lundi 7 juillet 2014

Exit



On m'accuse souvent d'exagérer. Non seulement je n'exagère pas, mais je minimise ! Jusqu'à présent, la pulsion (et la passion) culturelle hyper-démocratique avait consisté à intégrer la "variété" à la catégorie de la musique. Il est déjà bien extraordinaire de laisser penser que la musique peut être aussi bien représentée par Isaac Albeniz que par Benjamin Biolay, "la musique" étant tout ce qui est produit grâce au son. Nous avons depuis peu franchi une nouvelle étape.

Après avoir fait entrer la variété dans la demeure de la musique, il convenait de faire sortir la musique de la propriété de "la musique". Une fois engrossée, la musique, qui veut s'éclater, va devoir perdre son ventre. Question d'équilibre, sans doute. C'est bien ce que nous signifie Amazon, notre nouveau Temple culturel : la musique sera désormais appelée "le classique", comme on peut le vérifier sur l'image ci-dessus.

Je rappelle donc les étapes de la manœuvre.

1. Introduire un soupçon généralisé quant au "beau", quant au "goût", et pointer l'index (du ressentiment) en direction des "héritiers".
2. Affirmer que "toutes les musiques" sont sur un pied d'égalité.
3. Saturer l'espace sonore (aussi bien en quantité qu'en puissance) de variété.
4. Constater que "toutes les musiques" sont sur un pied d'égalité.
5. Revenir au singulier du vocable "musique", puisque les frontières ont été abolies, et le premier but atteint : le déménagement est en cours.
6. Renommer la ci-devant musique en "classique". Ce sixième point aura été rendu possible grâce à l'enseignement de l'oubli et de l'inculture, mais ne compliquons pas trop la chose, car l'heure de la soupe approche. La boucle est bouclée, le crime est parfait.

C'est ce qu'on appelle, dans le domaine politique, une recomposition, et, dans le domaine historique, une révolution. Y a-t-il eu marchandage ? un quelconque échange ? Pas que je sache. L'art et la culture ayant rendu les armes (et l'âme) sans même engager la lutte, et sans même se plaindre, expropriés, comme de vieux artistos honteux devant les hordes républicaines bombant le torse. Le sens de l'histoire n'a pas à se justifier : il est à lui-même sa propre justification.

Les nouveaux colons culturels se sont installés dans les palais et ont mis les pieds sur les fauteuils : l'heure de la Revanche a sonné. Encore dix ans et Joey Starr sera ministre.

Exit la musique, bonjour l'amusique.