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jeudi 14 avril 2022

Je vais te tuer

Mélanie Chavaux était moche. Fred Lampé était amoureux. Il avait coutume, lorsqu'il la prenait en levrette, le matin dans sa petite studette marseillaise, de lui dire qu'elle était belle, qu'il ne connaissait pas de femme plus belle. Il ne lui aurait pas dit ça une demi-heure plus tard, alors qu'ils étaient attablés devant leurs bols de thé à la mangue, dans la minuscule cuisine sans fenêtre, la radio allumée, mais, de dos, quand il voyait ses grosses fesses bouger avec une sorte de majesté âpre, il avait un irrépressible besoin de prononcer cette phrase rituelle qui invariablement restait sans réponse : « T'es belle, Mélanie. T'es la plus belle ! »

Pourquoi le disait-il ? Pour se donner du courage, pour faire plaisir à Mélanie, pour se consoler ? Le fait était là : à chaque fois qu'il pénétrait Mélanie dans cette position, ses grosses fesses gélatineuses et marquées de vergetures faisaient automatiquement venir à sa bouche la formule rituelle. En s'entendant prononcer les mots : « T'es la plus belle ! », sans voir le visage de Mélanie, il avait vaguement honte de lui, et s'attendait à une réaction de Mélanie, réaction qui n'était jamais venue.

Fred était ce genre de petit bourgeois, professeur de français au collège, qui achète du matériel Hi-Fi à la FNAC et des lave-linge sèche-linge à la CAMIF. Mélanie était aide-soignante à l'hôpital. Elle regardait C'est mon choix à la télé, quand lui préférait Apostrophes et Envoyé Spécial. Rien ne le prédisposait à trouver belle un boudin ; mais s'il avait jeté son dévolu sur elle, c'est bien parce qu'elle était moche. Il le savait, même s'il ne l'aurait jamais avoué.

Fred Lampé n'imaginait pas que Mélanie puisse croire ce qu'il disait dans leurs moments d'intimité. C'est pourtant ce qu'il advint. Mélanie, contre toute attente, finit par se croire belle. Il le comprit le jour où elle commença à lui envoyer par sms des photos de ses fesses, des photos qu'elle accompagnait de mots tendres et sentimentaux. Après les fesses, Mélanie se mit à photographier ses seins, puis son ventre, puis ses pieds, puis ses jambes, puis son sexe. Enfin, un jour, elle photographia son visage. Elle prit un cliché, puis deux, puis trois, puis une dizaine, puis une centaine. Mais elle n'envoya rien. Elle s'enferma chez elle, se fit porter pâle, et passa une journée entière à faire des photos de son visage. Vers six heures du soir, après des milliers de photos sur le même sujet, elle envoya à Fred un écran noir avec ses quatre mots inscrits en blanc : « Je vais te tuer. »

Fred était chez lui, en train d'écouter Jean Ferrat, quand arriva le texto. Il avait son casque sur les oreilles et sirotait un jus de grenade bio. Il n'entendit pas le portable vibrer. Les très nombreux sextos envoyés par Mélanie ces derniers jours l'avaient d'abord surpris, mais la seule chose qui l'inquiétait réellement était qu'il faudrait bien à un moment donné expliquer à Mélanie qu'elle n'était pas jolie. Mais rien ne pressait, et ces envois à répétition le distrayaient un peu de leur morne routine. Il lut le texto une heure après l'avoir reçu, et ne comprit pas du tout ce qu'elle entendait par là. Était-elle en colère ? Pour quelle raison ? Était-ce une plaisanterie ? Une plaisanterie érotique ?

À huit heures, comme elle n'était toujours pas là, alors qu'ils étaient convenus de se retrouver chez lui pour le dîner, Fred repensa au message de Mélanie et tenta de lui téléphoner. Répondeur. Il envoya un texto pour lui demander de le rappeler. À Neuf heures, toujours rien. Il rappela, et il envoya un autre sms, plus pressant, toujours en vain. À dix heures il corrigeait des copies avec son stylo quatre-couleurs tout en écoutant un disque de Jacques Bertin. À dix-heures et demie, il rappela Mélanie, plusieurs fois. Et encore. Toujours en vain. Il se coucha plein d'étonnement. Quelle mouche la piquait ? Ça ne lui ressemblait guère, mais les photos qu'elle lui envoyait depuis quelques jours, ça ne lui ressemblait pas non plus. Il prit un somnifère et s'endormit facilement. 

Le lendemain, Germain Lastrapel, gardien au Centre de la Vieille Charité, eut la surprise de découvrir Mélanie Chavaux, entièrement nue, endormie dans une des salles du Musée d'Archéologie Méditerranéenne. Elle s'était laissé enfermer, la veille, et avait passé la nuit à déambuler et à se prendre en photo. Sur ses cuisses était écrit, au rouge à lèvres : « Je vais te tuer, Fred Lampé. »

jeudi 22 avril 2021

Tief von fern




De la vague blanche du soir
surgit une étoile ;
profonde, du lointain,
la jeune lune avance.

Profonde, du lointain,
de la vague grise du matin,
la grande arche blafarde
s'élance vers l'étoile.

jeudi 17 septembre 2015

Cailloux

Faisant sur Internet une recherche sur une ex à moi, j'apprends qu'elle fabrique des cailloux attirants. On peut donc gagner sa vie à jeter ses cailloux chez les autres. C'est formidable, j'en apprends tous les jours. Cette jeune fille avait des dons éclatants, en peinture, et elle finit par faire des lampes et des cailloux. C'est là que je me rends compte que j'ai complètement foiré ma vie. Heureusement pour moi, je l'ai connue quand elle avait quinze ans et demie ; à cet âge-là, elle n'avait pas encore eu le temps de devenir elle-même

Il est à peu près constant que, nous retournant sur notre passé, bien des années après, nous nous félicitons d'avoir été largué par celles que nous aimions le plus. C'est à chaque fois un énorme soupir de soulagement. À quoi nous avons échappé, ô Dieu bienveillant qui veille sur nous !

samedi 18 avril 2015

Les likes de Jessica


Brandon* a déposé une douzaine de photos de Jessica* sur Facebook. Suivant le nombre de likes que les photos de Jessica récoltent chaque jour, il lui prodigue des attentions amoureuses plus ou moins fortement dosées. Si les douze photos obtiennent moins de 5 likes en tout, dans la journée, il ne lui fait rien du tout. Si les douze photos obtiennent plus de cinquante likes en vingt-quatre heures, elle a droit à un traitement de faveur, et même à un bonus : soit il fait la vaisselle, soit il va faire les courses avec elle. Une fois, le nombre de likes est allé jusqu'à soixante. Elle a eu droit ce jour-là à un bouquet de fleurs. 

Mais soyons un peu plus précis. Entre 5 et 10 likes, des french kiss. Entre 10 et 15 likes, un cunnilingus rapide avant de partir au travail. Entre 15 et 20 likes, coït debout dans la cuisine sans préliminaires. Entre 20 et 25 likes, préliminaires et cunnilingus, 10 à 15 minutes en tout. Entre 25 et 30 likes, on commence à entrer dans les choses sérieuses ; caresses, baisers, coït (deux positions), au lit, avant de dormir. Entre 30 et 35 likes, bougies parfumées, massage des pieds, cunnilingus, baisers, caresses, et coït (trois positions), au lit, entre 20 minutes et une demi-heure. Entre 35 et 40 likes, Jessica a le choix de l'endroit où ils feront l'amour (chambre, salon, voiture), 45 minutes, orgasme non garanti. Entre 40 et 45 likes, bougies parfumées, musique, douche pour Brandon avant les ébats ; massage des pieds et des jambes, préliminaires complets, cunnilingus appuyé, stimulation du point G, coït cinq positions minimum, orgasme garanti (durée ad libitum). Entre 45 et 50 likes, alors là c'est le grand jeu. Massage complet, avec huiles parfumées, sur la table de massage pliante au salon, puis préliminaires au lit, dans la chambre, avec la playlist "crescendo", cunnilingus et feuille de rose, stimulation des points G, H et R, puis coït sept positions, ordre au choix, pour finir par une sodomie. Double orgasme garanti.

Depuis que Brandon a découvert Facebook, la vie sexuelle de Jessica dépend entièrement des amis Facebook de Brandon. Mais Jessica est maline, elle demande à ses amies de devenir les amies Facebook de Brandon, pour qu'elles puissent liker ses photos. Sauf que Brandon est plus malin encore ; il en profite pour exercer au passage un chantage discret sur les nombreuses "amies" de Jessica, dont il a parfaitement compris le petit jeu. Si elles veulent devenir ses amies, elles doivent d'abord passer à la casserole. Finalement, tout le monde s'y retrouve. On se demande si le gouvernement socialiste ne devrait pas penser à instaurer un système dans ce goût-là avec les électeurs. Ah, on me dit que c'est déjà le cas, excusez-moi, la politique, ce n'est pas ma spécialité. 

(*) Les prénoms ont été floutés

samedi 7 mars 2015

Embrasser mal


A. Tu embrasses mal.
B. Comment ça, mal ?
A. Trop lentement.
B. Je ne comprends pas.
A. Tu es lent, tu ne vas pas droit au but.
B. Mais comment ça, droit au but ? Quel but ? Le baiser, ce n'est pas cette chose qui évite le but, justement ?
A. Mais pas du tout, qu'est-ce que tu racontes ? De quel but parles-tu ?
B. Et toi ?
A. Mais c'est pourtant évident, non ?
B. Tu trouves ?
A. Oui, je trouve !
B. Oui, d'une certaine manière, c'est vrai, c'est évident, mais pourquoi me reproches-tu de mal embrasser ? Comment veux-tu que je t'embrasse bien si tu me reproches de mal embrasser. Tu vas me bloquer.
A. Il faut bien que je te le dise, si tu veux progresser.
B. Mais progresser comment ? Dans quel sens ? Je n'y comprends rien.
A. Dans le sens d'un perfectionnement, évidemment ! Quoi d'autre ?
B. D'accord, mais qu'est-ce que signifie se perfectionner en baiser ?
A. Ça signifie mettre de plus d'érotisme, plus de sensualité, plus de toi-même dans ton baiser.
B. Je ne suis pas sensuel ?
A. Non. Tu fais ça mécaniquement.
B. Mécaniquement…
A. Tu ne comprends pas ?
B. Pas très bien, non. Mécaniquement, je ne trouve pas. Veux-tu dire toujours de la même manière ?
A. Oui, aussi. Mais ce n'est pas ça le pire. 
B. Mais explique-toi, à la fin ! 
A. Ne fais pas semblant de ne pas comprendre, tu sais parfaitement à quoi je fais allusion…
B. Mais non, enfin, pas du tout !
A. Tu vois, c'est tout toi, ça, tu tournes autour du pot. 
B. Tu as entendu parler du Printemps des poètes ?
A. Qu'est-ce que je disais… ça ne t'intéresse pas, le baiser. 
B. Si, justement si, je m'y intéresse beaucoup, tu te trompes.
A. Alors qu'est-ce que tu me fatigues avec tes poètes ?
B. L'effraction de la langue, ça te parle ?
A. Je m'en branle, de ton effraction. Je te parle du machin rose que tu as dans la bouche. Tu ne sais pas t'en servir, c'est ce que je dis.
B. Ah, on a un peu avancé. Continue, précise ta pensée. 
A. Eh bien mais tu es trop à droite, avec ta langue.
B. À droite ? À droite, tu veux dire… à tribord ?
A. Tu connais plusieurs manières d'être à droite ?
B. Oui, justement, j'en connais beaucoup. Et puis ma droite est ta gauche, dans ta bouche, ma chérie.
A. On ne peut pas discuter avec toi. Mais je vais te dire une chose, et je vais être très claire : quand tu m'embrasses, tu fais le jeu du Front national

mercredi 4 mars 2015

PS. J'aime la bite


Monsieur,

je pourrais parler longuement de votre voix envoutante, de votre barbe fleurie, de vos sourcils broussailleux, de votre démarche d'archange fatigué et de ces étranges remontées de désespoir qui atténuent parfois le métal acéré de certaines de vos envolées lyriques, qui les courbent vers la nuit de l'âme quand vous vous assoyez d'un air ahuri et pensif sur la chaise branlante qui vous sert de yourte lunaire, sur cette scène un peu miteuse où votre corps fait sens à la manière d'un assassinat de la présence. Je pourrais louer votre sens de la modulation, celui de la transition, cette manière si désinvolte et pourtant si précise que vous avez d'entrer avec vos membres, tous, dans une phrase, de la prendre à la hussarde, de la découper, de l'inciser, de l'ouvrir comme on ouvre un fruit bien mûr, et d'en restituer les sucs tout en les accompagnant vers leur brûlure éplorée et fatale, en les laissant couler vers le sens enrichi, nourri, gonflé de sève que vous déposez à notre portée après avoir fait monter l'eau à notre bouche avide. Je pourrais décrire les mille et une sensations que vous faites naître en nos âmes endolories et impavides, ternes, maussades et grises, ces mille et une stimulations qui caressent et pincent nos sens et notre imaginaire en les portant au bord de l'incandescence spirituelle, quand elles ne les font pas renaître, tout simplement. Tout l'art de l'écart, de la trace en incise ponctuée et du jeu vocalique, tous ces glissements progressifs d'un plaisir du texte que vous savez faire chanter, crier, gémir, bruisser, dont vous frottez l'étoupe contre la suave vulve des anges qui vous prêtent leurs organes flûtés, trompés, tambourinés, vergeturés de blancheur absconse, toute la carte et tout le territoire  de votre folle sagesse littérale m'ont ébranlée de fond en comble. Après ce soir, mon rapport au répertoire ne sera plus le même. Il fallait que je vous le dise. 


Blanche Second


PS. J'aime la bite

jeudi 18 décembre 2014

Première ligne (7)


Que s'est-il passé avec les demoiselles d'Avignon ? Et avec celles de Paris, d'Annecy, de Genève ? Le puritanisme prend des formes toujours différentes. Aux confins du désir se tient un griffon patibulaire qui agite une pancarte sur laquelle est inscrit le signe égal. Le vieux conflit était jadis la source à laquelle la vie se régénérait, il est aujourd'hui pourchassé comme le sanglier furieux qu'il peut être parfois. 

Quand Christine a obtenu de son père un magnifique appartement près du Lycée Berthollet, tout a  changé. Nous habitions auparavant une petite chambre, rue du Lac, au domicile d'une vieille dame chez qui j'étais obligé de me faufiler chaque jour en douce pour parvenir au saint des saints.

Toujours cette petite chambre, sombre, bleue, ou brune, je ne sais plus, le lit, la table, un lecteur de cassettes Philips, les toilettes, je ne sais même plus si les toilettes étaient à l'extérieur ou dans la chambre. Est-ce qu'on se désirait ? Est-ce qu'elle me désirait ? Peut-être… Impossible de savoir, c'est trop loin. Ou alors ça n'avait pas de réalité ; cette question n'avait pas d'importance pour moi, c'est plutôt ça. Je l'aimais, ou en tout cas j'en étais persuadé. Aujourd'hui, je ne parviens même plus à croire que c'est possible. Je veux dire : techniquement possible. Comment faisait-on ? Comment ma mère m'avait-elle  laissé partir de la maison alors que je n'avais que seize ans ? Il y avait un café, au coin de la rue, un café assez vaste, avec peu de monde à l'intérieur, un beau café, en face du Prisunic. La rue du Lac est une petite rue qui part du lac qui arrive à la cathédrale, une petite rue tranquille, un peu solitaire, même si elle se trouve en plein milieu de la ville. On habitait juste au-dessus de la Crémerie du Lac, une crémerie assez célèbre, dans cette ville, dans laquelle les gens venaient parfois de loin car on y trouvait des fromages dont la qualité était réputée. Le Prisunic s'appelait, je me rappelle très bien, Printania. Plus jeune, on venait à la ville, avec ma mère, faire des courses à Printania. C'était tout petit, mais elle avait trouvé le moyen de me perdre, là, et j'avais été terrorisé, comme tous les jeunes enfants que les parents perdent dans un magasin qui leur semble immense. Quand je dis terrorisé, c'est vraiment terrorisé. Maman m'a perdu… Elle a perdu son petit. Va-t-elle le chercher ? On prenait le train, et on venait tous les deux à la ville. J'adorais prendre le train avec ma mère, j'adorais ça.  Est-ce que ma mère a rencontré Christine ? Je ne sais plus. À cette époque-là, elle travaillait, c'est la seule période de sa vie où elle a dû travailler. Son mari, mon père, venait de mourir, et elle a tenu la pharmacie, quelque temps. Un jour, c'était encore avant la chambre de la rue du Lac, nous avons pris le train, Christine et moi, de la grande ville vers la petite ville, nous avons fait le trajet inverse de celui que j'avais fait avec ma mère, et nous sommes allés à la maison, chez moi, chez mes parents, chez ma mère. Ma mère ne supportait pas que nous disions "chez moi". Nous devions dire : "chez nos parents", ou "à la maison", mais pas "chez moi". Bref, c'était l'après-midi, on arrive à la maison, on va dans ma chambre, il n'y a personne à la maison, nous sommes tous les deux, Christine et moi, c'est au tout début de notre histoire. Je commence à la déshabiller, elle se laisse faire, on est dans ma chambre, elle est allongée sur le lit, sur le couvre-lit, elle est nue, ou presque, et moi je suis encore habillé. À ce moment-là, le téléphone sonne. Nous avions deux téléphones. Un en bas, dans le hall, près de l'entrée, et un à l'étage, dans la chambre des parents, ou était-ce dans le hall à l'étage, je ne me souviens plus. Avant d'aller répondre, je demande à Christine de rester comme elle est, allongée, nue, sur mon lit. C'est la première fois de ma vie que je vois une fille nue, je veux dire, nue pour moi, que j'ai déshabillée moi-même, et qui s'est laissé faire, et ce coup de téléphone, c'est une catastrophe, vraiment. C'est ma mère qui vérifie que je suis à la maison, oui, maman, je suis là, oui, tout va bien, tu es à la pharmacie, oui, je sais, restes-y, surtout, prends bien ton temps, fais ce que tu as à faire, tout va bien. Et je me précipite à nouveau dans ma chambre où bien sûr Christine n'est plus nue. Elle n'allait pas rester, comme ça, à m'attendre, à poil, comme un fruit abandonné sur le lit à une place de ma chambre, pendant que je parlais au téléphone avec ma mère, non, ça ce n'est pas possible, bien sûr, je le savais, même si elle m'avait promis le contraire. Elle ne s'est pas rhabillée, non, mais elle s'est glissée dans les draps. Elle me dit que je dois me déshabiller aussi, et que je dois la rejoindre. La rejoindre… Je n'ai jamais encore fait l'amour à une fille, enfin, pas vraiment, pas en mettant mon sexe dans son sexe. J'ai du mal à le croire moi-même, mais je ne suis même pas certain de savoir à ce moment-là comment on fait. Toujours est-il que je me mets sur elle, tout va très vite, mais alors vraiment très vite, et je reste là, planté comme une andouille, tétanisé. Elle me sourit. Je n'ai même pas fait attention à elle. Au bout d'un assez long moment, elle me dit à l'oreille que c'était bien mais que… je n'étais pas au bon endroit. Comment ça, pas au bon endroit ? Comment ai-je pu me perdre en route ? Mais, pas au bon endroit, comment ça ? J'étais où ? Alors elle me montre…

Nom d'une pipe, il ne suffit pas d'aller entre les cuisses d'une femme, il faut en plus trouver son sexe, se mettre à l'intérieur, enfin c'est tout un ensemble, comme dirait l'autre. Je me suis senti comme avec le short prince-de-Galles sur le terrain de rugby. Mais pourquoi donc est-ce que personne ne me prévient jamais AVANT ? Les autres ont tous l'air d'être au courant, qui les a prévenus ? Toujours cette sensation que je ne comprends rien à la vie, qu'elle ne parle pas la même langue que moi, ou que mes parents se sont trompés en me mettant dans ce monde-là. Comme c'est étrange, vraiment !

Évidemment, ce ne sont pas les jeunes gens d'aujourd'hui qui auraient ce genre de problèmes, eux qui voient des chattes et des braquemarts toute la journée depuis leurs plus tendres années… On n'a pas encore pris la mesure du monde qui est en train de naître sous nos yeux, ce monde dont les enfants sont élevés à la pornographie "naturelle" et quasi obligatoire, mais je crois qu'on va très vite en voir les effets dévastateurs. On comprend finalement que cette pornographie totalitaire est une émanation du puritanisme qui marche main dans la main avec ceux qui ne supportent pas  la différence sexuelle. Plus la population dans son ensemble est abreuvée de ces images, moins elle est apte à avoir du désir pour un être qui ne lui ressemble pas, plus elle croit montrer de la différence plus elle fabrique du même. La pornographie, c'est la mondialisation de l'espèce prise à la racine. Je parle de la pornographie réelle, celle qui se pratique aujourd'hui, concrètement, pas de la pornographie littéraire, ni même de celle, artisanale, qui était de mise durant ma jeunesse, les sex-shops, les peep-shows, les magazines, les cinémas pornos, les cassettes VHS, celle qui se planquait encore un peu… Je n'ai pas grand-chose contre la pornographie, tant qu'elle n'est pas prescriptive, tant qu'elle se contente d'être un mode d'être parmi d'autres et qu'elle ne nous démontre rien.

Donc, lorsque ma Christine a emménagé dans le grand appartement près du Lycée Berthollet,  tout a changé. Nous étions déjà, à ce moment-là, entrés dans une sorte de conjugalité qui se devait de faire une place à la jalousie, à la tromperie, à la dissimulation, et à la souffrance. C'est la loi : quand la vie vous offre de meilleures conditions de vie, plus d'argent, plus de confort, plus de luxe, plus d'espace, une femme plus belle, plus jeune, vous pouvez être certain qu'au même moment elle s'arrange pour vous le faire payer très cher. Étant convoitée par tout Annecy, il était fatal que Christine augmente le loyer qui me rendait maître de son corps. Je n'irai pas jusqu'à affirmer qu'elle m'a trompé avec tout Annecy, non, ce serait inutilement exagéré, en revanche c'est bien à cette époque que j'ai découvert les affres de la jalousie. C'est très douloureux quand rien ne nous y a préparé, et qu'on n'a même pas eu le temps de s'habituer à cette chose inconcevable encore quelques semaines auparavant, qui est de pouvoir faire l'amour à une déesse à peu près quand on le désire.

Dans la petite chambre de la rue du Lac, nous n'avions rien, mais alors rien de rien, par exemple la seule musique qu'on y ait écoutée, mais des centaines de fois, était la Quarantième de Mozart par Karajan, ce qui fait que cette symphonie est pour moi indéfectiblement liée au reblochon. Il n'était évidemment pas question d'y inviter nos amis, ce qui m'arrangeait sacrément. J'ai trois souvenirs liés à cette chambre. Le premier est le boudin aux pommes (trop de beurre), le deuxième la fellation (incroyable découverte), et le troisième le LSD. Avec Mozart, ça fait quatre. Le conflit (et le confit) sexuel, la différence irréductible (très concrète), l'incompréhension massive (mais qui n'ose pas se dire, ni même se penser), sur fond de Mozart et d'hallucinations visuelles, auditives et temporelles, surtout, tous les ingrédients étaient là, sur scène et en coulisse, prêts à nous pousser vers la fosse sublime et sans fond qu'on appelle la vie.

()

samedi 11 octobre 2014

La Perruque (3)


J'allais dehors fumer une cigarette. J'en profitais pour passer des coups de téléphone, bien qu'il m'arrivât souvent de téléphoner des toilettes de la chambre. Elle est au Mexique avec son mari. J'envoie un texto. Elle est dans son bain. « Ça doit être les enfants ! » Il prend le téléphone et lit le texto. Elle venait de m'écrire qu'elle voulait nager nue avec moi, là-bas… J'aimais beaucoup le son que faisait son portable quand elle recevait un sms. Une cloche, un sol dièse, aigu, solitaire, à la fois très présent et perdu, comme elle. J'imagine sa tête, le pauvre… Quelle horreur ! Il avait déjà déboulé à la maison, une fois. On sonne, j'étais en haut, avec ma mère, je descends quatre à quatre, ça tombait mal, j'ouvre, il est là, tout gêné. « Je peux vous parler ? » Je n'ai vraiment pas le temps… « J'insiste, c'est très important. » Je ne le fais pas entrer, on discute sur le palier. « Vous comprenez, j'adore ma femme. Elle passe beaucoup de temps avec vous. Je ne vous en veux pas, hein, mais j'aimerais qu'elle soit un peu plus présente, avec les enfants et moi, vous me comprenez ? Il faut que vous la laissiez tranquille ! » Un mélange de colère et de gêne, il ne sait pas sur quel pied danser, moi non plus. Je ne peux pas lui dire la vérité, je lui dis que je comprends, bien sûr, qu'il a raison, mais que, vraiment, là, je dois y aller, et c'est la pure vérité. Je remonte en vitesse. Ça va, pas de catastrophe. Maman s'est tenue tranquille. Il est grand, assez beau, un nez aigu, assez proéminent, il porte un prénom démodé, c'est un notable cool. Je repense à notre entrevue en donnant à manger à ma mère. Plus tard, je le croiserai à l'hôpital, pendant une séance de chimiothérapie de sa femme. On attend tous les deux, hors de la chambre. Je fume une cigarette. Lui qui ne fume pas m'en demande une. « Vous ne connaissez pas la belle-mère ? Alors bonne chance… » Il me demande : « Vous êtes fou amoureux, c'est ça ? » Je me demande s'il est con ou s'il prend la pose. On finit par sympathiser, ou plutôt, on joue aux mecs qui sympathisent. Je le regarde et je me marre intérieurement. Fou amoureux ? Peut-être, oui, mais sur le moment ça m'a exaspéré. C'était la question d'un type qui se dit qu'il a passé un temps fou avec une femme, qu'il lui a fait trois enfants, et qu'il n'a jamais rien compris à ce qui se passait. Tout allait bien dans leur vie, vraiment. De l'argent, une belle maison, de beaux enfants, des métiers sympas, des amis, la famille, des voyages, tout… Vous êtes fou amoureux, mon pauvre vieux, moi aussi je l'étais, et puis voilà, vous êtes là, elle a un cancer, tout se casse la gueule du jour au lendemain, vous voyez, on est là tous les deux comme deux cons, devant une chambre d'hôpital, on se regarde comme des planètes qui cherchent un soleil, quelque chose, quoi, un système… Je ne dis rien. Il parle pour deux. Il ne sait pas fumer. Je sais bien ce qu'il pense, à quoi il pense, cette chose dont il n'osera jamais me parler. La chose qui brûle, la seule qui fait mal, finalement. 

(…)

jeudi 28 août 2014

Au cabinet


Francus a tenu deux semaines et demi, sans son forum chéri. C'est bien mais il peut faire mieux.

(Bon, il me demande de rectifier, c'est deux mois qu'il a tenu !)

mardi 4 mars 2014

La Rédemption par l'opéra


Sur Facebook, l'inénarrable Guilaine Depis écrit que son opéra favori est Tannhaüser. Ma foi, je ne vois rien de répréhensible à aimer Tannhaüser et à le faire savoir, cela va sans dire. De là à prétendre — même et surtout si c'est vrai — qu'il s'agit de "l'opéra favori", voilà qui peut surprendre, un peu. Elle ajoute, pour faire bonne mesure sans doute, que l'autre "opéra favori", pour elle, est Giulio Cesare, de Haendel. C'est un peu comme si je disais que ma symphonie préférée est la symphonie en ut de Bizet. Oui, je sais, Glenn Gould a bien dû prétendre une chose pareille, mais on est habitué à ses mensonges. Bon, Bizet n'est peut-être pas le meilleur exemple, d'accord. Alors, je ne sais pas, moi, c'est un peu comme si j'affirmais que mon quatuor préféré est le quatrième de l'opus 18 de Beethoven. Il est très beau, le quatrième quatuor de l'opus 18, mais enfin, il faudrait être sacrément gonflé, ou un peu idiot, ou il faudrait aimer la provocation plus que de raison, pour prétendre que c'est la meilleure pièce de Beethoven, la plus importante, la plus belle et la plus chère à notre cœur, et de surcroit le meilleur quatuor jamais écrit. 

Comme je lui écris que je suis un peu surpris de son choix, elle me répond qu'elle persiste et signe, qu'elle aime beaucoup Wagner, et que d'ailleurs elle connaît TOUT Wagner, sauf Tristan et les Maîtres chanteurs. Sauf Tristan ??? Dire qu'on connaît Wagner sans connaître Tristan, c'est un peu étonnant, bien entendu. C'est un peu comme de prétendre qu'on connaît TOUT Bach, sauf la Passion selon saint Matthieu, sauf la Messe en si, sauf les Cantates, et sauf, je ne sais pas, moi, les Goldberg… Oui, mais elle connaît Rienzi ! Elle ne mentionne ni les Fées, ni la Défense d'aimer, ni les Wesendonck Lieder, ni Siegfried Idyll, ni la Cène des apôtres, mais on sent bien que ce n'est pas l'envie qui lui manque. Et puis d'ailleurs elle est "membre bienfaiteur du Cercle National Richard Wagner de Paris depuis juillet 2010". Alors, hein ! On peut aller se rhabiller…

On sait que les wagnériens, en général, sont peu regardants sur l'honnêteté et la modération, et qu'ils n'hésitent jamais à vous écraser de leur abyssal mépris, aussi bête qu'enfantin, en plus d'user de tous les moyens à leur disposition, quand il s'agit pour eux de vous réduire en miettes, vous qui avez le front d'aimer autre chose que les opéras de Wagner, dans la musique, mais là il s'agit d'autre chose puisque l'autre phare que notre Guilaine Depis nationale propose à notre admiration est Giulio Cesare. Non, nous n'avons pas affaire ici à l'un des ces wagnériens hystériques qui ont consacré une vie entière à leur idole, et qui, pour ce faire, se croit obligés de dénigrer tout ce qui n'y ressemble pas. C'est bien d'autre chose qu'il s'agit. Même si l'opéra, dans la musique, est le genre dans lequel se recrutent le plus volontiers ceux qui n'aiment pas la musique, on peut au moins leur accorder ce crédit de ne pas l'aimer avec beaucoup d'amour et de ferveur.

C'est un peu plus subtil, même si sans doute moins sympathique, finalement. Il s'agit plutôt du syndrome de l'entrée des artistes, si je ne m'abuse. Vous savez, ces gens qui ne ratent jamais une occasion de vous expliquer que ce qu'ils aiment pas-dessus tout, c'est d'entrer dans une cathédrale par la petite porte de côté (qui est d'ailleurs le plus souvent la seule ouverte, désormais (comme ça, tout le monde est content)) plutôt que par l'entrée principale. Ce qu'ils aiment, dans la vie, ce sont les exceptions, les défauts, les entrées latérales, les chemins de traverse, la maladresse, la fêlure, la fragilité, la faille, l'erreur, le compositeur que personne ne connaît, le peintre dont personne n'a jamais entendu parler, l'écrivain à compte d'auteur, l'émission de télé qui passe à trois heures du matin, et, parmi les grandes œuvres du grand compositeur que tout le monde connaît, l'œuvre mineure, celle que personne n'écoute jamais (sauf eux, qui l'écoutent toute la journée), celle qu'ils sont les seuls à aimer, parce que dans le corpus du compositeur, elle est tellement singulière, précisément, que du coup elle n'est presque pas "de lui". « Tu vois, moi, j'adore cette sonate parce qu'on dirait vraiment pas du Mozart… » est une phrase qu'ils adorent s'entendre prononcer. Ils trouvent les entrées principales assez vulgaires, on va dire. Les œuvres de Schumann qui ressemblent à du Schumann… Pffff… Quel intérêt, franchement ! Au chef-d'œuvre unanimement reconnu et admiré, ils préféreront toujours le petit pan de mur jaune qu'ils sont les seuls à voir. Ce sont des amoureux du détail qui tue, détail qui, juste avant de perpétrer son meurtre, signale l'amateur éclairé d'une céleste lumière, celle de la sainte Singularité.

Tannhaüser est un magnifique opéra, rien à dire à cela. Mais enfin, si Wagner n'avait composé que Tanhhaüser et Lohengrin, vous pensez vraiment qu'on en parlerait encore ? Tristan, c'est Wagner, ou Wagner, c'est Tristan, je ne sais pas. Si on ne connaît pas, si on n'aime pas Tristan, on ne peut pas dire qu'on connaît et qu'on aime Wagner, c'est impossible. Peut-on affirmer aimer Beethoven sans connaître l'opus 111 et la cinquième symphonie ? Peut-on parler sérieusement de Mozart sans connaître les Noces et ses dernières symphonies ? Peut-on se déclarer schubertien si l'on ignore le Quintette et les Lieder ?

Mais revenons à l'opéra, puisque c'était le commencement de la dispute. Encore une fois, aimer Tannhaüser, l'aimer à la folie, même, ne me dérange pas plus que ça. Chacun ses marottes. Mais enfin, quand on y pense, et pensons-y un peu, justement : Vivaldi, Monteverdi, Rameau, Mozart, Beethoven, Rossini, Gluck, Weber, Verdi, Puccini, Bellini, Strauss, Schoenberg, Berg, Moussorgski, Tchaïkovsky, Stravinsky, Debussy, Messiaen, et j'en laisse volontairement beaucoup de côté, ça fait tout de même beaucoup de chef-d'œuvres, dont beaucoup *** allègrement ce bon Tannhaüser. Il est vrai qu'il ne faut pas établir de hiérarchies si l'on ne veut pas finir au cachot, de nos jours, donc je m'arrête là, et je renonce à dire qu'un opéra, parmi ceux des compositeurs que je viens de citer ici, pourrait facilement *** Tannhaüser. Mais si l'on n'entend pas le dénivelé extraordinaire qui existe entre Tannhaüser et Tristan, ou entre Tannhaüser et le Ring, je crois qu'on démontre par là-même qu'on n'entend pas grand-chose et, dans ce cas-là, il vaut mieux retourner aux sources de l'opéra, dont certaines au moins sont plus faciles à écouter qu'un compositeur comme Richard Wagner. Peut-on véritablement entendre Wagner sans aimer Don Giovanni ou Fidelio ? Je n'en suis pas sûr.

Mais je vous ai gardé le meilleur pour la fin. « De Wagner vous devriez lire Das Judenthum in der Musik car on oublie souvent que Wagner à plus écrit de prose que de musique. » Là ce n'est plus Guilaine qui parle, c'est un certain Maxime Fellion. On sent immédiatement le mec malin, très fin, hyper au courant tu vois, qui, lui, sait ce qu'il y a à savoir du gars Wagner… Parce que bon, Tannhaüser ou Parsifal, à la limite, quoi, on s'en branle un peu, on va dire, tu vois. Non, c'qui compte, à mon humble avis tu vois, mais bon, c'est que Wagner était antisémite et qu'il a composé sa musique tout spécialement pour le IIIe Reich. Ça ça-fait-sens. D'ailleurs, quand on écoute France-Culture, le discours est exactement le même. Wagner ? Ah oui, l'antisémite, le musicien officiel des Nazis ! Tous ces gens se moquent éperduement de la musique qu'il a pu écrire, évidemment. D'ailleurs, cette musique, ils sont tout à fait incapables de l'entendre pour ce qu'elle est, alors ils sont très heureux de pouvoir haïr Wagner pour une bonne raison. Il ajoutent ainsi une surdité intellectuelle à une surdité auditive, et ces deux surdités conjuguées produisent une assomption morale dont ils ne cessent de se féliciter, encore étonnés que leur inculture crasse puisse ainsi donner d'aussi bons résultats sur le baromètre de la conformité sociale et "culturelle". À mon avis, il n'y a là rien d'étonnant, mais il ne faut pas les dégriser inutilement, sinon ils vous mordent.

Eh bien moi, de Wagner, puisqu'on est dans les écrits, je vous conseille sa correspondance avec Franz Liszt, qui est passionnante, et qui démontre s'il en était besoin que Richard Wagner était quelqu'un d'extrêmement intelligent, en plus d'être un des plus grands compositeurs qui aient jamais existé. C'est que, figurez-vous, pour être capable d'écrire la Tétralogie, ou Cosi fan tutte, ou la sonate Hammerklavier, il faut être intelligent (en plus d'être un génie).


mercredi 25 septembre 2013

Les opus 111 ne nous laisseront jamais tranquilles !






Les odeurs du jardin entrent par la fenêtre ouverte. Il ne fait que quinze degrés ce matin, mais on devine que le ciel va être très bleu. J’ai éteint la lumière, on y voit juste assez pour lire. Pas un souffle de vent, la vigne est immobile, quelques oiseaux. Souvent j’avais pensé qu’à cette heure de la journée tout devenait possible, en particulier rejoindre un corps absent, le rejoindre par la lumière qui se diffuse peu à peu sur un paysage, comme le regard sur un corps aimé. Cela je l’avais vraiment pensé. Il y a tant de choses que j’ai vraiment pensées. Comment se fait-il que ce soit précisément les autres qui arrivent ? Je suis là, dans mon fauteuil, devant mon bureau sur lequel des livres, des lettres, des photos, des encriers, des boites de toutes sortes, quelques journaux, une tasse de café et deux partitions de poche sont dans un grand désordre. Nous sommes en été, cet été a été précédé d’un printemps, le premier printemps du siècle, et je ne l’oublierai jamais ce printemps.

jeudi 19 septembre 2013

L'Annonce faite derrière la ma(i)rie


Il n'aura fallu que quelques heures, une douzaine, pour que notre statut personnel passe de "génial, intelligent, gentleman, vrai gentil, ange" (la modestie nous interdit d'allonger encore la liste), à celui de "salopard, connard, imposteur", etc. Souvent femme varie, certes, mais il en est de plus pressées que d'autres. 

Que s'est-il donc passé pour qu'en une courte nuit on tombe ainsi du ciel en enfer ? Oh, c'est très simple. On a dit immédiatement, et même écrit, c'est-à-dire qu'on ne s'en est nullement caché (et pourquoi donc aurait-on dû ?), qu'on avait passé la nuit avec une femme qu'on n'a jamais tu aimer depuis plus de dix ans. On l'a dit à une femme qui a mari et enfants, qu'on ne voit pas, qui mène sa vie à plusieurs centaines de kilomètres de nous sans qu'on n'ait jamais trouvé rien à y redire. 

On serait resté ange si l'on avait celé la nuit en question, on est devenu ordure en disant la simple vérité, qui n'avait aucune raison d'adopter ce statut un peu laborieux et un peu prétentieux de secret. Les femmes n'ont décidément pas tout à fait fini de nous surprendre, même s'il nous vient parfois quelque lassitude devant un comique de répétition un peu appuyé. 

Vite ! Scarlatti !

jeudi 25 juillet 2013

Avignon-désastre


Quatrième jour de Christine Angot, à la radio, en direct d'Avignon. Impressionnant de nullité. Rien. Il n'y a rien dans cette prose, absolument rien. Cette femme est sans doute la plus grande nullité qu'on ait connue depuis longtemps. 

Pascal Greggory lit sur scène. Bafouille abondamment. Ces acteurs ne travaillent même plus avant d'entrer en scène. Lire un livre sur scène est la nouvelle trouvaille des paresseux subventionnés. Aucun travail mais un gros chèque. Le bonheur. Et après, le restaurant avec les femmes qui mouillent leur culotte. 

Christine Angot, vous l'avez tous entendue lisant ses textes. On ne peut plus y échapper, c'est notre nouveau Molière, notre nouveau Balzac. Ses livres sont écrits comme elle parle, exactement. Certains trouvent que c'est ça qui est génial. Toujours le même souffle, Greggory. Ça tombe bien. Nul. Cette connasse d'Angot a lancé la mode de la connasse lisant ses propres textes avec une voix de connasse lisant ses propres textes. Les phrases de cinq syllabes. La voix qui monte vers la fin. Toujours la même mélodie. Cette fausse tension adolescente d'éjaculateur précoce. Moi. Moi, je vous parle avec ma voix de connasse lisant ses propres textes de connasse, moi, c'est de moi que je parle, de moi, moi, c'est moi, la connasse avec sa voix de connasse, vous me reconnaissez ? Christine Angot, c'est la fille qui veut désespérément qu'on la reconnaisse à la voix. C'est réussi. Ça marche. Christine. 

Rambert, Angot, et les autres, c'est ça Avignon, c'est ça la culture, c'est ça le texte (comme on disait), c'est ça l'écriture (comme on dit encore). La littérature. Je mets mon doigt, c'est gluant, un peu, étrange, oui, c'est de la littérature. Ah bon ? Oui, c'est ça, c'est juste ça, c'est seulement ça.

Sur Facebook, j'ai croisé une attachée de presse qui crie au génie dès qu'elle entend le nom d'Angot. Elle dit quelque chose comme : « J'ai lu L'Inceste cinquante fois, je le sais par cœur. » Angot c'est ça. Il faut le lire cinquante fois, peut-être, sûrement. Et alors on est illuminé de l'intérieur. La fille de madame Angot elle est convaincue, en tout cas. Elle prend le monde entier à témoin. Elle a vu, elle a touché, c'est un peu gluant, c'est étrange, c'est Angot. Angot… Quel nom !

Le rythme Angot. On lui a dit : « Tous les écrivains ont leur petite musique. » Ça l'a marqué cette phrase. Petite musique… Elle a deux mains, et cinq doigts à chaque main. Alors elle s'en sert. Ça fait : un, deux, trois, quatre, cinq, et je recommence. Petite fille à la marelle. Un, deux, trois, quatre, cinq. Paf ! A y est ! Angot n'a pas de musique. Mais alors aucune. Tiens, prenons un quatuor de Mozart, et enlevons toutes les notes. Reste le rythme. Un, deux, trois, quatre, un deux, trois, quatre, oui… Pas terrible Mozart ! Nul !

On imagine les spectateurs. Les cigales, les micros, le bruit de la rue, les platanes, les comédiens, et les spectateurs assis : C'est du Angot. C'est Avignon, c'est Angot, il fait chaud, j'y étais. Ouais, moi j'ai écouté à la radio. Je bouffais mes nouilles avec une bière. Tu y étais. Moi pas. La radio, durant cinq jours. Alors, Christine Angot, c'est quoi l'écriture ? Ben… L'écriture, en fait, c'est moi. Enfin, c'est rien, rien du tout, l'écriture, ça n'existe pas. C'est juste un peu gluant, étrange, mais c'est rien, rien, en fait c'est rien du tout. C'est juste une connasse qui lit ses textes avec une voix de connasse qui lit ses textes. 

Rideau. Chèque. Restau. Train. Degré zéro. Couché.

samedi 23 mars 2013

Quelques petits frémissements (X)


Emmanuel Todd sur le plateau de Ce soir ou jamais, hier :

« C'est vrai que, depuis 1995, on peut sentir quelques petits frémissements de problèmes… »


Il parle de "l'espace éducatif". Il est "sérieux".

Quand Finkielkraut, le dingue de service, ose exprimer quelques inquiétudes, faire quelques remarques qui ne vont pas dans le sens de la béatitude scientifique d'Emmanuel Todd, celui-ci prend son air de pape de la sociologie et lui cloue le bec en faisant remarquer la manière non-scientifique qui "procède par exemples pris soigneusement", contrairement à la méthode sérieuse de Todd et Le Bras qui consiste, bien entendu, à "prendre-les-chiffres". Et qu'est-ce qu'ils racontent, les-chiffres, quand ils sont pris par Emmanuel Todd ? Ils racontent que la France n'a jamais eu un niveau éducatif aussi élevé. Jamais. Les-chiffres pris par Todd et Le Bras sont en plein orgasme. Ça se voit, ça se sent, ça s'entend ! Todd fait jouir les-chiffres comme personne. 

Ce ne sont pas quelques petits frémissements, que les-chiffres d'Emmanuel Todd expriment, c'est un formidable orgasme tantrique, un tsunami béat, un incendie des sens. Todd et Le Bras ont rencontré des chiffres nymphomanes, c'est la sociologie dans le boudoir, c'est Emmanuel VII le retour. Ces gens-là devraient être interdits aux moins de dix-huit ans. Après Sylvia Bourdon, après Claudine Beccarie, après Just Jaeckin, après Alain Robbe-Grillet, Todd et Le Bras prennent à bras-le-corps le problème sexuel des Français. Emmanuel Todd est un pornographe dont le délire scientifique crève l'écran. Mais je reconnais que mon exemple est pris soigneusement et que je n'arrive pas encore à confondre un dément avec un homme sain d'esprit. Sans doute un déficit saisonnier en sociologie…


PS. Dans ce débat hallucinant, Chantal Delsol a passé son temps à bailler et à rire. Bailler et rire… J'aurais été à la place de Finkielkraut, je lui aurais envoyé un verre d'eau à la figure, à la Delsol ! Voir ces trois petits salopards s'amuser à ricaner et à pontifier devant les inquiétudes poignantes de Finkielkraut était presque insoutenable. Je suppose que beaucoup de ceux qui ont vu hier-soir cet aréopage obscène et presque crapuleux ont été choqués et révulsés par leur morgue inouïe, par leur splendide indifférence à ce que vivent quotidiennement de plus en plus de Français dans notre pays. Il y a des jours où j'en arrive à comprendre ceux dont les envies violentes de vengeance (oui, de vengeance) sont de moins en moins étouffées par le surmoi républicain. Qu'est-ce qu'ils sont patients, les Français ! Qu'est-ce qu'ils sont gentils, finalement ! 

mardi 1 mai 2012

La clé de l'amour


Je suis un animal heureux.

mercredi 18 avril 2012

Le Point Georges


La première fois que nous avons fait l'amour, ça s'est bien passé. Le deuxième fois, ça s'est bien passé aussi. La troisième fois, ça s'est très bien passé. La quatrième fois, rien à dire, c'était bien. La cinquième fois m'a semblé parfaite. La sixième était vraiment pas mal du tout. La septième s'est passée comme dans un rêve. C'est à partir de la huitième fois que j'ai commencé à me poser des questions. Rien n'était à sa place. Je n'arrivais pas à mettre la main dessus, et j'avais quelques raideurs. Le neuvième fois a été une véritable épreuve : comme il n'y avait pas de miroir dans la chambre, je ne pouvais pas vérifier, mais l'idée que j'étais elle et qu'elle était moi ne me quittait pas. Idée idiote, me direz-vous. Bien sûr, mais dans ces moments-là, nous n'avons pas le recul nécessaire pour nous traiter d'idiots lorsqu'on nous avons, par exemple, la sensation d'être pénétrés. J'aurais voulu trouver une position, une opération, me permettant de confirmer ou d'infirmer mes sensations, mais mon esprit semblait ne plus m'appartenir. J'entendis même ces mots : "Prends-moi !", alors que ma bouche se mettait en mouvement, de la manière exacte qu'elle aurait eu de le faire si d'aventure elle avait voulu prononcer cet ordre. Je la regardais, mais comme elle était tournée, je ne pus voir sa bouche. Évidemment, il se pourrait que j'aie doublé vocalement mon amante, ou mieux, il est possible que nous ayons été tellement proches que j'aie pensé à l'unisson d'elle, prononçant les mots qu'elle ne faisait que formuler intérieurement, que j'en aie devancé la matérialisation sonore. Plus je voulais m'abstraire du faire pour m'engager dans le penser, plus mon corps (je dis mon corps pour ne pas compliquer inutilement l'histoire) semblait s'imposer avec une force inouïe, et inouïe est bien le mot juste, puisque je ne lui connaissais pas cette musique, ni ces gestes, ni ces réactions, ni ces sensations.

Quoi qu'il en soit, que j'aie été elle, qu'elle ait été moi, que nous n'ayons fait qu'un, ou que tout cela n'ait été qu'une fantaisie de mon esprit, il arriva ce qui devait arriver : elle (il ?) éjacula. Rien de plus normal, diront certains, qui croient connaître ces choses. Sans doute. Mais l'éjaculat en question, là se trouvait le prodige ! Le flot, rapidement, inonda le sol de la chambre, et, le niveau montant à une vitesse invraisemblable, le lit se mit à flotter, une houle se forma, d'abord sous-marine seulement, indécise, puis furieuse et écumeuse. L'onde montait toujours, arrivant maintenant au sommet de la bibliothèque, qui perdait ses volumes, petits ou gros navires soudain livrés à eux-mêmes, jetés dans un élément qu'ils ne connaissaient pas, nous cognant les tempes, les genoux et les coudes, Aristote semblant nager mieux que Chateaubriand mais pour peu de temps car une lourde Bible lui assénait un coup fatal, avant de s'ouvrir comme un éventail flou et de couler à pic, elle aussi, sur l'ongle incarné du pied de ma dulcinée qui poussait un hurlement cocasse à cause du fluide translucide qui s'engouffrait dans ses bronches. Quand la marée atteignit le plafond, il y eut un court-circuit, à cause de l'ampoule qui était allumée, et nous nous retrouvâmes dans une obscurité si profonde que je me mis à douter de mon existence même.

Alors, un calme immense s'empara de moi, un rythme simple, binaire, régulier et apaisant vint à mes oreilles. Je sus alors de manière certaine que je n'étais pas encore né, et qu'il allait bientôt falloir affronter bien pire que ce que je venais de croire vivre. Je décidai alors de passer mon tour.

lundi 30 janvier 2012

De qui, alors ?


On connaît le tableau de Magritte ("Ceci n'est pas une pomme") sur lequel Max Ernst avait peint un oiseau, et qu'il avait renommé : "Ceci n'est pas un Magritte". (Il paraît que Magritte n'avait pas apprécié la plaisanterie.) Quand je fais écouter la musique que je compose, dans le registre de la musique acousmatique, je sais que ceux qui entendent ça ont envie de me dire : "Ce n'est pas de la musique." et je n'ai qu'une envie, c'est de les approuver haut et clair. Cependant, c'est impossible. Alors je me contente de leur dire : "Ce n'est pas de moi." Mais de qui est-ce, alors ? me demandent-ils. Les choses se compliquent

mercredi 25 janvier 2012

Contre les bucherons de la forest de Gastine


Photographie de Jean-Michel Paris


Quiconque aura premier la main embesongnée
A te couper, forest, d'une dure congnée,
Qu'il puisse s'enferrer de son propre baston,
Et sente en l'estomac la faim d'Erisichton,
Qui coupa de Cerés le Chesne venerable
Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,
Les bœufs et les moutons de sa mère esgorgea,
Puis pressé de la faim, soy-mesme se mangea :
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se devore après par les dents de la guerre.

Qu'il puisse pour vanger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme.

Que tousjours sans repos ne face en son cerveau
Que tramer pour-neant quelque dessein nouveau,
Porté d'impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse.

Escoute, Bucheron (arreste un peu le bras)
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas,
Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force
Des Nymphes qui vivoyent dessous la dure escorce ?
Sacrilege meurdrier, si on prend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de destresses
Merites-tu, meschant, pour tuer des Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le Cerf solitaire et les Chevreuls legers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere
Plus du Soleil d'Esté ne rompra la lumiere.

Plus l'amoureux Pasteur sur un tronq adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé,
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet : Echo sera sans voix :
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue :
Tu perdras ton silence, et haletans d'effroy
Ny Satyres ny Pans ne viendront plus chez toy.

Adieu vieille forest, le jouët de Zephyre,
Où premier j'accorday les langues de ma lyre,
Où premier j'entendi les fleches resonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur estonner :
Où premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jetta,
Et de son propre laict Euterpe m'allaita.

Adieu vieille forest, adieu testes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le desdain des passans alterez,
Qui bruslez en Esté des rayons etherez,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent vos meurtriers, et leur disent injures.

Adieu Chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnastes à repaistre,
Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sceu recognoistre
Les biens receus de vous, peuples vraiment grossiers,
De massacrer ainsi nos peres nourriciers.

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !
Ô Dieux, que véritable est la Philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme une autre vestira :
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cyme d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert.
La matiere demeure, et la forme se perd.

Pierre de Ronsard

jeudi 14 juillet 2011

Vie de chien


Pouffiane arrive sur ses jambes torves, soulève sa jupe, et urine devant les autres enfants. Ils se mettent à hurler, et à lui jeter des pelletées de sable et des cacahuètes. Elle leur tire la langue. La mère, assise sur un banc, à trois mètres de là, est plongée dans la lecture de Psychologie-Magazine. Elle lève le nez, jette un coup d'œil bref aux alentours, et reprend sa lecture comme si de rien n'était. Elle se cure le nez et décroise les jambes. Pascal Rambert, qui passe par là, un livre en main, trouve que la maman est assez bonne on va dire. Il fait la morale aux enfants qui continuent de crier en direction de Pouffiane, puis va s'asseoir sur le banc de la mère et allume une cigarette. Ça tombe mal, la maman psychologue vient de lâcher un pet épouvantable, très malodorant, et comme elle ne peut décemment accuser personne d'autre, elle se lève précipitamment et tire Pouffiane par la main, soudain très autoritaire. Le malheureux homme de théâtre, acteur, écrivain, directeur et metteur en scène, reste assis, dans les effluves fétides et la fumée de sa cigarette, son livre de Jean-Claude Passeron désormais bien inutile à côté de lui.

samedi 18 décembre 2010

Le Sexe


C’est, me semble-t-il, Jean Dutourd qui a le mieux décrit, et pour la première fois, l’intrusion de ce mot catastrophique. Il l’a fait en janvier 1968 dans un article publié — curieusement — dans le Fontionnaire national, édité il est vrai à Marseille. L’article s’intitule « Le Sexe »

« Il est inévitable sans doute qu'un vainqueur apporte dans ses bagages des mœurs nouvelles. C'est ce qui s'est produit en 1944 avec le débarquement des armées anglo-américaines en Normandie. Il y a eu à cette époque un grand tournant dans la vie sexuelle des Français. En quelques années elle a changé ; elle est devenue puritaine, c'est-à-dire hypocrite, exhibitionniste, dissolue et brutale. Les maisons ont été les premières à disparaître... » Sujet d'un récit ultérieur : « D'une façon concomitante, les substituts des maisons ont éclos... On est parvenu à créer en France une obsession sexuelle analogue à celle qui règne en Amérique depuis que le Nord a gagné la guerre de Sécession contre le Sud. L'hypocrisie en matière sexuelle consiste à exciter les désirs de toutes les façons possibles en supprimant comme immoraux les moyens à les apaiser. » Enfin le mot : « Autrefois on parlait de gauloiserie, de bagatelle, de gaillardise ou tout simplement de rigolade. Cela restait assez sain dans l'ensemble. Mais là aussi les puritains ont tout changé. On n'emploie plus ce vocabulaire. Il a été remplacé par le seul mot anglais, sexe, qui est dégoûtant — et tellement triste ! »

(In Histoires de la nuit parisienne. Louis Chevalier)


Il resterait à faire l'histoire du "sexe", en France et en Europe, tel qu'il s'est transformé, depuis les Américains, depuis la dernière guerre, c'est-à-dire depuis que de nouveaux peuples sont arrivés. Il me semble que cette histoire serait fort instructive.