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dimanche 2 juillet 2023

[Journal*] mercredi 17 juillet 2002

 (Closerie, deux heures moins le quart de l'après-midi, cuisine)

Circé est là-haut, avec Mère.

« Un matin, l'un de nous, manquant de noir, utilisa du bleu. » (Renoir) La vie est simple comme une absence de couleur. L'un de moi, un beau matin, manquant de Sarah, baisa Judith… Un autre de moi, manquant durant une chaude après-midi de ses cuisses de nageuse, écrivit une page, et le lendemain une autre, et puis, sur ces pages, passa du noir au bleu, et puis du bleu à la présence, et puis de la présence à la syntaxe, et au détour des phrases franchit toute une année, d'un printemps à l'autre, d'un corps à l'autre. Comme la vie est simple quand on dispose d'un peu de silence. Et d'un peu d'absence. 

Hier, Paco a téléphoné, ici. Il est tombé sur Sylvain, a sans doute été surpris, a demandé à parler à Mère. Elle a refusé de lui parler. 

Je lui montre La Baigneuse aux cheveux longs. Elle s'endort.

samedi 25 février 2012

« En couleurs, en couleurs ! »


M.L. est un de ces abrutis qui ont trouvé avec Internet la force d'exister. Jamais en panne d'un jeu de mots aussi pitoyable qu'approximatif, il va jusqu'à intervenir sur le forum du 3.14, c'est dire l'absence complète de sens du ridicule consubstantiel à ce genre de personnages. Il en faut, me direz-vous, des M.L. ! Oui, certes, il en faut, comme il faut que même les génies aillent chier le matin.

Mais peu importent M.L. et les quelques semi-débiles qui parlotent chez D.G. On y lit (chez D.G.) que "des officiers allemands", visitant l'atelier de Picasso, rue des Grands-Augustins, durant l'Occupation, "tombèrent sur Guernica". Il paraît difficile que Guernica se soit trouvé rue des Grands-Augustins, dans l'atelier de Picasso, pendant la guerre, puisqu'il était alors à New York. Il s'agissait en fait des cartes postales que Picasso distribuait gaiement aux Allemands. Mais là encore peu importe.

L'intéressant est qu'on parle d'"anecdote controuvée", et qu'on réclame le tableau "en couleurs". Dès qu'il s'agit de Picasso, tout ne peut être bien entendu qu'"anecdote" ou "légende". On le déteste, celui-là. Et depuis qu'on a la caution de l'ancien directeur du musée Picasso, on se gêne encore moins qu'avant. Il y a les-femmes qui trouvent que ses dessins érotiques sont obscènes et idiots, il y a les amateurs-de-peinture qui trouvent qu'il ne sait pas peindre, que ses femmes sont laides, il y a les-citoyens qui trouvent que ses toiles sont trop chères, il y a les-homos qui trouvent qu'il est trop hétéro, il y a les-internautes qui trouvent que sa peinture n'est pas assez morale. Ajoutez à ça la corrida ! Bref, ça ne va pas. Ça ne va pas du tout ! Il est grand temps d'étudier à nouveau le cas Picasso !

Mais le comble est atteint lorsqu'on essaie de nous refourguer une peinture en noir et blanc ! Là, l'internaute s'étouffe de colère ! L'internaute est né dans la-couleur, il y patauge toute la journée, il en avale depuis le petit déjeuner jusqu'au souper, de la-couleur, alors c'est pas à lui qu'on va la faire ! Un tableau, c'est en couleurs, y a pas à sortir de là. Sinon, c'est de l'arnaque. On n'a quand-même pas des écrans en millions de couleurs pour voir de la peinture en noir et blanc, bordel de merde ! Il s'indigne, l'internaute citoyen !

Résumons-nous. Le seul tableau valable de Picasso, c'est Guernica, parce qu'il traite d'un sujet réel, coté 9/10 sur l'échelle morale (pensez, une œuvre d'art qui dénonce explicitement les-fascistes, ça n'a pas de prix). Seulement, ce con d'Espagnol l'a fait en noir et blanc, ce qui rend le tableau tout de même un peu suspect. Ça ne va pas jusqu'à annuler sa superbe cotation morale, mais enfin, ça l'obère quand-même sacrément, faut reconnaître ! Quoi, l'avait pas assez de thune pour s'acheter des tubes de couleurs chez Adam, l'Espingoin ? Même de la Ripolin ? Ah, c'est pas sous Jack Lang qu'on aurait eu ce genre de soucis !

Pour réconforter le pauvre M.L., annonçons que Guernica a été "refait" en 3D, et que tout ça est gratuit ! Si M.L. n'est toujours pas content, car les Internautes sont exigeants et en veulent toujours plus, je me propose de coloriser Guernica. Mon prix sera modeste. Modeste en regard du prix du tableau, s'entend. M.L. aura alors le must du top sur son écran en millions de couleurs : un Guernica en couleurs et en 3D, et pourra continuer, rasséréné, à aligner sur le Net ses chapelets d'excréments tout chauds, et pourra peut-être, nous l'espérons du moins, parler d'autre chose que de peinture, à défaut de se taire tout à fait.

mardi 6 décembre 2011

Bleue et complètement nue


J'ai à ma droite l'artiste Joe De Cock, en face de moi Pierre Restany, et à ma gauche, une dame, charmante, qui me sourit gentiment. Je lui rends un sourire, elle semble attendre quelque chose. Finalement, elle se penche à mon oreille.
— Édouard, tu ne me reconnais pas ?
— Oh, pardon ! Non, non, je ne vois pas !
— Elena Palumbo-Mosca ! J'étais le pinceau vivant chez Yves, rue Campagne-Première.
— Elena, bien sûr… Je te prie de m'excuser, sache que tu n'as pas changé, malgré les trente années qui viennent de s'écouler, seulement je ne me souvenais de toi que bleue et complètement nue !

(Edouard Adam, Itinéraire d'un marchand de couleurs à Montparnasse)