits font partie de la vie ? Oui. Mais surtout de la vie des cons. 


[C'est moi qui souligne]

dimanche 15 mai 2022

Mensonge et Vérité - la danse !

Je connais quelqu'un qui va répétant comme un dindon à qui on a coupé la tête : « Mentir peu mais mentir bien ». Évidemment, il ment beaucoup, et mal. En réalité, il ne sait plus différencier le mensonge de la vérité. C'est un peu ce qui nous arrive.

Ils n'ont pas aimé leur mère et se croient obligés, des années après sa mort, de lui inventer des qualités imaginaires. Leur inventer des qualités n'est pas un service à rendre à ceux qu'on aime — ou à ceux qu'on n'a pas su aimer. C'est les dévaloriser, que se croire obligé d'ajouter des qualités imaginaires à leurs qualités réelles. Attribuer à tort des qualités à un mort revient à se dénigrer soi-même, car nous ne le faisons que pour nous.

Pourquoi faut-il que tout le monde ricane, lorsque je dis le plus sincèrement du monde que je manque cruellement de talent, comme si je ne disais cela que pour déclencher la réponse automatique qui me démentira ? Est-ce que tout ceux qui réagissent ainsi pensent réellement que le talent est une chose si banale que la plupart en sont dotés, eux les premiers ? Je suis toujours extrêmement étonné de cette réaction. Pour moi, cela ne va pas de soi. Avoir du talent est l'exception qui confirme la règle. Toi, tu peux me comprendre. Nous n'appartenons pas à la race de ceux qui imaginent en être dotés naturellement. (Je me rappelle avec joie ta réponse à une question que je te posais sur la danse (« non, je ne danse pas, je ne m'aime pas assez pour ça ») J'ai toujours trouvé grotesques les danseurs, ceux qui aiment se montrer dansant. Quelle insupportable pornographie !). C'est une des choses qui me séparent de certains de mes amis. Mon sentiment est que si les gens réagissent ainsi, c'est parce qu'ils craignent d'en être privés.

Il ne faudrait faire de compliments que lorsque cela s'impose, ce qui est rare. Plus on en fait, moins nos compliments ont de valeur, mais à se restreindre trop on finit par juger que personne ne les mérite, comme nous ne les méritons que rarement. Alors, par un mouvement de balancier impossible à réfréner, nous nous grisons facilement de cette fausse générosité, de cette sympathique et dispendieuse bienveillance qui, pensons-nous, sera éternellement payée de retour. Or le retour en question est un acide puissant qui nous entraîne dans une spirale d'imposture difficilement résistible. 

La danse est un stigmate d'une radicale efficacité signalétique. Comme la piscine bleue près d'une belle maison ancienne, elle suffit à décrédibiliser, à abîmer durablement la beauté d'un être. On l'aura compris, je ne parle pas là de ces danses classiques et codifiées qui portent en elles une culture et une tradition, et qui ont des liens avec les arts, je parle des trémoussements inarticulés qui contrepointent si bien l'hébétude grégaire. Il en est de la danse, en nos sociétés post-littéraires et post-historiques, comme il en va de la musique ou de la culture : le nom ancien recouvre (mal) la saleté présente — le faux ridiculise la mémoire du vocable, comme une plaie purulente dont le maladroit s'enorgueillirait. "Tu bouges donc je bouge", "pas plus que moi tu ne bougeras", semblent dire ces corps dont la seule morale est de se conformer servilement au mouvement épileptique du troupeau. Étonnez-vous, après ça, de la covidose qui a sévi depuis plus de deux ans ! Il n'y a pas de vaccin, contre le grégarisme halluciné qui met la foule en transe. Les dictatures n'ont pas besoin de dictateurs pour persécuter les individus ; il suffit de la masse massifiée ou globalisée, dont toute forme s'est absentée. Ou plutôt, ce ne sont pas les dictateurs qui font la dictature, mais le groupe qui implore le maître et la férule. Jadis, la transe était thérapeutique, elle était conduite par les magiciens et les sorciers ; aujourd'hui elle a pris le corps social tout entier, un corps sans tête, et ce n'est pas beau à voir. Les dindons se trémoussent jusqu'au délire, mais comme chacun se reconnaît dans l'autre, personne ne distingue l'éperdue dindonnerie. Celui qui ne reconnaît pas la figure du tortionnaire est un tortionnaire en puissance… Ce sont des aveugles qui imitent d'autres aveugles, ce sont des menteurs qui mentent en chœur, ce sont des corps dont les gigotements multipliés en échos brouillent la vue et l'ouïe et le sens. Vous les voyez, avec leur filtres à café sur le nez, robots stupéfiés qui errent parmi les décombres d'un monde désarticulé ? Où sont les masques, demandent-ils, tous alignés derrière leurs pseudos ! Leur chapeau mou est si gros qu'ils ont du mal à le manger. Quelle cruelle pantomime ! Quelle atroce machination ! On a le sentiment que même la guerre ne parviendrait pas à leur redonner un semblant de vérité et de dignité. Si le mensonge était un art et une exception, j'applaudirais au mensonge, mais comment se réjouir de cette imposture généralisée ? Plus on les gave de mensonges plus ils avalent comme des porcs, sans mâcher, comme si leur vie en dépendait, comme s'ils n'avaient plus que quelques instants à vivre. Le pli est pris parce que le pli était espéré. Depuis toujours, ils espéraient cette divine sanction : qu'on les débarrasse enfin du petit bout de liberté qui leur restait encore, et qui les empêchait de dormir. Ils veulent disparaitre dans la foule consentante et gentiment fascistoïde qui a pris corps depuis deux ans, ils veulent en être, ils veulent être sur la photo de classe, et au premier rang, encore. On les torture, ils applaudissent. On les humilie, la reconnaissance perle en bave à la commissure de leurs lèvres. Ils s'endorment au son des berceuses officielles, ils hoquettent de bonheur quand la schlague rougit leur épiderme, ils tachent leurs draps quand on borne leur existence, ils en redemandent quand on barre le sourire de leurs enfants. Ils ont voulu être dans le camp des intelligents, des prudents et de la Science, ils ont versé dans la secte des malins et de l'Intérêt. Quand les mots se mettent à mentir, tout devient possible — surtout le pire.

Ce n’est pas une question d’opinion. Je n’écris pas pour les convaincre. Eux (les masqués, les piqués, les QR-codés, les hypocondriaques larvés, sans gloire, les dindons trépignants de la farce, les suradaptés, les autobunkerisés, les veines-apparentes pavoisées) et moi sommes incompatibles, les corps parlent, les corps s'expriment, les corps participent, qu'on le veuille ou non. Je n'ai pas envie de m'adresser à eux, je n'ai pas envie de les raisonner, de leur expliquer en quoi ils se trompent eux-mêmes, en quoi ils sont trompés, bien sûr, ni en quoi ils sont ridicules. Ils ont aimé ce ridicule, ils ont aimé être trompés, ils ont aimé qu'on se foute d'eux, qu'on les traite comme des chiens d'incompagnie : qu'ils restent donc à la niche, avec leurs semblables, à s'observer méticuleusement comme des bêtes de laboratoire. Ils ont aimé l'euthanasie en douceur, le coma bénin, l'agonie lente et perfide, perfusée, qu'ils croupissent donc en famille dans les miasmes réchauffés de leur haleine angoissée. Ce sont des ustensiles. Ils ont perdu tous leurs attributs humains, leurs singulières aspérités, ils ont été rabotés en profondeur par les Saintes Narrations, ont versé leur sang pour défendre l'indéfendable. Qu'ils en crèvent, tudieu ! Que la Spike les morde jusqu'à l'ADN ! J'en connais même qui sont déjà estropiés et qui en redemandent. Que peut-on pour eux ?

Ce n'est pas (dieu sait !) la vertu médicale du “vaccin” qui incite les clébards 2.0 à se précipiter en masse pour se faire inoculer le brouet frelaté de Pfizer, comme d'autres avant eux se sont fait tatouer, c'est le certificat de conformité et d'obéissance qui l'accompagne et leur procure cette jouissance morne qu'on voit distinctement sur leur face blême de poissons d'élevage. 

Je fais mine de m'offusquer, mais je le savais, que ces couillons continueraient à porter le masque. Ils ont été ravis, ces blaireaux inconsistants, qu'on leur applique une muselière sur la tronche, ravis qu'on leur dise quoi faire, où, et quand, ravis qu'on leur demande de justifier le fait d'aller faire leurs courses à LIDL, ravis de se retrouver entre clébards dressés, et ravis, finalement, qu'on mette un peu d'ordre dans leur pauvre vie. La guerre se mène tout près des corps, au plus intime de la chair. À croire qu'ils ont compris, les Malfaisants, qu'il fallait aller à la racine, près de la vie et de la mort, là où discours et politique ne savent pas se tenir, n'ont plus d'efficience. Alors ils font peur, ils terrorisent, ils discréditent toutes les objections qui n'ont pas l'immortalité pour ligne d'horizon, ils s'en prennent au biologique, pour déborder la vieille morale. D'un côté la mort ou la déchéance, de l'autre l'immortalité : tu parles d'un choix ! Il n'était pas difficile de prévoir que pour beaucoup, pour la plupart, le retour à une-vie-sans-le-Covid (si tant est que cette opportunité nous soit offerte) serait vécu comme quelque chose de très difficile, voire d'insupportable. Pour la majorité de nos concitoyens, le masque, la vaccination, les foutus "gestes-barrière", et les nouvelles normes de contact social (et même privé) ont acquis une valeur positive, ces normes et ces règles sont devenues peu à peu synonymes de sécurité — d'urbanité, presque. Une nouvelle politesse sociale est née, induite par la peur et le conformisme. "Il y avait une attente", comme dirait l'autre… Le risque s'est peu à peu superposé avec les moyens de le prévenir, jusqu'à se confondre avec eux, comme le plaisir peut parfois se confondre avec la douleur. Nous entrons dans une ère sado-masochiste. Le pouvoir (qui EST le danger (et le mensonge)) se présente nécessairement comme le rempart contre le danger et le mensonge qui menacent ceux qu'il administre. Le pouvoir a dansé, le pouvoir s'est trémoussé, le pouvoir est en transe (pensez seulement à la si honnête nuit de la musique, à l'Élysée, en juin 2018, qui révélait tranquillement le pot-au-rose !) Après la fête et les gloussements fin de race des commencements sont vite venus la terreur grimaçante de la fin du quinquennat — à la Ceaușescu —, les élections-bouffes, et maintenant le chantage à la guerre, pour le nouveau départ (et la Très Longue Marche en Avant ?) et la Renaissance ! Bienvenue au pays du Nouveau Peuple !

Comme le disait très bien Anne-Sophie Chazaud, ce matin, le temps n'est plus aux indignations et aux harangues, aux alertes, au confort suranné du militantisme, non plus qu'aux oppositions partisanes dont nous avons trop l'habitude, en France. Nous sommes au cœur d'une lutte pour la survie de l'Être, et cette lutte ne peut désormais se mener qu'au cœur de catacombes bricolées qui ici et là commencent à s'édifier. Nous savions que ce temps viendrait, nous l'avions dit il y a longtemps déjà, mais nous ne savions pas qu'il viendrait si vite. Tout est nouveau, tout est vieux, tout est inversé, Mensonge et Vérité se marchent dessus, et les plus improbables accouplements intellectuels se font jour sous nos yeux. Il est très difficile d'articuler une pensée claire, et simple, car toutes les frontières et limites qui donnaient un sens et un cadre au monde que nous avons connu ont été abolies ou sont en passe de l'être. L'ermitage a des allures de palais du Facteur Cheval, et l'Université a été transformée en cour des Miracles, au cœur du bidonville global. Tous, nous sommes plongés dans un magma effroyable où tout est cul par-dessus tête. N'espérez pas vous sauver en revenant aux vieilles lois politiques. Elles aussi ont subi des mutations qui dans le meilleur de cas les rendent inopérantes et dans le pire produisent des effets inverses à ceux qui sont attendus. Le Bruit, la noise ont tout envahi. Ils n'oublient personne, ils épousent toutes les courbes du paysage mental. On le voit bien, en écoutant des sages devenir subitement aliénés ou imbéciles. Debord nous avait prévenu, il y a déjà longtemps : « Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »

dimanche 2 juin 2019

Effet de Serres

Je n'ai pas beaucoup de goût pour le blasphème, sauf quand il est contre l'époque, mais je dois reconnaître que la mort de Michel Serres ne me fait pas beaucoup d'effet. Question de température, sans doute…

Si aujourd'hui est mieux qu'hier, ce qui était l'essentiel de son discours, c'est qu'on doit se réjouir de la disparition de Michel Serres. 

samedi 30 mai 2015

Le Partage, forme moderne du vol tranquille


Ne me parlez pas de "partage" ! Il y a quelque chose d'absolument repoussant dans cette nouvelle manie de mettre le partage à toutes les sauces. Facebook est à cet égard un répugnant miroir aux alouettes où tout le monde se prend pour un généreux bienfaiteur de l'humanité parce qu'il "partage" des images, des sons, des films et des petits cœurs roses. 

La supercherie est vite démontée. Tout le monde aime aimer, "liker", comme il faut dire désormais, mais personne n'aime penser que ce qu'il montre ainsi généreusement a un prix, a eu un prix, pour celui qui l'a conçu, imaginé, réalisé, composé, dessiné, peint, écrit, peu importe. Dans ce monde où tout doit être gratuit, les artistes sont pillés sans vergogne, avec la main sur le cœur (rose). Tout est gratuit, en effet, sauf pour ceux qui peignent, qui composent, qui écrivent, qui dessinent. Eux, il leur faut acheter la toile, la peinture, les pinceaux, l'encre, la caméra, l'appareil photo, payer leur loyer, et même, luxe suprême, les nouilles du supermarché ! Tant pis si celui qui montre ses œuvres a passé des semaines, voire des mois ou même des années à créer ce qui est ensuite si généreusement partagé, tant pis si il n'a pas les moyens d'avoir même un atelier pour faire son petit travail, travail qui est toujours plus ou moins considéré comme un passe-temps de fainéant. « Moi, Monsieur, je gagne ma vie. » m'a-t-on écrit récemment. Et ne croyez pas que ceux qui écrivent ce genre de choses sont des vieux bourgeois ultra-réactionnaires d'un autre temps, non, pas du tout, ils sont autant, sinon plus modernes que vous, ils surfent, ils likent, ils aiment ou ils n'aiment pas, ils participent activement au lien social en cours, ils ont des avis sur beaucoup de choses, ils tiennent des blogs, ils participent à des forums, ils ont même parfois des prétentions artistiques et anarchistes. Ils adorent les artistes, à condition que ceux-ci soient morts. Eux ils ont un métier (sérieux), ils ont des charges, des obligations, des responsabilités, ils servent à quelque chose, sans aucun doute. Pourtant, et c'est là tout le paradoxe, ils adorent parler d'art, de peinture, de musique, de goût, d'exigence artistique, ils aiment et admirent les gens qui ne font pas de compromis, qui sont entiers, à condition qu'ils soient morts. « Moi, Monsieur, je travaille. » Vous, vous ne travaillez pas, bien sûr. Vous vous amusez, vous vous prélassez, vous vous délassez en faisant de la peinture, de la poésie, de la musique, c'est un passe-temps, c'est un hobby, une lubie. Ou alors pensent-ils qu'on est rentier, qu'on a hérité d'une fabuleuse fortune qui nous met pour toujours à l'abri du besoin et des contingences ridicules, vous savez, les nouilles du supermarché, la facture d'électricité et celle du téléphone. Le chauffage ? Bien sûr qu'un artiste ne se chauffe pas, ce serait tellement vulgaire ! Entier et rentier, ils doivent confondre les deux mots. 

Ce qu'ils appellent le "partage" consiste à… coller des liens. Je pétégé est un mantra diabolique qui tue. Saloperie de partage ! T'en foutrais, du partage, moi ! « Moi, Monsieur, je gagne ma vie ! » Et moi je la perds, c'est l'évidence. Toute une vie passée à perdre sa vie, ça ne mérite même pas un coup d'œil, même pas un coup de chapeau, ça mérite seulement un coup de pied dans les tibias et l'accusation que vous les mettriez sur la paille, si jamais ils vous aidaient. Comme si c'était notre genre d'insister et d'exiger… Ne parlons même pas des promesses qui ne sont jamais tenues, qui sont et restent bien sagement ce qu'elles sont toujours, des promesses et des paroles verbales, destinées uniquement à conforter ceux qui les profèrent dans la bonne opinion qu'ils ont d'eux-mêmes. Il ne manquerait plus que vous les preniez au mot, andouille que vous êtes ! 

Je reçois régulièrement des messages de gens charmants qui me disent : « Oh, j'adore ce que vous faites, vraiment ! » C'est gentil. Mais ne comptez pas sur eux pour que leur vienne seulement à l'idée que, peut-être, il serait possible qu'ils achètent une de vos productions. Acheter ? mais quelle horreur ! Non, pourquoi faire, puisqu'ils en profitent sur Internet ? À quoi servirait-il qu'ils déboursent quelque argent pour une chose qui doit de toute éternité demeurer gratuite ? On se le demande bien ! Certains, même, m'écrivent pour me dire qu'ils ont un de mes tableaux "en fond d'écran". Ah, ça alors, quelle joie ineffable, quel contentement narcissique gratifiant, de savoir que certains ont eu l'extrême gentillesse de copier une de vos "images" pour la coller sur leur ordi ! Merci, merci, merci ! Oh, mille mercis, adorateurs silencieux et discrets ! Ah, la belle gratuité que voilà ! Comme elle fait chaud au cœur, n'est-ce pas ! Comme elle réconforte celui qui à la caisse du supermarché doit reposer la moitié de ce qu'il avait déposé sur le tapis de caisse, faute de pouvoir se le payer ! « Moi, Madame, je ne gagne pas ma vie, mais j'ai des admirateurs ! » Et la caissière, tout ébaubie, de vous faire les yeux doux, comme à une altesse… L'autre jour, quelqu'un m'a dit, regardant un de mes tableaux : « Et il y a des gens qui payent pour ça ? » Non, rassurez-vous, Cher Monsieur, personne, bien entendu, n'aurait une idée aussi saugrenue, vous pensez bien ! 

J'ai aussi entendu un joli : « Je ne vais tout de même pas vous faire la charité ! » et l'on sentait bien à quel point cette simple idée mettait le brave homme dans une désolation presque inconcevable. La charité ? Tiens, oui, c'est une idée, ça… Puisque personne ne songe qu'on peut "acheter" (ouh, quel vilain mot !), la charité, après tout… Mais, mon pauvre ami, pour ça, il faut aller en Inde. Là-bas on a le droit de tendre la main, c'est même très bien vu. Ici, on vous renvoie un : « Mais vous me croyez donc riche ? » (Comme si on leur avait demandé un million…) Moi ? oh non, rassurez-vous, je sais bien que vous êtes pauvres. Je peux vous prêter un tableau, si vous voulez ?

La plus belle histoire, qui résume toutes les autres ? Cette femme, sur Facebook, plutôt bien disposée à mon égard. Elle voit un tableau et me dit qu'elle l'adore. Moi, du tac au tac : « Ça tombe bien, il est à vendre ! » Elle me répond qu'elle ne peut pas, qu'elle n'en a pas les moyens. Je lui demande comment elle le sait, puisque son prix n'est pas indiqué. Et si c'était 23 euros ? Elle ne pourrait pas ? Alors elle me dit qu'elle est dans la mouise… Oui, elle a même dû vendre sa résidence secondaire ! 

Il faut donner les œuvres d'art. Comme ça, pas de souci, mon pote, les choses sont claires. Ça ne vaut… rien. Sauf si t'es mort. 

(à Bernard Cavanna)

jeudi 17 juillet 2014

Astor Pizza, mais tu vas la fermer, ta grande gueule ?


Je viens à l'instant encore de tomber par hasard, à la radio, sur la musique abominable de ce gros con de Piazzolla. Comme à chaque fois, l'effet est immédiat. Ma tension monte et j'ai envie de tuer quelqu'un. Que des gens soient assez fous, que des humains aient aussi peu de considération pour eux-mêmes pour accepter d'entendre, voire d'écouter, cette musique, me stupéfie toujours à un degré extrême. Peut-on imaginer mélasse plus obscène, plus dégoulinante, plus répugnante ? Je ne le crois pas. Je ne vois guère que Michel Legrand pour être capable de rivaliser dans la putasserie avec cette chose immonde. Pauvre tango, pauvre Argentine, pauvre bandonéon, dont les noms sont désormais associés à cette crapule malfaisante. Tout est laid, dans cette musique, tout est bête, tout est de mauvais goût, vulgaire au dernier degré, tout est en toc, en plastoc, c'est comme si la plus belle fille de la soirée était édentée et était habillée de sacs plastiques de supermarché, c'est à pleurer de rage, c'est à se pendre. Ce n'est pas la première que je le dis, mais Piazzolla est un criminel contre l'humanité, il faut le tondre, le noyer dans de l'huile de friteuse, l'envoyer à Cayenne, l'abonner aux TIG de l'enfer. Je le condamne à recopier ad vitam æternam l'Art de la Fugue et l'opus 106 de Beethoven sur du PQ simple épaisseur avec un crayon à papier 2H. 

dimanche 6 juillet 2014

Panne d'essence


Il y a peu de choses que je hais plus que le tourisme. À côté de lui, la pollution des océans ou Tchernobyl, c'est du pipi de chat.


Il y a bien longtemps que le tour de France n’est plus le tour de France, et ne fait plus le tour de la France ; mais cette fois-ci il doit battre un record d’extraterritorialité, d’inconséquence et d’infidélité à son nom, et à ce qui est censé être son essence, je présume — mais il est convenu que les choses ni les êtres ni surtout les peuples, ni les nations, ne doivent plus avoir d’essence, et qu’ils sont tenus de s’accommoder de quelque nom qu’on leur donne, et de quelque contenu que l’on place sous leur nom. 

Le tour de France va partir d’Angleterre, donc — mais non pas de la proche Angleterre, celle que l’on voit de Boulogne ou de Calais : non, de l’Angleterre presque la plus lointaine, au contraire, des Yorkshire Dales. Du coup on nous assure que c’est aussi la plus belle. Et l’on ne nous cache pas que cette région-là a payé des fortunes pour cette immense honneur, servir de point de départ au tour de France. De cet investissement elle attend des millions en “retombées”. Or, qu’elle soit la plus belle, ce n’est peut-être pas tout à fait vrai mais c’est loin d’être tout à fait faux. Seulement sa beauté lui vient de sa relative solitude, de son éloignement, du peu de densité de sa population, de son “défaut d’image”. Il n’y a guère que les Anglais eux-mêmes, et encore, pas tous, loin de là, pour connaître son attrait et pour y être sensibles. Cependant le tour de France et la campagne promotionnelle qui l’accompagne ont justement pour mission de mettre fin à cet état de fait. Il faut que les étrangers, et en particulier les Français, deviennent conscients de la beauté du Yorkshire et qu’ils s’y précipitent. Ce qui n’est pas dit, bien entendu, c’est que, s’ils s’y précipitent, de cette beauté et de ce caractère il ne restera rien. 

Le reportage de France 2, au journal de huit heures, hier, montrait les enchantements de Fountains Abbey et même la cathédrale de Ripon, doctement célébrée pour avoir été la source d’inspiration de Lewis Carroll adolescent. Ces gens ne laisseront donc rien tranquille ? Il faudrait interdire la publicité touristique, comme celle du tabac. Ne seraient exemptés de l’interdiction que les journaux intimes d’écrivains lus par moins de deux cents personnes (diciamo mille, per securità). 

Laurent Fabius voudrait que la France accueille cent millions de touristes. On se demande bien ce que le ministre des Affaires étrangères peut bien avoir à faire avec cela. Mais c’est qu’il est aussi ministre du Commerce extérieur, ou que du moins une grande partie de ces questions-là est passée sous sa férule. Commerce extérieur et diplomatie, balance des paiements et politique étrangère de la France, font une association presque aussi monstrueuse que tourisme et culture. La culture n’a pas plus à se mettre au service du tourisme que la diplomatie française n’a à se mettre à la remorque du commerce extérieur. Laurent Fabius croyait augmenter son pouvoir en ajoutant la responsabilité de l’équilibre des échanges à celle du quai d’Orsay. Il a en fait considérablement amoindri la dignité et le prestige de son ministère, réduit à un emploi humiliant de courtier (pour une vieille maison qui bat de l’aile).
Renaud Camus, Journal 2014

mercredi 28 mai 2014

Bouche cousue


Leader solitaire en transe, c'est son turbin. Regardez-la s'élever dans les airs, la toupie lyrique en fusion qui crève les nuages. Vous lui parlez de pamphlets parce que vous êtes sourds, c'est la vérité, et il ne vous répondra pas de sa bouche cousue. Pas la place pour une pipe, tellement il serre les fesses. Il ne supporte pas la critique. Des archets dans les yeux, pas de quartiers. C'est bien le moins, quand on a écrit ça. C'est inouï tout de même : des siècles après, encore à lui filer le train, à ressasser les mêmes conneries. Qu'est-ce qu'on peut faire contre la colossale paresse ? Toujours, toujours et encore, leur donner la même chose, repasser les traits, souligner, faire à côté du pot, en douce ? Quelle cible merdeuse, quel voyage d'ennui, en face de la musique sublime, éponge à vinaigre. Dans la moindre formule, on entend la fibre, la viande qui raconte, l'espace tremblé rouge vert noir des nerfs acides en fugue. 100 francs la toilette des bébés asphyxiés de communisme récité, c'est pas cher pour la liberté ! Ce qu'il faudrait, c'est les noyer tout petits, quand ils sont encore mignons de transe sociale, et mettre la musique par dessus les toits pour éclairer la nuit. Mais c'est trop tard. Ils ont décroché le soleil du tableau et radotent en chœur, crapauds bien aplatis sous les draps coulissants. Il faut partir, c'est tout. 

mercredi 2 avril 2014

Le Dossier de l'Écran


C'est devenu une obligation. Tous, ils portent un gros dossier sous le bras, en sortant de l'Élysée ou de Matignon. Un obscur communicant a dû leur expliquer qu'ils devaient absolument donner l'impression qu'ils sont sans cesse au travail. « Jamais sans mon dossier de l'écran », semblent-ils nous dire, avec cet air de mauvais comédiens recrutés au dernier moment pour une publicité de seconde zone. 

Je sais bien que le pouvoir est toujours plus ou moins une comédie, une représentation, mais enfin point n'est besoin de mal jouer et de jouer faux et à contretemps. Imagine-t-on Louis XIV avec un dossier sous le bras ? Et même Charles de Gaulle ? Les dossiers, ils se trouvent dans les bureaux, c'est là que se passe le travail d'un ministre, pas sur un perron sous l'œil des photographes. Ils n'ont qu'à les faire porter par leurs assistants, ces précieux et lourds dossiers, ce serait bien leur rôle ! 

Je ne leur demande pas de se pointer en jeans avec les mains dans les poches, mais ce ne sont pas non plus des "chefs d'entreprises" qui ont à gérer une PME ! Qu'ils augmentent leurs salaires ne me dérange pas du tout. Qu'ils soient très bien rétribués, au contraire, les élus de la République, cela devrait leur éviter de succomber à la corruption. Ce n'est évidemment pas avec les salaires des responsables politiques ni avec les repas de l'Élysée que la France doit faire des économies, c'est de la foutaise post-communiste ! Qu'ils fassent leur travail le mieux possible, dans les meilleurs conditions possibles, mais qu'ils sachent, en contrepartie, que la sanction démocratique est sans appel. Pas de démagogie, mais pas non plus de laisser-aller et de faux-fuyants. C'est la France qui mérite les ors, le luxe et l'apparat, qu'ils ne l'oublient pas. Les signes du pouvoir sont nécessaires, les apparences sont importantes, mais il ne faut pas confondre le pouvoir politique et celui d'un chef de rayon au BHV.

dimanche 9 mars 2014

Ma préparatrice se shoote au tétraplégique !


Et voilà, ça continue ! Ils ont supprimé le Myolastan ! Abrutis, gougnafiers, têtes de lard, thénardiers, malfaisants ! Je ne sais pas ce que j'ai, mais il suffit qu'un médicament me soit prescrit pour qu'on le supprime séance tenante ! Veulent pas que je me soigne, les enflures ! J'ai déjà connu ça avec le Vioxx, qui était le seul anti-inflammatoire qui marchait bien. Ensuite il y a eu le Di-Antalvic. Heureusement, j'en avais acheté cinquante boîtes juste avant sa disparition. Viscéralgine, pareil ! Il y en a eu d'autres dont j'ai oublié les noms et l'usage, vous pouvez me croire sur parole. À croire que quelqu'un me surveille ; si un médicament me fait du bien : Paf, interdit ! Je demande à la préparatrice pourquoi le Myolastan (qu'elle appelle le tétrazépam, évidemment) a été interdit. Elle me répond que les toxicos l'utilisaient pour se shooter ! Alors ça c'est la meilleure de l'année ! Mais alors, Nicole, va falloir interdire beaucoup de choses, t'es au courant ? Les coûteaux, les ciseaux, les cutters, la morphine, et même les sièges des chiottes. Pourquoi ? Eh bien rien n'empêche le taré de service de le démonter et de vous le balancer sur la tronche depuis sa fenêtre, quand il s'ennuie ! Il va falloir aussi penser à construire des voitures en chewing-gum ou en coton hydrophile, pour qu'un chauffard furieux ne puisse pas vous faire de mal en cherchant à vous passer sur le corps ! Et les assiettes que les époux s'envoient à la tête à la moindre dispute du dimanche soir, il faudra dorénavant remplacer la porcelaine de Limoges par du carton, et encore, pas trop dur, le carton, parce que c'est vicieux, un époux en colère. Maintenant que j'y pense, le Myolastan, ça fait déjà un moment qu'il avait été supprimé, puisque médecins et pharmaciens, dans un bel et euphonique ensemble, avaient décidé de ne l'appeler plus que par le nom de sa "molécule", le tétrazépam. Il faut que je pense à me renseigner sur ce qui constitue le pain au niveau moléculaire, car la semaine prochaine, il est fort possible que cette denrée soit désignée par le nom des molécules que ces vicelards de boulangers nous forcent à ingurgiter sans que nous nous en doutions.

Mais tout ça m'a donné soif, je vais aller m'envoyer un verre d'H2O bien frappé ! 

jeudi 27 février 2014

Suite italienne


C'est une drôle d'œuvre, la Suite italienne de Stravinsky, d'après son Pulcinella. J'ai infiniment de tendresse pour elle, beaucoup plus que pour le ballet originel, d'ailleurs. Je devais avoir une vingtaine d'années quand je l'ai entendue pour la première fois. J'avais acheté le disque à Genève, sans savoir de quoi il était question, mais à cette époque là j'achetais tout ce qui avait trait à Stravinsky. Ayant envie de la récouter ce matin, j'ai cherché sur Youtube et suis tombé sur une version Argerich-Maisky, absolument détestable, comme souvent avec ces deux-là. Ils ont le chic pour faire d'une pièce légère, charmante et pleine d'aimable simplicité, quelque chose de prétentieux, de brutal et démonstratif. Mais on est au courant, bordel, que vous savez jouer de vos instruments, ça commence à se savoir, figurez-vous ! Ç'a beau être de cent coudées au-dessus de toutes les autres interprétations que j'ai trouvées ce matin sur la Toile, je n'ai pas pu aller au bout. La Suite italienne n'est pas une sonate de Bartok, ni du Chostakovitch, et je me rends compte qu'il est des œuvres qui supportent plus facilement les approximations des modestes amateurs que les maniérismes m'as-tu-vu des grands maîtres. Il n'y en a pas beaucoup, peut-être, mais cette suite fait indéniablement partie de ces œuvres qui demandent une qualité qui semble faire cruellement défaut à ces deux-là : l'humilité. Je préfère encore des double-cordes approximatives à cette morgue insupportable et hors de propos. 

dimanche 5 janvier 2014

Du vent


« Voilà à quoi sert le travail de l'homme. » C'est Hans Rott, qui avait étudié l'orgue avec Bruckner,  qui parle ainsi, après s'est torché avec la partition qu'il venait de composer. Il composait sans cesse, à l'asile, et ses partitions finissaient toutes ainsi. J'imagine que le papier à musique n'était pas le même qu'aujourd'hui, car il serait désormais assez difficile de l'utiliser à cet usage. J'ai de la sympathie pour Hans Rott, condisciple de Gustav Mahler qui n'a pas fini sa vie dans les bras de la plus belle femme de Vienne, lui.

Quand on voit la manière de lire de la plupart des gens on se dit qu'en effet il vaudrait mieux se torcher avec ce qu'on produit. Ce ne serait que justice. 

Combien de notes y a-t-il dans une seule symphonie post-romantique ? Des millions, sans doute. Et sur ces millions de notes, combien sont écoutées, entendues, appréciées à leur juste valeur ? Quelques dizaines tout au plus. Le reste passe, comme une théorie de débris dans l'espace, à toute allure, près des oreilles des sourds qui nous entourent. 

Du vent. Ils sentent un souffle… Et se rendorment. 


mardi 9 juillet 2013

Quelle connerie la guerre !


France-Cuculture ne se repose jamais sur ses lauriers ! Tout juste avait-elle terminé de nous pomper l'air avec Moustaki qu'elle s'attaque à Barbara, qui, dans l'ordre du mauvais goût, surclasse le Grec avec une grandiose tranquillité. Barbara et sa modulation à la seconde mineure, ou majeure, cette atroce manie qui la signale à des kilomètres. Dès que j'entends ce type de modulation, c'est plus fort que moi, je cours me laver les dents. C'est comme un tic de mauvais écrivain qui croit par là avoir du style. Il y a des tics qu'on se voit faire, et ce sont les pires, mais qu'on ne peut s'empêcher de faire. (Quand je suis en voiture, après quelques kilomètres, je vérifie que le frein à main n'est pas mis, alors que je sais parfaitement qu'il ne l'est pas, et, ce faisant, je revois mon frère aîné en train d'exécuter ces mêmes gestes, et nous de nous moquer de lui…) Mais tout, chez Barbara, est de mauvais goût. Sa voix, son timbre et sa technique, ses paroles, ses musiques, ses mélodies ampoulées et faussement ingénues, sa manière d'entrer en scène, son maquillage, sa "poétique", et ses spectateurs énamourés et séniles. À tout prendre, je préfère, et de loin, le public de Claude François. Le Grec, je crois, ne se prend pas vraiment pour un poète, alors que "la femme en noir"… Brassens était sympathique, Brel aussi, Ferré était intéressant, quant à Trenet, on a déjà eu l'occasion de dire que c'est un génie de la chanson comme il y en a un ou deux par siècle. Mais cette espèce de sirop pour la toux pour mèmères asthmatiques et pâmées et leurs fils traînent-la-patte, alors ça c'est le bouquet. M'étonne pas que Mitterrand l'ait adorée, ce navet spongieux trempé dans une décoction de rimes riches. M'étonne pas que Prévert ait écrit un poème qui porte son nom, qu'on avait étudié en quatrième au lycée et qui nous servait surtout à draguer les filles sans faire le moindre effort d'imagination. 

Barbara, avec sa gueule de mes tics, est pour moi ce qui se fait de pire dans le domaine inépuisable du toc français pompier et m'as-tu-vu, et je crois bien qu'elle approche de très près les quatre garçons dans le vent, sans toutefois parvenir à les détrôner de leur inaltérable piédestal de pompeux pseudo-en-croûte.  Heureusement que nous ne sommes pas anglais !

Wikipedia est intraitable, quand il s'agit de savoir en une phrase tout ce qu'il y a à comprendre d'un "artiste" : « Sa poésie engagée, la beauté mélodique de ses compositions et la profondeur de l’émotion que dégageait sa voix lui assurèrent un public qui la suivit pendant quarante ans. » J'crois qu'c'est clair ! comme dirait l'autre…

vendredi 31 mai 2013

« L'ignorance parle à l'ignorance »


Mauvaise humeur, ah, ma chère mauvaise humeur ! Je me demande vraiment comment je pourrais être heureux si je n'étais pas constamment de mauvaise humeur. Comment la mauvaise humeur peut être source de joie, comment elle peut faire naître un puissant rire intérieur, comment elle peut se moquer d'elle-même, mais sans jamais l'avouer, bien sûr, comment se moquer des autres peut-être le seul exutoire non contaminé et salvateur qui reste à l'honnête homme, voilà ce que persistent à ne pas vouloir comprendre les âmes perverties de l'Empire du Bien qui occupent désormais tout l'espace vital de la Cité. Comme le mépris est dorénavant le seul viatique permettant de se frayer un chemin entre les déjections de Festivus, je vais de ce pas augmenter drastiquement ma dose de mépris quotidien, au risque (ô combien enviable !) de la surdose. 

« Le nom d'Yves Bonnefoy, en tout cas, n'évoque strictement rien pour quatre-vingt-quinze pour cent des amateurs de châteaux — lesquels ne constituent certainement pas la couche la moins cultivée de la population…

(En revanche, la mention du moindre chantailleur de troisième catégorie de la variété illumine aussitôt tous les visages — là on est d'emblée en terrain familier.)

Avec la grande déculturation, l'ignorance a changé de statut. Jadis, au moins en milieu cultivé, on parlait sans tenir compte d'elle, la responsabilité de se renseigner a posteriori incombant à l'ignorant, qui s'en accommodait parfaitement. Aujourd'hui qu'il n'y a plus de "milieu cultivé", l'ignorance parle à l'ignorance. Elle est l'aune de tous les discours et quiconque s'aviserait d'en choisir une autre serait immédiatement sanctionné, médiatiquement, politiquement, économiquement. Le Monde écrit couramment le poète Victor Hugo. »
(Renaud Camus, Vue d'œil

"La responsabilité de se renseigner a posteriori incombant à l'ignorant, qui s'en accommodait parfaitement." N'est-ce pas la condition sine qua non de la culture, ou même, sans aller jusqu'à cette chose dont le mot est si contaminé désormais, du moindre progrès, de la plus petite élévation de soi ? C'est bien la raison pour laquelle il n'y a plus d'élèves… S'élever ! Mais cela signifierait donc qu'il existe encore un semblant de verticalité, ce qui fait s'étouffer de rage notre bon Festivus pour lequel l'égalité (donc l'horizontalité) est le mot et le terme ultime, indépassable, le But avec un grand B. 

Grande différence entre un dictionnaire et un "correcteur orthographique"… Qui ouvre un dictionnaire veut apprendre, qui utilise un correcteur orthographique désire seulement ne pas commettre de faute, ici et maintenant. Ouvrir un dictionnaire, c'est un geste, et beaucoup plus, c'est une démarche, c'est un processus. On entre dans le savoir, ça pèse, prend du temps, c'est un chemin. Se servir d'un correcteur orthographique, c'est à peine un clic, qui ne sert pratiquement à rien, car la juste orthographe sera oubliée à la vitesse du clic. 

Nous sommes trois à table. Mon amie, plus jeune que moi, mais tout de même à peu près de ma génération, et sa filleule, jeune femme de vingt ans, très bien élevée, jolie, distinguée, à la vie dramatiquement marquée par la mort très violente de ses parents. La conversation en vient à évoquer un "célèbre" groupe de variété des années 70 (si je me souviens bien) : ABBA. Je confesse que ce nom ne m'évoque absolument rien, que c'est la première fois que j'en entends parler. Mon amie n'en revient pas. Littéralement, elle ne me croit pas… C'est impossible, d'après elle ! ABBA, enfin, ABBA, tu sais bien, et elle se met à chantonner un air, qui lui non plus ne me dit absolument rien. On me regarde un peu bizarrement. Certainement, je cherche à me distinguer, j'occulte, peut-être inconsciemment, une mémoire que j'aurais dû, obligatoirement, avoir en commun, puisque je suis "de cette génération-là", la génération qui a forcément écouté ABBA. J'ai beau jurer sur ce que j'ai de plus cher que non, vraiment, c'est la première fois que j'entends ce nom… Intérieurement, je me dis que dans les années 70, c'était Cecil Taylor, Michel Portal, Stockhausen, le New Phonic Art, mais je ne vais pas jusqu'à prononcer ces noms, je ne veux mettre mal à l'aise personne. Bien sûr, j'avais entendu parler de Claude François, par exemple, mais je ne l'écoutais pas, je préférais la sonate en si mineur de Liszt. Bref.

Aujourd'hui, quand il m'arrive le soir à neuf heures de mettre la radio qui est censée nous parler de culture, en France, donc France-Culture, j'y entends Arnaud Laporte qui parle avec ses camarades… d'ABBA, dans leur émission, La Dispute. Ils savent tous de qui et de quoi il s'agit. C'est dans des moments comme ceux-là qu'on mesure le chemin parcouru, ce même chemin qui mène à Facebook, aussi sûrement que deux et deux font quatre, ou faisaient quatre, quand Festivus suçait encore son pouce, avant de le lever. 

mercredi 29 mai 2013

Il (ne) faut (pas) !


« Il faut traduire hybris (ὕϐρις) ! »* « Il faut se mettre à la portée des élèves. » « Il faut se faire comprendre. » « Il faut parler avec les mots de tout le monde. » 

Il faut…

Non, il ne faut pas. Non, non et non. Achetez-vous des dictionnaires, allez sur Internet, lisez des livres, étudiez les langues étrangères, écoutez parler des savants, mais fichez-nous la paix ! Démerdez-vous ! 

Merde à la fin !


(*) Entendu samedi dernier à la radio

lundi 6 mai 2013

Pompier



Renard Machaut, le critique musical qui pense que l'octave contient onze degrés, pense également que "Panzéra est un mythe créé entièrement par Barthes". Il adore aussi Nathalie Dessay et porte aux nues John Adams. On n'a jamais eu beaucoup d'atomes crochus avec les critiques musicaux, mais avec lui c'est le pompon ! John Adams… On n'est déjà pas très amoureux de Steve Reich (ne parlons pas du pauvre Phil Glass, qui fait un peu pitié), mais alors John Adams, c'est un peu comme si la peinture de style pompier était placée plus haut que celle de Bacon ou de Rothko. Mais bien sûr c'est précisément le cas aujourd'hui. Qu'est-ce qui n'est pas pompier, aujourd'hui ? À peu près rien. Même les plus jolies filles aperçues dans la rue s'habillent d'une manière qui les fait paraître laides, ou qui en tout cas coupe l'envie de les contempler longuement, et l'on ne peut pas ne pas se dire que même nues, l'affreuse laideur qui envahit tout les couvrirait encore d'une pellicule étriquée et camelotante, parce que la nourriture (ou la façon de se nourrir), parce que la parole (ou simplement le timbre de la voix), parce que les piercings, parce que les tatouages, parce que l'épilation, parce que le parfum, et parce que tout simplement l'allure. Que reste-t-il d'intact ? La pornographie est peut-être de nos jours la meilleure radiographie, la plus précise, la plus parlante et la plus impitoyable, qu'on puisse consulter sur l'époque. 


mardi 16 avril 2013

Le dernier prochain et le prochain dernier en huit



Où sont donc passés les dimanches derniers et les jeudis prochains, tous remplacés par les "ce dimanche" et les "ce jeudi" ? C'est tout de même incroyable : On avait en français une manière pratique, précise et adéquate de désigner un jour à venir ou un jour passé, de le situer parfaitement et sans ambiguïté dans le temps, et c'est sans doute cette clarté qui a déplu aux adeptes compulsifs du changement à tous les étages, aux techniciens de surface orwelliens de lalangue. 

Il n'est désormais plus question de savoir de quoi l'on parle, mais tout le monde bien entendu fait comme si de rien n'était. En parlant — aujourd'hui — ("ce jour", comme dirait Arnaud Laporte de France-Culture) de dimanche dernier, je savais qu'il était question du dimanche 14 avril 2013, et en évoquant dimanche prochain, tout le monde comprenait qu'il s'agissait du dimanche 21 avril 2013. Depuis que France-Culture et Télérama on supplanté l'Église de France et que des Jacques Chirac et des François Hollande se prennent le plus sérieusement du monde pour des présidents de la République, tout le monde fait mention de "ce dimanche", et l'on se demande comment comprendre de quel dimanche on parle. Le plus proche (avant-hier) ou celui qui vient ? (Et si l'on parle "depuis" le jeudi ?) Hier soir à la radio, j'ai eu un élément de réponse à cette angoissante question. À ma grande surprise, étant réapparu soudainement un "dimanche prochain", comme sorti de terre, encore emmailloté dans son linceul citoyen, j'ai tendu l'oreille. Ce dimanche prochain là désignait en fait le dimanche 28 avril 2013, soit le dimanche suivant dimanche prochain. J'en déduis donc que "ce dimanche" doit logiquement désigner ce que naguère on nommait dimanche prochain, mais la chose serait trop simple. En effet, j'ai constaté à plusieurs reprises qu'un "ce dimanche", lorsque par exemple on était un lundi, pouvait alors désigner un ci-devant dimanche dernier. La seul certitude que je retire de tout cela est que ces abrutis ont la volonté farouche de ne pas se comprendre, bien qu'ils ne cessent de réformer la langue dans le but revendiqué de la "rendre plus compréhensible", puisque toutes les procédures que le français avait inventées pour rendre le monde et la pensée clairement exprimables sont désormais remplacées par une indigeste bouillie qui oblige à mille fois plus d'efforts et de périphrases pour arriver, non pas au même résultat, mais, disons, à un degré tout juste acceptable de communication. Et je préfère de rien dire des prépositions "sur" et "en", qui sont en train, telles des algues tueuses, d'exterminer toutes les autres prépositions de la langue française, un peu à la manière dont les enfants incultes, se tenant devant un piano, commencent par n'utiliser que les cinq notes noires (sur les douze que comporte une octave), afin d'avoir l'illusion d'être capables d'exprimer quelque chose. La différence est que nos contemporains font le chemin inverse d'un enfant qui peu à peu est éduqué, c'est-à-dire élargit son clavier. Ils ont commencé par connaître les douze sons de la gamme et finissent par n'en utiliser que trois ou quatre, dans le meilleur des cas. 

C'est un système pervers qui prétend simplifier et qui complique inutilement, qui remplace là où il n'y a rien à remplacer, qui enlaidit à plaisir une langue pour en faire la caricature d'elle-même, peut-être dans le but non avoué de la faire disparaître tout à fait, lorsqu'il sera devenu évident qu'elle a enfin perdu tout ce qui la rendait indispensable et inestimable, en d'autres termes lorsqu'elle aura cessé, elle aussi, d'être française.

La laideur est toujours une perte de temps et d'énergie, que ce soit dans la langue, dans la musique ou chez les êtres humains. 

samedi 16 février 2013

C'est qui déjà ?


Cette tête d'abruti me dit vaguement quelque chose, mais je ne parviens vraiment pas à me souvenir… Il s'agit peut-être d'un des gardes suisses du Pape ? À moins que ce ne soit le chauffeur de Ruquier ? Ou d'un pote à Boufeflika ?

En tout cas ce n'est pas lui qui aurait l'idée lumineuse de démissionner, "une décision courageuse qui inspire(rait) le respect".

mardi 7 août 2012

Georges et le sport


On m'a abonné à Coran-Mag. Ça tombe bien parce que j'avais juste envie de mettre des claques à ce crétin de Bolt, celui qui court si vite et qui fait de si jolis signes avant le départ, quand la caméra s'attarde complaisamment sur sa bobine de débile léger. Bolt… je m'demande bien ce que ça signifie, encore, ça… Bold, j'aurais compris, encore que la graisse, y z'aiment pas trop, les excités du mollet. Lui il m'a l'air un peu gras du bulbe, oui, mais un peu juste de la comprenette. 

J'ai toujours aimé l'athlétisme, et dans l'athlétisme, la course à pied est évidemment le sport le plus parfait, puisque le plus simple. Dix secondes et c'est fini, tu cours le plus vite possible et t'as gagné, ou perdu. Voilà comment je vois le sport. L'efficacité maximale, un geste, ou deux, un gagnant, des perdants. Le reste c'est de la merde en boîte. Plus les règles sont simples, moins c'est sophistiqué, plus c'est beau. Et puis, au moins, ça nous change des escrocs de l'art et de la culture : quand on est fort on gagne quand on est faible on perd, on ne peut pas tricher. Ne venez pas m'emmerder avec le dopage. Je m'en tape, du dopage. S'ils sont assez cons pour risquer leur vie pour un record, eh bien qu'ils se dopent, très bien, qu'on ne vienne pas nous emmerder avec ces problèmes d'éthique et de morale. Vous avez vu les corps des nageurs ? Ce ne sont plus des épaules, qu'ils ont, les pauvres, je ne sais pas où ils vont se faire confectionner leurs costumes, mais je n'aimerais pas être à la place du tailleur. Bref, encourageons le dopage, jusqu'à ce qu'il y ait des morts par dizaines, et des monstres pas centaines, et encourageons-les encore à ce moment-là. Peut-être que ça les calmera.

Le sport le plus ridicule, le plus abject, le plus monstrueux, c'est cette connerie de patinage artistique ! Hallucinant, ce truc. Plus laid que ça tu meurs. Faut vraiment n'avoir aucun amour propre, aucun sens du ridicule, aucune estime de soi, pour faire un sport pareil ! De toute façon, le nom dit tout tout de suite. "Artistique" ! (Et je ne parle même pas des "musiques" que ces enflures choisissent !) Comment peut-on accoler cet adjectif au substantif "sport" sans mourir de honte ? Faut vraiment être tordu et particulièrement imbécile pour imaginer que "l'esthétique" peut se fabriquer, dans le sport ! Quelle bande de couillons ! La beauté du sport c'est précisément tout le contraire. Le geste finit par être beau précisément à force de chercher l'efficacité maximale, et de ne faire que ça, et il devient grotesque dès lors qu'il tente si peu que ce soit d'être beau. La descente à ski, la course à pied, le lancer du javelot, du disque, le saut en longueur, en hauteur, tout ce que vous voulez, contre cette saloperie de patinage artistique. Vous imaginez les Grecs faire du "patinage artistique" ? Ils auraient préféré mourir plutôt que de se déshonorer de cette manière ! Pareil pour la gymnastique ! L'artistique, en sport, c'est comme l'amour pour Céline, l'infini à portée des caniches : du chamalo dans l'épaule d'agneau, du seven-up dans le Pauillac. Mais ce n'est guère étonnant, puisque l'art a lui aussi envie du sportif. Jouer un concerto, aujourd'hui, c'est devenu complètement ringard. Comment, vous n'en jouez pas douze ? C'est pas la forme, hein !

Un cent mètres, ça passe trop vite pour qu'ils aient le temps de faire les malins. Alors du coup, ils font ça avant et après. Le grotesque Usain Bolt a été affligeant, hier-soir, ce qui n'empêchait pas les journalistes français de parler sérieusement de "son intelligence" alors que cette tache ridiculisait le plus beau sport du monde avec ces atroces mimiques de rappeur minable invité à Fort Boyard. J'espère que le Français va lui mettre une claque sur deux cents mètres, aujourd'hui ! On serait tellement content ! Quand je serai président du comité olympique, ces tarés seront immédiatement disqualifiés, et pareil pour les joueurs de tennis qui poussent des hurlements comme s'ils étaient en train de chier ou de jouir. Même tenue pour tout le monde, pas question de mettre son nom sur le maillot, et pas plus de vingt caméras pour filmer tout ça. Vous voulez participer ? C'est ça ou rien. Couchés, les pitres, à la niche, les "stars". 

Pourquoi Coran-Mag ? Je ne sais pas, mais il paraît que je néglige mon éducation religieuse, depuis quelque temps. 

samedi 14 juillet 2012

Et je n'ai jamais de réponse…


Ce n'est une surprise pour personne, on sait bien à quel point "la scène contemporaine" est remplie d'abrutis, d'imbéciles, de bras cassés, de tarés, de charlatans et de médiocres en tous genres, mais entendre en direct et soir après soir les productions qui se montrent à Avignon cette année (du moins celles qui sont retransmises sur les ondes de France-Culture) est une expérience intéressante en cela qu'elle arrive tout de même à nous surprendre. Mauvais à ce point ??? Eh oui, mauvais à ce point ! 

Mais enfin, ça doit bien exister tout de même, les bons auteurs, les bons acteurs, les bons metteurs en scène, les bonnes troupes, les bons textes ? Non ? C'est vraiment fini, terminé, out ? C'est interdit, ou bien quoi ?

Ah oui, peut-être que c'est ça. Les bons textes doivent être interdits, je ne vois que cette explication. Les bons acteurs doivent être à l'hospice, ou en prison, les bons éditeurs doivent être dans des asiles psychiatriques. 

Avignon c'est désormais du niveau du bien nommé "spectacle de rue". La rue a gagné. La connerie éructante a gagné. Elle n'a même pas besoin d'éructer, d'ailleurs, elle peut tout se permettre. Qu'elle chuchote ou qu'elle gueule tant qu'elle peut, c'est le même filet d'eau tiède et crasseuse qui nous tombe dans l'oreille. 

Ah, il faut les entendre, les "hommes de théâtre", ces putains sans aucun amour propre, venir pleurnicher sans vergogne à la radio, venir demander que l'État mette la main à la poche et le nez dans la farine. Pour un peu, on les verrait s'agenouiller devant leur État, qu'ils somment ridiculement de "s'occuper de l'art", "d'avoir une vision, un projet". Le cri de guerre de ces Harpagon post-gauchistes, c'est : « Mon État, mon État, mon État ! » Ils veulent qu'on les comprenne, qu'on s'occupe d'eux, qu'on les materne, qu'on soit gentil avec eux, qu'on ne les critique pas trop, et en plus qu'on écoute les leçons qu'ils se croient autorisés à donner nuit et jour aux pauvres ploucs qui ne sont pas tout à fait de leur avis. Ils veulent être torchés, consolés, reconnus, mais conserver pourtant le statut de rebelles cotés en bourse que Télérama ou les Inrocks déposent avec onction sur les fronts anxieux de petits vieux précoces qu'ils ont depuis que Jack Lang les a abandonnés en rase banlieue. Tonton n'est plus là, et il se sont mis à fantasmer sur François le Nouveau, le pneu triste à la fleur d'oranger qui flotte comme un œil de gras sur la mer maigre de la gauche française. Quelle déveine ! Vilar, Vittez, Chéreau, Nordey… On peut dire que la pente est abrupte, et la soupe amère ! J'entendais hier une de ces piteuses pleureuses venir dévoiler le pot au rose : « Quand je vais dans les ministères, je leur demande toujours : "Mais cet argent que vous me donnez, c'est pour quoi faire ?" » Non seulement il faut leur donner de l'argent, non seulement il faut les nourrir à la sonde gastrique, ces grands alités tristes, mais en plus il faut se justifier de dépenser des sommes folles pour leurs gesticulations infâmes, afin sans doute qu'ils puissent ensuite dormir du sommeil du juste ! Ils veulent bien profiter du système, mais ils veulent le faire en étant absous par avance de tout péché, ces cons ! « Et je n'ai jamais de réponse ! » ajoute cette crapule… Un peu comme ces mafieux qui vont régulièrement à la messe, il exigent de bien dormir, après leur mauvais coups.

« La vitesse [est] devenue aussi immobile que la mort », la parole aussi inutile que le silence… La seule chose qui sauverait ces braillards obscènes, ce serait d'avoir un peu de vergogne, mais c'est précisément ce qui leur fait cruellement défaut. 

dimanche 6 mai 2012

Moi, Georges…


Fruste, fruste, fruste, fruste, fruste, bordel  ! Je commence à en avoir marre de lire partout, absolument partout, même sur le forum du PI, le mot "frustre", qui n'existe pas (sauf dans la conjugaison du verbe frustrer, évidemment) ! Les rustres frustrés abondent, je le sais bien, mais ce n'est pas une raison pour parler comme des sagouins ! C'est peut-être parce que fruste signifie "mal poli", rugueux, que nos contemporains ne peuvent pas comprendre de quoi il s'agit, étant donné qu'ils sont tous comme ça. 

Il y a une autre manie proliférante qui m'exaspère, depuis quelque temps, c'est le "ce jour", pour aujourd'hui. "Ce mercredi", pour mercredi prochain, etc. Ce n'est pas la première fois que j'en parle, loin de là, mais rarement expression m'aura exaspéré autant que celle-là. Et comme j'écoute beaucoup la radio et qu'il me semble que les cejournalistes sont à l'origine de cette nouvelle vulgarité, je grimpe aux rideaux douze fois par jour, et encore, par temps calme. 

La belle voix, à France-Culture, qui à l'heure du dîner annonce les programmes du soir, est toujours très à la pointe de la mode, question malparole, et, depuis des années, elle nous annonce qu'à "vingte-deux heures, on entendra ceci, et à vingte-trois heures on entendra cela. Heureusement qu'elle parle ensuite de "minuit", sinon elle nous donnerait le programme de vingte-quatre heures.