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samedi 18 mars 2023

Sur la bonne voie (de la démocratie)



 « L'adepte, comme le partisan, fatigués sans 
doute de rechercher par eux-mêmes la vérité, 
s'en remettent à des instances qui les 
déchargent de ce fardeau. N'étant plus seuls 
devant l'inconnu, ils acquièrent à peu de frais
l'agréable conviction d'être sur la bonne voie. »


Le Moderne renonce assez facilement à beaucoup de choses, on s'en aperçoit en ce moment, mais il y a une chose à laquelle il ne renonce pas, c'est sa non-liberté, qu'il chérit hystériquement.


Certains noms, certains visages, certains personnages attirent les cons, c'est indéniable. Pierre Boulez fait partie de ceux-là. Il est l'un de ces remarquables papiers-tue-mouches sur lesquels on voit s'agglutiner des grappes de cons dès qu'il nous prend l'envie de le citer ou simplement de déposer une photographie qui atteste qu'il fut notre contemporain. C'est automatique. J'en ai encore fait l'expérience tout récemment sur Facebook. C'est un peu comme de laisser traîner de la viande ou du sucre sur la table de la cuisine en été, vous pouvez être certains qu'en quelques heures, et parfois moins, toutes sortes de bestioles vont rappliquer pour se régaler du festin qu'on semble leur offrir. Le côté systématique de la chose est à mon goût assez rébarbatif, mais pour les bestioles en question, il semble n'exister aucune lassitude, bien au contraire.

J'avais donc déposé une belle photographie sur laquelle on voyait le vieux Boulez en compagnie de Ricardo Muti. Même si c'est ici le chef d'orchestre, et non le compositeur, qui à l'évidence est figuré aux côtés de son confrère italien, les mouches à merde n'ont évidemment pas pu s'empêcher de venir déposer leurs petites crottes malodorantes. L'une disait : « Je plains Muti » et l'autre : « Lorsque l'on vient d'entendre un morceau de Boulez, le silence qui suit est enfin de la musique ^^ ! » On est tout de suite saisi par la finesse, la profondeur et l'auguste pertinence du propos. Mais l'important n'est pas tant ce qui est dit — l'important, c'est la réaction. Ce qui frappe surtout, c'est le côté inévitable, impérieux, automatique, de la réponse. On semble les avoir purgés, et on les voit courir aux toilettes pour soulager leur tripe impatiente et chauffée à blanc. Boulez leur est une sorte d'huile de ricin culturelle. Ces gens réagissent à des stimulus simples, en toute occasion, et ne savent faire que cela. C'est cette pathologie monomaniaque qui est exaspérante. Ils ont évidemment le droit de ne pas aimer la musique de  Boulez, il serait absurde de prétendre le contraire, mais quel besoin ont-ils de systématiquement nous faire part de ce dégoût qui semble les maintenir en vie, qui leur tient lieu de colonne vertébrale morale ? À quoi répond ce besoin ? La figure de Boulez est ici doublement éclairante, et je dis doublement, mais je pourrais dire triplement, ou quadruplement. En premier lieu, il y a la figure du compositeur-contemporain. Celle-là pourrait suffire à déclencher la furieuse vidange, car il est bien entendu admis, et plus qu'admis, indiscutable, que la musique contemporaine c'est n'importe quoi. (À ce titre, voici sur quoi je tombe ce matin, au détour d'un statut Facebook : « L’atonalisme rejette la loi harmonique ou loi de la consonance qui, d’une façon ou d’une autre, régit toutes les musiques du monde, sans exception. Il s’ensuit que la “musique” atonale est non seulement désagréable à entendre à cause de sa cacophonie, mais aussi qu’elle est dépourvue de sens, d’intelligibilité. Seule en effet la tonalité, la consonance, l’harmonie confèrent une cohérence à une combinaison de sons. Incapables de créer des émotions [ah ah ah ah !], les compositions atonales ne sont donc pas de la musique. En France, solidement barricadés dans leurs forteresses étatico-culturelles [cmqs], abondamment pourvus de subventions, les atonalistes obligent les musiciens des conservatoires à jouer des partitions qui ne trouveront jamais de public pour entretenir le mythe d’un courant musical qui n’existe pas [cmqs]. Ces révolutionnaires constituent seulement une élite de petits malins qui savent capter des fonds publics tout en méprisant un peuple qui ne les reconnaît pas mais reste obligé de les financer. »* Il suffit de lire cette phrase, très entre autres : « Seule en effet la tonalité, la consonance, l’harmonie confèrent une cohérence à une combinaison de sons » pour savoir à qui l'on a affaire. Je me demande comment il est possible de discuter avec des gens qui sont capables d'écrire tranquillement des choses aussi absurdes tout en étant persuadés d'énoncer des évidences.) Cela fait partie des idées reçues les plus solidement implantées dans le discours petit-bourgeois actuel. Et ce truisme est encore redoublé par un autre type de discours, un discours que, faute de mieux, j'appellerais le complexe du droitardé. Deux types de ressentiments se rejoignent ici. La petite-bourgeoisie considère que tout ce qui est (ou semble) d'un accès difficile, qui demande un certain degré de culture, ou plus simplement, peut-être, une éducation particulière — ou simplement du temps — attente au sacro-saint principe d'égalité qui prévaut en ses rangs. Tout, selon elle, doit être immédiatement accessible, sous peine de rétablir ici ou là l'ancien régime des privilèges et des discriminations qui lui sont intolérables. Tout doit être constamment à disposition de tous, en tout lieu, en tout temps. Le Peuple dicte la loi en matière de goût comme en matière de manières et de mœurs, et de langue. Ici aussi, c'est la démocratie qui doit régner seule. La culture est une sorte de supermarché : ils entrent, ils regardent, ils choisissent ce qui leur plaît, ils négligent le reste, et ils emportent leur bien, en le négociant au prix le plus juste (il est hors de question que cela coûte ! (à ce sujet, il faut d'ailleurs noter que les arts, désormais, doivent impérativement être gratuits (ce qui semble un peu normal, puisque les ressources des contemporains sont exclusivement dévolues à l'achat des smartphones (un SMIC, quand-même!)) : plus personne aujourd'hui ne supporterait de devoir payer (à tous les sens du terme) pour consommer de la musique, par exemple, tout le monde trouve parfaitement normal de se servir, et peu importe si les compositeurs ne survivent désormais qu'à coup de charité et/ou de prostitution, qu'elles soient privées ou étatiques)). L'industrie culturelle les a complètement façonnés selon ses principes et ses valeurs (c'est le cas de le dire). Quant au complexe du droitardé, qu'il est parfois difficile de distinguer du discours petit-bourgeois général, dans ses manifestations, il tend à imputer tout le mal, bien réel, qui nous accable aujourd'hui, à ce qui s'est passé en France à la fin des années 60. Or il est évident que ce qu'on nomme « musique contemporaine » est née dans ces années-là, ou, si ce n'est pas tout à fait exact, car il faudrait remonter plutôt au début du XXe siècle, c'est en tout cas à ce moment-là qu'elle a pris la tournure et la direction qui donnent des frissons d'horreur à nos anti-gogos. Pour le dire très vite et très mal, le post-sérialisme est bien né après la guerre, et ses grandes figures (Stockhausen, Boulez, Berio, Pousseur, Barraqué, Nono et Maderna, tous aujourd'hui disparus) sont devenues les commodes punching-balls qu'aime haïr le droitardé type, car il les associe plus ou moins aux figures de ce qu'il est convenu d'appeler désormais la french theorie (qui dans son esprit se confond plus ou moins avec ceux qu'il appelle les boomers), origine bien identifiée de tous les maux de la post-post-modernité (le boomer, comme le Pierre Boulez, est égoïste, il tire la couverture à soi, contrairement aux jeunes si évidemment désintéressés qui nous entourent, et qui, soit dit en passant, donnent le la d'une manière qu'on serait en droit de trouver légèrement dictatoriale). Il faudrait écrire la généalogie de cette passion qui consiste à trouver des boucs émissaires dans le passé — car, naturellement, nos contemporains, eux, n'ont que des qualités, au premier rang desquelles le courage, la clairvoyance et la pudeur — cela va de soi. Toutes les générations s'imaginent toujours qu'elles font mieux que celles qui les ont précédées (la mienne n'a pas fait exception, loin de là), mais ce travers est aujourd'hui grandement aggravé par la prime essentielle — et automatique — accordée à la jeunesse, ou peut-être faudrait-il dire au refus de l'héritage. Encore une fois, c'est le temps, qui est nié : ils savent parce qu'ils sont (ici et maintenant) — ça ne se discute pas ! Les siècles ne leur ont rien appris : c'est normal puisqu'ils ignorent qu'ils existent. 

Boulez, pour revenir à lui, incarne à merveille tout ce que notre époque doit absolument détester. Compositeur-contemporain et bourgeois (figure d'autorité), il avait en outre fréquenté les Deleuze, Derrida, Foucault, Barthes, de sinistre mémoire, aimé la poésie de René Char et la peinture de Paul Klee ; et en plus il n'est pas sympa : le pauvre cumule décidément toutes les tares, et tout semble s'ordonner pour en faire une cible parfaite. Pas étonnant qu'il serve d'exutoire et d'abcès de fixation. Toutes les toxines que redoute notre temps semblent lui avoir été injectées à haute dose et déforment atrocement son effigie patibulaire : c'est sans doute ce qui me le rend si sympathique. Boulez est une plaie purulente et un fantôme grimaçant, pour mes contemporains. Pour un peu je l'embrasserais à travers les siècles et la terre. C'est un vieux dossier toujours remis sur le métier. Déjà quand j'avais dix-huit ans, je le défendais contre mes amis jazzmen. À l'époque, c'était la Gauche, qui le haïssait ; aujourd'hui, la Gauche qui a perdu la mémoire l'ignore et la Droite qui ne le connaît pas le déteste, ce qui lui fournit une place de choix : c'est lorsque les hommes sont unanimement détestés qu'on a le plus envie de les aimer. Il a rejoint les Céline, les Godard, les Soulage, les Rebatet, les Picasso, les Joyce, les Morand, les Mondrian, ce qui peut faire penser à ce fameux dîner donné le 18 mai 1922 à l'hôtel Majestic à l'occasion de la création de Renard, dîner auquel participaient Stravinsky et Diaghilev, Proust, Joyce et Picasso, Proust interrogeant Stravinsky sur Beethoven, et celui-ci lui répondant qu'il n'aimait pas Beethoven. (« Je déteste Beethoven ! — Mais tout de même, Cher Maître, et les derniers quatuors ? — Aussi mauvais que tout le reste ! ») Et Proust d'interroger son voisin de table, un Joyce complètement saoul, à propos des grands du monde parisien, ceux qu'aujourd'hui on appellerait des “personnalités”, quand tout ce qui intéressait Joyce était de savoir si Proust avait lu son Ulysses, ce qui bien sûr n'était pas le cas… Les organisateurs de ce dîner étaient des collectionneurs d'art contemporain (les cons !), passionnés de musique et férus de littérature, Violet et Sydney Schiff, un couple d'Anglais. On n'avait pas peur du modernisme, en ce temps-là, et surtout, la petite-bourgeoisie n'avait pas encore pris le pouvoir, étendant son règne sur toute la société et imposant ses goûts, sa morale et son ressentiment maladif.

Pour être juste, il faut dire que, bien sûr, l'art contemporain de l'époque n'était pas celui de notre XXIe siècle. L'expression a pris de nos jours un tour débile et obscène qui la prive de toute véritable pertinence, ce qui permet aux imbéciles de la brandir à tout propos comme un crucifix trempé dans le fiel de la caricature. Bien sûr que l'art-contemporain officiel, celui qui mérite un trait d'union et qui est largement subventionné (les subventions, ça va et ça vient), affiché partout et très prisé de nos “élites” incultes et de leurs amis les investisseurs, mérite largement d'être ridiculisé et rendu à sa qualité première d'art pompier, mais c'est l'arbre qui cache la forêt, et qui sert de poupée à épingles commode à tous ceux, et ils sont légion, comme toujours, qui, tout simplement, n'aiment pas l'art. À ceux-là, ce ne sont pas des œuvres (avec tout l'impondérable et l'indécidable qu'elles charrient nécessairement) qu'il faut, ce sont des idées, des réponses et des vérités bien nettes et bien pures — et ce qu'ils reprochent à leurs adversaires, ils le pratiquent volontiers eux-mêmes sans s'en aviser. Ils ne connaissent pas l'incertitude et la singularité, la nuance et le doute, car ils ne sortent qu'en meutes et munis d'avis autorisés ; ils se tiennent chaud les uns les autres, et ce qu'ils prennent pour leur goût n'est, comme toujours, que l'état culturel dans lequel ils ont paresseusement et inconsciemment élu domicile : l'aliénation la plus pesante prend le masque du naturel, toujours. Non, ce que ces gens-là ne supportent pas, c'est qu'il faut à chaque fois, devant telle ou telle œuvre, se poser la question de sa validité, sans être assuré de rien. Il ne suffit pas de lire le nom de l'artiste, pour connaître la valeur de son œuvre, et ça, c'est insupportable. Ils veulent et ils exigent qu'existent des catalogues bien nets et bien définitifs qui dressent des listes de vrais et de faux artistes, et que surtout aucun rapport ne soit établi, aucune interaction entre les deux familles, aucune ambiguité. Ils sont des enfants de la génération Que Choisir. Ils s'en remettent aux experts, experts qui ont aligné les points positifs et les points négatifs : tout cela doit être quantifiable, et scientifiquement prouvé, une fois pour toutes. Tant pis si c'est l'industrie et le commerce qui ont décidé des critères. Duchamp ? Charlatan. Willem de Kooning ? Branleur. Mallarmé ? Ah, il s'est bien foutu de nous, celui-là ! Ça ne prend plus, mon bon monsieur. L'ennui et la complication, c'est que, parfois, la frontière passe par un seul et même artiste. Picasso, Schönberg, par exemple : au début, ça va, mais après, de la fumisterie, bien sûr ! Stravinsky ? L'Oiseau de feu, ça va, Petrouchka, à la rigueur, mais les pièces dodécaphoniques de la fin, quel naufrage ! Il était gâteux ? Montagnier et Stravinsky, même combat. Au moins, avec Boulez ou Stockhausen, pas de quartiers, tout est à jeter. Tapiès, idem. D'ailleurs, une preuve que ces gens-là se foutent de nous, c'est la non-conversation entre Proust et Joyce au Majestic. Tout ce qu'il voulait savoir, l'Irlandais, c'est si Proust avait lu son gros machin illisible. Proust ne lui pas envoyé dire : « Non. » Point-barre. Non mais oh ! Ça va cinq minutes, les conneries, oui ? Vous voyez bien, hein, même Proust, si snob, pourtant… Snob : le mot est lâché. Tout ça c'est du snobisme, comme le laisse entendre Thierry Decruzy. Les adorateurs de Jean Barraqué et de Rothko, ils croient se distinguer de la masse. Et se distinguer, c'est mal. On est tous pareils, non ? Demandez à un jeune, ce qu'il écoute spontanément. Ce ne sera pas Wozzeck, je vous garantis, mais Grand Corps Malade ou Daft Punk, le genre qu'on entend désormais sur les Champs Élysées le 14 juillet. J'écoutais Karol Beffa, l'autre jour, à la radio, eh bien il expliquait que la musique contemporaine s'était coupée de la pulsation et de la vitesse, erreur fondamentale que lui, bien sûr, ne commettait pas (trop intelligent !). Se couper de est un grave péché, qu'on se le dise ! Il ne faut jamais se couper de l'autre. On commence par se couper de la pulsation, et on finit par les heures les plus sombres. Le dérapage est automatique. D'ailleurs, il écoute attentivement les musiques actuelles ! Pour se tenir au plus près de la vie et de l'inclusion, en somme. Karol Beffa, voilà un compositeur qui a tout compris ! C'est l'exception qui confirme la triste règle. Quand les autres, les Nono, les Pousseur, les Dusapin, les Gérard Grisey, les Philippe Hersant, les Péter Eötvös, les Thomas Adès, les Magnus Lindberg, n'en finissent plus de se couper avec arrogance de leurs-publics, ces fameux publics qu'il s'agit de draguer, bon, séduire, d'accord, parce qu'il est impératif que la masse aime la création contemporaine vivante. VIVANTE ! On n'attrape pas les mouches avec du Marc-André Dalbavie ou du Jean-Louis Agobet, c'est moi qui vous le dis. 

Comme je l'écrivais dans un texte plus ancien, on aime aussi Boulez pour le plaisir de déplaire, de résister au courant, au sympa, à l'inclusif, mais il reste qu'on est tout de même surpris, à chaque fois, par la facilité avec laquelle ça fonctionne. Et ça marche dans les deux sens : si je déplais en prenant son parti, ceux qui viennent le dénigrer bêtement me déplaisent souverainement. Depuis quelques semaines, nous sommes servis. Il y a eu la mort de Godard, puis celle de Soulage (et puis, ô merveille !, la toile de Mondrian qui était accrochée à l'envers depuis toutes ces années (ils en ont fait dans leur culotte de plaisir…)), qui ont, chaque événement à sa manière, déchaîné les passions et le ressentiment de ceux qui tiennent fort à démontrer qu'ils ne sont pas, eux, des gogos. Ils ne se laissent pas avoir, eux, ils savent qu'on se moque d'eux, et ils ont pitié de nous qui prenons au sérieux les élucubrations d'un Char, les traits colorés d'un Mondrian ou les gribouillis d'un Twombly. Et ils savent aussi que leur petit neveu de cinq ans ferait aussi bien, sinon mieux, que ces compositeurs, peintres, poètes, ou écrivains que des crétins sans discernement comme moi portent aux nues. C'est une affaire entendue, l'effondrement de la civilisation a commencé avec les Variations opus 27 de Webern et les éjaculations autistes de Pollock. La haine du snobisme est une des choses les plus bêtes que je connaisse, même s'il existe bien sûr un snobisme idiot et caricatural. 

Le crétin de droite n'a que faire de la musique de Pierre Boulez (je dirais volontiers de la musique tout court, si j'avais l'inconscience d'être tout à fait sincère), il n'en a qu'après les subventions que ce dernier a évidemment extorquées à l'État (donc à nous-mêmes, nous-mêmes qui sommes si désireux de diversité et d'égalité culturelle, et qui refusons bien entendu toute subvention) en bon despote avide et égoïste qu'il était. Le crétin de droite n'en a qu'après la méchanceté idéologique et les mauvaises manières démocratiques d'un Pierre Boulez. C'est ça qui excite sa hargne. Qu'il n'aime pas sa musique est un détail qu'il passerait facilement sous silence, si Pierre Boulez n'avait pas la tronche sociale de Pierre Boulez, j'en suis convaincu. Ah, la tronche-sociale, ça ne pardonne pas, de nos jours. On a souvent parlé de son mépris, par exemple… Alors que si l'on parle avec tous ceux qui l'ont côtoyé, le discours est radicalement autre : il n'y avait pas plus généreux, attentif, et finalement doux, que lui. Il a beaucoup donné de sa personne, tout au long de sa carrière, tout en restant très exigeant — ce qui est loin d'être facile, quand on a les responsabilités qu'il a exercées. Mais peu importe. Tout ce qui pourra être porté à son crédit est nul et non avenu, l'affaire est entendue. Les goûts qu'on s'imagine, ici comme ailleurs, ont pris toute la place.  

Pierre-Boulez, c'est un signe (un anti-signe), c'est un chiffon-rouge, c'est un totem (un anti-totem), c'est une cible. Il y en a d'autres, me direz-vous. C'est vrai, il y en a d'autres. Je parle de lui parce que j'éprouve de la tendresse et de la gratitude envers lui, et aussi parce que je suis un peu masochiste. Quitte à être moi aussi un partisan, je préfère l'être de ceux qui n'en ont pas beaucoup.


(*) Thierry Decruzy, "Démondialiser la musique. Une réponse au naufrage musical européen", La Nouvelle Librairie/Iliade, 2022, p.26-27

vendredi 20 mai 2022

Écrire un livre accrocheur

Bonjour Marcel, 

Et si on décidait d'écrire votre histoire ensemble ? Qui n'a jamais rêvé d'être capable d'écrire une histoire qui captive son auditoire, qui tient tous ses lecteurs en haleine, qui bouleverse, dérange, obsede son lecteur ?

Vous pensez que c'est l'apanage des seuls auteurs de talents ? 

Je me fais fort de vous démontrer le contraire ! Tout le monde a la capacité de concevoir et d'écrire une histoire d'exception. C'est une simple question de techniques, d'outils, et d'entrainement. 

Je vous invite à un défi de trois jours, pendant lesquels je vais vous dévoiler mes techniques secrètes pour créer des histoires exceptionnelles. Ces techniques qui sont utilisées par les scénaristes d'Hollywood, mais également celles qui sont directement tirées des neurosciences, de la psychologie cognitive des histoires. 

Trois jours pendant lesquels nous allons travailler ensemble à votre histoire, vous faire progresser, vous faire littéralement passer à un autre niveau dans votre chemin d'auteur. 

Rendez-vous Mardi 24, mercredi 25 et jeudi 27 mai 2022 à 14h (heure de Paris). Oui, c'est bien la semaine prochaine, vous avez bien calculé... 

Réservez vite votre place, parce qu'elles sont en nombre limité, en CLIQUANT ICI

Attention, les places en direct sont limitées, et ce mail a été envoyé à plusieurs dizaines de milliers de personnes ! Je vous encourage vivement à sécuriser votre place en vous inscrivant immédiatement !

Seules les personnes inscrites auront accès aux rediffusions, alors inscrivez-vous vite en CLIQUANT ICI

Que vous en soyez encore à vous dire "un jour, j'écrirai mon livre, c'est sûr!", ou à chercher à maximiser les ventes de votre huitième opus, j'ai décidé de vous donner tout ce que je peux pour vous aider à avancer. 

Alors, Marcel, on se retrouve mardi prochain ? Vous l'écrirez, votre À la Recherche du Temps perdu, ne perdez pas espoir !

vendredi 24 juin 2016

Pour en finir avec la Fête de la musique



Allez signer la pétition contre la Fête de la musique !


Pour en finir avec la Fête de la Musique

La Fête de la musique, le 21 juin de chaque année, est sans aucun doute l'une des nuisances les plus graves que les Français (et les Européens) ont à supporter depuis trente-quatre ans. La musique a besoin de silence, elle n'a pas besoin de fête, et surtout pas de cette "fête" sale, bruyante et laide, qui à elle seule illustre parfaitement la prolétarisation et l'orwellisation effrénées de notre société. Que ce beau mot de "musique" ait changé de sens à ce point et qu'en son nom soit commis chaque année cet attentat contre la tranquillité, le silence, la quiétude, et l'urbanité, montre assez dans quel état d'hébétude et d'imbécillité est tombé le peuple de France, qui tambourine quand on lui dit de tambouriner, qui s'agite quand on lui demande de s'agiter, qui agresse sans vergogne ceux qui ne sont pas assez veules et soumis pour marcher à la baguette. Quelle humiliation, cette atroce journée des incivilités encouragées et du débraillé subventionné qui porte le nom du plus noble de tous les arts, quelle démonstration du mépris de notre civilisation et du sens que de faire d'une apothéose du bruit une "fête de la musique" ! 
Nous demandons à ce que soit mis fin au plus tôt à ce que Philippe Muray a si bien décrit dans ses ouvrages, le festivisme débile, encouragé par une classe politique qui veut avant tout avilir et ridiculiser ceux à qui elle devrait au contraire proposer la beauté et la culture. Si la chose pouvait à la rigueur se concevoir en 1981, ce dont pour notre part nous doutons fort, il est parfaitement clair qu'aujourd'hui cette manifestation a perdu le peu de sens qu'elle pouvait avoir à l'époque. C'est le contraire dont nous avons besoin. Nous avons besoin de calme, de sérénité, de silence, ce silence qui est désormais tellement rare qu'il est devenu l'un des biens les plus précieux de l'humanité, au même titre mais plus encore que la nuit qui elle aussi a pratiquement disparu. Nous demandons donc qu'à la place de la "fête de la musique" soit instituée en France une journée du Silence, journée durant laquelle le bruit ambiant devra être divisé au moins par deux, journée durant laquelle il sera loisible à chacun de constater que beaucoup de maux (sociaux, par exemple) sont exacerbés par le bruit, que le bruit est une des pollutions les plus graves et les plus insidieuses qui soient, et sans aucun doute une de plus sous-estimées. Le bruit rend fou, littéralement fou.
La musique, c'est comme la tolérance, il y a des maisons pour cela. Le 21 juin, célébrons l'étant plutôt que l'été. Un gouvernement courageux et responsable s'honorerait de prendre une mesure de salubrité publique qui soulagerait énormément de Français, et d'abord parmi les plus faibles.

dimanche 12 juin 2016

Noir Caca



— Comment, vous ne parlez pas de Noir Caca, Georges ?

— Ah non, excusez-moi, j'étais occupé ailleurs.

— Vous n'allez pas vous en tirer comme ça. On dit que c'est l'événement du siècle.

— Ah ? De quel siècle parlez-vous ?

— Mais du siècle de Laurent Ruquier, enfin !

— Ah oui, pardon, j'avais oublié.

— Dites-donc, vous êtes très distrait !

— Dis-donc, Trou-du-cul, tu sais à qui tu parles ?

— Oui, à un obscur blogueur réactionnaire et atrabilaire qui croit au Père Noël et à la Résurrection des corps.

— Vous êtes bien renseigné !

— Nous travaillons nos dossiers.

— Le pont de l'Alma, c'est bien par là ?

— On vous voit venir avec vos gros sabots…

— Non, je vous demande ça, parce que j'ai entendu un très beau Lied à la radio, tout à l'heure et…

— Oui, mais Noir Caca ?

— Ah oui, c'est vrai. En même temps, je ne suis pas sûr que Pierre Bourdieu…

— Commencez pas avec vos digressions !

— Bon bon bon. Alors, je vais vous dire… Noir Caca, c'est tout à fait merveilleux.

— Comment ça, "merveilleux" ? Vous faites dans le paradoxe ?

— Pas du tout. Noir Caca, c'est le merveilleux de l'époque, c'est le conte de fées chez les ploucs. T'as des poilus en décomposition ? T'en fais de l'art de rue. C'est même pas méchant, ni transgressif, ni blasphématoire, c'est seulement la crotte du petit sur la commode Louis XV de la belle-mère. C'est juste qu'on l'a posée là en attendant de faire autre chose et qu'on l'a oubliée dans son sac plastique. Ça pue, mais c'est naturel. La Grande Guerre, excusez-moi, mais pour nos contemporains, elle n'a tout simplement pas existé, puisque n'existe que ce qui s'est passé hier matin, à la rigueur la semaine dernière. Tu leur parlerais par exemple de 1913 aux Théâtre des Champs-Élysées, ou d'un match de tennis sur une musique de Claude Debussy, ou même de la Commune, tiens, ils te regarderaient avec une stupeur non feinte. Noir Caca est parfaitement adapté à la politique de François Hollande. Il a raison, François Hollande, il a du nez. Verdun, c'est de la salade bio ?

— Oui, enfin, n'exagérez pas, tout de même, il ne s'agissait que de sensibiliser les jeunes à la bêtise de la guerre et à la réconciliation franco-allemande ! 

— Mais arrêtez un peu vos sornettes ! Vous croyez donc vraiment qu'il y aurait besoin de "sensibiliser les jeunes à la bêtise de la guerre" ? Non mais vous vous entendez parler ? À quoi a-t-on réussi à les "sensibiliser", les jeunes, pour rependre votre misérable vocabulaire de propagandiste à la retraite, sinon à l'imbécilité de la guerre, à l'inutilité de la guerre, à l'ignoble stupidité de la guerre, à la monstruosité de la guerre ? Quant à la réconciliation, qu'elle soit franco-allemande ou tout ce que vous voulez, c'est encore pire. Mais vos jeunes, là, vos satanés jeunes, ils ne veulent que ça, être réconciliés, avec eux-mêmes, avec le genre humain, avec les animaux, avec les plantes, et même avec les minéraux, ils ne veulent être l'ennemi de personne, ils ne veulent être haïs par personne, ils ne comprennent même plus ce que c'est qu'un ennemi ! Et puis de toute manière, quelle différence entre un Allemand et un Français, hein ? Ils aiment tous les deux le foot, ils ont de grosses bagnoles tous les deux, ils écoutent la même musique, ils sont aussi cons l'un que l'autre, aussi trouillard l'un que l'autre, aussi aveugle et sourd l'un que l'autre, ils ont aussi mauvais goût l'un que l'autre, ils sont aussi déculturés l'un que l'autre, ils parlent le même genre de langue et ils mangent la même chose. Et vous voudriez qu'ils se fassent la guerre ? La guerre, de toute façon, plus personne ne sait de quoi il s'agit. Vous en connaissez, vous, des jeunes qui lisent de récits de guerre ? Évidemment, je parle des Kevin, pas des Mouloud — je dis ça parce que je sais ce que vous allez me rétorquer ! "Ennemi" et "guerre" sont des mots dont ils ne comprennent pas le sens, sauf dans un jeu vidéo ou dans le sport, cet ersatz pourri de batailles militaires. Vous connaissez les films de Michael Haneke ? Voilà où est passée la violence. Elle s'est retournée contre soi-même, comme toujours, quand elle ne trouve pas à s'employer utilement. Quand le monde devient un immense terrain de jeu pour enfants, la violence immémoriale des humains se retourne contre la société dont ils sont issus, contre la famille dont ils sont issus, contre les voisins, contre les proches, contre eux-mêmes. Pas d'ennemi, cela signifie que chacun est l'ennemi de chacun. Avant on allait se faire trancher la gorge à l'autre bout du monde ; maintenant, on trouve ça au coin de la rue. C'est ça le mondialisme. 

— Nous nous éloignons un peu du sujet, Georges !

— Pas du tout. L'ennemi, c'est le fondement de ma philosophie.

— Oui, peut-être, mais moi je vous parlais de Noir Caca et de Verdun.

— Ça vous intéresse vraiment ?

— Je suis là pour ça.

— Vous m'emmerdez, j'ai d'autres chats à fouetter.

— Oui, on sait, vos petits machins qui n'intéressent personne.

— Qu'ils n'intéressent personne fait qu'ils me passionnent.

— Ça, on s'en serait douté…

— Écoutez, mon petit monsieur, si je ne m'intéresse pas à mes petits machins, qui s'y intéressera ? Vous venez me faire suer avec vos histoires de Grande Guerre et de merdeux qui dansent sur des tombes, que voulez-vous que je vous dise, que ça me passionne ? Adressez-vous à Philippe Muray, si vous voulez savoir qu'en penser.

— Il est mort.

— M'étonne pas de lui ! Eh bien moi je suis encore vivant et je vais encore vous emmerder pendant un petit moment. 

mercredi 29 juillet 2015

Poubelle du monde


Dans mon village, près de l'endroit où j'habite, se trouve un "local à poubelles" comme il s'en trouve des centaines de milliers en France, une sorte d'enclos de pierre à l'intérieur duquel ont été déposés quatre "conteneurs". Les poubelles sont ramassées trois fois par semaine, donc pratiquement tous les deux jours, et, trois fois par semaine, je fais le même constat. Les deux conteneurs qui se trouvent près de l'entrée du local sont très rapidement pleins, et les deux poubelles qui se trouvent au fond sont vides. Une fois que les deux poubelles qui sont pleines débordent, on met ses détritus à même le sol, devant l'entrée du local, ce qui fait ressembler l'endroit à ces images qu'on voit à la télévision ou au cinéma des pires endroits du monde, là où les gens se nourrissent en allant fouiller dans ces tas d'immondices. Les deux poubelles "du fond" se trouvent à quelques centimètres des deux autres. Il suffit de deux pas de plus pour y avoir accès. Mais non, c'est encore trop fatigant, il est tellement plus simple de balancer ses ordures par-dessus le mur de l'enclos ou de les déposer devant la porte ! 

Si les quatre conteneurs étaient utilisés, les poubelles ne déborderaient pas, l'endroit serait relativement propre, mais cela obligerait les utilisateurs à faire quatre pas de plus, trois fois par semaine, ce qui, on en conviendra, est beaucoup demander aux Français du XXIe siècle. Il vaut beaucoup mieux vivre dans la crasse et imposer cette révoltante image de taudis à tout le monde, c'est beaucoup plus simple, amusant, et en accord avec les mœurs du temps, tout le monde le comprend. 

mardi 31 mars 2015

lundi 1 décembre 2014

L'autre dans sa différence…


Sur Facebook, une amie musicienne dépose un "statut" ainsi rédigé : « l'autre dans sa différence : une richesse…. » Je lui demande s'il s'agit de second degré. Elle ne répond pas, mais ses "commentateurs" se chargent de le faire à sa place : 

"Tellement le fondement du vivant !" [TREMOLOL]

Comment peut-on écrire sérieusement ce genre de choses, sans être immédiatement pris d'un fou-rire à en claquer ? Grand mystère ! Comme dirait Fabrice Lucchini : « J'aimerais tellement être de gauche ! » mais quel boulot !

samedi 27 septembre 2014

Prophylaxie


La vie c'est quand-même bath. Si si, je trouve ça vachement bath. Par exemple, sur Facebook, je me suis trouvé une nana, mais alors je te dis pas… Je l'appellerai Mylène pour pas tout révéler d'un coup. Mylène elle est pas croyable. C'est une guerrière, la Mylène, une combattante de choc, genre les SAS, tu vois. Tellement bête que c'en est un chef-d'œuvre, une sorte de Chapelle Sixtine de la bêtise. Mais elle ne se contente pas d'être très bête, car ce serait assez banal, évidemment. Non, Mylène elle veut du grandiose, et elle y atteint, d'une certaine manière bien à elle. Presque à chaque phrase prononcée par la vestale on est estomaqué, cloué au sol, ou propulsé dans le cosmos, et souvent tout ça à la fois. Elle les débite au kilomètre, c'est pas imaginable. Une vraie machine-outil à connerie, genre l'excavatrice qui perce sous la Manche, tu vois, mais à l'envers : elle, Mylène, elle t'envoie dix tonnes de bêtise à la minute dans les mirettes, comme ça, sans même y faire attention. Une fille très généreuse. Chaque matin, évidemment, je vérifie qu'elle est bien là. J'ai bien conscience de la chance qui est la mienne. Je ne suis pas un ingrat. Je remercie le Ciel. Qu'il fasse beau ou dégueulasse, moi j'ai ma Mylène de Facebook, pour me remonter le moral et évacuer le mauvais cholestérol. Ma Mylène c'est mon médicament. Vous voudriez des exemples, hein ? Vous voudriez que j'apporte des preuves de ce que je dis là, que je vous les mette sous le nez, comme du crottin encore chaud ? Comptez pas sur moi. Chacun sa Mylène, moi c'est ce que je dis toujours. J'en ai une, je ne la partage pas. Je vous connais, vous seriez bien foutus de me la piquer. Vous avez qu'à vous en trouver une. D'accord, pour dénicher un oiseau de ce calibre, à mon avis, vous pouvez toujours vous brosser, mais c'est chacun sa merde, hein ! Je suis pas communiste, moi. Je n'ai plus assez d'argent pour m'acheter des remèdes à la pharmacie, alors je les trouve sur Facebook. Faut se bouger le cul, mon pote, si tu veux pas crever la gueule ouverte. Tu veux avoir le cancer ? Pas moi. Trouve-toi ta Mylène, mon gros, c'est un conseil d'ami. Prophylaxe au max, c'est tout ce que je peux te dire ! Le vélo d'appartement c'est bien mais Mylène c'est mieux. Moi je bois deux litres d'eau, je mange mes trois fruits et légumes, j'ai arrêté la clope, je mâche lentement, et dix fois par jour je m'enfile du Mylène par les mirettes. Bon, parfois un petit Lexo aussi, je dis pas, mais beaucoup moins qu'avant ! J'ai même arrêté la sophro et le Taï-Chi, t'as qu'à voir ! Du coup, j'ai plus de temps pour lire Mylène, et la boucle est bouclée, si tu vois ce que je veux dire, ça fait boule de neige et tout le bénèf est pour mésigue. Ajusté au poil, que je suis, depuis ma découverte. Alors ben du coup la Mylène je la bichonne, forcément. Je lui mets des likes à tour de bras, une douzaine au moins par jour. J'ai calculé que c'est le nombre idéal. Trop c'est louche, et pas assez c'est pas assez. On est devenus super potos facebook, évidemment. Elle a bien vu que je la soignais. Bon, j'en rajoute pas, non plus, faut savoir rester discret et tout, mais elle sait qu'elle peut compter sur moi, c'est ça qui compte, au final. Je dirais que c'est de l'entraide écolo. Et puis nous au moins on réchauffe pas la planète, j'ai envie de dire. 

Je crois que son secret, à condition qu'il y en ait un, c'est l'absence totale de surmoi. Le clapet anti-refoulant, on lui a pas mis, à la naissance. Du coup ça sort comme d'un tuyau d'arrosage, en mode full open, avec les morceaux et toute la purée. T'en attrapes des bouts ou pas, c'est ton problème, mais Mylène elle dégorge à fond, sans réticence. Tu vois Jeff Koons ? Ça ressemble un peu à ça, mais avec plus de force. Elle veut laisser des traces, c'est sûr. En un sens, elle en laissera, ça j'en mets ma main au feu. Un peu comme les traces de pneus, sur l'autoroute, tu vois… Tu roules à cent-quarante et puis dans un virage tu vois les traces de freinage et les débris de pneus… Ça te fait tout drôle. Tu te dis, sans trop t'arrêter sur l'idée : j'aurais pu, moi aussi, foncer dans le décor… Et tu te sens tout chose, et tu frissonnes un petit coup. Mais tu remets la musique à fond, et t'accèlères pendant que Nicole elle ronfle, les pieds sur la boîte-à-gants. Et tu te sens vivant. Et tu bandes un peu, comme ça, l'air de rien dans ton futal Hugo Boss. Mais juste après tu penses aux radars et tu te sens encore plus vivant… Mylène, c'est encore mieux, et ça ne coûte pas de points sur le permis. 

mardi 9 septembre 2014

Les plus humbles


« Je suis au service des plus humbles. »

Moi aussi !


mardi 1 juillet 2014

I'm a Barbie Boy


Magnifique, n'est-ce pas ? C'est la Barbie en chimio

En ce moment-même, nos ateliers sont en train de mettre la dernière main à la Barbie après une tournante, la Barbie en tchador, la Barbie maîtresse de président de la République, la Barbie à barbe, la Barbie qui blasphème, la Barbie en video-tchat, la Barbie aux cadenas, la Barbie anorexique, la Barbie trans, la Barbie sur Facebook, la Barbie fin de manif, la Barbie antifa, la Barbie qui casse la gueule à son prof, la Barbie qui pète un câble, la Barbie j'encule-ma-sœur, la Barbie qui ne se lave jamais, la Barbie pèteuse, la Barbie actrice de X. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés là : notre département R&D est en train de mettre au point notre joyau : la Barbie qui détruit toutes les autres poupées. Oui, vous avez bien lu. Une fois cette Barbie dans la chambre de votre fille (ou de votre fils), celle-ci, par un procédé hautement sophistiqué que nous ne pouvons pas encore révéler, va se mettre sans tarder à détruire tout ce qui ressemblera de près ou de loin à une poupée, dans un périmètre (réglable) de cinq mètres environ. Elle les mettra consciencieusement en pièce, leur arrachant les yeux, déchirant leurs vêtements, les aspergera ensuite d'urine sentant l'ammoniaque,  et finira par y mettre le feu. Il s'agit, comme vous l'avez compris, d'un objet de très haute technologie, relié par le réseau téléphonique aux portables des parents, afin de prévenir tout accident. 

dimanche 26 janvier 2014

Le Job


C'est le nouveau job à la mode, celui dont on sent bien qu'il va cartonner dans les CV des nouvelles pétasses qui arrivent sur le marché. Toutes les pseudo-stars de la chanson et de la télé-réalité peuvent aller se rhabiller pendant qu'il en est encore temps, je vous le dis. 

Ma fille, tu n'as pas fait d'études, tu n'es pas très intelligente, tu n'as aucun don, nous avons bien compris que tu n'étais pas apte à fonder une famille et à nous donner de beaux petits-enfants, et nous n'allons pas continuer à t'entretenir jusqu'à la ménopause, alors je te donne un bon conseil : lance-toi dans la filière-première-dame. Ton père et moi nous ferons ceux qui sont fiers de toi, je te le promets. Nous donnerons des interviews à la presse, nous irons chez Ruquier, nous aussi nous ferons le job, tu n'as pas à t'en faire. Nous en profiterons au passage, il n'y a pas de raison, nous nous sommes assez sacrifiés pour toi, il est plus que temps que nous ayons quelque retour sur investissement. Oh, ne t'inquiète pas, nous savons bien que ça ne durera pas. Il faudra être rapide, en tirer le plus fort rendement possible, mais nous serons là pour te conseiller, et si tu n'es pas trop mauvaise dans ton rôle, tout le monde sera gagnant. Papa me dit de te dire qu'il a beaucoup misé sur toi : ne le déçois pas, ma fille. Tu peux y arriver !

vendredi 27 décembre 2013

Monsieur Pichai Jean



Taisez-vous et admirez !

vendredi 10 février 2012

Les nouveaux gâteux


La même femme peut être enchantée ou affreuse, c'est selon son humeur, ses dispositions, ses règlements de comptes. Il sait ce qui est laid, il sait d'autant mieux ce qui est beau. Nous avons maintenant affaire à des corps restreints qui ne savent plus ce qui est vrai ou faux, laid ou beau. Donc, tout est laid, tout est faux.

M. parle des "gâteux de l'académie". Il faut aujourd'hui, de la même manière, parler des "gâteux de l'art contemporain". Académie contre académie, rien n'a changé. Ils se vendent entre eux, suspendent des homards au château de Versailles, bavent sur leurs toiles, se bouchent les yeux et les oreilles, ont le sexe en berne, prennent de la cocaïne et surfent sur Internet, quand ils ne sont pas reçus dans les ministères ou ne passent pas à la télé. Ils sont partout chez eux, fabriquent du même à longueur de journée, entre la salle de sport et l'agence de voyage. Ils se montrent, pour se rassurer, les uns les uns, perclus d'oubli, vêtus en permanence de bruit, de buzz, d'images.

vendredi 28 octobre 2011

Apprendre l'analphabétisme


Les Français ne peuvent plus supporter leurs enfants. Ils les envoient à l’école dès trois ans, et au moins jusqu’à seize, pour apprendre l’analphabétisme.

Guy Debord

Je ne développerai pas, parce que je manque de temps, mais ces derniers jours ont été l'occasion pour moi d'apprendre quelque chose de fort intéressant, grâce à la FIAC et aux comptes rendus et tables rondes qui étaient consacrés à cet événement capital de la vie artistique. Les écoles d'art, en France, sont d'extraordinaires endroits où l'on apprend… à devenir-un-artiste-contemporain. On n'apprend pas à dessiner, à peindre, à sculpter, ni le maniements des pigments, des médiums, des colles, des siccatifs, des diluants, des charges, des enduits, et des supports, non, on apprend à fabriquer sa petite carrière d'artiste contemporain. J'aurais dû m'en douter, bien sûr : on est toujours en retard sur la réalité. Jusqu'à présent, l'analphabétisme dont parle Debord ne s'apprenait qu'à l'école (et dans l'entreprise), mais sans doute que cela ne suffisait pas. Dorénavant, ce sera à l'école, dans l'entreprise, à la télévision, dans la fonction publique, dans les partis politiques… et dans les écoles d'art.

vendredi 9 septembre 2011

Démocratiser la déculture




Ce matin, nous avons reçu M. le ministre de la Déculture, venu nous remettre le Grand Prix de la Déculture 2011, et le très généreux chèque de onze euros qui l'accompagne. Nous en avons profité pour lui faire visiter les ateliers où sont assemblées les nouvelles Machines à déculturer, dont l'efficacité est bien plus importante que celles que nous fabriquions jusqu'à présent. Les nouvelles machines à déculturer agissent dorénavant sur l'ensemble d'une génération, avec une marge d'erreur quasiment négligeable.

Parmi nos réalisations récentes, une a particulièrement retenu l'attention du ministre : la machine à provoquer les chocs de décivilisations. Nous en sommes très fiers. Entre nous, nous la surnommons Samuel, mais officiellement, elle porte le nom de son inventeur : Kevina. Nous avons tous eu une pensée émue pour nos deux premières machines, la machine à débloguer, celle qui nous fit connaître il y a quatre ans déjà, ainsi que la machine à mesurer le vide. Comme le temps passe !

Nous avons également pu faire part au ministre de nos ambitieux projets, dont l'un tout particulièrement, déjà bien avancé, nous tient à cœur : la machine à augmenter l'oubli. Sans tout révéler, nous pouvons dire qu'elle agit en plusieurs étapes. D'abord une diminution drastique des dénivelés, préalable nécessaire, puis un flou gaussien de très fort coefficient appliqué aux repères historiques (dates, événements, personnages), et enfin une mise à plat des différentes strates temporelles, qui paraissent dès lors tout à fait interchangeables, sinon identiques. (J'omets volontairement un des éléments, le plus important, car nos concurrents ne dorment jamais.) Le tout ne prend que quelques heures, et ne laisse quasiment pas de traces. Nous avons bon espoir que cette nouvelle réalisation sera opérationnelle dès 2012.

mercredi 10 novembre 2010

Il est temps !


Florent Panier s'excuse. Florent Papier, oui, l'artiste, il s'excuse. Sa langue a chourfé, comme celle de Jean-Paul Lergain, ce vieux schnock mal farpumé. Quoi, des nègres ? Quoi, du rebeu ? Hein ? Pardon ! Battre sa coulpe, plutôt que sa femme. À Caulaincourt, Marinette et sa tête trop catho, ça va un moment ! Foutredieu, et Parsifal, il s'excuse, Parsifal ? Et Karl 2 Gowl, et Didoux Guié, et Bardot, et ce salopard de Rabelais, et Louis le Quatorzième, et le divin Marquis, et l'Affreux de Meudon, ils s'excusent, aussi ? Et Rebatet, et Guitry, et Pépin, et Françoise des Fourneaux, à Barbès épilés, ils vont se traîner à genoux jusqu'au Sacré Bœur, ils vont se déchausser avant d'entrer chez Delon Dedroite, ils vont se désigner avant de rendre gorge, ils vont cracher leur chapelet, rendre leur hostie, hein ? Tous ces chiens, sur et sous, sans collier, mais avec la glaire blanche au front, ils vont la cracher enfin, leur république impure, leur saleté infidèle, ils vont s'incinérer en boucle, crématiser leur descendance, proclamer que le pays est ailleurs, et débaptiser leurs aïeux, ces fils de ? Et Jésus, c'est le fils de qui ?