mercredi 31 juillet 2013

Pas de division dans l'apriori


Le bébé servait de sex-toy. Moi non plus je ne m'en fous pas. Sur les plages de l'été la brise légère du soir, remontant de la mer, ne rafraîchit pas cette mère qui toute la journée s'est enguirlandé avec son mari et ses enfants. J'aimerais commencer par quelques flatteries. Et moi, je suis parti vivre à la campagne. On s'en fout ! Dolto pas morte ? T'es un vrai con, Maurice. Encore faut-il qu'ils parlent la même langue… Le sort des Galgos commence à être connu. Mon fils a eu le même problème. Reste-t-il un peu de confiture de figue ? On connaît la suite, ce sera la fin de la Nouvelle france.. Rien sinon la haine et le sang... LA BURKA N'A RIEN A FAIRE EN FRANCE NI EN EUROPE .... Trop philosophique. J'ai apprécié les réflexions sur Boulez. Bonjour. Pas de division dans l'apriori. j' adhère à vos commentaires. C'est un peut comme l'Open de golf de Grande Bretagne. Quand les français achètent un CAMEMBERT il faut que ça soit marqué CAMEMBERT sur la boite. Je sais, ça ne vous aide pas beaucoup pour le moment dans votre affaire. Moi non plus je ne m'en fous pas. 

lundi 29 juillet 2013

On commence quand ?


Je ne m'en lasse pas. Le journal de Kµ sur Boulevard Voltaire, chaque matin, mais surtout les commentaires qui le prolongent. 

« Comme je l'ai déjà écrit, il faut… »

« Claire, net et précis. Discipline discipline et discipline. »

« On commence quand ? »

« bonjoiur (…) c'est du lao-tseu.. »

« Oui ! Il nous faut "réagir" par la chimie de l'esprit »

« "Parti Réactionnaire Français", voilà un joli nom, compréhensible par tous à première lecture, merci M Camus d'être attentif aux commentaires de vos lecteurs. »


On remercie Mr Camus d'être attentif aux commentaires de ses lecteurs ! S'il pouvait être un peu plus attentif encore, Mr Camus, ce ne serait pas du luxe, on va dire. "Nocence" : Jacques nous écrit pour nous informer que ce substantif ne se trouve pas dans son dictionnaire. Eh, Jacques, c'est quoi ton dico ? Bon Dieu, Jacques, t'as pas acheté le Grand Dico in-nocent qu'est en souscription chez Casino ? File-nous ton mail, Jacques, on va t'envoyer un bon pour recevoir le résumé des com' écrit par Georges de la Fuly, y a un jeu concours avec, tu peux gagner deux ans d'abonnement de luxe au Parti de l'In-nocence. Une offre à ne pas louper ! Philippe nous écrit pour nous demander quand c'est qu'ça commence. Alors Philippe, c'est bien simple : ça commence dès que t'es réveillé. Tu poses le pied sur ton tapis in-nocent (oui, le tapis anti-dérapage qu'est en solde, le tapis qui vous sauve la vie chaque matin) et c'est parti, en voiture Simone ! Ah, on me signale que Jacques doit se mettre en rapport avec Derrick de Versailles pour une partie de Scrabble in-nocent. Bonne chance les gars ! (Flûte, la musique est en panne !) Ça ne fait rien, on continue ! Maurice propose sa liste de tâches pour un prix complètement dingue. Les Cent-une propositions de Maurice, pour presque rien ! Dépêchez-vous, ça va partir comme des petits pains, je ne vous dis que ça ! Mais on m'apprend que Mr Camus sera là ce matin, vers les onze heures, au rayon Grand Remplacement ! Oui, Nicole, vous pourrez vous faire dédicacer vos quinze exemplaires, ne vous inquiétez pas, Nicole ! On l'aidera s'il le faut ! De toute façon, c'est pas un feignant, Mr Camus.  (Bon, Norma, ça vient cette musique, j'ai la voix cassée, là… J'ai encore Auchan à faire cette après-midi, ça va être galère !) Nom d'une pipe, j'allais oublier le principal ! Demain, nous recevons Jean-Michel, le sympathique Secrétaire général. Il y aura une grande distribution de T-shirts suivie d'un brunch, alors venez très très nombreux, je sens qu'on va bien s'amuser. Jean-Michel, j'ai envie d'dire que c'est pas la moitié d'un In-nocent, question humour ! Oui, Madame, c'est les vacances, mais l'In-nocence c'est toute l'année, on ne s'arrête jamais, ici, donnez-moi votre numéro de téléphone, je vous expliquerai tout ça en détail. (Musique, Roger !)

dimanche 28 juillet 2013

« Non ! dit l'arbre »


« Aujourd'hui l'électronique est partout et les voitures en embarquent toujours plus. Une partie de cette électronique est destinée à prévenir le vol via tous les systèmes d'antidémarrage qui sont destinés à empêcher qu'un voleur ne puisse dupliquer simplement la clé d'un véhicule avant de partir avec. Des chercheurs en sécurité anglais ont découvert les codes régissant la protection anti-démarrage de voitures de luxe, Porsche, Audi, Bentley et Lamborghini, toutes appartenant au groupe Volkswagen. Pour arriver à leurs fins, ils ont réussi à reconstiturer le code Megamos Crypto top secret en allant étudier le tracé des pistes des puces contenues dans les clés de ces voitures. La technique est fort complexe puisqu'elle nécessite de découper ces puces en lamelles microscopiques pour en reconstituer le cheminement des transistors. Ces chercheurs comptaient publier les résultats de leurs recherches lors d'une conférence aux Etats-Unis mais VAG a réussi à leur imposer une injonction de la justice leur interdisant cette communication. Pour le groupe, les enjeux sont trop importants et il n'est pas question que des gangs de voleurs mettent trop facilement la main sur des véhicules coûtant des centaines de milliers d'euros. Les chercheurs sont dépités mais espèrent que l'affaire sera assez prise au sérieux par le groupe automobile pour qu'il améliore encore les sécurités antivol de ses véhicules. » 

Passons vite sur la langue employée ici (même si le fait qu'un dentiste de profession s'exprime ainsi est en soi une information non dénuée d'intérêt). On a donc ici, face à face, des "chercheurs" et des industriels. Laissons de côté les voleurs pour le moment. Les industriels s'efforcent de construire des voitures qu'on ne peut pas voler. Les "chercheurs" s'efforcent de "casser les codes" que les premiers ont mis au point. Les chercheurs, donc, ont réussi à entrer dans le mécanisme censé protéger les voitures, et entendent révéler au monde entier (parmi lequel se trouvent les constructeurs) la manière dont ils s'y sont pris pour contourner la sécurité de ces voitures. Les industriels protestent, assez logiquement, au motif qu'ils n'ont pas envie qu'on facilite le "travail" des voleurs*. Les "chercheurs" rétorquent qu'ils agissent pour le bien de la société, afin qu'elle améliore ainsi ses systèmes de sécurité. Très bien. Donc, n'était l'action de la justice (mais on ne se fait aucune illusion, cela ne durera pas), les constructeurs en question devront obtempérer et améliorer leurs procédés. Jusqu'à ce que les "chercheurs" ne trouvent à nouveau (ce n'est qu'une question de temps) la solution pour contourner ces nouvelles sécurités, ce qui obligera à nouveau les industriels à…  

Tout cela est parfaitement absurde, évidemment, et l'on comprend, à observer cette mécanique bien rôdée, qu'elle n'a en réalité qu'un objet : faire travailler main dans la main les bureaux d'études industrielles et les "chercheurs" passionnés par ces problèmes de "sécurité". Cela ne sert à rien mais c'est indispensable. 

Que se passerait-il si ces "chercheurs" n'existaient pas ? Rien. Ça ne changerait rien du tout. Les industriels essaieraient régulièrement d'améliorer leurs systèmes de sécurité, parce que les voleurs eux aussi font des progrès constants. Les "chercheurs" chercheraient ailleurs. Les voleurs voleraient les voitures. Les industriels fabriqueraient toujours des voitures réputées inviolables, alors qu'ils sauraient  pertinemment que c'est faux — et qu'il est même indispensable que ce soit faux. En effet, le jour où une voiture sera véritablement inviolable, les conducteurs seront en danger, très gravement.

Dans cette petite danse en trio, on voit que les voleurs et les chercheurs ont la même fonction. Les voleurs gagnent peut-être mieux leur vie que les chercheurs, mais à cette différence près, ils font à peu de choses près le même métier. Mais comme c'est toujours le cas avec les vrais trios, il faut y ajouter un quatrième larron : l'assureur, qui assure la parfaite circulation de l'argent, tout en le multipliant.

Et le propriétaire, le conducteur de la fameuse voiture inviolable qui va être achetée volée revendue assurée remboursée ? Eh bien il est chargé par ses quatre confrères de la jeter contre un platane, ce qui permettra à d'autres chercheurs de travailler et d'avoir un salaire décent, eux qui œuvrent pour la sécurité absolue des voitures inviolables, ce qui leur permettra d'acheter une de ces voitures très sûres dans lesquelles on meurt avec la certitude d'avoir fait tout ce qu'on pouvait pour éviter le pire. Et je ne vous parle même pas des platanes qu'on veut couper…


(*) Les industriels s'inquiètent aussi pour une autre raison : ils sont soucieux de ne pas favoriser une concurrence déloyale aux voleurs, car ils savent que les voleurs sont plus fiables que les chercheurs, en ce domaine. Par définition, quand un voleur a volé une voiture, on peut être certain qu'il a bien trouvé un moyen efficace pour ce faire. Les voleurs ne font pas de bla-bla, ils ne pondent pas des rapports de trois cents pages pour ne rien dire, eux, ils se contentent de mettre en application des méthodes qui marchent. Le voleur est un pragmatique, le chercheur est un rêveur intéressé. D'ailleurs les industriels font des procès aux chercheurs, pas aux voleurs. 

Qui se cache parmi les femmes ?


« Que du bonheur ! » Comme par hasard, la femme qui commence son commentaire ainsi sur le site de "Boulevard Voltaire" dispose sur Facebook d'une galerie de photographies où l'on peut la voir mille fois, photographiée en toute circonstance, et souvent en compagnie de "stars" — c'est le cas de le dire — dont Joey Starr semble être l'épicentre. C'est terrible, Internet. Vous lisez deux mots, vous pourriez tout aussi bien tourner la tête, regarder ailleurs, car ce que vous voyez vous déplaît fortement (Que du bonheur cerise sur le gâteau résultat des courses on va dire c'est vrai que c'est juste répulsif), mais Internet vous permet, vicieusement, d'aller vérifier votre "ressenti" (comme disent ces gens-là), et presque vous y incite. Et là, en général, vous n'êtes pas déçus (si j'ose dire) : Ce que vous voyez est encore pire que ce qui vous était promis par les deux mots en question. 

Le billet du jour (extraits quotidiens de son journal) de Renaud Camus sur "Bouvelard Voltaire" se termine par : « (Mais qui sont Ninon de Lenclos, Céline et Flora, Saint-Simon, Corneille, Antoine Pinay, Pompée, Charles Swann ? Quelle chanson chantaient les Sirènes ? Quel nom Achille avait-il pris quand il se cachait parmi les femmes ? — Questions embarrassantes, il est vrai, mais qui ne sont pas situées au-delà de toute conjecture…) », et le premier commentaire est celui de Mme Quedubonheur : « comment pourrait-on accepter la disparition des visages?L'insensibilité de ceux qui peuplent les zones dites sensibles....merci de cette publication... » [Je conserve sa graphie]. En effet, comment pourrait-on accepter la disparition des visages, se demande Denise Quedubonheur, alors qu'elle-même sauve du néant le visage précieux entre tous de Joey Starr ! (Pour ma part, je militerais volontiers pour le port obligatoire du niqab, en ce qui concerne Joey Starr, mais mon opinion n'a aucune importance ici.)

Reprenons la théorie en cours : Ninon de Lenclos, Céline et Flora, Saint-Simon, Corneille, Antoine Pinay, Pompée, Charles Swann, et Joey Starr. Voilà comment les choses finissent, en France, ce qui est une autre manière de chanter, manière qui en quelque sorte nous fait passer brutalement de "Douce France" à "Nique ta mère" dans le même couplet. Ah, on voit bien que ce n'est pas Achille qui se cache parmi les femmes !

Mais, au fait, quelle tête avait Renaud de Plieux ?

samedi 27 juillet 2013

Les Militants


Il y a vraiment de quoi désespérer. À la radio, Angot continue de nous bassiner avec son inceste increvable. Sur Facebook, le ridicule achevé des résistants sortis de terre nous plonge dans une terreur sans nom. On se demande bien, des uns et des autres, qui sont les pires. Tous des perroquets en tout cas. Chacun y va de sa harangue, et, comme le dit Proust, ils ne défendent si bien leurs prétendues idées que lorsqu'elles ne sont pas leurs. Ça tombe bien.

Je me demande si quelqu'un va finir par s'apercevoir de ce qui crève les yeux, tout de même. Marine Le Pen est la première gauchiste de France, ce qui n'empêche nullement ses ennemis de la traiter d'extrême-droitière, de fasciste, et tout le folklore habituel. (Mais être à gauche n'a jamais empêché personne d'être fasciste, il est vrai.) Je pense que Mélenchon le sait, et c'est pourquoi il lui en veut autant.  Ça doit être désagréable de voir que les clients habituels vont à la concurrence, surtout quand la concurrence vend de la meilleure camelote et qu'on n'a pas la possibilité de contrer l'offensive, hormis avec un discours auquel on ne croit pas plus que les clients. La posture qu'il a choisie : surjouer la haine et la colère à l'égard de celle qu'il admire en secret l'oblige à jouer avec son cœur. On ne sait s'il va tenir longtemps à ce rythme-là.

C'est précisément parce qu'on est censé désespérer qu'on se met à être heureux. Finalement, il  n'y a peut-être que dans des moments tels que ceux-là qu'on peut vraiment être libre. Lorsque tout le monde vous dit quoi faire, et comment le faire, et quand. L'esprit militant, dont on est guéri (je) depuis quarante ans, ressurgit avec force ces temps-ci. Les maîtres et les maîtresses portent la voix, on voit ressurgir la sale race des chefs. Ils sont tous, dirait-on, à la recherche de porte-voix, ils veulent tous mettre l'ampli à fond et gueuler comme des enragés. Tout à l'heure, un exalté m'envoyait : « Pour sauver la France, il faut commencer par retrouver le sens des mots et rejeter la novlangue des traitres qui nous gouvernent. » "Traîtres", "sauver la France", "retrouver le sens des mots"… Et l'autre folle avec ses lunettes noires, là, qui se voit déjà à son mirador, une verge à la main, derrière son bureau grand comme un piano !

S'il faut sauver la France avec des cinglés pareils, je vais lui appuyer sur la tête, à la France. La guerre, c'est toujours deux rangées de babouins qui hurlent très fort et qui se ressemblent terriblement. Ils montrent leur cœur et on voit leur cul.

Ce qui est vraiment terrifiant c'est de voir des gens qui croient à ce qu'ils disent, à ce qu'ils sont, qui n'ont pas le plus petit commencement de jeu entre eux et eux-mêmes ; ils sont eux, en plein, à fond, tout entier, du matin au soir, et même ceux, bien sûr, qui nous parlent en se gargarisant de la conception littéraire du monde. Peut-être surtout ceux-là, d'ailleurs.

Après mon billet sur la pauvre Engerer, l'autre jour, j'ai reçu un mail invraisemblable. Celle qui me l'envoyait me félicitait d'avoir enfin ouvert les yeux. Je me les suis frottés, les yeux, parce que cette brave dame voulait tout simplement me dire : Ah, vous avez enfin compris que les Juifs sont derrière tout ça ! Depuis le temps qu'elle essayait de me convaincre, sans le plus petit commencement de succès faut-il l'écrire, elle était aux anges, car elle croyait que ma thèse était : « Si des gens font carrière sans avoir le moindre talent, c'est parce que "le lobby qui n'existe pas" (c'est comme ça qu'ils parlent entre eux) est là pour les promouvoir. » Je ne suis évidemment pas un naïf, je sais pertinemment que les lobbys existent, que les chapelles existent, que les écoles existent, que les sectes existent, que les syndicats existent, que les coteries existent, que les mafias existent, et qu'il faut souvent en France avoir sa carte de ceci ou de cela pour parvenir à la place qu'on convoite, et je suis je crois d'autant bien placé pour en parler que je suis tout à fait démuni de la moindre facilité en ce domaine, et ce à un point caricatural, que jamais de ma vie je n'ai flatté qui que ce soit pour obtenir quoi que ce soit, et qu'en fait d'entregent je suis largement aussi nul qu'Angot dans le domaine littéraire. On voit où ça m'a mené. Mais le problème n'est pas là. Que cet article ait pu être interprété ainsi m'en bouche un coin, je dois dire. Peut-être après tout que je dois revoir entièrement ma manière de comprendre les rapports sociaux et professionnels ? Ce qui m'étonne tout de même un peu, c'est qu'après que j'ai claqué la porte de son blog, elle m'a reproché de l'avoir traitée d'antisémite. Elle avait l'air sincèrement blessée. Je pensais avoir été assez gentil, pourtant… Mais en fait j'avais été idiot, bien sûr. Tous ces grands mots n'ont plus le moindre sens, c'est bien pour ça qu'on les emploie toute la journée, à tout propos. Fasciste, antisémite, raciste, collabo, communiste, nazi, c'est comme hystérique, névrosé, psychotique, macho, c'est de la bouillie, on nage dans une infâme bouillie verbale toute la journée, toute l'année, et l'autre excité qui me parle de "sauver la France", sans rire, et de "retrouver le sens des mots" ! Sans rire ! Ils arrivent à garder leur sérieux, à ne pas se pisser dessus, en prononçant ce genre de phrases. Sont forts, les mecs. Avec des zozos comme ça, la France ne risque rien, bien sûr. Je peux donc me rendormir tranquille.

En réalité, ce que le plupart de ces gens veulent, c'est une revanche. Ils estiment qu'ils ont été floués et qu'ils ont une revanche à prendre. C'est pourquoi "le peuple" fait un retour en force. Revanches contre revanches, le cycle infernal a commencé, et je ne vois pas bien qui serait en mesure de l'arrêter. Peut-être que la paix avait assez duré, qu'elle commençait à nous fatiguer un peu. Plus d'un demi-siècle sans guerre, c'est à crever ! 

jeudi 25 juillet 2013

Avignon-désastre


Quatrième jour de Christine Angot, à la radio, en direct d'Avignon. Impressionnant de nullité. Rien. Il n'y a rien dans cette prose, absolument rien. Cette femme est sans doute la plus grande nullité qu'on ait connue depuis longtemps. 

Pascal Greggory lit sur scène. Bafouille abondamment. Ces acteurs ne travaillent même plus avant d'entrer en scène. Lire un livre sur scène est la nouvelle trouvaille des paresseux subventionnés. Aucun travail mais un gros chèque. Le bonheur. Et après, le restaurant avec les femmes qui mouillent leur culotte. 

Christine Angot, vous l'avez tous entendue lisant ses textes. On ne peut plus y échapper, c'est notre nouveau Molière, notre nouveau Balzac. Ses livres sont écrits comme elle parle, exactement. Certains trouvent que c'est ça qui est génial. Toujours le même souffle, Greggory. Ça tombe bien. Nul. Cette connasse d'Angot a lancé la mode de la connasse lisant ses propres textes avec une voix de connasse lisant ses propres textes. Les phrases de cinq syllabes. La voix qui monte vers la fin. Toujours la même mélodie. Cette fausse tension adolescente d'éjaculateur précoce. Moi. Moi, je vous parle avec ma voix de connasse lisant ses propres textes de connasse, moi, c'est de moi que je parle, de moi, moi, c'est moi, la connasse avec sa voix de connasse, vous me reconnaissez ? Christine Angot, c'est la fille qui veut désespérément qu'on la reconnaisse à la voix. C'est réussi. Ça marche. Christine. 

Rambert, Angot, et les autres, c'est ça Avignon, c'est ça la culture, c'est ça le texte (comme on disait), c'est ça l'écriture (comme on dit encore). La littérature. Je mets mon doigt, c'est gluant, un peu, étrange, oui, c'est de la littérature. Ah bon ? Oui, c'est ça, c'est juste ça, c'est seulement ça.

Sur Facebook, j'ai croisé une attachée de presse qui crie au génie dès qu'elle entend le nom d'Angot. Elle dit quelque chose comme : « J'ai lu L'Inceste cinquante fois, je le sais par cœur. » Angot c'est ça. Il faut le lire cinquante fois, peut-être, sûrement. Et alors on est illuminé de l'intérieur. La fille de madame Angot elle est convaincue, en tout cas. Elle prend le monde entier à témoin. Elle a vu, elle a touché, c'est un peu gluant, c'est étrange, c'est Angot. Angot… Quel nom !

Le rythme Angot. On lui a dit : « Tous les écrivains ont leur petite musique. » Ça l'a marqué cette phrase. Petite musique… Elle a deux mains, et cinq doigts à chaque main. Alors elle s'en sert. Ça fait : un, deux, trois, quatre, cinq, et je recommence. Petite fille à la marelle. Un, deux, trois, quatre, cinq. Paf ! A y est ! Angot n'a pas de musique. Mais alors aucune. Tiens, prenons un quatuor de Mozart, et enlevons toutes les notes. Reste le rythme. Un, deux, trois, quatre, un deux, trois, quatre, oui… Pas terrible Mozart ! Nul !

On imagine les spectateurs. Les cigales, les micros, le bruit de la rue, les platanes, les comédiens, et les spectateurs assis : C'est du Angot. C'est Avignon, c'est Angot, il fait chaud, j'y étais. Ouais, moi j'ai écouté à la radio. Je bouffais mes nouilles avec une bière. Tu y étais. Moi pas. La radio, durant cinq jours. Alors, Christine Angot, c'est quoi l'écriture ? Ben… L'écriture, en fait, c'est moi. Enfin, c'est rien, rien du tout, l'écriture, ça n'existe pas. C'est juste un peu gluant, étrange, mais c'est rien, rien, en fait c'est rien du tout. C'est juste une connasse qui lit ses textes avec une voix de connasse qui lit ses textes. 

Rideau. Chèque. Restau. Train. Degré zéro. Couché.

Remplacement


Rondes sur la place

« À mon beau château », la ronde d'autrefois, pleine de menaces et de promesses, nous l'avons beaucoup chantée, mes petites voisines et moi, dans le jardin des soirs d'été, sous la cathédrale.

Deux rondes : l'une, la plus nombreuse, était le "Beau Château" ; l'autre — une joueuse ou deux — venait le démolir.

Pour le démolir, en tournant autour, elle retirait — "ôtait" — une à une toutes les "pierres" du Beau Château, toutes les joueuses de la Grande Ronde en les appelant par leur nom, l'une après l'autre.

« Quelle pierre ôt'rez-vous ? demandait le Beau Château. 

— Nous ôt'rons la pierre de Marthe… puis, tour à tour, celle de Madeleine… celle de Jeanne… celle de Marie. »

« Que lui donn'rez-vous ?

— Un' bell' couronn' d'or… une belle bague d'or… un beau collier d'or… »


La ronde démolisseuse, ainsi, promettait à chaque "pierre" ôtée, de merveilleuses choses en or que nous inventions à mesure. 

Tentées, les joueuses, tout à tour; abandonnaient la Grande Ronde pour rejoindre l'autre. Et le Beau Château était démoli, remplacé par le Château neuf.

Les deux Rondes se sont remises à danser sur la Grand-Place. La Ronde du Passé y tourne avec son vieux Beau Château et la Ronde de Demain, la Ronde Nouvelle vient le démolir en promettant monts et merveilles.

Je les entends de loin. Elles chantent…

(Marie Noël, Notes intimes)

mardi 23 juillet 2013

Pastilles Pulmol


Il faudrait inventer le concept de prison molle, de condamnation molle, et même de peine mollassonne, pour que les mots retrouvent un peu de vérité et de sens, tout de même. 

Machin Bidule, je vous condamne à de la prison molle. Vous allez être mis en détention à Mol-les-Mimosas, dans le département du Mou. Il vous sera formellement interdit de vous évader de la prison molle, sous peine d'être mollement puni d'une peine qui pourrait aller jusqu'à la remontrance molle. Ainsi s'applique la molle loi de la Répumolle française ! Combien de temps ? Oh, c'est vous qui voyez, hein, de toute façon, on n'a pas beaucoup de places. C'est très demandé, vous savez ! Ça va aller, mon petit ? Tenez, reprenez une pastille, ça vous remontera le moral.

Bon, la prochaine fois, qu'on ne me tire pas de ma sieste pour si peu !


dimanche 21 juillet 2013

Trop loin !


« Nous sommes habitués à des tirs de mortier sur le commissariat de Trappes, mais là ça va trop loin... »

Mais là ça va trop loin. Regardez cette femme qui allait bâiller sans mettre la main devant sa bouche ! Heureusement, la maréchaussée veille ! Merci à la fière policière dotée de réflexes supersoniques qui, n'écoutant que son esprit citoyen, a aidé cette femme un peu à la limite de la démocratie à rester digne. Des images qui redonnent confiance en l'Homme ! 

samedi 20 juillet 2013

Interpeller Belphégor ?


J'ai lu la formule (que j'aime beaucoup) dans (sur ? (je ne sais jamais comment dire (ce "sur" mis à toutes les sauces m'agace tellement qu'il m'arrive de ne plus l'employer quand il est justifié !)) le forum d'un site que je fréquente régulièrement. "Interpeller Belphégor" est en passe de devenir impossible et l'on savait depuis le commencement qu'il en irait ainsi. On dirait bien qu'est venu le temps, un peu morne, un peu lassant, où il ne s'agit plus pour nous que de vérifier tout ce qui était écrit noir sur blanc dans les livres d'histoire, dans les livres de philosophie ou d'ethnologie, dans les romans, dans les récits de voyage, et dans quelques pamphlets bien sentis, écrits au bon moment, comme tous les pamphlets qui comptent.

Interpeller Belphégor ? Ça va pas la tête ! On n'interpelle pas Belphégor. Demandez au commissaire Ménardier et à sa fille Colette, demandez au gardien Gautrais ! Belphégor, on le laisse se promener la nuit dans le Louvre désert, désert comme Calcutta. (Et d'ailleurs, le Louvre est désert, dorénavant, ainsi que la France, ils sont déserts d'être envahis, c'est bien comme Calcutta : trop de monde et le monde disparait, trop de musique et la musique disparaît, trop de fêtes et la fête disparaît, trop d'art et l'art disparaît…) Il ne fait de mal à personne, Belphégor, tant "qu'on ne le cherche pas". Il a bien le droit d'avoir un costume à lui, et puis, il est si beau, ce costume, si différent, il nous a tant fait rêver, enfant ! Cette forme noire qui, accompagnée d'un enfant silencieux, glisse entre les joyaux que Bonaparte et Vivant Denon (fascistes et dépouilleurs) ont dérobés en Egypte, l'une des formes les plus élégantes qui ait nourri notre imagination, vous voudriez qu'on l'interpelle, qu'on l'arrête, qu'on l'emprisonne ? Emprisonne-t-on une forme ? André Bellegarde a voulu seulement contrôler son identité, on voit où ça l'a mené ! On ne plaisante pas avec le mystère, on ne soulève pas les robes de femmes, quand on est bien élevé. On se contente de les violer dans un garage en Norvège, mais on ne leur demande pas de vous montrer leur visage. Le visage, c'est bon pour les idolâtres, pour les adorateurs d'icônes, pour les fétichistes pâles et décadents qui ne désirent plus que rendre ce que Bonaparte a volé, rendre et rendre, comme on vomit après avoir trop mangé.

Belphégor était une femme (et son double) ! Enfin, non, Belphégor "en soi" n'est ni homme ni femme, mais son vecteur, sa chair temporelle était bien une femme, et quelle femme ! Ce Belphégor en noir et blanc me semble, vu d'ici, tellement augural de ce qui allait se produire dans la France "en couleurs" qu'il me semble extrêmement digne d'étude. Regarder Belphégor, en 2013, c'est bien voir un autre monde, cet autre monde où nous avons appris les usages et le reste, cet autre monde où nos parents étaient encore bien vivants, et où l'on rêvait de "l'An 2000" qui viendrait, qui viendrait bien un jour, même si cela relevait encore de l'impossible

L'impossible (qui n'est jamais français, comme on sait), on y est. En plein dedans. Belphégor est sorti du Louvre, il se balade en ville, il conduit sa voiture, il va au cinéma, à la Sécu, à la faculté, à la piscine. Il retire de l'argent des automates bancaires, il vote, il part en vacances. C'est un peu comme Babar qui conduit son auto, vous savez, qui fait sa gymnastique avec la vieille dame, qui mange des glaces au jardin du Luxembourg, enfin, vous voyez le topo, et qui finit sa carrière en monarque. Et vous voudriez contrôler ces Belphégors, et puis quoi encore, vous voudriez peut-être les empêcher d'arriver à la magistrature suprême ? Mais ça va pas la tête ! Putain d'An 2000, où tout est possible, même que des papas épousent d'autres papas, même que des Belphégors clonés prennent le contrôle du Louvre et des autres palais de la République, sans bruit, sans la moindre révolte. Ils glissent, accompagnés de leurs enfants, qui les guident et les protègent, ils glissent parmi nous… et bientôt c'est nous qui sommes parmi eux. Alors, qui va interpeller qui, hein ?

Sacré Belphégor ! J'avais neuf ans quand je me cachais derrière la porte du salon pour t'entrevoir et frissonner de trouille. Je ne savais pas à ce moment que tu reviendrais me hanter de nombreuses années plus tard. 

vendredi 19 juillet 2013

Des brétignis comme s'il en pleuvait


On commence à avoir l'habitude. Quand on voit quelque chose, immédiatement, un petit bonhomme vert surgit sur notre épaule, frappe trois coups sur notre tympan, et nous rappelle : « Tu n'as rien vu. Rien du tout. N'oublie pas ! »

— Bien Chef, oui Chef, j'ai rien vu Chef. Mais je vous ai bien entendu. 

— Non ! Je n'existe pas, n'oublie pas !

— Ah oui, OK, Chef, d'accord, Chef ! Je n'oublierai plus.

— Si !!! Oublie ! C'est ton devoir-de-mémoire !

— Ah bon, mais faudrait sav…

—Chut !!! Tais-toi. Tu n'as rien vu, rien entendu, rien su ! Tais-toi. 

— …

Ces événements qu'on ne voit pas, qu'on n'entend pas, qu'on ne se rappelle pas, ça s'appelle des brétignis. Vous voyez un type se faire tabasser dans le métro par quinze crapules en survètes blancs ? Brétigni. Vous voyez de plus en plus de mosquées ? Brétigni. Votre fille fait le tapin sur Internet ? Brétigni. Vous vous êtes fait violer juste derrière la gare ? Brétigni. Deux merdeux vous ont traité de "sale Français" parce que vous les regardiez de travers, après qu'ils ont craché par terre juste devant vous ? Brétigni. Dans votre quartier, il y a de plus en plus de femmes en burqua ? Brétigni. L'école a encore brûlé, c'est la deuxième fois en six mois ? Brétigni. Vous voyez le truc ? Pas compliqué ! Entraînons-nous un peu avec des brétignis virtuels.

Votre enfant rentre de l'école en larmes, pieds nus, avec un œil au beurre noir et une dent cassée. « Maman, on m'a volé mes baskets et mon portable. Je dois leur donner cent euros sinon… » Mais non, Kevin, tu n'y es pas du tout, mon chéri, tu as été victime d'un brétigni. Ça arrive souvent quand on est un peu trop bon en français. Tu dois seulement faire baisser ta moyenne, tu verras, ça va passer. C'est rien. Ton parent n°2 t'avait pourtant prévenu. On va te racheter un iPhone et des Nike, no souci ! Mais si ça continue, n'hésite pas à m'en parler, on ira voir la psychologue et la conseillère d'orientation. De toute façon, ça peut pas faire de mal. Tiens, prends ces cent dix euros pour ton argent de poche.

Vous vous levez à six heures, comme d'habitude, pour aller travailler. Sur le parking, à la place où vous aviez laissé votre voiture, un amas de tôles brûlées, qui fument encore. Vous continuez votre chemin comme si de rien n'était, et vous allez prendre le métro, en vous félicitant de ne pas être tombé dans le panneau. Et un brétigni, à sept heures du mat' ! S'ils croient pouvoir me berner aussi facilement ! Ah, les cons ! Je n'ai jamais eu de voiture ! Ah ah ah ! Il n'y a pas de métro dans le quartier où vous habitez  ? Mais vous le savez bien ! Non mais pour qui on vous prend ! Vous sortez votre portable pour appeler un taxi. On vous demande votre adresse. Vous la donnez, et là, on vous répond que les taxis ne se déplacent pas dans ce genre d'endroits. Ah ah ah ah ! Vous vous marrez. Deux brétignis consécutifs, ça fait beaucoup ! C'que les gens aiment blaguer, quand-même ! Au moment de raccrocher, vous vous apercevez que vous n'avez pas de portable, qu'on vous l'a volé il y a trois jours. Et de trois ! Ah, ils sont forts, les cons ! Vous faites du stop en pouffant de rire. Vraiment, la journée commence bien, vous êtes de bonne humeur et vous avez hâte de raconter cette bonne blague aux copains, au boulot. Un record de brétignis, ça le fait, devant les nanas ! Un type sympa vous prend dans une belle voiture, il ne parle pas français, mais il est sympa. Arrivé à destination, vous poussez la porte de votre entreprise, et vous croisez Moussa, le type de l'accueil : « Tiens, Bernard, qu'est-ce tu fous là ? Tu t'ennuies de nous, hein ! » et il vous file une grande tape dans le dos. Ça vous revient, maintenant, vous avez été viré il y a un mois. « Ben oui, j'passais dans l'coin. Tu sais quoi ? J'en suis à mon quatrième brétigni, rien qu'en une heure ! » Moussa vous regarde avec un petit sourire, vous vous demandez s'il vous croit. C'est vrai que vous aviez l'habitude de vous vanter, quand vous étiez son chef !

Vous avez pigé la manip ? Depuis que le gouvernement a inventé le brétigni, la vente des anxiolytiques a connu sa plus forte baisse depuis quarante ans ! C'est un succès. L'Europe songe a imiter l'exemple français. Comme toujours !

Une folle dont le cri fait peur

Plus tard.

J'ai lu à l'abbé Mugnier mon Office pour l'Enfant Mort
Tandis que je l'écrivais et qu'il me tenait tout entière sous son souffle, j'avais été prise de crainte, je n'osais plus l'achever. Un prêtre me rassura : « Délivrez-vous-en. On verra après. »

L'abbé Mugnier l'a agréé à cause du vers de cime :
En vous, Seigneur, le Mal est Bien…
où la violence de la révolte vient mourir, grondante encore, dans un acte de foi. 
Mais j'endure mal de le lire tout haut et je souhaiterais que, plus tard, on le laissât se taire, dans le livre, comme une folle dont le cri fait peur.

(Notes intimes, Marie Noël)

19 juillet



I

CORTÈGE


L'enfant frêle qui m'était né,
Tantôt nous l'avons promené ;

L'avons sorti de la maison
Au gai soleil de la saison ;

L'avons conduit en mai nouveau,
Le long des champs joyeux et beaux ;

Au bourg avec tous nos amis,
L'avons porté tout endormi…

Mais en vain le long du chemin
Ont sonné les cloches, en vain,

Tant il était ensommeillé,
Tant qu'il ne s'est pas réveillé,

Au milieu des gens amassés,
Quand sur la place il a passé.


D'autres que moi, cet aujourd'hui,
À l'église ont pris soin de lui.

C'est le bedeau qui l'a bordé
Dans son drap blanc d'argent brodé.

C'est le curé qui l'a chanté
Avec ses chantres à côté.

C'est le dernier qui l'a touché,
Le fossoyeur qui l'a couché

Dans un berceau très creux, très bas,
Pour que le vent n'y souffle pas

Et jeté la terre sur lui
Pour le couvrir pendant la nuit.


Pour lui ce que chacun pouvait,
Tant qu'il a pu, chacun l'a fait

Pour le bercer, le bénir bien
Et le cacher au mal qui vient.

Chacun l'a fait… Et maintenant
Chacun le laisse au mal venant.

Allez vous-en ! Allez vous-en !
La sombre heure arrive à présent.

Le soir tombe, allez ! partez tous !
Vos petits ont besoin de vous.

Rentrez chez vous et grand merci !…
Mais il faut que je reste ici.

Avec le mien j'attends le soir,
J'attends le froid, j'attends le noir.

Car j'ai peur que ce lit profond
Ne soit pas sûr, ne soit pas bon.

Et j'attends dans l'ombre… j'attends
Pour savoir s'il pleure dedans.



II

Un Ange est venu vendredi
Chez nous pour étouffer mon petit
Pour l'emporter au Paradis,

Malgré son cri dans le printemps
Et son souffle qui tant et tant
Ont imploré grâce longtemps ;

Malgré la sueur de sa chair ;
Malgré la fenêtre aux yeux clairs
Qui s'ouvre pour appeler l'air ;

Malgré l'air qui l'entend mourir
Et souffle pour le secourir ;
Et le lait qui vient le nourrir ;

Et l'eau qui le fait boire un peu ;
Et la laine douce qui veut
Le réchauffer et ne peut ;

Malgré mes mains de vain amour
Qui tournent sans remède autour
Du mal dont c'est l'heure et le jour ;

Malgré les femmes à genoux
Et leur chapelet jusqu'au bout,
Qui sanglotent : « Priez pour nous » ;

Malgré l'autre Ange clair, léger
 — Le sien — qui devait voyager
Sur terre pour le protéger…

Hormis le seul danger.


Un Ange est venu, le plus fort,
Pour mettre mon petit à mort.

Est-ce difficile ? Est-ce bien,
Pour un Ange qui ne craint rien,

D'étouffer, comme un pigeon blanc,
Le cœur d'un nourrisson tremblant ?

Ce cœur encor rempli du temps
Que Dieu lui-même a mis dedans,

Ce cœur plein de jeux et de jours
Qui d'un an n'a pas fait le tour…

Toute la nuit en vain battant
Pour sauver l'instant… puis l'instant…

Toute la nuit il s'est battu…
Puis à l'aube soudain s'est tu.

Et l'enfant que j'ai mal gardé,
Plein de reproche a regardé,

Regardé le Ciel sans merci
Pour se plaindre très loin d'ici…

Et brusquement se sont ses yeux
Retournés du côté de Dieu,

Du côté de Dieu, fixe, noir,
Terrible, pour ne plus me voir.




(Extrait de Office pour l'enfant mort, de Marie Noël, in PSAUMES)

mercredi 17 juillet 2013

Harmonie


Presque au hasard, un extrait du Traité d'Harmonie d'Arnold Schoenberg, achevé il y a un siècle, en 1911 exactement. 

J'en profite pour corriger une information erronée que j'ai pu lire ici ou là, sur Internet. L'édition française de l'Harmonielehre date de 1983. La traduction est due à Gérard Gubisch.


mardi 16 juillet 2013

Les Mains propres


Le vrai travail a été en effet dévalorisé en occident au profit du "créatif " en bureau, du publicitaire, du communiquant, de l'artiste sans métier et j'en passe (une pensée émue pour Orimont au passage). Même la recherche scientifique ne fait plus recette auprès des nouvelles générations, à l'exception de la sociologie, et pour cause ! Ne parlons pas du travail manuel, qu'il soit le fait d'artisans ou d'ouvriers en usine, apanage de la culture populaire, totalement méprisé depuis 68. D'ailleurs les ouvriers ne travaillent plus guère avec la direction ni le bureau d'études comme hier, ce qui favorisaient des rapports humains et souvent d'estime entre les uns et les autres. Mon cousin, aujourd'hui à la retraite, directeur général de Saint-Gobain, me racontait à quel point il admirait le savoir-faire de certains ouvriers et le plaisir qu'il avait à les regarder opérer et à les faire parler de leur travail. Aujourd'hui ils ne se voient plus, ne se connaissent plus, ne se parlent plus. Les travailleurs manuels, au sens large du terme, sont les soutiers de la société laquelle ne leur est plus reconnaissante de rien. Pas étonnant que cette société-là soit en phase avec l'islam lequel abhorre le travailleur manuel, le besogneux qui gagne son pain à la sueur de son front, sa sympathie n'allant qu'au marchand, au lettré (en religion), au poète de cour hier, voire à la rigueur au médecin, c'est-à-dire à ceux qui gagnant leur vie sans effort et sans se salir les mains et en imposent par leur belle apparence, à une exception notable près : le guerrier. Les uns ont pour eux leurs mains blanches, l'autre ses mains teinté du sang des mécréants mais aucun n'a les mains "sales".



Ah, les "créatifs", quelle sale race en effet ! Par effet de contraste, ils me rendent fier d'appartenir à celle des musiciens. Les créatifs croient créer, inventer, alors qu'un véritable artiste ne fait que révéler (dé—couvrir) ce qui le traverse à un moment donné, ce qui se montre, ce qui monte à travers lui. Il ne choisit pas. Dieu crée, les hommes ne font que trouver, retrouver, rappeler à eux les motifs que Dieu a laissé tomber de son génie, les ordonner, les débarrasser de la gangue opaque qui les entraîne vers la nuit des temps. Un musicien travaille de ses mains au moins autant que de son esprit. Il aime ses outils, ses instruments, les respecte, les entretient, les protège. Finalement, un compositeur a plus à voir avec un peintre qu'avec un écrivain, même s'il s'exprime avec des phrases. Un compositeur qui ne serait pas instrumentiste ? Ça doit exister, bien sûr, mais c'est très rare (sauf dans la "musique acousmatique", et ce n'est pas un hasard). Il y a de l'artisan chez le musicien, comme chez le peintre. "Faire sa technique trois heures par jour"… ! quel écrivain aurait l'idée saugrenue de "travailler", en ce sens-là ? J'aime que le mot "technique" veuille dire quelque chose pour un musicien, comme pour un peintre, comme pour un ébéniste ou un danseur. Qu'est-ce que la technique, si ce n'est la reprise inlassable du problème de l'art, de la manière dont il peut parfois se frayer un chemin jusqu'à nous, avançant entre les rocs coupants de la maladresse humaine ? 

Regarder un ouvrier travailler ? En effet, plus personne ne fait ça, sauf dans ces reconstitutions muséales qu'adorent les festifs dégénérés qui ont besoin qu'on leur explique que le lait sort du pis des vaches et qu'on peut faire de la musique avec autre chose que des ordinateurs et des platines. N'importe quoi, la plomberie, la menuiserie, la maçonnerie, la peinture, la danse, la percussion, peu importe. Regarder un ouvrier travailler, j'ai adoré le faire, quand j'étais enfant. Ça me donnait des frissons, je me sentais dans une espèce d'état second que j'ai longtemps associé au plaisir. Ce qui compte, c'est la qualité du geste, l'attention, l'efficacité sans l'effet, l'enchaînement des états du corps et de l'âme qui rendent possible un travail bien fait, la tension mentale et physique en vue d'une résultat tangible, palpable, vérifiable, et si possible beau. Mais le "vérifiable" est très important. Se demander si ça fonctionne ou pas, si c'est juste ou pas, si c'est réussi ou raté… Dans bien des occasions, dans la plupart des occasions, le juste coïncide avec le vrai, le réussi avec le beau, comme dans le cas, emblématique pour moi, de la course à pied.

La musique est faite d'une succession de tensions et de détentes. C'est en grande partie l'harmonie qui prend en charge cette manière de se mouvoir dans le temps, d'avancer le long de cet axe souple (un peu à la manière d'un reptile), bien plus que le rythme. C'est l'énergie crée par le passage de la tension à la détente, ou l'inverse, qui fait que la musique avance. Quand le mouvement harmonique est juste (c'est-à-dire nécessaire), les gestes semblent naturels, et la matière mélodique peut s'épancher comme elle l'entend elle-même, parce qu'elle respire à l'intérieur d'un pays qui est le sien. "Harmonie" est un mot sur lequel il faut se pencher très longuement. Ce n'est pas pour rien que des milliers de traités ont été écrits sur le sujet. Le "vrai travail" est harmonie, ou l'harmonie est un vrai travail. De Machaut à Bruckner, quel trajet fabuleux, quelle aventure philosophique et métaphysique ! Tous ces grands musiciens ont été des ouvriers, dans le plus beau sens de ce mot, tous se sont salis les mains, ont étudié les mille manières d'aller de la tonique à la tonique, et d'une tonique à l'autre. Et ce n'est pas Schoenberg qui me démentira, lui qui était le plus ouvrier des musiciens. 

lundi 15 juillet 2013

Not to eat ! (ou Débranche-toi Meydina)


Enfin un mort par iPhone. C'est pas trop tard ! L'hôtesse de l'air attrape son joujou qui est en charge et meurt électrocutée. Il devrait y en avoir des dizaines, des centaines, des milliers, de morts par iPhone. En réalité c'est bien le cas mais on ne le sait pas. Ils sont tous à demi-morts, ou aux trois-quarts, les iPhoneurs, mais leur sarcophage numérique se situant à des années-lumière de nous, on ne le vérifiera que dans quelques années. Ceux qui jadis se morfondaient aujourd'hui se moriphonent. Vous croyez regarder une video cochonne de votre petite amie en stage entreprise dans l'Aveyron ? Elle a explosé en vol entre la galaxie du cygne et le col de son utérus. 

« Où t'es, grosse pute ? » ainsi s'apostrophent les moriphoneurs. « Ben chuis là gros PD de ta mère la pute ! », qu'ils se répondent aimablement. Nous avons followé Meydina Touite, une étoile montante de l'ifonosphère. On peut estimer à sa carte des watts qu'elle est morte depuis six mois à peu près, bien qu'elle l'ignore encore. C'est toujours après le décès que le touiteur atteint son apogée, aussi est-elle près de son acmé juvénile, notre charmante Meydina. 

Ulysse serait-il rentré à Ithaque, s'il avait été en possession d'un iPhone 5s ? Tu penses bien que non ! Il aurait envoyé des vidéos à Pénélope, vidéos préalablement retouchées avec Photoshop pour faire disparaître Calypso et toutes les autres grâce au filtre magique de la version 6. Elle le voit en plein colloque sur le genre, sur l'écologie maritime, sur les derniers cyclopes, sur la science des rêves, elle trouve qu'elle un mari vraiment cool et elle se remet à son tricot pendant que Sapho la filme en train de faire le grand écart devant sa baie vitrée. « Mon Ulysse, prends ton temps, ici tout va bien, le chien a eu la diarrhée mais sinon c'est OK. Éclate-toi ! C'est pas tous les jours qu'on peut se payer un voyage comme ça ! Moi je me suis remis au Latin, tu sais que je crains l'Alzheimer ! » (Pénélope n'aime pas les Web-cams.)


dimanche 14 juillet 2013

Bleu, blanc et rouge


Donc, si l'on comprend bien, dans la France de 2013, la France de Hollande, on se fait contrôler par la police si l'on est porteur d'un… drapeau français

Je crois, je suis même sûr, que ce petit détail amusant fera beaucoup parler de lui dans les mois et les années à venir, et qu'il contribuera plus que bien des discours, des images, et des idées, à expliquer ce qu'est devenu ce pays et ce qui arrive à une vieille nation qui fut naguère la nôtre.


Jacques le musicien


« Qu'est-ce qui t'arrive, t'es aveugle ? »

Il s'adresse à un professeur qui arrive au conservatoire avec des lunettes de soleil. Je l'ai aimé pour ça, pour ce genre de remarques. Pas seulement. Après une carrière internationale de flûtiste, il avait ce tout petit bureau, si modeste. Une simple planche posée sur des tréteaux. On était toujours dans la pénombre, dans son bureau. Quelques livres sur les étagères, ses boîtes de flûtes, ses pipes, quelques reproductions de peinture soigneusement choisies. Un directeur comme ça, c'est extrêmement rare. 

Je n'ai jamais supporté les gens qui se font prendre en photo avec des lunettes de soleil. C'est à peu près du même ordre que quelqu'un qui vous parle en mâchant du chewing-gum, la bouche entr'ouverte. 

Le matin, il faisait ses deux heures de grec et de latin, quoi qu'il arrive. 

J'aimais beaucoup qu'il me raconte la vie à Cuba. Les maisons des stars de cinéma, abandonnées précipitamment. Il avait été logé dans celle de Kim Novak, je crois, à moins que ce ne soit celle de Joan Fontaine, il y avait encore les draps de l'actrice dans sa chambre à coucher. L'orchestre national sans piano. Il avait fallu aller en chercher un dans une de ces somptueuses villas du bord de mer. Les instruments manquants ou presque inutilisables tellement ils étaient abîmés. Le matériel d'orchestre aussi manquait souvent.

Je l'ai aimé parce qu'il m'a appris à écrire. Chaque fois que je devais écrire quelque chose, même un texte insignifiant, pour un programme de concert ou quelque chose de cet ordre, j'avais droit à des engueulades mémorables. « Tu ne sais pas écrire français ! » « Ça ne veut rien dire. » Il avait raison, bien sûr. Il avait toujours raison, même quand il m'agaçait prodigieusement, surtout quand il m'agaçait prodigieusement. Il m'installait chez lui, et j'avais une copie à rendre une heure plus tard… Je l'ai aimé parce qu'il m'a écouté jouer, vraiment écouté. Il n'était pas obligé. Je l'ai aimé parce qu'il m'a fait confiance, et surtout parce que sans lui je n'aurais pas lu, ou si peu. Il me faisait honte. Tu n'as pas lu ça ? Ça non plus ? Mais comment est-ce possible ? C'était le genre à intégrales, lui. Quand il commençait à lire un auteur, il lisait tout, du début à la fin. Et puis il recommençait. 

Il écrivait, aussi. Très bien. J'ai rarement lu une aussi belle langue. Ni classique ni moderne. Complètement hors l'époque. Aucun maniérisme, aucune pose, tellement au-dessus de tout ce qui se fait actuellement.  Il n'avait jamais envoyé quoi que ce soit à un quelconque éditeur, il le faisait pour sa femme, mais j'ai eu la grande chance de lire un peu de ses manuscrits magnifiques. Il racontait, avec une précision splendide, son enfance pauvre en Bretagne, la guerre, les bombardements, la venue à Paris, à pied, pour entrer au conservatoire. « Tout est vrai. » C'était très important pour lui : ne rien ajouter, ne rien enjoliver, ne pas mentir. Une mémoire prodigieuse, qu'il cultivait, patiemment. Mallarmé, Debussy, une certaine forme de génie très français, et une intransigeance de paysan. Une culture historique impressionnante, l'amour de la philosophie, qu'il avait étudiée seul, en autodidacte. Il écrivait de la poésie, un peu trop mallarméenne à mon goût, mais pleine d'éclats merveilleux. Il avait été beau comme un dieu, extrêmement séduisant, ma mère était sous le charme. 

Quand Richter est venu en France pour la première fois, c'est lui qu'on avait désigné pour repérer les fautes du Maître, pendant le récital. Il était en coulisse, avec la partition, et il était chargé de faire des croix là où Richter accrochait, afin qu'on puisse éventuellement corriger quand on en ferait un disque, le concert étant enregistré. Je n'aurais pas aimé être à sa place. J'ai joué avec lui, quelques rares fois, et j'ai même écrit de la musique sur un de ses textes. Mais je me rappellerai surtout les très nombreuses soirées où il m'invitait chez lui, et où j'étais toujours reçu comme un roi, après quoi je rentrais chez moi tant bien que mal, tellement nous avions bu.

Ne pas mentir. Affronter l'adversité. Ne jamais avoir peur. Bien longtemps qu'il avait rendu sa carte du Parti communiste. Il avait dû se battre contre eux, par la suite. Il les avait fait plier, à plusieurs reprises. Ils en avaient peur. Le laissaient tranquille pour cette raison. Il ne craignait pas de passer pour ce qu'il n'était pas, il en rajoutait même un peu. Tant pis pour les cons. Il avait souvent dû se battre, alors il croyait qu'il fallait continuer comme ça, jusqu'à la mort. Souvent, on arrivait au conservatoire avec la peur au ventre. Ouverte, la porte de son bureau, ou fermée ? C'était un roi, souvent de mauvaise humeur, presque toujours. Je me rappelle une soirée chez moi que nous avions passée, presque entièrement, à  nous engueuler. Il ne s'avouait jamais vaincu. Même s'il avait tort.

Je crois que ce qui nous a réunis est vraiment ce qu'on a le droit d'appeler l'amour de la musique, un amour bestial, un amour d'animal blessé qui ne peut s'empêcher de revenir et revenir encore à la douleur aiguë qu'il a éprouvé au commencement. Je réalise aujourd'hui que les quelques uns qui ont été des pères pour moi avaient tous en commun cette sensibilité hors du commun, presque maladive.

Nous avions des goûts très opposés, sauf pour les grands chefs-d'œuvre. Le 21e de Mozart, le Pâtre sur le rocher de Schubert, les quintettes de Mozart, la 9e par Furtwängler, la 6e partita par Gould, et puis Schumann, évidemment, qu'il avait étudié au conservatoire avec Marcel Beaufils. Je n'ai jamais osé parler de Pelléas avec lui. J'aurais eu l'impression d'entrer par effraction dans son intimité. Il jouait Syrinx comme personne.


samedi 13 juillet 2013

Sirop d'orgeat



Dire qu'aujourd'hui je pourrais peindre avec du sirop d'orgeat qu'on n'en vanterait pas moins le brillant de ma peinture ; mais il fallait voir la sale couleur que j'avais sur ma palette, à l'époque où déjà les gens me traitaient de révolutionnaire ! Je puis dire, du moins, que c'était sans enthousiasme que je nageais dans le bitume ; j'étais maintenu dans cette voix par un marchand de tableaux, le premier qui m'ait donné des commandes. Bien plus tard, je devais avoir l'explication d'une telle passion pour la peinture noire. Au cours d'un voyage en Angleterre, j'avais fait la connaissance d'un amateur qui disait avoir un Rousseau… M'ayant emmené chez lui, il me fit entrer dans une pièce en marchant sur la pointe des pieds, par respect pour l'œuvre du maître, et, ayant soulevé un voile qui cachait un grand cadre, il me dit en baissant la voix : « Regardez !… »
 « — N'est-ce pas un peu noir ? » risqu'ai-je, en reconnaissant un de mes anciens produits. Mon hôte, réprimant un sourire devant mon manque de goût, se lança dans un tel éloge de sa toile que je ne pus m'empêcher de lui dire que j'en étais l'auteur. Ce qui suivit me vexa un peu. Le brave Anglais changea subitement d'avis sur la beauté de son acquisition. Il ne se gêna pas pour accabler, devant moi, de malédictions, l'effronté voleur qui, en guise d'un Rousseau, lui avait collé un Renoir… 
(Ambroise Vollard, En écoutant Cézanne, Degas, Renoir)

Le Choix


Il s'agit d'un commentaire posté sur un blog, d'un commentaire que je trouve particulièrement brillant, par sa concision et sa capacité à éclairer d'une lumière crue ce qui se passe dans le pays dans lequel je suis né.

Robert Marchenoir13 juillet 2013 13:41
La presse :

Nathalie Michel, du syndicat de police Alliance, raconte la scène : "A 17 heures 30, alors que nos collègues interviennent, ils voient un groupe de jeunes qui approchent et qui semblent porter secours aux victimes. Très rapidement, ils se rendent compte que ces individus sont présents pour dépouiller les victimes et notamment les premiers cadavres".

Le ministre des Transports :

Le ministre a fait état d'"actes isolés", d'"une personne interpellée", d'"une tentative de vol de portable" au préjudice d'un secouriste, de "pompiers qui, par petits groupes, ont été accueillis de façon un peu rude". Mais de "véritables actes commis en bande, non", a dit le ministre qui a ajouté qu'"à (sa) connaissance", il n'y avait pas eu "de victimes dépouillées".

Wikipédia :

Le jeudi 1er septembre 2005 au soir, des unités de la Garde nationale de l'US Army arrivent sur les lieux [des inondations de la Nouvelle-Orléans] pour empêcher les pillages, qui se sont généralisés, avec ordre de tirer pour tuer.

Alors ? Qu'est-ce que vous préférez ? Les valeurs de la République ? Ou la loi de la jungle de l'ultralibéralisme anglo-saxon ?

jeudi 11 juillet 2013

Jessica et la neutralité axiologique


« Merci, je partage. » LOL

« Je suis en train de faire caca. » PTDR

« Je vends mes culottes, portées. » :-)

« putain, fait chaud ! » :-(

« jessica, j'te kiffe, g le poireau dur com la tour FL !!! » :-/

« Merci, je partage. » LOL

« les feujs i son pa cools » :-¿

« Merci, je partage. » LOL

« mè c ki 7 meuf, j vè lui araché lé zieux, gros put ! » :((((

« Merci, je partage. » LOL

« L'exigence de neutralité culturelle c'est renoncer à toute culture et nier la supériorité de l'une sur l'autre. Comme l'agnostique qui, ne sachant si Dieu existe ou non, s'impose un scepticisme ontologique, faisant l'impasse sur la preuve de la non-preuve de son existence. L’aboutissement de sa philosophie est le nihilisme tout comme l'aboutissement de la logique de la wertfreit (neutralité axiologique) culturelle est la négation de la culturelle elle-même. »

« jessica, T la ? » ^^

mercredi 10 juillet 2013

La deuxième vie du Communisme



Passionnant document qui m'a fait comprendre une chose essentielle : que le principal travail de l'idéologie communiste (et son point fort) a été plus dirigé vers l'extérieur que vers l'intérieur. Je crois que nous sommes en train d'en mesurer les effets dévastateurs, avec un effet retard qui est terrifiant car le processus à l'œuvre échappe désormais même à ceux qui en ont conçu la mécanique. 

mardi 9 juillet 2013

Quelle connerie la guerre !


France-Cuculture ne se repose jamais sur ses lauriers ! Tout juste avait-elle terminé de nous pomper l'air avec Moustaki qu'elle s'attaque à Barbara, qui, dans l'ordre du mauvais goût, surclasse le Grec avec une grandiose tranquillité. Barbara et sa modulation à la seconde mineure, ou majeure, cette atroce manie qui la signale à des kilomètres. Dès que j'entends ce type de modulation, c'est plus fort que moi, je cours me laver les dents. C'est comme un tic de mauvais écrivain qui croit par là avoir du style. Il y a des tics qu'on se voit faire, et ce sont les pires, mais qu'on ne peut s'empêcher de faire. (Quand je suis en voiture, après quelques kilomètres, je vérifie que le frein à main n'est pas mis, alors que je sais parfaitement qu'il ne l'est pas, et, ce faisant, je revois mon frère aîné en train d'exécuter ces mêmes gestes, et nous de nous moquer de lui…) Mais tout, chez Barbara, est de mauvais goût. Sa voix, son timbre et sa technique, ses paroles, ses musiques, ses mélodies ampoulées et faussement ingénues, sa manière d'entrer en scène, son maquillage, sa "poétique", et ses spectateurs énamourés et séniles. À tout prendre, je préfère, et de loin, le public de Claude François. Le Grec, je crois, ne se prend pas vraiment pour un poète, alors que "la femme en noir"… Brassens était sympathique, Brel aussi, Ferré était intéressant, quant à Trenet, on a déjà eu l'occasion de dire que c'est un génie de la chanson comme il y en a un ou deux par siècle. Mais cette espèce de sirop pour la toux pour mèmères asthmatiques et pâmées et leurs fils traînent-la-patte, alors ça c'est le bouquet. M'étonne pas que Mitterrand l'ait adorée, ce navet spongieux trempé dans une décoction de rimes riches. M'étonne pas que Prévert ait écrit un poème qui porte son nom, qu'on avait étudié en quatrième au lycée et qui nous servait surtout à draguer les filles sans faire le moindre effort d'imagination. 

Barbara, avec sa gueule de mes tics, est pour moi ce qui se fait de pire dans le domaine inépuisable du toc français pompier et m'as-tu-vu, et je crois bien qu'elle approche de très près les quatre garçons dans le vent, sans toutefois parvenir à les détrôner de leur inaltérable piédestal de pompeux pseudo-en-croûte.  Heureusement que nous ne sommes pas anglais !

Wikipedia est intraitable, quand il s'agit de savoir en une phrase tout ce qu'il y a à comprendre d'un "artiste" : « Sa poésie engagée, la beauté mélodique de ses compositions et la profondeur de l’émotion que dégageait sa voix lui assurèrent un public qui la suivit pendant quarante ans. » J'crois qu'c'est clair ! comme dirait l'autre…

1/4 (rap)


Seulement ? C'est atrocement atroce ! C'est une honte ! Nous sommes montrés du doigt par l'Internationale Communautaire. Nous allons être mis au banc public des rations. La France, pire que l'Afrique du Sud, pire que la Suisse ! Heureusement, les François sont là, qui disent la messe et communient, au nord et au sud, à l'est et à l'ouest, les François ont compris, les François veulent PLUS, et ENCORE, ils disent : Nous avons mangé notre pain blanc, repentons-nous, mangeons du noir, du gris, du jaune, du rouge, la couleur nous sauvera, vive Mandela, Paëlla, Harissa, Fatima, plus et encore, encore et plus, vite et plus vite, ouvrons nos bras, nos bras arrachés, coupons les bébés en deux, partageons, likons, échangeons, nageons, plongeons, rapons, c'est la Grande Fête à ballons, à fond, donnons nos filles, plus et encore, respect mon Frère, je t'ouvre mes bras arrachés, et les cuisses de ma fille, enfantons, pillons, on va partager la poubelle, à fond si t'as pas dîné on va vomir, dans le même lit nous inventons la vie en quatre-quart pourtousse mais oui la vie on rit !

Ah ah ah !

samedi 6 juillet 2013

Cortège


La chose s'est abattue sur moi sans crier gare, rien ne me préparait à cette émotion suffocante. C'est Robert Redeker qui a déposé sur sa page Facebook un lien conduisant à un reportage sur Marie Noël. J'ai regardé ces quelques images, datant de 1959, sans prêter attention au fait qu'elles allaient se terminer par une récitation, celle d'Office pour l'enfant mort, par Madeleine Robinson.

« Elle est le seul poète à m'avoir bouleversé depuis une vingtaine d'années. » disait Montherlant de Marie Noël. En entendant ce poème merveilleux (au sens ancien de merveilleux : terrible, terrifiant) et si doux, d'une douceur formidable, j'ai été saisi par je ne sais quel fer brûlant qui m'a transpercé l'âme et la chair. Le seul poète à m'avoir bouleversé depuis vingt ans ? Sans doute pas, mais il me faut bien admettre que cette puissance, cette force, ce déchirement, j'ai du mal ce soir à en trouver un équivalent dans les poésies que je lis et que j'aime d'ordinaire. La beauté inouïe de cette poésie tient à ce que rien dans ses mots, dans ses phrases, dans sa forme, et même dans l'idée qui en sous-tend le propos, absolument rien ne prépare à la violence avec laquelle elle va nous atteindre, nous atteindre sans aucun détour, avec la simplicité presque brutale de l'innocence. C'est une beauté incompréhensible, sans fard, sans séduction et sans calcul, une beauté qui doit tout à la vérité et rien à l'artifice.

Je me demande maintenant si, lisant ce même poème au lieu de l'écouter, j'aurais ressenti la même émotion. Il y a une forme de poésie sur laquelle nos yeux désormais glissent, discréditée par tant et tant de poètes qui nous ont éblouis, par une forme de virtuosité dont la séduction toujours renouvelée a occupé une grande partie du siècle dernier. Il est tout de même très étonnant, pour quelqu'un qui comme moi vénère Mallarmé, par exemple, de se faire soudainement la réflexion qu'on donnerait volontiers la moitié de tout ce qu'il a écrit pour cette unique poésie de Marie Noël. Par quoi nous empoigne-t-elle avec cette autorité irrécusable ? Ou devrais-je dire plutôt m'empoigne-t-elle, car je sens bien qu'elle me parle directement, avec une voix que je connais, que je reconnais, et c'est cette voix singulière qui me bouleverse au plus profond. Marie Noël ne cherche pas à emprunter la voix des mères, de La Mère, elle trouve, sans chercher dirait-on, la voix de ma mère, et c'est cela le miracle.

Ce que j'entends, c'est un hurlement doux, la chair qui se déchire par amour. Si je n'avais pas peur du blasphème, je parlerais de Paul Desmond, et de sa douceur insupportable, mais c'est encore trop peu dire. Ce n'est pas son fils, qu'a perdu Marie Rouget, c'est son frère, le jour de Noël, et pourtant, ce qu'on entend dans ce poème c'est le hurlement d'une mère à qui on arrache son enfant. Les cercueils de quatre-vingt centimètres de long sont trop légers, je le sais. Ils ne s'enfoncent pas dans la terre, ils restent en travers des gorges, des ventres, comme des navires en perdition qui continuent à envoyer leurs signaux de détresse pour l'éternité. Le temps s'arrête alors, l'aiguille de l'horloge reste plantée là, comme une lame rougie et butée qui chaque jour fait son office atroce, sans lassitude et sans même de méchanceté, et c'est encore pire.

« Rentrez chez vous et grand merci !… » mais la mère reste là, jusqu'à sa propre mort debout, car elle a d'autres enfants qui lui réclament tout, et elle le leur doit, même en cet instant qui va durer toujours. « La sombre heure arrive à présent », qui va recouvrir toutes les autres d'un voile affreux, sans qu'elle puisse même se plaindre, s'arrêter et se couvrir de terre elle aussi. « Mais en vain le long du chemin Ont sonné les cloches, en vain » quand la mère suppliait, un jour sans médecins, pour avoir un peu de pénicilline, et puis même, cela ne l'aurait pas sauvé, cela n'aurait pas suffi… Et si Dieu non plus ne l'a pas voulu… que reste-t-il ?

jeudi 4 juillet 2013

La courgette et le danseur


« Le célèbre danseur Rudolf Noureev », pouvait-on lire en "commentaire" sous la photographie de celui-ci, quelque part sur Facebook. Oui, le célèbre danseur Rudolf Noureev, en effet. Mais c'est bien le commentaire qui paraît "surréaliste"… Et dans ce commentaire, l'adjectif "célèbre" paraît le comble du comble du bizarre. En sommes-nous vraiment là ? Si Noureev est "célèbre", ce qui me semble bien être le cas, est-il besoin de commenter en le nommant, alors même que son nom apparaît de toute façon au-dessus de la photographie ? Si Noureev est "célèbre", est-il besoin de commenter en précisant qu'il est danseur ? Si Noureev est célèbre en tant que danseur, est-il besoin de commenter en parlant d'un certain "célèbre danseur Rudolf Noureev" ? Bref, on a beau retourner les choses dans tous les sens, on ne comprend pas. Sur Facebook, et ailleurs, bien sûr, on se trouve soudain dans la situation d'un sauvage qui arrive à Paris et à qui l'on présente la "fameuse Tour Effeil de Paris", ou bien le "célèbre Arc de Triomphe" de la "plus célèbre avenue du monde". 

 On peut rire de la chose comme de l'une des centaines d'anecdotes amusantes auxquelles nous sommes confrontés chaque jour sur le web, mais il arrive aussi, à la caisse d'un supermarché, que la caissière vous demande de quoi il s'agit, lorsqu'elle doit peser une courgette ou une aubergine avant de vous la facturer. La première fois que cela m'est arrivé, j'ai cru à une plaisanterie, et j'ai répondu par une blague qui n'a pas fait rire du tout l'hôtesse de caisse en question (les sex-toys, elle connaissait, ça ne ressemble pas du tout à ça !). Elle n'avait jamais vu de sa vie des courgettes — ou alors sans y faire attention. Comprenant la chose, j'ai eu envie de lui parler des vaches, pour voir si elle savait d'où provenait la viande qu'elle voyait passer sous ses yeux chaque jour, mais quelque chose m'a heureusement retenu… Il est fascinant d'être mis face à face avec un adulte, blanc, français, titulaire d'un emploi (donc censément suffisamment instruit pour occuper ce poste), s'exprimant avec autre chose que des onomatopées, et ignorant le nom et l'aspect d'un des légumes les plus courants qui existe dans notre pays. Avide de sensations fortes, j'aurais pu entamer avec cette jeune femme une conversation sur le célèbre poète et romancier Victor Hugo, ou encore sur le célèbre compositeur allemand Ludwig van Beethoven, mais là encore quelque chose m'avertit mystérieusement de ne pas m'appesantir sur une question bien plus brûlante qu'elle n'y paraissait. Je lui demandai donc si par hasard elle n'avait pas un sac en plastique à m'offrir, ce qu'elle fit bien volontiers, sans doute pour me remercier de lui avoir appris le nom et l'utilité de la courgette.

Les sauvages n'existent plus (je parle des sauvages de musée, les sauvages d'avant Tristes Tropiques, indemnes de la civilisation occidentale, les sauvages sans portable, sans Internet, sans télévision), mais ils ont été remplacés par une autre sorte de sauvages, tout à fait modernes, branchés, hyper-connectés, touittant et tchattant, voyageant, votant, bloguant, mais vivant dans un monde totalement hors-sol, déconnecté de la réalité la plus concrète, de cette réalité complètement ringarde dans laquelle les légumes sortent de la terre et le lait du pis des vaches. Il faut bien admettre que la sauvagerie n'a plus rien à voir avec le progrès ou l'absence de progrès, la technique ou l'absence de technique, si ce fut jamais le cas, et même qu'elle a réussi à s'adapter parfaitement à la modernité la plus moderne. Il n'y a donc rigoureusement rien d'étonnant à ce que ces nouveaux sauvages soient des adeptes enthousiastes et intolérants de la pourtousserie universelle en passe d'être imposée sur la planète entière par des sauvages sortant de Sciences-Po.