Je pourrais t'écrire une lettre, si je voulais.
mardi 12 avril 2022
samedi 20 février 2021
Revue d'idées
(Il n'y a pas assez d'[idées] dans mes phrases. Il faut que je mette des [idées] dans mes paragraphes.)
Je pourrais commencer par l'[idée]1, et poursuivre avec l'[idée]2. Mais que placer entre l'[idée]1 et l'[idée]2 ? Des adjectifs, des verbes, des compléments d'objets, des propositions plates, sans idées, des incises ? Comment faire, surtout, pour que l'[idée]1 et l'[idée]2 aient l'air de coexister pacifiquement, de ne pas se bouffer le nez, de ne pas empiéter l'une sur l'autre, et pourtant de bien se différencier, de rester tout de même des [idées] singulières, indépendantes ? C'est bien gentils, les [idées], mais elles ne doivent pas empêcher de faire des phrases ! Cependant, il ne faut pas non plus que les phrases diluent les [idées] dans leur mouvement naturel de phrases.
Admettons que je réussisse à faire une ou deux phrases dans lesquelles je place deux [idées] à des endroits stratégiques et idoines, que ces [idées] soient à la fois reconnaissables dans leur essence d'[idées] et suffisamment plastiques pour ne pas contrarier le mouvement naturel des phrases. Comment passer ensuite à l'[idée]3 ? Avec le même procédé ? Il ne faut pas lasser le lecteur. Mais il faut aussi lui donner une nourriture suffisamment riche pour qu'il ait la sensation de ne pas perdre son temps. Le lecteur est un con mais il ne veut pas se faire avoir.
Avez-vous connu les baraques à strip-tease à Pigalle, à Noël ? Je fus dans les hommes qui se pressaient là, les pieds dans la boue, les doigts gelés, à la nuit tombée. Il fallait sortir de chez soi, aller dans le froid et la honte, avec les autres hommes, il fallait se tenir là, minable parmi les minables, mains dans les poches. Le cœur absent.
L'idée était de voir une femme nue, de voir ses seins, de voir sa chatte, et ses fesses. L'idée nous faisait sortir de chez nous et nous traînait là, pitoyables, dans le bruit et le froid, dans la laideur, surtout.
Ces femmes n'étaient pas très jolies, elles étaient parfois laides, elles étaient mal fardées, toujours affublées d'habits de très mauvais goût, et leurs paroles n'étaient guère engageantes, non plus que leur voix. La sueur se voyait sur leur mauvaise peau, même quand elles étaient en petite tenue sur une estrade en plein air, mal réchauffées par un poêle à gaz miteux qui rougeoyait près de leurs jambes métaphysiques.
J'ai aimé ça. J'étais une idée parmi d'autres idées, une idée sans phrases. Hors de l'humanité, pour ainsi dire. Les idées sont toujours à l'extérieur. Les idées sont des putes qui tremblent de froid. Elles ont des pieds fatigués. Ce n'était même pas du chagrin, qui se voyait là, c'était seulement les hommes et les idées qu'ils avaient trainées là dans la nuit d'hiver. On ne se lamentait pas du tout, non, personne ne se plaignait, on était bien content d'être là, les pieds dans la boue, avec les autres.
jeudi 10 décembre 2020
Début
Parmi tous les débuts de roman que j'ai écrits, je pense que celui-ci est le meilleur. Pour l'instant.
— Écrivez-moi une saloperie.
— Voulez-vous savoir de quoi j'ai envie, là ?
— Oui s'il vous plaît
— Je vais vous le dire.
lundi 9 décembre 2019
Méthode
L'art, c'est très simple. Prenez un grand artiste et imitez-le. Votre maladresse à le copier produira forcément une œuvre originale. Moi, en tout cas, c'est comme ça que je procède. Et ce qu'il y a de bien, avec mon système, c'est que plus on est maladroit, plus on fait quelque chose d'original, puisque le résultat, la plupart du temps, est très éloigné de son modèle.
Ceux qui ne veulent pas copier sont souvent accusés de le faire, alors que ceux qui, comme moi, le veulent (mais n'y parviennent pas), sont tranquilles : on ne les accusera jamais de plagiat. Non, je vous assure, mon système n'a que des avantages. Et puis, il arrive qu'à force de copier quelqu'un, on finisse par le comprendre — et parfois mieux que lui-même. C'est en quelque sorte un bénéfice collatéral, mais qui n'est pas négligeable.
Une fois qu'on aura bien copié X, et que conséquemment on sera un peu las de s'acharner sur lui, on passera à Y, qui, à son corps défendant, récoltera un peu de la main acquise chez X. Ce n'en sera que plus intéressant, quant au résultat. Et l'on procèdera de la sorte, jusqu'à ce qu'on ait suffisamment dérivé, de modèle en modèle, pour en arriver, sans s'en rendre compte, à ne plus copier que l'artiste qui n'existe pas encore, ou qui n'existe plus que dans la mémoire d'un personnage de roman oublié de tous — roman qui pourra éventuellement avoir été copié d'un autre roman, imaginaire celui-là.
On le voit, les possibilités sont immenses. Parmi elles se trouve même celle d'acquérir un jour un vrai talent. Ce n'est pas forcément souhaitable, mais il faut pourtant envisager sereinement la chose, ne serait-ce que pour ne pas avoir l'air de découvrir la lune en cherchant la porte du jardin.
vendredi 24 juin 2016
Pour en finir avec la Fête de la musique
lundi 5 octobre 2015
Emballer fillette n°2
Je ne veux pas brosser un tableau général, fut-il très simplifié, de l'histoire du cœur de la pensée occidentale (…)
vendredi 11 septembre 2015
Accélération et sidération
Ce phénomène de l'invasion migratoire est la forêt qui cache l'arbre. (Pour cacher un arbre disgracieux, multipliez-le par cent, par mille, et il deviendra une forêt "formidable". Pour faire disparaître un indigène, plongez-le dans un bain à forte concentration hétérogène.) Comment mieux faire accepter l'immigration massive de fond qu'en la redoublant de quelque chose qui a l'air d'être indépendant de la volonté des dirigeants occidentaux, qui se désigne à nous comme une sorte de "catastrophe", alors qu'elle n'est que l'acmé en trompe l'œil d'un phénomène qui a commencé il y a quarante ans ? Comment mieux la faire passer au second plan qu'en la noyant dans la même chose mais à la puissance dix ? Cette "migration" n'est pas un événement (d'ailleurs, ce n'est pas une migration). C'est un anti-événement, c'est une anti-migration (les espèces qui migrent le font chaque année, et chaque année reviennent à leur point de départ. Ici, tout nous démontre qu'il n'y aura pas de retour possible). Elle était déjà à l'œuvre depuis longtemps mais ceux qui l'appellent de leurs vœux n'avaient pas encore trouvé la bonne présentation, le nom adéquat, la forme ultime, qui la rendrait, non pas acceptable, mais inéluctable, impossible à refuser. Immigration est devenue migration, et de ce préfixe disparu dépend la disparition d'une espèce. Comment, en deux lettres coupées, disparues du sens, désarmer un peuple, des peuples ? La réponse a lieu ici et maintenant, en temps réel.
samedi 7 mars 2015
Embrasser mal
lundi 7 juillet 2014
Exit

mercredi 16 avril 2014
mercredi 1 janvier 2014
Le Pont de l'Alma
jeudi 5 septembre 2013
Écrire bien ?
Écrire, c'est peut-être ce qui vous reste quand on est chassé du domaine de la parole donnée.
vendredi 19 juillet 2013
Des brétignis comme s'il en pleuvait
On commence à avoir l'habitude. Quand on voit quelque chose, immédiatement, un petit bonhomme vert surgit sur notre épaule, frappe trois coups sur notre tympan, et nous rappelle : « Tu n'as rien vu. Rien du tout. N'oublie pas ! »
lundi 30 juillet 2012
Punir
samedi 28 juillet 2012
Aux Cabinets
Les lettres de Bach à Couperin ont servi à couvrir des pots de confiture. (…) Peut-être mais on peut mettre un poisson rouge dans du Perrier.
mercredi 11 juillet 2012
Se débarrasser des poètes
lundi 30 avril 2012
Survivre
Ils sont infaillibles. Au moindre signe de fatigue ou de vulnérabilité, ils accentuent leur pression, ils deviennent gonflants, arrogants, ils ne vous laissent plus finir vos phrases, vous coupent, lèvent les yeux au ciel, regardent leur montre, vous contredisent sur n'importe quoi, vous font comprendre qu'ils ont bouclé leur dossier sur votre compte. On devine leur plan : il faudrait que la Bête sur laquelle ils vivent finisse par croire qu'elle est elle-même le Parasite de ses Parasites, qu'elle se sente en dette par rapport à eux, alors que, sans cesse, ils la pillent et la pompent. Pousser la Bête à en finir ? La liquider ? Lui grouiller dessus ? Sans doute. Il arrive un moment où les Parasites ont envie de changer de Bête, d'en prendre une plus jeune, plus active, plus naïve. Le plus économique serait de pousser la Bête au suicide. Ils s'y emploient. Elle était bien Belle, cette Bête, mais un peu usée, après tout.
Y a-t-il des pilules ou des vaccins anti-Parasites ? C'est toute la question. La Bête, qui n'est pas si bête, peut avoir conscience de sa situation, et trouver étrange ces pertes d'énergie, ces ralentissements, ces abattements sans raison, ces oublis, ces confusions, ces vertiges. Quelle attitude adopter ? Surtout, ne pas consulter : les médecins, en général, sont au service des Parasites. Non, silence, absence de réaction, inertie, écart, rupture, et surtout exercices de mémoire intenses, puisque les Parasites inoculent l'effacement des preuves comme la falsification des faits. Les Parasites ont la loi pour eux, alors que la Bête est là en surplus, par hasard, et sa solitude le prouve.
(…)
« Ce n'est pas à la lutte mais à la joie que je finirai par succomber. »
À lire en écoutant les Collines d'Anacapri, de Debussy.
vendredi 20 janvier 2012
Le Ton

vendredi 28 octobre 2011
Apprendre l'analphabétisme

Les Français ne peuvent plus supporter leurs enfants. Ils les envoient à l’école dès trois ans, et au moins jusqu’à seize, pour apprendre l’analphabétisme.
vendredi 22 juillet 2011
Comment je n'ai pas rencontré ta mère
