Berga marche d'un pas alerte, dans sa petite robe noire, avec un minuscule sac à main en plastique sur lequel est reproduite une photo célèbre de X. Elle a le cheveu bouclé, presque frisé, le teint à la fois pâle et légèrement rougi par plaques, comme si la peau n'était pas en paix, et les yeux sont d'étroites fissures effervescentes. Sa démarche est raide, et un je-ne-sais-quoi dans son maintien montre que ses seins lourds sont le centre de gravité de son corps fluet ainsi qu'un problème pas tout à fait secondaire dans sa vie. Elle traverse le jardin du Luxembourg comme si l'on était en guerre. Ce qui frappe immédiatement quand on la voit est cette sorte de demi-sourire barré dont on ne parvient pas à savoir s'il est un rictus ou un apprêt, s'il est posé là comme la dernière touche de l'habit ou s'il n'est que le signe de ce qui menace d'arriver à la surface malgré le masque. Elle vient d'écrire sa lettre de démission du parti et la repasse mentalement dans sa tête. Elle a soif, elle boirait bien une bière, mais elle se méfie de l'odeur qu'elle se connaît alors. Au moment où elle va sortir du parc, elle comprend qu'on l'apostrophe, s'arrête et dirige son regard vers un jeune Maghrébin : « Hé, Madame, tu pues l'amour ! »