Le premier panneau indiquait que j'étais sur l'autoroute. Le deuxième panneau me prévenait que je traversais une zone où la garrigue était chez elle. Je constatai de visu qu'il en était bien ainsi. Le troisième panneau m'informait qu'il pleuvait. Le quatrième que je devais rouler à droite. Le cinquième me donnait l'heure et me rappelait qu'il pleuvait toujours. Le sixième panneau tenait à me faire savoir que nous étions en France, et que je roulais de jour. Un peu plus tard, un autre panneau m'informa qu'il faisait nuit, qu'il fallait continuer de rouler à droite, éclairer mes feux de croisement, et que je me trouvais toujours en France. Quelques kilomètres plus loin, on me disait à nouveau que j'étais bien sur une autoroute. Je commençais à m'assoupir lorsqu'un panneau déclara qu'il valait mieux être éveillé pour conduire. Arrivé enfin à destination, la centrale de la maison, après m'avoir souhaité le bonjour et m'avoir informé que j'étais bien chez moi, affirma que l'eau chaude pouvait provoquer des brûlures et qu'il valait mieux se munir d'un parapluie, si l'on décidait de sortir durant une averse. J'allais me faire un café lorsque la cafetière émit une alerte : "Attention ! Ne plongez pas la cafetière dans l'eau pour la nettoyer, si vous ne l'avez pas débranchée du courant électrique !" Je décidai de me faire couler un bain et j'entendis le message suivant : "Lorsque le niveau d'eau souhaité est atteint, il faut ne pas oublier de fermer les robinets, vous risquez sinon une inondation ! Trempez votre main dans l'eau, AVANT d'entrer dans la baignoire, afin de vérifier que l'eau n'est pas trop chaude !" J'allais allumer une cigarette, lorsque me revint en mémoire l'information délivrée douze fois par jour par tous les canaux privés et publics, selon laquelle : "Fumer tue !" N'ayant aucune velléité de meurtre, ni sur ma personne ni sur aucune autre, je remis la cigarette dans le paquet, heureux d'avoir échappé à la mort. Ce n'est pas encore pour cette fois-ci, me dis-je, in petto.
(…)
J'étais en train de plus ou moins m'endormir dans mon bain, lorsqu'une voix suave me susurra, mezzo-voce : "Il ne suffit pas d'aller voter, pour être un bon citoyen, encore faut-il BIEN voter !" Je sus immédiatement que cette annonce était subversive, car elle ne précisait pas COMMENT on devait voter pour BIEN voter. Je m'autorisai alors une cigarette. La dernière.