C’est, me semble-t-il, Jean Dutourd qui a le mieux décrit, et pour la première fois, l’intrusion de ce mot catastrophique. Il l’a fait en janvier 1968 dans un article publié — curieusement — dans le Fontionnaire national, édité il est vrai à Marseille. L’article s’intitule « Le Sexe »« Il est inévitable sans doute qu'un vainqueur apporte dans ses bagages des mœurs nouvelles. C'est ce qui s'est produit en 1944 avec le débarquement des armées anglo-américaines en Normandie. Il y a eu à cette époque un grand tournant dans la vie sexuelle des Français. En quelques années elle a changé ; elle est devenue puritaine, c'est-à-dire hypocrite, exhibitionniste, dissolue et brutale. Les maisons ont été les premières à disparaître... » Sujet d'un récit ultérieur : « D'une façon concomitante, les substituts des maisons ont éclos... On est parvenu à créer en France une obsession sexuelle analogue à celle qui règne en Amérique depuis que le Nord a gagné la guerre de Sécession contre le Sud. L'hypocrisie en matière sexuelle consiste à exciter les désirs de toutes les façons possibles en supprimant comme immoraux les moyens à les apaiser. » Enfin le mot : « Autrefois on parlait de gauloiserie, de bagatelle, de gaillardise ou tout simplement de rigolade. Cela restait assez sain dans l'ensemble. Mais là aussi les puritains ont tout changé. On n'emploie plus ce vocabulaire. Il a été remplacé par le seul mot anglais, sexe, qui est dégoûtant — et tellement triste ! »
(In Histoires de la nuit parisienne. Louis Chevalier)
Il resterait à faire l'histoire du "sexe", en France et en Europe, tel qu'il s'est transformé, depuis les Américains, depuis la dernière guerre, c'est-à-dire depuis que de nouveaux peuples sont arrivés. Il me semble que cette histoire serait fort instructive.