Grand spectacle en Belgique, grand spectacle en France. On est gâtés ce soir. "Une journée évidemment très chargée en émotion", nous zozote Lolo Ferrari de toute la grâce de son ministère maternel. Un instant auparavant, elle avait rappelé à l'ordre les deux clowns des-deux-communautés-religieuses qui avaient la prétention de vouloir dire quelque chose sur son plateau de bruits de mère. Ici, on ne dit rien, Messieurs ! leur a-t-elle asséné de toute la hauteur de son quatrième et ultime pouvoir, ce qui se traduisait à peu près par : "L'heure est à l'émotion."
L'heure est à l'émotion, dormez, bonnes gens, il ne se passe rien dans le beau royaume de France, et me parlez même pas de l'Europe ! Émotionnez-vous ce soir, demain soir, après-demain soir, et pour tout le reste de votre vie, chialez un bon coup mais si possible en cadence : il n'y a ni problèmes, ni choc des civilisations, ni rien de que vous croyez voir chaque jour, tout cela n'existe pas, n'a jamais existé et n'existera jamais que dans les cerveaux malades de ceux que nous allons nous occuper de rééduquer, de soigner, et plus si affinités. L'heure est à l'émotion, c'est l'printemps, ya d'la joie, bonjour bonjour les Salafistes, Patrick Sébastien vous demande de reprendre en chœur et Dijon Bourdier nous rappelle qu'il l'avait bien dit, que ses équations étaient parfaitement justes, et ce depuis mille ans (Charles Martel, c'était lui, la Pucelle, c'était lui, De Gaulle c'était lui, Paco Rabanne aussi !) ! C'est le Grand Ceci c'est le Grand Cela, prenez tous vos responsabilités, y'en aura pas pour tout le monde ! Même Didier Goux se met à envoyer des lettres d'amour à Georges, c'est dire que l'heure est à l'émotion !
De toutes parts, ce soir, les signatures affluent, j'en ai déjà 501 sur mon bureau mais je ne sais plus à quoi elles devaient me servir. Peut-être une pétition de soutien à Jean-Michel Ribes, ce colossal artiste sans qui les valeurs de la République vacilleraient sur leur socle ? 501 signatures qui demandent la fermeture du blog de Georges ? 501 dénonciations pour homophobie ? Peu importe. Le tout est qu'elles soient là, nombreuses, joyeuses, ludiques, citoyennes, festives, graves, républicaines, tolérantes, vivrensemblistes, progressistes, diversitaires, humanistes, démocrates, branchées. Ce soir, I have a vision : je vois tous les Français, du Vieux Port à Montfermeil, habillés de la chemise blanche de BHL, le regard sombre, le poitrail offert et la tempe moite. Ils errent dans les rues à la recherche de leur flash-mob, entre Toulouse et Bruxelles, ils veulent étreindre le réel, l'investir de leur confiance en un avenir où tous les mots-méchants auront été éradiqués (bip, bip, bip), saloperies de mots, un futur où le cool coulera dans les veines de chaque adoyen débarrassé enfin de son cerveau reptilien, de son genre, du sexe, de la clope, des poils et du passé.
Encore un effort, Adoyen, la comédie est un art difficile ! Je ne sais pas pourquoi je pense aux Bouddhas de Bâmiyân, explosant là-bas, loin de chez nous, très loin. Les Talibans, ça c'est des gars qui savent s'amuser, on va dire. Ça c'était de la fête, Coco ! Le grand Magic Circus qui se tient ici jusqu'au 6 mai va avoir un peu de mal à rivaliser, mais grâce à la blogosphère, on aura tout de même l'impression qu'il se passe quelque chose en France, et que l'heure est à l'émotion, encore et toujours.