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mercredi 4 novembre 2015

Souscription


Si vous voulez faire quelque chose pour ce blog, c'est le moment. Georges de La Fuly est en vente. Au moins son slogan : Plutôt mort que sympa, imprimé sur un T-Shirt, que vous pouvez vous procurer ici, au prix de 16 euros. Si nous en vendons 60 (au minimum), nous empochons les bénéfices. Sinon, ils iront dans la poche de Teezily. La souscription prend fin le 15 novembre prochain à minuit. 

Avec le T-shirt Georges de La Fuly, draguez les filles ! Résultats garantis. Avec le T-shirt Georges de La Fuly, vous êtes satisfaits ou remboursés. Avec le T-shirt Georges de La Fuly, faites tomber le gouvernement ! Avec le T-shirt Georges de La Fuly, ne passez plus jamais inaperçus ! Avec le T-shirt Georges de La Fuly, soyez enfin heureux ! 


vendredi 28 août 2015

Petit pouvoir


Petit pouvoir, petit pouvoir ! Il est là, mon petit pouvoir, entre mes jambes, comme un moineau déconfit en extase bénigne. Il n'a l'air de rien. Au repos comme un guerrier au chômage. Mais je vous assure qu'on l'a connu très vaillant et infatigable, indomptable, formidable ! Là, il reprend des forces. Il attend son heure, qui ne saurait tarder. C'est vrai, il y a déjà un moment qu'il attend son heure ; mais il est patient. Il ne s'en fait pas. Être à l'heure est sa devise. Pourquoi s'en faire ? Quand il n'y a pas de travail, on se repose, comme disait tante Mathilde à l'heure de la sieste. 

Oui mais tante Mathilde était une femme. Les femmes c'est pas pareil. Elles ne travaillent jamais, les femmes. Une femme, ça attend, ça se laisse faire. La joie d'une femme est dans la passivité. La joie d'une femme ne dure pas qu'un instant, la joie d'une femme, et son bon plaisir, sont infinis. Qu'elle respire, qu'elle dorme, qu'elle urine, qu'elle mange, la femme est comblée de jouissance, et même vide elle est pleine de cette joie liquide. Ça fait une sacrée différence, croyez-moi ! Je dis que la femme attend mais ce n'est pas vrai. Elle n'a rien à attendre, ou plutôt, l'attente est aussi sa jouissance et sa joie. Les femmes, c'est une chose assez compliquée, mais c'est aussi très simple, beaucoup plus simple qu'un homme. Ça fonctionne toujours. 

Notre pouvoir à nous, les hommes, bien qu'il soit très réel, est très limité dans le temps. Juste le temps d'une érection, et même si l'on met bout à bout toutes nos érections, ça ne fait pas grand-chose. Les hommes, on est du chronomètre, du rythme, on pense à tenir, à bander, toute notre vie se passe à vouloir tenir. Ça fatigue, ça, de tenir. Et d'ailleurs, souvent on tient pour des prunes. Ça ne suffit pas. La femme va encore trouver le moyen de se plaindre. 

La femme aime se plaindre, ça l'occupe, durant son éternité de joie. La femme est comme le ciel, on ne peut jamais la combler. C'est un trou sans fond, un panier sans anse, une pipe déculottée, un pruneau sans noyau, une figue sans figuier. On essaie de regarder dedans et on s'y voit comme dans un miroir, et ça l'amuse de nous renvoyer à nous-même, quand on voudrait comprendre où l'on dépose notre petit pouvoir de l'instant. Ça n'a pas de plan, une femme, puisque ça n'avance que pour aller nulle part et en revenir, et l'absence de plan nous chagrine beaucoup, nous les hommes. Quand on veut bander, il faut un plan. 

L'homme est là, la femme est ici. Ça ne coïncide jamais mais elle a appris à nous faire croire le contraire, et nous avons appris à faire semblant de la croire. Il faut en permanence se rappeler d'oublier que nous savons que nous ne pourrons pas tenir. Est-ce comique ? Oh oui, c'est comique ! Une des premières choses qu'on comprend, quand on commence à faire l'amour à des femmes, c'est qu'il faut s'abstenir absolument de rire durant l'acte. Il faut être d'accord avec l'acte pour être d'accord avec l'être, et, pour cela, il faut, au moins dans un premier temps, éliminer le comique extraordinaire de cette situation. Un acte que le monde entier a fait avant nous ne peut être que d'un comique ahurissant, surtout lorsqu'on le fait très sérieusement, en croyant très sérieusement qu'on est en train de l'inventer. 

Le petit pouvoir des hommes, le petit pouvoir dressé, qui veut tenir, les rend si ridicules qu'ils en sont transfigurés. Quand les femmes ne sont pas occupées à jouir, c'est-à-dire très rarement, elle s'agrippent à ce petit pouvoir comme à un rire qui aurait durci, le temps d'éclater à l'extérieur de l'homme, qui aurait gelé, à peine sorti de l'homme, et qu'elles vont faire fondre en elles, pour lui redonner un peu le sens des réalités. Entre "tenir" et "venir", il y a seulement le pouvoir de la femme. 

mardi 18 novembre 2014

Hymen et tympan


C'est très mauvais signe. Il faudrait absolument éviter. Mais si ce n'est pas possible, il convient de reprendre le processus aux deux tiers environ. Bien entendu, on ne parle pas du cas où il manque des pièces. Une fois que la structure est sur le dos, il faut à tout prix veiller aux joints, et au système de refroidissement. Si elle crie trop fort, on peut appliquer une pâte adhésive et la priver d'oxygène durant un court instant, mais en gardant à l'esprit qu'il existe toujours un risque non négligeable de cyanose localisée. Ce n'est pas absolument rédhibitoire mais il faut néanmoins être vigilant. Quand la mémoire n'est plus adaptée à l'unité centrale, ce qui arrive assez régulièrement, on peut constater des manifestations allergiques assez virulentes qui ne doivent cependant pas empêcher le travail de se poursuivre, ce qui reviendrait à laisser place à des modulations anarchiques et même parfois irrationnelles. Maintenir le tempo et le rythme doit être un objectif prioritaire absolu mais sans perdre de vue la souplesse des tissus.

Route nationale, la radio. Frédéric Lodéon présente un enregistrement de l'Ensemble orchestral de Paris qui joue la Petite Musique de Nuit. Elle est là, au pupitre de violoncelle, assise, son instrument entre les cuisses. Je ne peux pas l'écouter, elle, en particulier, mais je sais que je l'entends, malgré tout.

C'est toujours la même difficulté. Comment laisser en place la pâte thermique alors qu'on visse sans voir ce qu'on est en train de faire ? Si vous découpez les membres selon le schéma pré-établi, vous manquez l'essentiel mais l'opération est plus simple. Cacher les yeux peut aider mais seulement si la mémoire n'est plus d'aucune portée réelle quant au plan d'ensemble.

Comment sont les chaises, à l'Ensemble, quelle matière, quel galbe, quelle hauteur ? À quel moment du cycle menstruel en est-on ? De quel nature était le dîner de la veille ? Quelle quantité de colophane, quelle marque ? Quel savon pour la toilette intime ? La taille des sous-vêtements ? La pression artérielle, le PH de la peau ?

A-t-on souvent comparé, dans la littérature, le tympan à l'hymen ? Je ne le crois pas ; les écrivains sont si distraits.

Si vous voulez bien retirer votre jupe…

jeudi 28 août 2014

Au cabinet


Francus a tenu deux semaines et demi, sans son forum chéri. C'est bien mais il peut faire mieux.

(Bon, il me demande de rectifier, c'est deux mois qu'il a tenu !)

vendredi 22 août 2014

L'Éclate


Ça décapite, ça égorge sec, en ce moment. En réalité, je suis persuadé que les sympathiques jeunes gens qui partent "faire le djihad" n'y vont que parce que, dans Koh-Lanta, on les brime. Ils n'ont pas le droit de violer les filles, de couper la main des concurrents, bref on ne les laisse pas vraiment s'amuser. Bon, balancer des chats par la fenêtre, torturer des petits vieux ou des juifs, ou faire cramer des chiens vivants, quoi, ça va bien dix minutes… C'est pas avec ça qu'on va s'éclater ! Faut être sérieux ! Quand on pense qu'il y en a qui se contentent des rodéos de voitures ou des feux de poubelles, le samedi soir, ça laisse songeur… Le manque d'ambition, c'est un vrai problème, ça, en France ! Il y a bien les braquages, mais ça ne rapporte pas tant que ça, et ce n'est même plus tellement médiatisé. Non, faut bien reconnaître que c'est plus ça, et nos jeunes sont obligés de partir à l'étranger pour s'éclater, c'est quand-même triste ! La fuite des cerveaux en Irak ou en Syrie, c'est dramatique ! Enfin, on se consolera en sachant que beaucoup de ceux-là reviendront en France pour nous montrer ce qu'ils ont appris là-bas. Finalement, c'est de l'échange de technologie. Et puis au moins ils auront potassé leur anatomie.

dimanche 18 mai 2014

Anima


Je plonge les crevettes dans l'eau bouillante, une par une, et je demande pardon à chacune d'entre elles, au moment où elle touche le liquide brûlant. Je sais bien qu'elles sont déjà mortes, mais je tiens pourtant à leur demander pardon au moment où je m'apprête à les faire cuire. Cuire… Entend-on ce que cela signifie, dès lors qu'il s'agit d'un être vivant ? Il est impossible de traiter ça à la légère. 

Pourtant, je ne crois pas souhaitable que les humains arrêtent de manger des animaux. Ils se couperaient du règne animal, en faisant cela, ils se placeraient définitivement au-dessus, au prétexte qu'ils n'ont pas besoin de manger leurs frères vivants. Manger un animal, le tuer pour le manger, implique presque naturellement que l'inverse puisse advenir. C'est admettre que nous faisons partie de la même chaîne alimentaire, et de ce fait, que nous restons sur le même niveau qu'eux. C'est peut-être une fiction, c'est sans doute une fiction, désormais, car nous pourrions parfaitement survivre sans manger de viande ou de poisson, mais nous retirer de cette fiction-là serait un peu comme abandonner le Vivant à lui-même, de nous en exclure. Au moment où sans doute l'homme s'apprête à s'isoler définitivement, à se constituer en espèce déliée — car je pense que ce mouvement est irréversible —, je crois que l'on devrait être pris de terreur, d'une terreur sacrée, à l'idée de se défaire des pactes anciens qui pourtant nous ont permis d'arriver là où nous sommes. Au nom de la compassion pour l'animal, compassion que je comprends mieux que quiconque et qui même me paraît ô combien insuffisante, nous sommes en train de nous suicider et de sacrifier — à quelles fins ? —, la petite légitimité que la vie nous avait octroyé, progressivement, à peupler et dominer le monde. C'est peut-être difficile à admettre mais je crois que les animaux nous en voudront énormément de ne plus avoir besoin d'eux pour survivre. L'équilibre sera rompu de manière tellement radicale que rien ne pourrait se substituer à l'Ordre ancien, du moins dans ce monde-ci. 

Il se peut — c'est ce que je crois — que le monde tel qu'il se présente à nous désormais soit dans une véritable et indépassable aporie. Ce monde-là est sans solution intrinsèque. Nous sommes arrivés au bout de la route, bien que personne n'ose le penser, ou en tout cas le dire. L'Apocalypse n'est peut-être que cela, la révélation que nous n'avons plus de socle commun sur lequel poser nos pieds, que la Terre qui se dérobe est en train de nous dire à Dieu

jeudi 2 janvier 2014

À la manière de Sir A. D.


    ai tenté de regarder Anita Karonin à la télévision, sans succès. Ces téléfilms s'entendent à rendre inintéressants les plus grands chefs-d'œuvre, que c'en est à pleurer. Kittie est d'une vulgarité invraisemblable, avec sa petite moue bêtasse, sa désespérante démarche de bobo acculturée et ses "bonsoir !" lancés comme des bonbons Kréma à des bonobos dépressifs. Tout est bête et plat, insignifiant, sans saveur. On a une intrigue, un "'pitch", et trois ou quatre personnages, c'est à peu près tout. Il ne reste plus rien de ce qui nous a émerveillés dans ce prodigieux roman, c'est comme une poupée à qui l'on aurait crevé les yeux et arraché la robe, mais qui porterait encore son étiquette.

Nous allons plutôt sortir avec Anastasie, pour nous cultiver un peu. Il paraît que Beckett est invité à dîner chez Guilaine, et que Christine et Arnaud seront là aussi. Ce sera l'occasion de quelques autoportraits intéressants, j'y compte bien. Pour le trajet en RER, nous emportons chacun notre liseuse. Anastasie a le dernier Millet et moi les Pensées de Pascal Sevran. On devrait pouvoir tenir jusqu'à notre destination. Auparavant, nous étions allés entendre Rudolf Merkaya et son sextuor de contrebasses au centre culturel Ouzbeke, rue des Français déprimants. Nous étions en bonne compagnie. Il faudra que je publie tout ça dans la revue. J'ai hâte.

jeudi 19 décembre 2013

Le progrès du machinisme, de l'infarctus et des lois sur le divorce


Six pieds nus dépassent du toit ouvrant d'une 2 Chevaux circulant à Paris. « Au mois de mai 1962, la densité au centre de Paris est de 82 000 habitants au kilomètre carré. Les spécialistes ont fixé à 16 m2 le "seuil de houspillement", c'est-à-dire la surface nécessaire à un être humain pour vivre. D'où il appert que deux Parisiens sur cinq se houspillent. » 1962… Faites le calcul…

Je regarde le merveilleux film de Chris Marker et Pierre Lhomme : « Le Joli Mai », qu'une âme généreuse m'a envoyé par la poste, et je vais d'émerveillement en émerveillement. Il y a très longtemps que je n'avais pas vu un film aussi réjouissant, touchant, stimulant, intellectuellement parlant, et tout simplement beau, même si je sais qu'il ne parlera qu'à ceux qui ont au moins mon âge, c'est-à-dire ceux qui ont connu le Paris et la France des années 60. Justement, il est temps que les souvenirs de ces années-là prennent leur sens, tout leur sens, en regard de la France qui advient sous nos yeux.

« (…) Mais certains se plaignent que, dans notre perspective historique, le type "chatte" soit menacé de régression, et qu'à sa place s'installe un nouveau type féminin, qui serait la résultante du progrès du machinisme, de l'infarctus et des lois sur le divorce. Il s'agit de la femme qui gouvernera entièrement l'homme soumis, conscient de son sous-développement. »

Dans mon oreille droite, une amie me parle ; sur l'écran, Martha Argerich accompagne sa fille, altiste, dans Mozart, mais j'ai coupé le son ; et j'entends le concerto de Dvorak par Richter et Kleiber ; et je pense à Françoise Héritier, car on entend toute la semaine des extraits de son livre "Le Sel de la Vie", à la radio, dans l'émission "Lectures du soir", lus par Anouk Grinberg. Sur le principe du "J'aime / J'aime pas", Françoise Héritier ne nous donne que la première colonne, des "j'aime", donc, sur 250 pages, insupportable litanie dont la plus belle occurrence, pour moi, et la plus significative, à l'évidence, est sans doute celle qui dit à peu près : « Le plaisir de NE PAS avoir dans la bibliothèque [ou "à la maison", je ne sais plus] de livres négationnistes et racistes. » Comme c'est beau ! Comme c'est ça ! Exactement ça ! Son livre s'appelle "le SEL de la vie", mais il devrait plutôt s'intituler le SUCRE de la vie : ces gens-là sont capables de s'enfiler une assiette de sucre au petit déjeuner, et de remettre ça au déjeuner et au dîner ! Les antiracistes dogmatiques sont des bouffeurs de sucre. Ces gens-là vous règlent son compte à la dialectique une fois pour toutes. Ils vous dégoûtent de penser une fois pour toutes. Ils vous dégoûtent du Bien une fois pour toutes. Encore un peu et ils me dégoûteront des mouvements lents une fois pour toutes.

De la même manière Argerich filmée par sa fille me dégoûte d'Argerich la pianiste, et des femmes, aussi, et des pieds des femmes, par la même occasion, une fois pour toutes. Un peu plus et ce film me dégoûtait de la musique, une fois pour toutes. Rarement (jamais, en fait) je n'aurai vu une telle entreprise de dénigrement (un tel ressentiment) à l'encontre d'une mère. Ce film est une déclaration de haine, pure, parfaite, mais mâtinée de toute la dégoulinante empathie adolescente qui est la marque de notre misérable époque. Le film s'ouvre sur l'accouchement de la fille. Le père (Stephen Bischop Kovacevich) est filmé comme une pauvre chose un peu dérisoire, un peu surnuméraire, un peu has been, un peu ridicule. C'est l'histoire des orteils de la famille Argerich, c'est l'histoire des grands pieds des Argerich, c'est l'histoire des femmes qui vieillissent, des femmes qui sont libres, des femmes qui échappent aux hommes. Pauvres femmes, qui échappent d'abord à elles-mêmes… elles ressemblent à des détenus, aux individus enfermés d'un camp planétaire et désespéré, elles sont privées de tout, sauf du narcissisme sinistre de la marionnette qu'on sort de sa boîte pour les fêtes. Le film s'ouvre sur l'accouchement de la fille, de la réalisatrice… Je sais, je l'ai déjà dit, mais cette bloody daughter fait un film sur elle-même en prenant prétexte de sa mère célèbre. « Je porte le nom de ma mère. » Heureusement pour toi a-t-on envie de lui dire, mais en réalité on n'a pas envie de lui dire quoi que ce soit, à cette pauvre fille. Jamais le vocable "ingrate" ne nous a semblé autant à sa place, dans tous les sens qu'il peut prendre. « J'accouche ! » nous dit la fille. Et « les filles, c'est plus intéressant ! » Stéphanie s'intéresse. Quand on s'intéresse on fait un film. Normal. Quand on est la fille du monstre Argerich, qu'est-ce qu'on peut faire ? Crier très fort, comme les bébés qui viennent de naître. Eh, oh, je suis là ! Ici. C'est moi ! Je suis super intéressante, comme nana. Pas trop mes mains, OK, mais mes pieds ! Et je sais me servir d'un caméscope ! Je sais pleurer, aussi. Et rire, alors là, oui, là je suis bonne, putain ! « Mais on ne peut rien dire sur la musique… » Un moment j'ai cru qu'on allait la voir à poil, la Stéphanie, dans son bain, mais que dalle, même pas, circulez, y a rien à voir, rien à entendre, rien à comprendre. En réalité, si, ce film est passionnant. Pas du tout pour les raisons que la Stéphanie elle croit, non, vraiment pas du tout, mais pour tout ce qu'on voit en creux, pour tout ce qu'on comprend du cirque sordide qui nous est montré là, et qui est tellement conforme à ce qu'on nous demande avec insistance aujourd'hui. Du coup, cette pauvre Martha Argerich me fait de la peine et j'ai envie de la défendre contre sa fille, et contre elle-même. Il est impossible, lorsqu'on joue Ravel et Liszt comme ça, qu'on soit aussi bête, aussi adapté aux normes étriquées et castratrices qui ont cours dans le monde qu'elle parcourt en train et en avion jour après jour en lisant des magazines et en mangeant des sandwichs. Il y a dans tout grand musicien un mystère, quelque chose qui le dépasse, qui le sauve. C'est bien entendu contre ça qu'a été fait ce film, qui n'est que de la propagande, celle qui nous explique très banalement que les grands artistes sont des gens comme tout le monde, avec les mêmes problèmes que tout le monde, qu'ils mangent de la salade au maïs et vont au cabinets, comme nous tous, qu'ils ont mauvaise haleine en se réveillant le matin, qu'ils ont une carte bleue et des problèmes de poids.

Stéphanie accouche, son mari fait coucou au bébé, sa mère téléphone, elle a des "rythmes décalés", des angoisses, elle fume, on voit la mère dormir, se réveiller, boire du café dans des gobelets en plastique, nettoyer ses lunettes sur le quai d'un métro, fouiller dans son grand sac informe à fleurs, en sortir une banane, bouger sa tête en cadence, s'assouplir les poignets, répéter en compagnie de musiciens avachis sur leurs chaises, en bras de chemise, regarder le plafond d'un air inspiré mais pas trop, jouer sur piano désaccordé, et même se tromper. Tout y est, a-t-on envie de dire à la réalisatrice, vous avez bien fait votre travail. Mon Dieu comme elle était belle, à vingt ans, cette petite Martha ! Comment a-t-elle fait pour devenir cette lourde chose hystérique qui donne envie de détourner le regard et de regarder Maya l'abeille à la télé ? Comment la grandeur et le talent peuvent-ils à ce point se cacher sous cet oripeau terne et grisonnant ? Où trouve-t-elle la force de soulever ce pesant manteau de très ordinaire névrose, sans mots et semble-t-il sans pensée, sans réflexion ?

Paradoxalement, le seul qui sorte à peu près indemne de ce film pénible est le père, Kovacevich, qui ressemble tout de même à un musicien, et qui nous touche par la distance énorme qui le sépare de sa fille. D'ailleurs, le répertoire des deux pianistes parle pour eux. D'un côté, des pianistes, Chopin, Liszt, et Ravel, de l'autre Beethoven. D'un côté un don naturel presque inexploré, resté à l'état brut, et de l'autre du travail et encore du travail. D'un côté du piano et de l'autre de la musique.

Qui aurait dit que les femmes seraient un jour du côté de la machine et de l'infarctus, qu'elles remplaceraient les hommes jusque dans les orchestres, et devant l'orchestre, et derrière la caméra, et sur le front ? Et qui aurait cru que ce basculement sexuel ressemblerait à ce point à une malédiction ? Les hommes sont désormais "conscients de leur sous-développement". De cela nous n'avons jamais douté, évidemment, mais de là à accueillir le sous-développement d'autrui avec reconnaissance, comme une manne rédemptrice, il y avait tout de même un pas qui aurait pu inspirer une légère hésitation. Le Moderne n'hésite pas, justement. Il plonge avec ravissement dans le bain égalitaire, s'y ébroue, s'en délecte ; tout ce qui le soulage de sa puissance et de sa distinction le ravit, l'enthousiasme, il en oublie jusqu'à son nom et accueille avec reconnaissance ce qui le détruit. Le sexe était l'ultime ruse de l'histoire, nous en serons bientôt débarrassé.

Le "houspillement", le fait que les êtres humains trop nombreux se gênent, se dérangent, quand on les entasse dans des lieux exigus, le houspillement est désormais sensible à l'échelle de la planète, mais il me semble qu'une des choses qui le manifestent et en aiguisent son pouvoir de nuisance est l'indistinction, le fait que les fonctions et les rôles perdent leurs formes et leurs frontières, que tout le monde veuille se trouver chez lui ailleurs et ailleurs chez lui, autrement dit que les frontières et les limites perdent le pouvoir de protection qui leur est propre, que les chairs et les sentiments soient à vif constamment et en toute situation. "Dix-sept bisous sur le pied gauche"… Je pense aux "groupes de dix-sept" (les 17-olets) qu'on trouve dans certaines pièces de Chopin. Je me rappelle encore l'émerveillement qui fut le mien quand j'ai vu les premiers, que je pensais alors réservés à la musique d'un Stockhausen. Cependant, les groupes de 17 de la musique de Chopin ne se jouent pas comme ceux de la musique de Stockhausen. Peu importe ! Il y a un âge où l'on prend tout au premier degré, où l'on pense qu'on peut s'adresser à sa grand-mère comme à sa copine, où la distinction nous apparaît comme le comble de la fausseté, où l'exception nous semble devoir être la règle, où les nombres impairs et premiers possèdent un éclat incomparables, où l'hystérie nous semble indispensable à la vérité de l'être, où le féminin nous apparaît comme un idéal indépassable, ce qu'il est bien, puisqu'il mène à la mort de l'homme.

Martha Argerich et la vie en communauté, et les discussions toute la nuit, et l'abolition des hiérarchies, Martha Argerich et le mépris des formes et du paraître. Martha et les ados. Martha parmi les ados. Martha fille de ses filles… Martha Argerich la plus bobo des pianistes de légende, qui mange ses mots parce qu'elle n'a pas de mots et qui se laisse manger par sa fille parce qu'elle est restée une enfant parmi les autres enfants. Martha Argerich et le mensonge de la vérité, Martha Argerich et la superficialité un peu vulgaire de la profondeur à vif, Martha Argerich est une immense virtuose sans vertu, dépassée de très loin par une musicalité surnaturelle qui semble presque incongrue lorsqu'on l'entend dire : « Laisse-moi regarder les plantes. » et surtout : « Essayons de partager quelque chose. » Quand on l'entend prononcer ces mots d'une profonde malhonnêteté, on a envie de lui taper sur l'épaule, et de lui dire : « Tais-toi, Martha, je t'en prie ! Divorce d'avec tes filles plutôt que d'avec tes maris ! »

mardi 29 octobre 2013

Le sang et la musique




Liszt, Wagner, Hans von Bülow, Toscanini, Horowitz, Zemlinsky, Schönberg, Kolisch, Nono.

Etc.

jeudi 29 août 2013

Les Mouches ventriloques



Papa (j'avais le même à la maison) est un épileptique de la faute de français. On comprend qu'il soit irrité par cette sorte de folie qui s'empare des locuteurs, une folie dont le danger (il paraît qu'il faut désormais dire la "dangerosité", mais je ne m'y résous pas) vient de ce que ces mêmes locuteurs ne s'aperçoivent de rien et pensent parler tout à fait normalement. Ce n'est pas nous qui allons nous plaindre de ce qu'une personne au moins en France continue à trépigner dans son coin parce que tous les autres parlent comme des sagouins, d'autant moins que le livre qui nous l'a fait connaître et aimer est son fameux "Répertoire des délicatesses du français contemporain". Mais le spectacle offert sur Facebook dépasse l'entendement. Chaque jour, Papa note scrupuleusement les erreurs en tout genre qui manifestent une inculture crasse, les approximations (on est gentil) historiques, le débraillé grossier ou gnian-gnian et surtout les aberrations syntaxiques dont est émaillée la parlure radiophonique. Pas besoin de vous faire un dessin, on connaît la chanson. Encore une fois, ce n'est évidemment pas le fait de souligner que les Français ne savent plus parler, ni écrire leur langue, qui nous dérange, encore qu'il nous semble que l'acharnement à taper sur le même clou est un rien agaçant, lorsque celui-là est enfoncé depuis longtemps jusqu'à la tête. Non, ce qui est proprement insupportable est le spectacle de ces mouches à merde qui viennent par dizaines flairer avec un enthousiasme de ravis de la crèche le caca désigné comme tel, avec à chaque fois les mêmes blagues, les mêmes sarcasmes cent fois entendus, et le même contentement épais de celui qui se rassure à bon compte. Ah, le beau caca ! qu'il est beau de ne pas être le mien ! T'as vu ça Nicole ! Hein, c't'affreux, Jean-Luc ! Et ça se tape sur le ventre, et ça se goberge, et ça tourne, et ça renifle, avec des sanglots glaireux de bonheur et des hoquets de soulagement, et ça danse fièrement autour du beau caca, tout fumant dans son cadre, pour un peu on serait en transe d'ébaudissement en boucle… Puis les mouches rassasiées s'envolent, satisfaites, en sachant qu'elles pourront revenir demain pour un autre festin identique en tout point à celui qui les laisse ballonnées pour l'après-midi. Évidemment, si par hasard on va lire le français de ses mouches-là, on s'aperçoit neuf fois sur dix qu'il n'est pas meilleur (bien qu'il soit écrit, et non parlé !) que celui dont elles se gaussent en meute, mais surtout, on a envie de leur dire que si vraiment cette langue-là les dérange tellement, elles ne devraient pas avoir besoin d'un index pour leur montrer à quoi ressemble un caca dont on a le droit de se moquer. On parle avec la bouche des autres, on pense avec la pensée des autres, on bouge avec les gestes des autres, on attend qu'il y en ait un qui se dévoue pour lever le doigt pour lever le doigt avec lui, tout étonné de sa fabuleuse témérité.

J'ai toujours été frappé du nombre de vocations de ventriloques que suscitait Papa. On en a déjà connu un certain nombre. Apparemment, les candidats se renouvellent périodiquement, sans interruption, sans suspense, et sans beaucoup d'imagination. Il me semble à moi que c'est un phénomène digne d'étude, même si Papa va encore dire que j'exagère, que je n'ai rien d'autre à faire que de me moquer, que d'être narquois et un peu (beaucoup) dément, quand je trouve que ces ventriloques qui l'entourent sont un peu inquiétants, un peu…

D'ailleurs ce n'est pas tant le fait qu'ils existent, ces ventriloques, qui m'interpelle quelque part au niveau du vécu. Non, ce qui m'impressionne, ce qui m'inquiète, c'est que personne ne semble voir, ni entendre ; ce dont il est question, ce que je trouve ridicule, c'est qu'on puisse, lorsqu'un ventriloque de la sorte s'exprime, le féliciter "de sa bonne langue" à laquelle on trouve toutes sortes de vertus… Ils sont drôles ! C'est précisément dans cette absence totale de pudeur et de distance à soi et à l'autre qu'on voit le pantin de bois. Les pantins sont toujours effrayants parce qu'ils sont capables de tout, ayant décidé une fois pour toutes qu'ils étaient légitimes, puisque l'autorité derrière laquelle ils s'abritent les légitime d'une manière qu'ils jugent indiscutable. C'est alors qu'ils défendent leurs idées avec le plus de conviction, quand ce ne sont pas les leurs. Là ils deviennent dangereux : impossible de leur retirer leur os. Quand on est capable de se glisser ainsi dans la peau d'un autre, il va de soi que la perfection-même du geste signale le danger à son plus haut degré, aussi bien pour celui qui s'introduit ainsi en autrui que pour ceux qui assistent à la scène sans prendre leurs distances. Comment peut-on vivre tranquille — et heureux, semble-t-il — en récitant des catéchismes ? C'est un mystère. Comment peut-on à ce point manquer de discernement, et comment peut-on à ce point manquer d'amour propre, de pudeur ? Ça donne le vertige. Plus l'imitation est parfaite, plus on a affaire à un fou de qualité contrôlée, c'est évident. 

Il y a un pantin comme ça, depuis peu, qui bat tous les records de ventriloquie, au PI. Moi, un gus comme ça, ça m'impressionne ! J'ai envie de voir quelle tête il a, quelle voix il a, quel métier il exerce, quelle genre de femme il a, quel âge, quel poids, enfin, s'il existe vraiment, quoi. Je dis ça mais je sais bien qu'il existe. Si encore c'était l'exception qui confirme la règle… mais non, c'est tout juste le contraire. Sauf que lui c'est un champion hors catégorie ! Papa possède une force d'attraction hors du commun, il faut bien le reconnaître. Je suis certain qu'il y en a qui se relèvent la nuit pour aller pisser, par exemple, depuis qu'il est sujet à ce genre de contrariétés. Si les pantins de bois se mettent à pisser, non mais allô quoi, où va-t-on ?

lundi 29 juillet 2013

On commence quand ?


Je ne m'en lasse pas. Le journal de Kµ sur Boulevard Voltaire, chaque matin, mais surtout les commentaires qui le prolongent. 

« Comme je l'ai déjà écrit, il faut… »

« Claire, net et précis. Discipline discipline et discipline. »

« On commence quand ? »

« bonjoiur (…) c'est du lao-tseu.. »

« Oui ! Il nous faut "réagir" par la chimie de l'esprit »

« "Parti Réactionnaire Français", voilà un joli nom, compréhensible par tous à première lecture, merci M Camus d'être attentif aux commentaires de vos lecteurs. »


On remercie Mr Camus d'être attentif aux commentaires de ses lecteurs ! S'il pouvait être un peu plus attentif encore, Mr Camus, ce ne serait pas du luxe, on va dire. "Nocence" : Jacques nous écrit pour nous informer que ce substantif ne se trouve pas dans son dictionnaire. Eh, Jacques, c'est quoi ton dico ? Bon Dieu, Jacques, t'as pas acheté le Grand Dico in-nocent qu'est en souscription chez Casino ? File-nous ton mail, Jacques, on va t'envoyer un bon pour recevoir le résumé des com' écrit par Georges de la Fuly, y a un jeu concours avec, tu peux gagner deux ans d'abonnement de luxe au Parti de l'In-nocence. Une offre à ne pas louper ! Philippe nous écrit pour nous demander quand c'est qu'ça commence. Alors Philippe, c'est bien simple : ça commence dès que t'es réveillé. Tu poses le pied sur ton tapis in-nocent (oui, le tapis anti-dérapage qu'est en solde, le tapis qui vous sauve la vie chaque matin) et c'est parti, en voiture Simone ! Ah, on me signale que Jacques doit se mettre en rapport avec Derrick de Versailles pour une partie de Scrabble in-nocent. Bonne chance les gars ! (Flûte, la musique est en panne !) Ça ne fait rien, on continue ! Maurice propose sa liste de tâches pour un prix complètement dingue. Les Cent-une propositions de Maurice, pour presque rien ! Dépêchez-vous, ça va partir comme des petits pains, je ne vous dis que ça ! Mais on m'apprend que Mr Camus sera là ce matin, vers les onze heures, au rayon Grand Remplacement ! Oui, Nicole, vous pourrez vous faire dédicacer vos quinze exemplaires, ne vous inquiétez pas, Nicole ! On l'aidera s'il le faut ! De toute façon, c'est pas un feignant, Mr Camus.  (Bon, Norma, ça vient cette musique, j'ai la voix cassée, là… J'ai encore Auchan à faire cette après-midi, ça va être galère !) Nom d'une pipe, j'allais oublier le principal ! Demain, nous recevons Jean-Michel, le sympathique Secrétaire général. Il y aura une grande distribution de T-shirts suivie d'un brunch, alors venez très très nombreux, je sens qu'on va bien s'amuser. Jean-Michel, j'ai envie d'dire que c'est pas la moitié d'un In-nocent, question humour ! Oui, Madame, c'est les vacances, mais l'In-nocence c'est toute l'année, on ne s'arrête jamais, ici, donnez-moi votre numéro de téléphone, je vous expliquerai tout ça en détail. (Musique, Roger !)

jeudi 27 juin 2013

Pourtoussisme


Demain, l'art sera libre et généreux ! C'est France-Cul qui le dit. Jusqu'à présent, bien sûr, l'art était prisonnier et radin, replié sur son petit derrière sale et étriqué d'art conservateur, peureux, compassé, frileux, agressif comme un vieux chien malade, et puant son hétéromanie ringarde. Auparavant, l'art était colonial, collabo, consanguin, égoïste et aristo, et bien sûr, honte sur lui, élitiste ! Autrefois, l'art était fasciste, nazi, enfin, quoi, merde, de droite

Heureusement, ces temps-là sont révolus. Depuis un certain Lang, Jack Lang, depuis un certain Mao, qui allait leur salir un peu les mains, à ces artistes qui ne savaient même pas faucher ni faire pousser du riz, sont venus tous ceux qui ont voulu faire prendre l'air à ces momies prétentieuses et coupées-des-vrais-gens, les sortir de leurs tours d'ivoire, les confronter aux réalités réelles du social, du terrain, des valeurs et de la rébellion programmée, en un mot en faire des citoyens responsables, solidaires et durables payant leurs impôts avec la gratitude émue de qui sait ce qu'il doit à son État et à sa RIVP*. Des routes, des hôpitaux et des œuvres citoyennes à chaque rond-point, voilà la feuille de route punaisée en lieu et place des pin-up impérialistes blondes aux gros nichons qui trottaient dans les vieux cerveaux malades des artistes de jadis. 

L'art, c'est comme le mariage, c'est comme le savoir, c'est comme la beauté, c'est pour tous ou pour personne ! Les Nouveaux Artistes ont parfaitement assimilé la leçon, on les voit tous les jours la réciter en y mettant le ton, et si certains persistent à ne pas vouloir comprendre, des tuteurs citoyens et responsables se chargeront de leur faire un peu de pédagogie appliquée en leur coupant les vivres, en photoshopant toutes les photos où ils apparaissaient et en les dénonçant aux comités des bonnes valeurs associées, subventionnées par l'État, qui fleurissent un peu partout : les Assoces.  

Il est très divertissant d'entendre les Nouveaux Artistes railler par exemple le Réalisme Socialiste ou l'art pompier d'antan, alors que leurs réalisations dépassent de très loin tout ce qui a pu se faire dans ce domaine. Mais on ne mord pas la main qui vous nourrit, surtout quand cette main est libre et généreuse.

(*) Régie Immobilière de la Ville de Paris

vendredi 22 mars 2013

Le Réactionnariat populaire



Êtes-vous réactionnaire ? Non ? Mais vous êtes complètement ringard, mon pauvre ami ! Le Réak (le ré-actionnaire) a relevé la tête, et porte dorénavant une rosette à la boutonnière. Fini le temps où il se cachait, où il se faisait petit. Il l'a ramène, désormais. Il porte le menton en direction de demain. Il hausse la voix, en attendant de la placer. De cette manière, d'autres, ses semblables, se dévoilent eux aussi, relèvent la face (sans révéler la farce), et répondent à l'apostrophe avec un sourire encore un peu maladroit (ils avaient perdu l'habitude) mais engageant, et qu'on sent prometteur. Ah, comme il est bon de ne pas être seul. On le croyait, pourtant, on se croyait unique en son genre, méprisé, martyrisé, réduit à peu de chose, au silence, à la discrétion des anciennes minorités. Mais l'histoire ne s'arrête jamais. Nous sommes bel et bien en 2013, ce dont personne ne semble s'être aperçu, et les progressistes, hier encore arbitres des élégances, sont aussi réjouissants que les vieillards croupissant dans leurs couches, le nez à la vitre, qui regardent passer le train enchanté de la modernité, le même train pourtant qui les a conduits où ils sont, à l'hospice.

C'est agaçant cette habitude qu'a le monde de ne jamais se stabiliser, de toujours vouloir renverser les hiérarchies et les valeurs. C'est lassant et grisant à la fois. À peine s'était-on assoupi paisiblement auprès du poêle ronronnant, écoutant un impromptu de Schubert, caressant son chien, qu'il faudrait changer de lunettes, renouveler son habit, se peigner la moumoute, remonter à cheval et affronter le froid mordant du réel ? Quand donc aurons-nous la paix ? Quand donc mettra-t-on la machine sur pause, une bonne fois ? Qui est donc l'excité du bonnet qui renverse la vapeur à chaque clairière entr'aperçue ? Quel but insensé poursuit-il ? 

Il est amusant de constater que l'homme est toujours, systématiquement, incorrigiblement, en retard. "La crise de la dette", lit-on partout en gros caractères gras. En effet, il y a bien une crise de la dette, mais pas celle qu'on croit. Envers qui, envers quoi sommes-nous en dette ? Je n'ose pas le dire car je vais avoir tous les économistes et tous les sociologues sur le paletot. Et aussi tous les politiques, tous les militants, toutes les féministes, tous les blogueurs, tous les jeunes, tous les internautes, tous les patrons, tous les banquiers, tous les musulmans, tous les catholiques, tous les syndicats, tous les gauchistes, mais aussi tous les réactionnaires et leur ligues morales, voire tous les Belges. Ça fait beaucoup. Pour éviter le sujet (« et d'une manière générale, je dis à chacun que chacun est charmant ») et parler presque d'autre chose, je dirai qu'il ne me surprend pas que le Réak soit devenu moral, très moral, et même hyper-moral, quand ce n'est pas moralisateur ou démoralisant. Ça nous pendait au nez, bien sûr. L'être humain est ainsi fait qu'il ne se sent pas, jamais, glisser d'un état à l'autre, et qu'il continue de faire des théories sur une chose qui est déjà morte, longtemps après, même, que cette chose soit morte. C'est curieux parce qu'on pourrait dire que l'état normal de l'humain est la transition (ce qui est déjà une contradiction dans les termes), et que, pourtant, il ne cesse de croire que rien ne bouge, que sa jeunesse est toujours là, qu'il a le temps, que le temps l'attend, que le temps sera toujours là, le même temps, indéfiniment identique à celui durant lequel il a cru qu'il était et qu'il serait, puisqu'il avait été. Les minorités se croisent sans se reconnaître, elles avancent dans une nuit épaisse et sourde, avec ce sentiment inébranlable de rester pour toujours ce qu'elles sont depuis toujours, et qui les fait exister, qui les rend réelles et qui leur permet de se définir, de se compter, de se reconnaître, et de prendre collectivement la voix de la minorité bafouée. La reconnaissance est une méconnaissance. Sitôt qu'un groupe parvient au point où il peut parler en tant que tel, il commence à s'oublier, à s'ignorer lui-même, à ne pas se reconnaître, ou à se prendre pour un autre (ce qui était son but secret). Et c'est le moment qu'il choisira pour parler très fort, prenant prétexte pour cela de ce que sa voix est étouffée, niée, internée dans une cellule que pourtant il est en train d'observer du dehors, et qui lui confère anachroniquement son statut enviable de réprouvé. 

Nicolás Gómez Dávila (il aurait eu cent ans dans quelques semaines) est un écrivain admirable, ainsi que Philippe Muray, et beaucoup d'autres qui les ont précédés, mais ils n'étaient pas en train de thésauriser, ils n'amassaient pas une forme de pouvoir moral à l'abri de leurs imprécations. Ce temps béni où les réactionnaires authentiques pouvaient fertiliser la pensée sans la fossiliser me semble sur le point de finir et celui où les ré-actionnaires vont arriver par centaines pour profiter du butin va commencer. Bien entendu, comme toujours, il y aura une période grise, où les deux races se croiseront (à tous les sens du terme), durant laquelle il sera loisible à tous les néo-Réaks pressés de rejoindre le sens de l'Histoire de se fondre dans la masse de la minorité majoritaire. Les néo-Réaks ajoutent leur farine et la pâte est en train de prendre silencieusement, de se constituer socialement, c'est-à-dire de rejoindre la grande vulgarité qui toujours et par tous les moyens reprend ses droits après les brèves ouvertures du temps. Peine perdue, la page se tourne même quand le livre n'est pas écrit, et ce qui recouvre la pensée vive est toujours une vieille peau trop fardée qui vient faire son tour de ventriloquie accompagnée des rengaines immuables de la paresse morale. Il n'y a pas plus immoral que les moralisateurs qui jouissent de la victoire en récitant les pages arrachées du carnet des vaincus. 

Heureusement, Angela Davis est encore en vie, et l'on peut entendre cette vieille caricature de gauchiste tenir son rôle avec une conviction certes un peu molle, mais qui devrait suffire à certains pour se rassurer et pour continuer de s'appuyer sur les troncs creux qui les soutiennent dans leur quête de sens. Donnez, braves gens, donnez à ceux qui sauront placer votre voix et vos actions, participez à l'effort de guerre lasse, avant que la vague grise reflue en emportant vos derniers remords, prenez votre ticket pour l'au-delà de l'Histoire. Il reste quelques progressistes pour que le Réak ne flanche avant le sommet de la cotation. Il devrait les canoniser avant qu'il soit trop tard ou reprendre un peu de Viagra.


vendredi 7 décembre 2012

QUAND UN BRUIT VOUS ENNUIE, ÉCOUTEZ-LE




J'ai voulu me connecter à un site sur lequel je cherchais un renseignement. Pour éviter les robots, on m'a demandé, en guise de preuve d'humanité, de recopier les première, sixième, onzième, dix-neuvième, vingt-septième et dernière lettres de la phrase : QUAND UN BRUIT VOUS ENNUIE, ÉCOUTEZ-LE. Ça donne le mot : "Quinte". Donc, pour éviter les robots, le mot de passe est le premier intervalle consonnant après l'octave. Les humains se reconnaissent entre eux en utilisant des intervalles musicaux (on avait cru le remarquer). Mais pas n'importe lesquels ! La quinte de tous et celle de Charles… La même qui sépare les quatre cordes du violon, de l'alto et du violoncelle. L'intervalle le plus consonnant de tous, si l'on excepte l'octave qui est plus qu'une consonance, au moins dans notre système musical occidental. J'imagine donc qu'un site qui demanderait à ses adhérents de cocher la seizième, la dix-septième, la vingt-quatrième, la vingt-cinquième, la cinquième et la dernière leruitttre de la même phrase serait un site tenu par des machines, ou des machins. À bon entendeur, salut ! Les robots entrent chez nous comme dans un moulin, apparemment, mais, pour l'instant du moins, ils provoquent encore quelques dissonances. Ça ne durera pas, à mon avis, puisque depuis peu on lui élève des tours, à la dissonance, depuis lesquelles elle peut appeler les cons sonnant à la dérive, les convertis de frais et les égarés munis de cloches et de croix, de bérets et de baguettes. Quand un bruit vous ennuie, écoutez-le, ne vous bouchez surtout pas les oreilles, pauvres petits Français ! En l'écoutant attentivement, ce bruit, vous saurez précisément à quelle sauce vous serez mangés dans les mois ou les années qui viennent. 

Évidemment, une autre solution consiste à le faire sien, ce bruit, cet accent, à la faire vôtre, cette langue, et à ravaler celle avec laquelle vous êtes nés, à vous l'enfoncer dans la gorge comme d'autres ont avalé couleuvres, sabres et goupillons, en récitant des prières venues d'ailleurs, et c'est semble-t-il ce que vous avez choisi de faire, mais ne soyez pas surpris après ça que vos enfants ne le soient plus et que les miroirs vous renvoient une image qui vous écorche les oreilles. 

jeudi 2 août 2012

Le Retour de Dijon (mais…)


Dissidence et sécession sont deux mamelles de l'In-nocence... Non violente : oui, bien entendu — sauf à être absolument contraint. Non nocente, plutôt. Combattante. La question de notre radicalité, sur laquelle ont été dites ici ou là brièvement des choses sérieuses et d'autres plus plaisantes (mais...), sans être semble-t-il remarquées ou considérées (ce qui est sans importance), cette question est cruciale. Il n'y a pas d’œuvre possible hors d'elle (pour Marc) ; l'ornière dont il faut se sortir (il le faut, c'est une question terminale car "planétaire"), qui est presque aussi ancienne que notre civilisation (ses accusateurs ont surtout le tort de n'être que cela : des négateurs minuscules, de médiocres nettoyeurs pris dans une négativité qui les dépasse de toutes parts — ils feront si peu des morts), et peut-être presque aussi ancienne que l'homme lui-même (depuis qu'il n'est pas qu'un "animal ceci ou cela" (social, mémorieux, logiquant...), c'est-à-dire depuis "toujours"), cette ornière appelle elle-même (ici, il faudrait un M) à s'en dégager. On le voit tous les jours, sur toute la surface de cette Terre qui n'en peut plus, qui n'en veut plus, qui s'est de longue date toujours plus absentée, indemne. L'ornière, étonnamment, ne fait au fond que cela : appeler — par sa clôture même sur elle-même qui semble devoir se clore toujours plus, irrémédiablement. Lecirculus vitiosus ne fait pas que tourner en rond, il se resserre sans cesse. La spirale est attirée par le vide. Nous cherchons le passage, celui qui se fait attendre. La langue est l'épicentre. 

 Dijon Bourdier au petit déjeuner, c'est une apocalypse en chambre ! Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas ri comme ça… « Il n'y a pas d'œuvre possible hors d'elle (pour Marc). » Oui, je sais, on a déjà lu ça, aux heures les plus claires du Stalinisme, on dirait du Nizan, ou pire, mais tout de même, que des dingues pareils soient aux commandes d'un parti politique qui par ailleurs a l'air sérieux, c'est d'une drôlerie à couper le souffle. Dijon Bourdier ou l'art des trois points et des guillemets, Dijon Bourdier et les raccourcis, Dijon Bourdier et les sous-entendus, Dijon Bourdier et le "laisser-entendre". Laisser entendre quoi ? Mais qu'il a tout lu, tout compris, tout retenu, tout analysé, tout dépassé, que vous n'y êtes pas du tout, mais alors pas du tout du tout… Dijon Bourdier, c'est le furet de l'In-nocence, il est déjà passé par ici, il est déjà repassé par là, ventre à terre, au galop, brasse coulée, rage papillon, Dijon Bourdier, c'est le Messie des lanternes, à prendre ou à laisser, pardon, à reprendre ou à relaisser, c'est le feu follet de la Reconquête, debout devant les tombes, comme un moulin à vent qui crache ses farines aux quatre points cardinaux sans prendre le temps de respirer. C'est tout de même crevant de voir Renaud Camus en Sancho Panza, à tenter de suivre le Radical Combattant qui pique (mais…) les flancs de la Bête… "Cette ornière appelle elle-même (ici, il faudrait un M) à s'en dégager", en effet, Dijon, en effet, mais c'est pas demain la veille que tu vas te dégager de Toi-Même, avec un ™ inscrit au cœur de la farine, étonnamment, par sa clôture même sur elle-même irrémédiablement toujours plus nous cherchons le passage (mesure à 12/8, prestissimo) dans l'ornière qui se fait attendre, tirant la langue à l'épicentre accusateur et indemne.

Bien entendu, Bourdier nous dépasse de toutes parts, de la tête et des épaules comme on dit à la télé, et si la spirale est attiré par le vide, comme nous le pensons avec lui, après lui, sous lui, en dehors de lui, comme lui, ce ne peut être que parce que le Circulus Vitiosus n'est pas assez tautologiquement castrateur (mesure à 5/8, lento pesante), cela va presque de soi.


On l'a maintes fois constaté, l'époque manque cruellement d'humour, mais c'est peut-être simplement parce que celui-là a changé d'émetteurs : de nos jours, les seuls qui ne manquent pas d'humour sont ceux qui ignorent absolument qu'ils sont d'une drôlerie étourdissante (mais…).

samedi 24 septembre 2011

"Didier Bourjon est un con"


Ce n'est pas moi qui le dis. C'est lui qui l'a cherché.

C'est le nouveau jeu à la mode au 3,14. Tapez dans Google la phrase : « X est un con. » Si X = Onfray, on arrive sur ce blog, ce que je déplore grandement, car bien sûr, Onfray n'est pas un con, même s'il lui arrive de l'être de façon carabinée. C'est bien, Internet : si par exemple, un jour, vous dites à votre petite amie : "Connasse, je vais te tuer !" ce qui évidemment n'est pas très malin, mais qui peut se comprendre parce qu'il lui arrive effectivement de se conduire comme une connasse et qu'il vous arrive conséquemment d'avoir envie de l'étrangler, bref, si un jour vous avez proféré des menaces de mort à l'encontre de quelqu'un, et même si ce quelqu'un et vous-même savez parfaitement qu'il ne vous viendrait jamais à l'idée de tuer votre connasse de petite amie, qui n'est d'ailleurs pas du tout une connasse, soit dit en passant, eh bien, ce jour-là, gros couillon de blogueur, tu peux finir en taule, au motif que "tu l'as dit". "Les mots sont des actes", comme le disent la psychanalyse et Facebook, dont Georges est mordu. Les mots sont même parfois des choses, ou la chose. En tout cas, ils consolent, de ça je suis certain.

Je pense que c'est arrivé à tout le monde, ou presque, une femme vous a dit, un beau jour : « Je t'aime. » N'essayez pas de me faire croire que avez eu envie de lui rétorquer : « Tais-toi, je t'en prie. » car je ne vous croirai pas. Non, tel que je vous connais, et je vous connais bien, vous avez dû lui demander de répéter, en faisant celui qui n'a pas entendu. Et là, avec la deuxième occurrence de ces trois mots usés jusqu'à la corde, vous étiez foutu, foutu, et foutu. Bien sûr vous ne le saviez pas, et vous ne le savez toujours pas, d'ailleurs. C'est vrai, vous n'aviez pas entendu, c'est la vérité vraie. Personne ne peut entendre ces trois mots, c'est comme ça. On voudrait se taire, on voudrait ne jamais avoir écouté quelqu'un qui vous dit ça, mais ça tombe dans l'oreille d'un sourd aussi sûrement que les pommes dans le jardin où se trouve Eve. Il n'y a même pas besoin d'un serpent pour tendre l'oreille, la cloche de bord sonne pour le lunch, et l'on ne sait plus où on en est, la machine se met en route, tic, tac, tic, tac, pourquoi la mémoire, Papa dit, dans le lit, le dimanche matin : « Et tout à coup… »

M'aurait-on dit 22000 fois que j'étais un con, ou qu'on m'aimait, enfin, que tu m'aimais, que cette chose n'arriverait pas jusqu'à moi, ne me dérangerait pas dans mes pensées. La femme est perdue, et même quand elle place ses mains entre les vôtres et prend cet air de fenêtre ouverte, il faut savoir qu'elle n'entend pas ce qu'elle dit, que ses paroles lui échappent, comme le râle du mourant, comme tous les vingt-huit jours un peu de sang épais vous donne envie de la poignarder sur le si interminable et lancinant de Wozzeck. Toutes les consolations sont aiguisées comme des vendettas. Elle voudrait se taire, cette femme qui vous dit "je t'aime". Elle ne le peut pas. Il faut qu'elle retourne ce poignard contre vous, préventivement en quelque sorte. C'est beau l'amour. On ne peut en être vengé.


Maintenant, vous êtes prêts pour taper dans Google : "Je t'aime, X." Mais ne venez pas pleurer ici, après. Les mots sont des actes, et qui cherche trouve.

jeudi 5 août 2010

Très peu



Norma était mal assise. Elle avait peut-être un bleu à la fesse droite. Ferdinand reprit de la tarte, en félicitant Marceau : "Super, ta femme, on n'en fait plus des comme ça !" Sa braguette était à demi-ouverte, il avait la joue coupée. Quand Valentine revint s'asseoir, elle se pencha au-dessus de la table basse pour attraper la carafe d'eau. Sa lourde poitrine frôla le bras de Ferdinand. La conversation continua sur les Pères de l'Église.

(à Michel, à Régis)

mercredi 8 avril 2009

Robinets mal fermés

Le mari de mon amie, architecte bien bâti, et très virilement, parle ainsi : « Qu'ai-je à faire, moi, de vos bruits de chasse d'eau, de robinets mal fermés, de tout ce quotidien que vous nous imposez ? Le quotidien, je l'ai déjà chez moi, ce n'est pas ce que je demande à l'art ! » Heureusement pour nous, il n'aime pas non plus Pelléas, qu'il juge outrageusement mièvre et insupportable dans sa prosodie maniérée.

Mon amie est la fille d'un des grands écrivains du XXe siècle, l'un des derniers surréalistes. Elle sourit gentiment, ne prend pas parti, sa vertu moderne (et sa délicatesse naturelle) l'empêchant de suivre son mari, mais je sais bien qu'elle n'aime pas non plus la musique qu'il fustige avec ses mots de tailleur de pierres.

Chez eux on fait un excellent dîner.


Le problème, comme on disait de mon temps (qui réservait le souci à des pensées plus hautes ou plus intimes), est que ceux qui bricolent ces musiques de robinets mal fermés n'aiment pas non plus Pelléas et Mélisande. Ils veulent bien affirmer que Debussy-Ravel (c'est l'un de ces syntagmes figés qui leur évitent de connaître) c'est très bien, à condition d'ajouter qu'ils « ont influencé Bill Evans », mais ils n'ont pas l'air de comprendre que Debussy c'est aussi Pelléas, que sans connaître Pelléas on ne comprend pas grand-chose à Debussy, de la même manière que sans comprendre que Webern est un ultra-romantique, on ne peut pas l'entendre vraiment.

C'est toujours un peu le même procédé de pensée qui est à l'œuvre. On "aime" un art (un artiste) à cause de l'idéologie qu'on lui prête, de manière le plus souvent totalement anachronique et téléologique. Mélange de paresse intellectuelle et morale qui fait le lit de nos modernes engourdis.