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dimanche 10 novembre 2024

L'oreille bouchée

 

Une oreille bouchée m'a réveillé en pleine nuit et m'a tenu éveillé jusqu'au petit matin. C'est toujours formidablement angoissant, pour moi, que d'avoir une oreille bouchée ; deux, n'en parlons même pas. 

Même la lecture en serait abîmée, je crois, de ne pouvoir s'appuyer sur le son et ses reliefs (qui ne sont pas ceux de la phrase écrite), même s'il est seulement rêvé, envisagé. J'ai d'ailleurs de plus en plus de mal à lire sans y mettre la voix quelque part. J'essaie de m'y contraindre, le plus possible, pour rester présentable (et pour pouvoir lire en public, par exemple dans une salle d'attente), mais c'est difficile et je ne tiens jamais longtemps. L'hypothèse de la vocalité, au minimum, doit être une réalité, comme un arrière-plan sur lequel la compréhension (l'entendement) se manifeste. Pendant très longtemps, j'ai ricané un peu bêtement quand j'entendais parler de ce pont-aux-ânes des littéraires qu'est le « gueuloir » de Flaubert, mais il faut bien reconnaître que j'y suis venu sans même m'en rendre compte, poussé par une nécessité réelle. Ça s'est imposé à moi sans que je n'en décide. C'est fou, tout ce qu'on entend quand on se relit à haute voix, tout ce qui vient à la surface, comme la crème sur le lait qui bout. 

Sur un roman de huit cents pages, je pense qu'au moins cinq cents sont lues à voix haute, ou mezzo voce, ce qui ralentit considérablement la lecture. Tant pis. Ce n'est pas grave.

Ce qu'il faut, c'est lire. Mais lire vraiment. Pas avaler des phrases. Je me suis réveillé avec cette obsession. Lire. Lire comme on écoute la musique ; comme toute ma vie, j'ai essayé d'écouter vraiment. De sur-écouter. (Ou peut-être pas, justement…) Le verbe lire, en français, a un avantage sur celui d'écouter, et même plusieurs. Il s'anagrammise en lier, pour commencer… 

Lire vraiment. Écouter vraiment. Ouvrir un livre comme on ouvre un visage, comme on l'aime. Repousser un peu les parenthèses de la présence, ou les guillemets du temps. Faire de la place pour le verbe, ou pour les substantifs, ou les adjectifs. On aime les défauts de la phrase comme on aime ceux d'un visage. Sa longueur. La peine qu'elle prend à se refermer ou… On lie la forme de l'oreille à celle des lèvres, on entre dans la texture de la peau, si l'on peut. Je vous demande un peu. Et l'on desserre le corset des mots, qui au petit matin sont des sons, car ils ont été prononcés en dormant. On aime la voix un peu abîmée, les cernes qu'elle voudrait cacher, ses odeurs asociales. On prend la chair dans les mains, c'est une feuille légère. Je ne sais comme est proche ma fin. Alors les pages qu'on dévoile… Ici, le jour ne se lève pas, ou très peu. Du moins en ai-je décidé ainsi aujourd'hui, après avoir vomi. Le foie au chaud. Seizième dimanche après la Trinité. Huitième symphonie de Beethoven. Cet allegretto scherzando nous ravit et nous amuse. C'est Beethoven, qui a composé cela ? Comme une succession de points-virgules qui se trémoussent drôlement, rebondissant sur le matelas. Il en faut, du talent et de l'intelligence, pour faire de la musique avec si peu. La jubilation d'un enfant qui fait jouer ses muscles… 

Il vaut mieux se taire, parfois. Elles veulent faire disparaître leurs cernes — ou leur goitre. On ne peut pas leur expliquer, elles n'entendent pas. Il faut les laisser se tromper. Elles avalent nos phrases comme des cachets amers, sans les mâcher. Tant pis. Ça leur reviendra, plus tard, longtemps après que nous ne soyons plus là, ces phrases non digérées, non entendues, on le sait bien. On essaie d'expliquer et on se heurte à un mur. (Elles parlent trop et trop vite.) La parole nous revient comme un boomerang. Plus on essaie plus le mur s'élève et durcit. Mais si les paroles tombent en cendres, la musique, elle, revient toujours. Elle ne cesse jamais, elle ne le peut pas. Elle laisse des traces. Il faut seulement que leurs oreilles se débouchent, et ça peut prendre des années. Les fantômes sont toujours là, dans les couloirs du temps mais ils ne se font pas remarquer. Ils ne sont pas pressés, eux. Le désir sait s'adapter aux ornières du chemin, il se grime, il se cache, il circule à travers les organes des corps, furet silencieux et translucide qui ne se révèle que dans ses effets ou ses symptômes. Le cachet diffuse… La peine qu'elle prend à se refermer ou le plaisir qu'elle a à ne pas savoir où elle va, à se poursuivre sans terme apparent, une page, trois pages, cinq pages… « Elle avait enlevé ses longs gants trempés et les avait exposés à la flamme. » On ne lui met pas un point dans la figure sans y réfléchir à deux fois, voyons ! Lettres de cachet… La pilule est parfois amère, mais avec un peu d'inconscience et de toupet, on arrive à se soigner en douce. Ça passe inaperçu. 

Avaler des phrases sans les mâcher est aussi indigeste qu'avaler de la nourriture en oubliant qu'on a des dents. L'estomac ne peut pas faire tout le travail. Une partie de l'esprit recule devant l'obstacle, c'est comme s'il voulait se décharger de la tâche sur une autre partie du corps. Il veut sous-traiter, et si c'est impossible, il boude. 

Les écrivains se déchirent sur les réseaux sociaux. L'un parle de « critique objective ». On en rit encore. Il est toujours mal vu de ne pas aimer (presqu'autant que d'aimer). Ceux qui aiment se sentent humiliés, ou niés, même ; ça va loin ! La morale intervient, on se demande bien pourquoi. On regarde ça de loin. Surtout ne pas participer, ou alors il faut s'en amuser, mais c'est impossible, car immédiatement on est pris dans le courant, qui est puissant. Le goût est une chose étrange, il y a longtemps qu'on le sait. Le goût qui ne sait pas marcher seul, qui a toujours besoin de son compagnon intime, le dégoût. Ces deux-là s'appuient l'un sur l'autre, comme des éclopés ou des poivrots qui rentrent chez eux. Ils se font des croque-en-jambe, comme deux sales gamins qui aiment patauger dans toutes les flaques d'eau dans lesquelles se reflètent les phrases des autres. La littérature, avant même d'être elle-même, est une chose qu'on partage avec des gens qui aiment en parler, qui font profession d'en parler, qui vivent du discours qui la borne et la maintient hors des profondeurs boueuses où elle s'abîme volontiers, quand elle est privée du regard des autres, de cet écho général et vague qui lui fait comme un habit toujours mal taillé mais rassurant, qui lui permet de sortir dans le monde sans trop montrer ses entrailles. Il vaut mieux se taire, parfois. Nos oreilles et notre bouche sociales s'obstruent prudemment. Traduisons les déclarations des uns et des autres en un langage simple. « C'est moi. » « Non, c'est moi. » « Oui, c'est vous, mais moi aussi. » « Moi non plus ! » Voilà. Le cercle s'est refermé, on a quitté la cage, on revient à la page, c'est plus sûr. « Il n'a aucun style. » Et ta sœur, elle en a, du style ? 

J'avais écrit : « La peine qu'elle prend à se refermer ou […] ». L'ordinateur a avalé un morceau de la phrase sans que je m'en avise. Je ne sais plus du tout ce que j'avais écrit (on ne s'aperçoit jamais de ce genre de choses dans l'instant). C'est sans doute mieux comme ça. Il y a des phrases qu'il vaut mieux ne pas achever. Il y a des femmes qu'il vaut mieux ne pas écouter. Pas trop. Pas vraiment. Écoute flottante… Les phrases se grimpent dessus les unes sur les autres et petit à petit forment une sculpture baroque qui tient debout on ne sait comment. Ça fait toujours passer le temps. Tiens, il y a du soleil ! 

On y met la voix comme d'autres y mettent leurs doigts, leur nez, leur langue. Le sexe est-il moral ? Vocal ? Oral ? C'est un jeu que bien peu savent ou ont la témérité d'explorer jusqu'en ce lieu où il nous révèle un nouveau monde. Il faut un peu d'inconscience, bien sûr, mais aussi du tact et de l'humour. Gary Peacock, interrogé à propos du trio qu'il a longtemps formé avec Keith Jarrett et Jack DeJohnette sur les qualités essentielles, avait cette réponse trop simple et pourtant si profonde : « Listen, listen, listen. » Écouter, écouter, et écouter encore. L'amour est vocal, avant même d'être charnel. Écoute ! Ouvre tes oreilles ! Tout est lié, dans un corps, et c'est la vibration qui relie les systèmes entre eux. 

C'est un très grand écrivain ! Vous plaisantez ? C'est nul. Vous avez des prétentions à connaître quelque chose à la littérature ? Sérieux ! Dogmatisme ! Grotesque ! Dépourvu du plus mince intérêt. Bonjour chez vous. Bons fils, mauvais fils, cousins querelleurs. Garnements. Coups bas. Et ta sœur ? Ça a l'air aussi chiant que la critique qui en est faite. Plaisir contre plaisir, c'est la guerre. De vrais bons auteurs ? MMA sur Facebook. 

Je ne trouve pas « hérédisme » dans le dictionnaire. Je vois bien à peu près ce que ça signifie mais j'aurais aimé une définition un peu officielle, reprise et inscrite dans la loi des phrases. Léon Daudet écrit que « l'imagination commande le corps plus que le corps ne commande l'imagination. » Je crains de penser le contraire. Pour moi, tout procède du corps. Mais je vois qu'« hérédo », en revanche, figure dans le dictionnaire. « Tout homme de lettres est ce que j'appelle un hérédo. » Front bombé d'hérédo. Ça se transmet in utero. Avec un accent d'admiration dans la voix. « La preuve, je n'ai pas réussi à finir Ulysse de Joyce. » Plus que le snobisme, c'est l'anti-snobisme, qui est lassant. Les jeux sont défaits, avant même qu'on ait commencé à jouer. Ah, mais je vois que la Bienheureuse a tranché : « Il faut lire ses autres livres. Machin Truc est un des meilleurs écrivains actuels. » Ici, éclat de rire de Truc Machin. Conflits d'hérédismes. Je me rappelle cette soirée, à la salle Pleyel, dans un tout autre siècle. Claudio Arrau jouait le premier concerto de Brahms et j'étais littéralement émerveillé. À l'entracte, ou la fin du concert, je ne sais plus, ayant rejoint un de mes amis compositeur, celui-ci me fit doctement la morale. Il était impossible d'aimer l'opus 15 de Brahms sans se discréditer. Certes, il y avait de « belles choses » dans cette musique, il n'en disconvenait pas, mais elle était vraiment trop mal foutue, trop mal composée, contrairement au deuxième concerto, beaucoup plus tardif, comme ça se professait couramment à l'époque. On savait de quoi on parlait, alors ! Merde. J'en ai rougi, comme un type qui est bouleversé par le cul d'une fille mal élevée a tort de le proclamer devant ses amis. Je ne savais pas, alors, qu'il suffisait d'attendre un peu, quelques années, une époque, pour que mon jugement, ou mon goût, devienne tout à fait licite, voire banal. Et pour un peu, on aurait envie de contredire ceux qui aujourd'hui nous donnent raison sans y penser. (Ça manque vraiment de bathmologie, tout ça.) Vous n'y connaissez rien ! Mais vous non plus. Personne n'y connaît rien. Ils se feraient couper en deux plutôt que d'avouer que leur jugement tient à peu de choses, et peut se renverser à la faveur d'une crise de foi, un jour que leurs oreilles se bouchent ou se débouchent. Peut-être sur leur lit de mort… Mais comme ils se croient immortels, nous avons encore du temps devant nous. Les figures qui viennent à la lumière, une lumière acclimatée à l'air du temps, sont très souvent pour moi recouvertes d'une pellicule qui déforme l'image de l'auteur jusqu'à le rendre incompréhensible, même si sympathique. Il bavarde élégamment, certes, mais c'est comme s'il parlait depuis une chambre hermétiquement close qui empêcherait ses vocables de franchir la muqueuse tactique, celle qui transmue le sens en plaisir, le son en émotion. Il faut beaucoup de temps (perdu et retrouvé) pour savoir écouter et lire, relier les points erratiques qui dansent devant nos yeux comme des mouches irresponsables. Il y a une furtivité de la sensibilité. Les hallucinations collectives nous tiennent en respect, et l'on hésite, le plus souvent, à se glisser à travers les failles qu'on devine trop bien chez nos contradicteurs-prédicateurs jusqu'à des affirmations dont on sait à l'avance qu'on les regrettera un jour. Attendons, rien ne presse. L'époque va se fatiguer plus vite que nous.

Plaire aux peintres, plaire aux hommes, plaire à la lumière, mais surtout plaire au temps qui passe. Ne parle pas. Économise tes mots. Laisse-les t'envelopper doucement. Patiemment. Tu n'as pas besoin de les envoyer loin de toi comme des têtes chercheuses qui réclament leur dû. Calme-toi, je ne te veux pas de mal. Cor, trois hautbois, hautbois da caccia, orgue obligé, deux violons, alto et basse continue. La musique a cette supériorité définitive sur la littérature qu'elle finit toujours par se moquer de l'idéologie. Je dis que lire c'est lier, mais c'est au moins autant délier. C'est revenir sur la phrase et la prendre à revers, quand elle a fini de parler fort, à la racaille, de s'affirmer, de prétendre. « Les conflits d'hérédisme, de réapparitions congénitales au sein de la méditation et de la mémoire, donnent lieu à des images tourmentées, que connaissent bien les hésitants, les douteurs, et, en général, les abouliques. » Hérite-t-on du Doute ? C'est un trouble, à n'en pas douter, qui peut resurgir à tout moment sans sommations, ce dont nous lui savons gré. Le tourment et l'hésitation c'est comme la première fois qu'on met la main sur la peau d'une femme, cette griserie, qu'on aime et qu'on craint, cette divine ambiguïté, cet impossible devenu soudain possible, à l'instant T, le geste interdit qui est approuvé à notre grande surprise. « Une sorte d'inhibition se produit devant le déclic de la volonté, et, dans le doute, l'inertie l'importe. » J'aime les volontés qui abdiquent, qui s'inclinent devant une autre conduite de la sonorité, du geste et de la voix. Une fois l'idée attrapée, on n'est plus guère excité. Il faut autre chose pour que le désir se continue, en quelque sorte malgré lui. Le désir vrai doute encore, même quand il a remporté une victoire. L'incertain du geste et son inertie, sa traînée psychologique et chimique nous amène ailleurs que là où l'on désire aller — c'est heureux. Les corps lus nous mettent cul par dessus tête. Douteur, mon frère. 


mercredi 11 septembre 2024

Souligné

 

« Alors une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer. » Qu'est-ce qu'il a de plus beau que tout ? Une femme nue. Que les Enfants du Web, de la télé, des directives de Bruxelles et de la modernité digitalisée se soient déterminés dans le même sens que les crocodiles des jurys précités ne paraîtra comique qu'à ceux qui s'imaginent qu'il pourrait subsister des “conflits de génération”. Il n'y a plus de générations, et encore moins de conflits, à l'heure du multimédia ; il n'y a plus qu'une vague maladie sénile de l'humanité. dans le rôle de la lessiveuse à bons sentiments, le roman de Makine, plus bourré d'assouplissant que la plus performante des machines à laver, représente une sorte d'idéal. dans cette prose connivente. À tendre une oreille indulgente à toute cette poésie des confins incertains, on s'est discrédité soi-même. Slave qui peut ! Le mou des steppes. avec son sourire d'anachorète du fin fond des pages de magazines, son beau regard de stylite en extase et sa barbe modérément christique, semblent vous déconseiller gentiment de chercher à faire le malin. Ne dirait-on pas qu'un seul et même journaliste a rédigé tous ces articles ? À vrai dire, quand un livre ne présente qu'un faible intérêt, la manière dont le transfigure ceux qui en parlent, lecteurs ou critiques, peut devenir une captivante révélation, autant sur le livre lui-même que sur la société qui s'en enchante. Plus navrant le prétexte, plus éclairant l'enthousiasme qu'il suscite. la machine à fumée émotionnelle unanimisante. La “communication”, qui est un mot poli pour domestication, a fait son œuvre, elle a anéanti les êtres particuliers. cet avenir radieux du “virtuel” que l'on nous annonce tous les jours (et qui n'est peut-être que l'ultime illusion romantique d'autonomie de l'humanité. rien ne serait plus impoli que de se désolidariser de l'émotion collective, transfigurante, sans objet. On ne voit pas pourquoi le rêve de retomber en enfance se réaliserait partout dans la société et pas dans la littérature. C'est avec le sentiment apaisant de rouler dans les justes ornières du vertuisme obligatoire quand le roman n'est plus qu'une sous-division du produit culturel appelé Livre, il ne s'agit plus pour les romanciers de nous rendre étrangères des choses familières, comme par le passé, c'est-à-dire de détruire le rapport de conjugalité que nous entretenons avec nous-mêmes comme avec les autres et avec le monde (en quoi résidait sans doute l'aspect le plus profondément érotique du roman) ; au contraire, on congratulera un auteur d'avoir répété, sur tel ou tel point, ce qui était déjà écrit chez un autre auteur. A fortiori lorsque celui-ci comme celui-là œuvrent pour le bien public. L'esthétique publicitaire savait depuis les âges farouches que la voie royale du succès passait par la propagande bien-pensante. Avec Makine et quelques autres, le roman lé découvre à son tour. Un bon roman doit rendre bon. C'est à ces choses, entre parenthèses, que l'on peut apprécier la vieillesse d'une civilisation. Quand une société sort de l'Histoire commence alors pour elle le temps des bonnes œuvre. Tout se passe aujourd'hui comme si les romanciers avaient décidé d'emboîter le pas à ces sommités de la médecine que l'on voit finir leur carrière dans les Comités d'éthique. ce réflexe d'étonnement par lequel le narrateur ne cesse de nous convier à découvrir la lune en sa compagnie. cette inexpérience montée en épingle, exhibée comme un trésor sans prix. On nous a déjà si souvent resservi cette vieille soupe des émerveillements asexués de l'enfance qu'on s'étonne qu'elle puisse encore paraître consommable. l'acharnement de l'auteur à se mettre en scène comme une machine à produire de l'extase. qu'est-ce que j'y découvre ? Mon nom ! Dans la liste des écoutés ! Contribuer, à travers le langage de la mode, à un monde uni au-delà des frontières et des différences. 80% des auteurs de polars sont plus ou moins d'extrême-gauche. Le seul problème, c'est qu'on ne sait jamais s'il a fini ce qu'il voulait dire lorsqu'il se tait. Il peut cesser de parler mais continuer son idée souterrainement, pendant que les autres changent de sujet, et, au bout de dix minutes, lâcher de nouvelles phrases qui prolongent sa pensée. Le Mal absolu, c'est la petite-bourgeoisie Savigneau ou Laure Adler. Le petite-bourgeoisie en surfusion de Culture. Je me demande combien de temps encore les culs des femmes ressembleront aux culs naturels d'autrefois. Elles ont d'ailleurs commencé à s'amputer artisanalement : élagage des chattes, rasage des aisselles, régimes amaigrissants, seins au silicone, etc., mais ce n'est sans doute qu'un début. Écrire son journal en étant fermement décidé à ne pas le rendre public de son vivant : donner la preuve, jour après jour, que le public ne nous est pas nécessaire. Ni agréable. Ces enfants-là, me dis-je, sont comme des poissons d'avril que les pétasses agrafent dans le dos de leurs compagnons… Je vois la main griffue de Sollers là-dessous. Bien creusé, vieille tarte. Donner d'autres significations que les significations dominantes au réel social et historique, c'est ça, le roman. Après le Captagon supprimé il y a quelques années, le Dinintel interdit il y a quelques mois, c'est maintenant le Fenproporex qui passe à la trappe. Plus d'amphés sur le marché ! Plus rien pour s'aiguiser les dents, donner aux gens envie de mordre, de trahir et de haïr ! Terminé! Seules les pilules de bonheur, c'est-à-dire de l'adhésion, sont autorisées désormais. Et même encouragées s'ils pouvaient. S'ils osaient. Ordonnance d'Ordinator. Comme la pègre tient les “grand” journaux et les autres médias, elle ne cesse de ridiculiser les marges, et même de les déclarer désormais impossibles. Occupant le centre, elle tient à faire croire aussi que la “subversion” y réside. Sous cette couverture “subversive” et “révolutionnaire”, elle peut continuer tranquillement ses exactions mafieuses. Il est devenu banal de voir s'autoproclamer “politiquement incorrect” n'importe quel plumitif d'influence. se féliciter de la présence de touristes, où que ce soit, est déjà un crime contre l'espèce. Mais si la réalité disparaît, l'utopie n'est plus l'utopie, il n'y a plus rien pour la distinguer de rien, elle peut régner seule. La liquidation forcenée de l'accidentel a entraîné l'hypertrophie de la notion de responsabilité. Tout ce qui arrive quand-même, malgré les protections infinies dont nous nous entourons, est désormais de l'ordre de la faute, ou même du crime. Comme si elle ne pouvait comprendre son propre drame qu'à travers la transformation de celui-ci en question de société. Dans l'impuissance de vivre pleinement l'effectivité de sa peine, l'être contemporain se retrouve dans la position de l'hystérique. Il n'a accès à la réalité de sa douleur que par l'intermédiaire d'une globalisation de son cas (dont il espère aussi qu'elle atténuera sa douleur). On entre en victimance comme on entre sur le marché de l'emploi. En groupisant son propre chagrin, c'est peut-être son chagrin que l'on diminue, mais c'est sûrement son être que l'on anéantit. Il fait re-beau, tout à coup, beau d'une manière furieuse. Le bleu du ciel est plus bruyant que le pire des orages. Le soleil relève soudain de la catégorie des mauvais traitements. Les palmiers salement mistralisés, écorchés par les bourrasques, font avec leurs feuilles des bruits de sacs en papier froissés. Un vent éblouissant transforme l'écume accourante des vagues en troupeau de vaches folles. Au garde-à-vous horizontal, les femmes étalées sur les galets ouvrent incroyablement leurs cuisses à cette violence qui les laissera vierges comme elle les a trouvées. La fête comme destruction du bonheur privé. On dirait qu'elles ont laissé leur âme dans le grand sac où elles ont aussi rangé leurs vêtements en se déshabillant. une lettre lécheuse de Frédéric Berthet, hibou impuissant, alcoolique et sollersoïde. et où précisément Onfray publie (pour la seconde fois puisque c'est déjà sorti dans son dernier bouquin) l'article où il traite Duteurtre de nazi. Cet univers est peut-être le premier dont la seule perpective vous console par avance de la perspective d'en être un jour privé. Toutes les larves n'y écrivent que pour, par, dans, et à travers l'Arnaqueur Sémiliant. Zagdansky, Bourgeade, Moix, Nabe, Pleynet, Beigbeder se bousculent pour astiquer la statue du Frauduleur. Quelle belle équipe ! Regrets éternels ! Un imbécile ressuscite Dada en aspergeant Laure Adler avec un arrosoir. Pourquoi il ne lui pisse pas dessus ? La voilà toute mouillée. Déjà, pauvres et gras au naturel, ses cheveux inondés la rendent pire que jamais. Elle a le rimmel qui fuit. Sollers n'arrête pas de lui essuyer sa sainte face avec des petits gestes de marquis des bacs à sable. On en reste là. Rideau. On accuse cette idiote qui n'a pas volé ce qui lui arrive de “désinvolture” (tiens, un nouveau délit). Ils croient à ce qu'ils voient parce qu'ils le camescopisent. La preuve de Paris, c'est qu'ils le filment. Meyer, en sympathique apparatchik payé par le Système pour remplir la case “turbulences”. En conseil de discipline pour banalisation, annonce Bayrou-tête-de-nœud ! Comme si l'art avait valeur de remède ou de narcotique grâce auquel on pourrait se défaire toutes les autres misères. Quand Babar et Céleste se marient, par exemple, “rien n'indique que Céleste ait eu son mot à dire dans cette affaire”, écrit le con yankee. L'hypothèse morale est toujours au bord des lèvres. C'est cette révolution des transports (avec effacement du territoire, disparition progressive de l'espace, donc de la réalité, etc.) qui est l'objet fondamental, essentiel, des livres de Céline, et qui leur donne leur esthétique. En prison dans l'instantanéité. Veuf de la distance. Amputé des intervalles. le délai dans la communication (le “retard”, le temps passé) était une condition essentielle de la liberté de l'homme. le délire autour du harcèlement sexuel, ce procès d'intention fait à l'autre, est déjà un signe pathologique de la haine du prochain ou de la prochaine. Les médias au sens large, dit-il enfin (et sans grandiloquence), c'est l'Occupation. enfant de chœur urinant dans le bénitier. Je demande la peine capitale contre l'amitié. Le monde présent ne cesse d'offrir à la littérature romanesque des sujets inouïs. La difficulté à les traiter vient de ce qu'il faut commencer par les dégager de la propagande effervescente qui les environne et les protège de toute menace d'impertinence. Le burlesque est partout ; les obscénités inconscientes d'elles-mêmes prolifèrent, mais elles sont offertes à l'admiration de tous comme autant de chefs-d'œuvre du génie moderne, ou comme des émanations parfaitement naturelles, donc incritiquables, de la réalité nouvelle. S'il y a quelque chose que le touriste a en horreur, c'est de se voir et d'être vu comme un touriste. Le touriste (c'est-à-dire aussi quatre-vingt-dix-neuf pour cent des lecteurs. Il souhaite qu'on lui offre à contempler ce qui n'existe plus du fait de sa présence. qui y trouve justement une occasion prestigieuse de se nier lui-même. Par l'irréel dont il était l'une des plus hautes formes d'expression, le théâtre permettait une perception aiguë du réel. L'art serait désormais, et de façon naturelle, un service public, Citoyen-spectateur, Citoyen-lecteur. Et pourquoi pas Citoyen-écrivain ? On se souviendra qu'en 1793, la Convention bannit les termes “madame” et “monsieur” au profit de citoyenne et citoyen, en même temps qu'elle rendait le tutoiement obligatoire. L'homme célinien peut fuir, espérer fuir, se donner l'illusion de la fuite L'homme coincé, bloqué, baisé, enculé jusqu'aux yeux par le Tout sous ses innombrables aspects annonce le règne de la Solidarité de fer. Plus de divers, plus d'autre. Et pourquoi la conversation a-t-elle disparu ? Parce qu'après la Révolution, dit-il, les femmes ne sortent plus seules, elles sont perpétuellement et pesamment accompagnées de leurs maris. Chacun, dès le début du XIXe, a donc son Big Brother intime auprès de lui. L'époux à son épouse, l'épouse a son époux. Chacun vit désormais sous le contrôle de son épouvantail. Kafka n'est plus, et définitivement, que celui qui “a décrit avant terme les arrestations des Juifs, les événements des camps”. Toute son œuvre “est une méditation sur la judéité”. J'aime trop ce pays pour le gâcher par deux phrases et trois comparaisons. Et qu'en est-il de la sexualité du touristanthrope ? De son érotisme ? De son érotourisme ? J'ai bien peur qu'il n'en ait guère, dans la mesure où il représente une sorte de perfection dans l'anéantissement de la négativité. Le touristanthrope est un intégré. Un réconcilié. Il est partout chez lui (définition du touriste). Sorti de l'état de séparation, il n'a littéralement pas d'objets de désir. s'il baise (et il baise, bien sûr), c'est comme on joue au docteur quand on a cinq ans. Grande et belle femme brune qu'il serait agréable de foutre impunément sans lui adresser la parole. remplacement des éléments naturels de l'humanité par du sirop de sucre. Les Maîtres confiseurssuccédant aux Maîtres penseurs. C'est comme s'ils chiaient devant nous. Je me sens dans l'état de quelqu'un qui, après une guerre, appartiendrait au camp des vaincus, des battus à plates coutures. C'est seulement quand elle fait l'éloge de Pennac que je craque. Les originaux ont généralement été aussi des nommeurs », écrivait Nietzsche. les Ceaucescu de l'Infini. (…) les Thénardiers de la rue des Saints-Pères, l'inénarrable Lévy et son Arielle sans bouillir. Pompéi de l'âge touristique. Ils ont mis un nez rouge à tout ça. Et puis voilà. Ça suffit. Au matin, les nuages n'ont pas décroché du ciel. Ils deviennent même, au fil des heures, de plus en plus lourds, noirs, sinistres. Vers midi, tout est consommé. Les nuages sombres fument au-dessus des collines comme des incendies froids. Le ciel traîne sur la terre comme un ventre dégueulasse et trop fatigué pour essayer de se relever. Une pluie de novembre ou décembre tombe sur nous de tout son poids. C'est comme si le Midi lui-même ne croyait plus au Midi. Depuis le début des temps, tout ce qui était possible dans l'ordre des choses vivables et normales a été essayé. Maintenant commence l'âge des choses folles, monstrueuses, difformes, atroces et non critiquables. Côté cul, son plus bel exploit est d'avoir, il y a quelques années, mis son corps en congé sabbatique pour rompre un schéma amoureux qui se répétait un peu trop souvent à son gré. il s'agit de “dégager” un espace “authentiquement démocratique, non hiérarchique, multiculturel, multiracial, dans un pays rongé comme d'autres par le cancer du “nationalisme ethnique”.C'est un monde à part, explique-t-elle, un monde de nobles, qui vivait dans une bulle sans ce soucier du sort des autres. Évidemment, si la Marquise s'était souciée des autres, elle n'aurait jamais écrit ses lettres, on ne viendrait pas visiter son château, il n'y aurait donc pas de guide, et la gentille Lili n'aurait pas de travail. Mais ça c'est une autre affaire. Ils s'emmerdent ensemble. Leurs conversations se traînent misérablement. À intervalles réguliers, l'un ou l'autre se jette sur son téléphone portable, le cramponne, gueule dedans des choses insignifiantes et passionnées, puis coupe la communication, et le néant se réinstalle à table. Avec le café, je me souviens d'un roman, Je vous hais tu connais, de Michel Desgranges. le sport est notre langue mondiale, c'est la lingua franca de la planète ! L' « olympisme est un renverseur de cloisons », il a le merveilleux pouvoir de nous rassembler, de réunifier les hommes ! l'hébétude programmée continue. Les méchants de l'ancienne civilisation désespéraient Billancourt, ceux du monde actuel désespèrent Nouvelles Frontières. Toutes les activités contemporaines vont dans le sens de la réconciliation par l'effacement des derniers discriminants. une frénésie de liquidation de frontières qui se poursuit et ne cesse de s'étendre négation (féministe ou homo) des sexes comme des espèces réunion enfin de tout ce qui peut-être n'avait de goût, de saveur, de charme, que parce que c'était séparé, que parce que c'était repérable et désirable en tant que séparé. Dieu a sorti ses trompettes, ses grosses caisses, tout son merdier d'orchestre. Toutes les opinions ou conduites majoritairement respectées sont en même temps parées des plumes de la subversion. Tous les salauds, bien entendu, hurlent à la saloperie. Pour ce qui concerne le roman, je préconise d'essayer d'exprimer dans le style de Céline des histoires “à la” Kundera. Pour ce qui concerne l'essai, je propose des analyses “à la” Baudrillard, mais avec la violence de Bloy. Au fond, ce n'est plus la droite et la gauche qui nourrissent les choix politiques et composent l'éventail des partis, mais l'apitoiement et la haine. La pluie tombe du matin au soir comme une longue chevelure morne. On va donc enfin pouvoir, comme je le prévoyais depuis si longtemps, mettre en examen la plupart des écrivains et artistes des siècles passés, tous plus ou moins infirmes de la sensibilité (démocratique, humanitaire, multiculturelle, zoophile, etc.). un assez joli aveu du crapuleux Lelouch Les romans de la rentrée sont tous formidables, surtout quand leurs auteurs sont des femmes. Tout ce qui peut arriver de négatif à la culture, je trouve ça bien. Je travaille, c'est-à-dire que j'essaie de me plaire. M. et Mme Vu-à-la-télé, c'est-à-dire Kristeva et Sollers. Sa voix de volupté nasillarde, sa voix midinette mourante, sa voix nymphette démoniaque. Il ne verra donc pas la statue de Michael Jackson en faux bronze plastique érigée sur une colline exactement là où, dans les années cinquante, d'élevait celle de Staline. C'est le gladiateur agonisant dans toute sa scandaleuse splendeur. L'Histoire est terminée (elle était catholique, l'Histoire) ; l'Empire fémino-luthéro-homosexuel commence. Cette rencontre avec Bérénice au Select est plus décevante que je ne le craignais. Le temps et les souvenirs l'avaient bien arrangée, Bérénice. Ils avaient supprimé de son fantôme tout ce qui m'ennuyait, en elle, du temps où elle était vivante, c'est-à-dire vivante dans mes bras, sous moi, sur moi, toute nue, en sueur et rebondie et ardente. Qu'est-ce que j'ai pu m'enfouir dans les poils de sa chatte. Ce qui ne veut pas dire que la Bérénice d'aujourd'hui manque de séduction, loin de là. D'ailleurs, c'est pour me séduire qu'elle voulait me voir. Pour me faire le coup de l'amitié. Elle cherche un “ami”. Un ami homme. Est-ce que je pourrais faire l'affaire ? On en discute tout en marivaudant pendant deux heures. À un moment, dans le but de lui démontrer que l'amitié est impossible entre elle et moi (parce qu'elle ne s'intéresse pas, parce qu'elle ne s'est jamais intéressé à ce que je dis), je me mets à lui raconter mes démêlés avec les voisins du dessous. Elle s'ennuie immédiatement. Sans doute s'animerait-elle si je lui parlais de X, de Y, des noms chatoyants. Du people. comment matérialiser quelque chose (quelqu'un) qui est de l'ordre du flux et de la fuite ? le dégagement du ridicule passant pour la norme. que peut le roman dans un monde où tous les ridicules se démesurent d'eux-mêmes sans la moindre apparence d'intuition de leur propre dérision ? Peut-on encore exagérer une réalité enragée et contente de l'être ? Même si la graphomanie n'existait pas, il faudrait la combattre. Comme toutes les espèces qui, se sachant menacées, ne peuvent plus rien inventer d'autre que l'accélération de leur disparition, les artistes contemporains adhèrent à l'humanitarisme, qui est l'ennemi mortel de chaque art séparé. Pour que les arts séparés entrent dans la sphère de l'humanitarisme, il faut qu'ils perdent leur spécificité. La meilleure manière de leur faire perdre cette spécificité est de les noyer tous ensemble dans la soupe de la Culture. Ce qui tombe de la littérature à la faveur de son absorption dans la Culture, c'est d'abord la bienfaisante fonction handicapante, complexante, inhibante, “paternelle” en somme, qu'elle exerçait face à chaque candidat écrivain. La Culture ne retire rien aux arts qu'elle absorbe, sauf une chose, une seule, leur qualité d'empêchement : autant dire leur sexe. En tant que destin mondial de l'absence des arts, la Culture est l'expérience essentielle de l'histoire contemporaine. Dans l'époque historique de la littérature, il existait des impostures. Dans l'ère graphomaniaque, il n'y a que des postures. Céline promettait, contre une rente à vie, de ne plus jamais écrire une ligne. Ne permettons plus aux artistes, aux écrivains, déclarent-ils avec autorité, de dire que la condition humaine est tragique, que la mort existe, que Dieu est éloigné, que l'enfance est à jamais perdue. Faisons triompher la vérité ! On n'entend plus les écrivains taper. Moins le graphomane est dans l'admiration (et l'imitation) des œuvres du passé, et plus il est dans la concurrence mimétique avec ses jumeaux en graphomanie. C'est de l'art au foyer. Où trouver un lecteur, quand tout le monde écrit ou s'apprête à le faire ?« Le parterre a tout à coup sauté sur le théâtre. » Et il ajoute avec ironie : « Un homme de génie est presque impossible au milieu d'une foule aussi puissamment intelligente. Napoléon commandait à des soldats silencieux, tandis qu'en littérature chacun s'adresse à des gens qui raisonnent. » « Son bébé, son nouveau film, ses trente ans, son premier roman. » Moins il y a de demande et plus il y a d'offre. Si la graphomanie relevait des lois communes, il y a longtemps qu'elle aurait disparu. Même quand elle prend l'allure d'une lamentation ou d'une critique, sa littérature appartient à l'industrie de la positivité. le graphomane n'a que des amis. Cela suffirait à le différencier des écrivains. chaque participant avait quelque chose à y perdre, ne serait-ce que sa singularité). Ils sont aussi des temps de disparition des genres. Dans les temps d'égalité, l'œil voit ce qui unit. Le graphomane exerce son droit à écrire comme les handicapés exercent leur droit au sport. Celui qui s'arrête fait remarquer l'emportement des autres. se demander ce que peut le roman dans un monde où tout le monde devrait être mort de rire. « Qu'est-ce qu'il y a de plus intelligent chez une femme ? – Le sperrrme. » Elle veut faire des films, des enfants et passer son permis. Maintenant, en ouvrant les journaux, chaque matin, j'ai honte d'être encore vivant parmi eux. La Fête c'est la peste. La Feste ou le choléra. La fin de l'histoire, c'est le règne des femmes. C'est le pouvoir féminin dans toute son horreur. La fin de l'histoire, c'est les hommes devenus femmes. revanche de la progestérone, Mais ça suffit. Le charme est niqué. Ils sont là. Ils sont là, les monstres de l'inadmissible maintenant. « Ce que nous cherchons, dit-il, c'est rendre aux gens leur dignité de consommateurs. » on pouvait baiser pour pas cher dans l'arrière-boutique de “certaines librairies-lingeries”. On empêche la techno d'avancer. ce qui était bon, ou non, pour lui-même. La désinvolture, l'insolence vis-à-vis de la réalité / me faire prescrire des ersatz d'excitants. De l'Ordinator. Faut cesser de dire du mal du monde contemporain, oh oui, oui, oui, mon petit chou. Au lieu de foutre cette bonne femme dans une camisole de force, on lui tend un micro. « Vers sept-huit ans, ajoute-t-elle, je mimais “Apostrophes” avec mes poupées »… l'épidémie actuelle de découvertes de cas d'incestes dans les familles (découvertes très exactement contemporaines de la mise au pinacle de l'homosexualité. Il me révèle, enfin, que le sinistre Nabe chie sur moi dans le troisième tome de son journal. J'ai l'impression assez désagréable qu'elle me parle comme à une copine, moi qui l'ai si solidement enculée par le passé. Je me demande comment, avec tout ça, elle espère mon appui. Enfin elle est charmante. Un peu ennuyeuse. Le lecteur d'aujourd'hui est prêt à payer très cher pour qu'on ne lui dise pas ce qui se passe. Affecté par le collectif. Infecté par le subjectif. on pourra bientôt affirmer, sans faire rire personne, que Don Quichotte a été écrit dans le but de résoudre le problème des banlieues, qu'Illusions perdues est une défense des sans-papiers, que Flaubert luttait pour la visibilité gay et Baudelaire pour la reconnaissance immédiate de toutes les minorités. Les femmes sont désormais les gardiennes de deux choses : 1° Le bon déroulement de l'après-Histoire ; 2° Le mensonge obligatoire concernant le fait que l'Histoire ne serait pas terminée. Bref, j'ai vécu partout sauf parmi les intellectuels de cette époque. C'est naturellement parce que je les méprise ; et qui donc, connaissant leurs œuvres complètes, s'en étonnera ? Bientôt, ils feront leurs gros titres sur le fait que le soleil se lève à l'est (et se couche à l'ouest, pour les quotidiens dits du soir). Ou que c'est mouillé quand il pleut. Mais bien entendu, l'Histoire n'est pas finie, oh non, non, non. L'histoire moderne est celle de ses récupérations. La civilisation actuelle ne tolère aucun extérieur. Ses “ennemis”, elle les accueille et les nourrit, c'est plus sûr. les plus veules présentateurs de télévision font l'apologie de la marginalité. Il faudra inculper les nouveaux totalitaires pour confiscation d'alternative. Ainsi le féminisme et l'homosexualité ont gagné partout, à un point tel que ceux qui en sont écœurés n'osent plus publiquement les vomir ; cependant, même leur victoire doit continuer à être proclamée en tant qu'échec, racontée éternellement sur le mode épique d'une héroïque minorité contre une majorité répugnante ; les machos, les pères, les homophobes, etc., dont il n'existe pourtant plus aucun exemplaire en circulation. Depuis la guerre, c'est la mode de crier au fascisme à tort et à travers, alors que l'on prépare de nouveaux conditionnements socio-culturels, alors que les nouveaux dangers idéologiques paraissent inoffensifs. La culture s'est libérée de l'“élite” qui semblait en être propriétaire, mais, dans le même temps, elle n'a plus cru qu'à elle-même et a été obligée de se constituer en religion pour durer quand-même. toutes les conditions de la vie actuelle rassemblent en leur sein en même temps la maladie et tous les médicaments, analgésiques, hypnotiques, permettant d'endurer cette maladie, et même de l'empirer sans cesse, appel constant à lutter contre des ennemis oniriques, Si, comme je le disais, les individus les plus veules, les appointés les mieux domestiqués du système font jour et nuit l'apologie de la marginalité ou de la subversion, c'est qu'il est impossible désormais à quiconque d'être réactionnaire. le roman ne peut avoir d'autre projet que de dévoiler le monde en tant que valeur d'échange, Devant un bol de café, elle décortique la dépendance des hommes à leur mère, assassine Freud et Dolto, parle de la paternité, de mère toute puissante et assène cette phrase formidable : “Pour moi, l'homme et la femme sont pareils devant les enfants”. Je revois aussi Isabelle, morte aujourd'hui. Isabelle, dans une chambre d'hôtel, à Deauville, en septembre 1975. Isabelle rugissant. Me disant plus tard, dans un bar, en s'accoudant au comptoir : “C'est merveilleux, tu sais, je ne peux plus m'asseoir.” Ce qui me gêne dans ce texte (…) c'est que je m'y plagie. « La seule chose que je me flatte d'avoir comprise très tôt, avant ma vingtième année, c'est qu'il ne fallait pas engendrer. » Oui. Et ce n'est même pas moi qui ai écrit ça, mais Cioran, en 1962. Finkielkraut, paraît-il, se demande pourquoi je le déteste. J'ai eu l'audace, par deux fois, de refuser d'aller à son émission. Je suis tombé sur les cinq mille trois cent quatre-vingt-deux lettres que Bérénice m'a écrites entre octobre 87 et mai ou juin 88. Je les ai vaguement relues, puis jetées. Je n'ai conservé que les photos, celles surtout où elle est à poil avec vue sur son cul, ses hanches agressives, sa grande toison noire hallucinée. Tout cela est allé rejoindre d'autres documents dans un petit cimetière de chattes mortes connu de moi seul.

mercredi 5 juillet 2023

Illisible

Renaud Camus ayant eu la grande gentillesse de copier un de mes textes et de le publier sur Facebook et sur Twitter, voici les commentaires qu'il a récoltés. 



Soyons tout à fait honnête, il y avait également quelques commentaires positifs, mais ils étaient beaucoup moins drôles (à l'exception notable de « C'est le Céline du XXIe siècle, en moins sympa »).


mercredi 17 mai 2023

Sang neuf [journal]

Je ne sais ce qui s'est passé, dimanche dernier, pour que les visiteurs (lecteurs ?) sur ce blog aient été si nombreux. Plus de cent trente, alors qu'en temps normal, ça doit tourner autour de la vingtaine, ou trentaine. Peut-être ont-ils été attirés par l'odeur de mon suicide (raté, malheureusement) ? Enfin débarrassés de Georges ? Peut-être plus simplement s'ennuyaient-ils plus que d'habitude ? (Faut-il s'ennuyer, tout de même, pour venir sur un blog lire des textes qui n'intéressent personne !) Les émissions religieuses à la télé (ça existe encore, ça ?) ont peut-être été supprimées ce jour-là par un mouvement de grève intempestif ? Ou bien un mouvement souterrain et hystérique de l'IA mondiale qui a piqué une crise de nerfs ? Heureusement, les choses se sont vite calmées. Vingt-quatre visiteurs hier, et deux aujourd'hui. Qu'il est bon de retrouver ses bonnes habitudes !

Quand je dis que j'ai raté ma vie, ce que personne ne comprend, ni ne croit, je suis sincère. Et je ne parle évidemment pas de réussite sociale. C'est à l'aune des femmes que ce ratage se mesure. Est-ce que je peux expliquer ça ? Oui, je crois, mais ce ne sera pas pour ce matin. 

J'ai regardé Koh-Lanta, hier-soir. Tania ne va rien lâcher, elle a la niaque. Elle a de jolies petites fesses, la diététicienne ! Esteban a le visage tout gonflé, il ressemble à un boxeur amoché après un combat. Il pense à ses deux enfants et à sa femme. Les autres aussi, d'ailleurs. Ils pensent tous à leurs petites femmes et à leurs enfants. Cette année, ils sont tous bien élevés, gentils, on ne trouve rien à leur reprocher. Certains sont même sympathiques. La France apaisée, elle se voit à 11 000 kilomètres de chez nous, aux Philippines. Denis-Jusqu'à-tant-que-Brogniart anime Koh Lanta depuis plus de vingt ans. Lui aussi il a la niaque. Moi, ce que je me demande, surtout, c'est comment font les concurrentes pour ne pas avoir de poils sous les bras. C'est louche.

Julia L.B. n'aime pas qu'on la traite de bourgeoise. Elle trouve que c'est une insulte car elle juge que « les bourgeois ont un esprit étriqué ». Je voudrais la rassurer : Je ne trouve pas du tout qu'elle ait l'air d'une bourgeoise. Elle ajoute que cela lui fait penser à « monsieur Bovary ». Ah, ce n''était que ça ? Allons, ce n'est pas si grave. 

Je dois aller me faire faire une prise de sang, dans quelques minutes. Je suis bien déçu, car ce ne sera pas Sophie, la très belle infirmière, qui me piquera. Je viens de l'avoir au téléphone : elle n'a pas une voix aussi jolie qu'on aimerait. Quand je l'avais vue en chair et en os, chez moi, il y a quelques années, sa voix ne m'avait pas dérangé, mais au téléphone, malheureusement, c'est flagrant. Je suis heureux qu'on me prenne mon sang. Je crois aux vertus de la saignée, moi. En revanche je me fous du résultat des analyses. Je regrette d'ailleurs que l'ordonnance soit si brève. J'aurais aimé qu'on remplisse six ou sept flacons de mon sang. Il faut faire de la place pour du neuf. Je suis empli de vieux sang. 

Philippe Sollers affirmait qu'écrire et lire c'était la même chose. Rien de plus juste ! J'avais fait hier un tweet qui disait : « En voyant comment les gens écrivent, on sait comment ils lisent. Leur lecture se retrouve entièrement dans leur écriture. » et quelqu'un m'a répondu en citant Nicolás Gómez Dávila : « La décadence d'une littérature commence quand ses lecteurs ne savent pas écrire. » Tout cela est parfaitement cohérent. Savoir lire, tout est là. Quand il a eu cinq ans, Sollers s'est aperçu tout à coup qu'il savait lire, et ce moment a été pour lui une révélation d'une extrême importance. Savoir lire, c'est la liberté. C'est pour cette raison que nous avons toujours l'impression de ne croiser que des gens qui sont enfermés dans une prison, la prison de la langue, ou plutôt de la non-langue. Il suffit de lire deux phrases écrites par eux pour savoir qu'ils ne savent pas lire. Ils auront beau faire, ils auront beau se débattre, hurler et tout casser, ils seront toujours enfermés en eux-mêmes. Savoir lire ne va pas de soi. Il faut lutter, pour apprendre à lire. Il faut se battre contre soi-même. Au moins étions-nous un peu aidés par l'École, nous autres qui avons plus de soixante ans, ce qui n'est plus du tout le cas, depuis longtemps. C'est quelque chose qu'on extirpe de soi, comme un sang neuf qu'on extrait de nos vieilles racines, la lecture, ça plonge très loin en nous, contrairement à la vidéo qui reste à la surface. 

dimanche 24 décembre 2017

L'Impasse



Le matin de Noël, il était arrivé à la fin du chapitre vingt-cinq. Il se leva et prépara son petit déjeuner. Des œufs au jambon, un jus de pamplemousse, un morceau de fromage et des tartines au miel. Une fois son déjeuner terminé, il se mit au soleil, dans la véranda, bien installé dans le grand fauteuil de cuir jaune. Il resta un moment à regarder la mer en écoutant les Fantasiestücke de Schumann. La chienne ne bougeait pas. Il reprit son livre mais, au moment d'attaquer le chapitre vingt-six, il eut un doute sur ce qu'il avait lu quelques heures auparavant, et décida de reprendre un peu avant la fin du chapitre.  

À peine était-il plongé dans sa lecture que quelque chose la chiffonna. Il devait reprendre légèrement plus haut encore, afin de comprendre ce qu'il était en train de lire. Il jeta un regard sur la chienne, prit une grande inspiration, et se mit en devoir de se concentrer. Cette fois-ci il reprit au premier tiers du chapitre vingt-cinq car il avait la sensation que c'était à ce moment-là qu'il avait raté quelque chose. On entendait Warum ("langsam und zart") et la chienne qui, en train de rêver, sans doute, poussait de petits jappements étouffés. Il alla péniblement jusqu'à la fin du chapitre, mais il était mal à l'aise. Il posa le livre et regarda à nouveau la mer, tentant de rassembler ses esprits. 

Il resta un moment perdu dans ses pensées. Il était déjà onze heures, la pendule venait de sonner. Le livre était sur ses genoux et il passait machinalement ses doigts sur la couverture. Il le feuilleta, sans intention particulière, alla à la table des matières, mais sans lire un seul mot, puis porta le volume à son nez, pour en sentir l'odeur. Il se dit alors qu'il avait des choses urgentes à faire. Derrière les vitres de la véranda, la mer était désespérément vide, grise et muette. Sans savoir pourquoi il pensa à cette femme, si morne, si triste…

Alors il reprit sa lecture, mais cette fois-ci il recommença le chapitre vingt-cinq à son début, pour être bien certain de ne pas laisser quelque chose de côté. Il lui fallait absolument comprendre. Il était allé débrancher son téléphone pour être sûr de ne pas être interrompu. Rien ne devait rester dans l'ombre, s'il voulait pouvoir continuer ce roman passionnant. Il savait — et il le savait avec une certitude absolue — que quelque chose, là, devait être lu, devait être compris, devait être élucidé, s'il voulait pouvoir avancer dans l'histoire. Il lut lentement, avec une application exagérée et, dès qu'il eut lu le dernier mot du chapitre vingt-cinq, tourna la page rapidement et entama le chapitre vingt-six. 

Il n'avait pas terminé la cinquième phrase qu'il s'arrêta. Il lui fallait admettre l'évidence : il ne comprenait pas ce qu'il lisait ! Quelque chose empêchait les phrases d'arriver intactes jusqu'à son esprit, ou plutôt, elles lui parvenaient tellement intactes qu'elles n'avaient de rapport qu'avec elles-mêmes ; c'était des phrases pures, absolues. Ce qu'il lisait lui donnait l'impression d'être barré, de flotter dans un éther. Il reconnaissait les propositions, les mots, les lettres, mais ça ne lui apprenait rien, ni sur l'histoire qu'il était en train de lire, ni sur lui, ni sur le monde, et ces phrases semblaient ne pas appartenir au livre qu'il tenait entre les mains, elles paraissaient avoir été placées là uniquement dans le but de lui nuire, ou de le divertir de sa lecture.

Il lui sembla évident que la raison en incombait à ce vingt-cinquième chapitre, qu'il avait sans doute mal lu, malgré ses efforts, qu'il n'avait pas suffisamment compris, et qui se vengeait en lui interdisant de poursuivre sa lecture. Il lui vint une autre idée, qui était que, peut-être, l'auteur avait volontairement placé là comme une faille de sens, un trou noir littéraire, quelque chose comme une anacoluthe géante, une cabale, une aporie de lecture. Et si après tout ce chapitre vingt-cinq était la vraie fin du livre ? D'accord, mais alors que faire du reste, des cinquante derniers chapitres ? Aurait-il fallu les lire avant ? L'auteur aurait quand-même dû nous prévenir ! Il lui semblait assez peu probable en tout cas qu'un écrivain passe du temps, beaucoup de temps, à écrire une cinquantaine de chapitres destinés à ne pas être lus, qu'il conçoive un livre dont les deux tiers seraient inutiles, ou peut-être pas inutiles, mais en tout cas destinés à rester lettre morte. Pourquoi ne pas tout simplement arrêter son livre au chapitre vingt-cinq ? Une raison éditoriale ? Un pari ? Un coup de génie littéraire ? Non, ça ne tenait pas debout. La faute ne pouvait en incomber qu'à lui, au lecteur qui ne savait pas lire ce vingt-cinquième chapitre, et dont il avait bien senti à sa lecture que quelque chose obscurément se refusait à lui. 

Il fallait trouver une issue. Il décida de faire une pause et de consulter Internet, à la recherche de locations à Phuket, en Thaïlande. Il avait besoin de soleil, de soleil et de repos. Oui, c'est ça. Un peu de repos, de détente, de joie-de-vivre, et ce chapitre vingt-cinq ne serait plus qu'un mauvais souvenir. Aucun livre ne résiste à un lit de soleil, à l'air marin et à une boisson fraîche, à 31°, au pays du Sourire. Lucien et Marinette lui avaient souvent dit qu'il ferait bien de venir les rejoindre dans ce qui est pour eux le paradis sur terre. Quinze jours au paradis ne pourraient que lui faire du bien. Il passa une heure à éplucher les propositions de vacances — il avait posé le livre sur la table basse du salon —, puis il alla faire caca et prendre sa douche. 

Que signifie bien lire, se demanda-t-il, en sortant de la salle de bains, après s'être lavé les dents. Il savait bien qu'il ne partirait pas à Phuket avant d'avoir achevé le livre. Il lui semblait de toute façon impossible de rester sur cet échec humiliant. Il rouvrit Marelle, de Cortazar, pour voir si une idée ne lui viendrait pas, mais il se sentit comme un nageur sans eau. Il fit quelques notes dans sa trompette, alluma la télé, puis alla courir sur la plage avec la chienne. En courant, il pensait à Isabelle, à Christine, à Sarah, à Céline, à Anne, à Raphaële, à Catherine, à Véronique, à Ettie, à Sophie, à Elisabeth, à Sylvie, à Pauline, à France, à Maya, à Malika, à Barbara, à Brigitte, à Pascale, à Valérie, à Lakshmi, à Juliette, à Mathilde, à Edwige, et toutes ces femmes qui lui revenaient en effluves, en feuilletés, en surimpressions, le désespérèrent sans qu'il sût pourquoi. Essoufflé, en nage, il s'assit sur le sable et se mit à pleurer à chaudes larmes. La chienne vint lui lécher le visage et ses pleurs redoublèrent. 

De retour à la maison, il entra dans une fureur folle. Il avait envie de tout casser, de brûler tous ses livres. Il eut l'idée de taper "chapitre vingt-cinq" sur Google, pour voir si par hasard ce problème était connu, si d'autres avant lui avaient buté sur ce même chapitre, mais sa recherche ne donna rien. Il but deux verres d'alcool de poire coup sur coup, et s'affala dans le canapé. Après être resté prostré durant une bonne heure, le souffle rauque, le regard vague, il finit par s'endormir. Dans son rêve, il était sujet à une panne sexuelle, face à la femme aimée, et celle-là riait à gorge déployée, mais l'étrange est que son sexe était énorme, et c'est cela qui  provoquait le rire de la femme, qui avait l'air d'une poupée fatale et qui n'avait pas de bras.

C'est la chienne qui le réveilla en lui léchant les mains. La nuit tombait déjà. Il avait faim, et la chienne aussi. Tous les deux, ils se sustentèrent, côte à côte, à la cuisine. Le livre n'avait pas bougé, il était toujours sur la table basse du salon. Le téléphone sonna, mais il ne répondit pas. Il entendit ensuite que quelqu'un lui envoyait un mail. Il n'alla pas non plus le lire. 

Pris d'un léger vertige et le cœur battant, il retourna au salon, attrapa le livre sans le regarder, et alla s'installer dans la véranda. Il régla la lumière de telle manière à ce qu'il n'eut aucune difficulté de lecture. Le vent se levait. Il rouvrit le volume, alla au chapitre vingt-cinq, attendit quelques instants, puis se mit à lire, avec une ardeur soutenue. Parvenu au terme du chapitre, il comprit enfin ce qui n'allait pas. C'était pourtant simple ! Il n'avait pas compris le chapitre vingt-quatre.