lundi 22 février 2016

Faites entrer l'enculé !


Qui a tué Philippe Gletty ? Sa femme, pour éviter le divorce ? L'ex-mari de sa femme, pour se venger ? Son ex-épouse, qu'il avait mise sur la paille ? Ou encore sa secrétaire, qui travaillait jusqu'à l'épuisement ? À moins que ça ne soit sa femme de ménage, qui avait parfois ses faveurs ? Qui a tué ce chef d'entreprise, adoré de tous ses salariés ? Philippe Gletty aimait les belles voitures et les jolies femmes. Peut-être trop…

27 février 2012, dans le massif du Pilat, près de Saint-Étienne. C'est là qu'habite la famille Gletty. Philippe, chef d'entreprise, Stéphanie, cadre dans une banque, et ses deux enfants. 

« C'est un lundi. Comme tous les lundis, je ne travaille pas, je suis à la maison, Philippe part au travail, comme chaque fois, vers huit heures, huit heures et demie, il dépose mes enfants au passage, puisque ça me permet de rester tranquille, et puis il va faire un tour sur le chantier de Farnay, puisqu'on a encore des artisans qui travaillent, on est à un mois de la résidence, donc il y en encore pas mal de choses à piloter. »

Ce chantier, c'est celui de leur future maison, une grande villa qui dominera la vallée du Giez, le grand projet de Philippe Gletty en ce début d'année. 

« Moi je fais mes petites affaires, mes courses, mon petit bazar, de mon côté, on s'envoie énormément de textos dans la journée, parce qu'on est comme ça, on vit à travers nos textos et nos téléphones. Donc il me tient au courant, il m'envoie une photo du palmier qui était planté le matin même. Et le dernier texto, je le reçois à onze heures et demie, où je lui signifie que je rentre à la maison pour préparer le repas et il me dit : OK, bisous, à tout à l'heure. J'attends ; midi, midi et demie, c'est pas tellement les habitudes de mon époux de pas rentrer à l'heure, et surtout de ne pas me prévenir… »

Les heures de l'après-midi s'égrènent. Mais le mari de Stéphanie ne donne aucune nouvelle. Et au dîner, toujours rien… Vers vingt-deux heures trente, Stéphanie Gletty se décide à appeler la gendarmerie de Saint-Paul-en-Jarret. 

« Sachant qu'elle n'est pas particulièrement affolée, puisqu'elle-même dira à ce moment que son mari, par le passé, a pu prendre un peu de recul, dans des moments où il avait beaucoup de travail… »

« C'est possible, mon mari avait une fois pris sa voiture et roulé toute la nuit parce que ça n'allait pas, le burn-out total, il n'y arrivait plus, il m'avait dit : "je pars"… Je sais qu'il faisait des kilomètres, dans ces cas-là, il roulait, il roulait, il se vidait la tête. »

« L'opérateur, à ce moment-là, l'informe que son mari — à sa connaissance — n'a pas été hospitalisé, ou n'a pas fait l'objet d'un accident et d'une intervention de notre part. »

Pas d'accident, Stéphanie Gletty est au moins rassurée sur ce point. Mais, le lendemain, son mari ne rentre toujours pas. Vers dix-sept heures trente, elle rappelle donc la gendarmerie. 

« Cette fois, on lui demande des éléments de signalement beaucoup plus précis, concernant son véhicule, parce qu'il utilise un véhicule Audi Q7. »

« On sait, par madame Gletty, qu'il a un système de positionnement GPS de l'entreprise Cobra. »

Un système antivol qui équipe le puissant 4x4 de Philippe Gletty. 

« La personne de l'entreprise nous indique que le véhicule est stationné à la Terrasse sur D'Orlay, place des Artisans Boulangers, depuis le lundi 27 février 2012 à onze heures vingt. »

Garé à dix kilomètres de la maison des Gletty, le 4x4 n'a donc pas bougé depuis la veille. Les gendarmes demandent à Stéphanie de les rejoindre avec le double des clefs. Dans la voiture, rien à signaler. 

« À ce moment-là, mon collègue lui demande si Philippe Gletty a des tendances suicidaires, ou s'il a des problèmes quelconques, et lui demande également si Philippe Gletty détient une arme à feu. » 

« Le suicide, j'y pense, je me dis il a pu avoir un moment de gros gros blues, mais pourquoi là ? Il n'avait pas le profil le matin même. C'est vrai que quelqu'un qui se suicide il est quand-même dans un état un peu léthargique, il n'envoie pas une photo de palmier, voilà, il y avait quelque chose qui n'allait pas très très bien. »

Les gendarmes veulent vérifier tout de même. Philippe Gletty a pu se garer et s'éloigner un peu pour mettre fin à ses jours. Il y a un barrage au-dessus du village, où plusieurs personnes se sont déjà suicidées. Mais ces premières recherches de nuit ne donnent rien. Les gendarmes regagnent le parking quand Stéphanie leur confie un souvenir intéressant. 

« Je connais très bien la Terrasse sur D'Orlay, parce que j'ai quand-même été sa maîtresse pendant des années et je sais que c'est le point de chute où on laissait nos véhicules, pour se sécuriser. »

« Ça peut être une escapade amoureuse, effectivement, ça peut être aussi le fait de rencontrer un intermédiaire, dans le cadre d'une affaire, pourquoi pas, financière… Toutefois, ça n'explique pas qu'il ne soit pas revenu et c'est en cela que ça reste très inquiétant. »

« Là mon mari il a dû partir. Il a rencontré quelqu'un… C'est étonnant qu'il ne prévienne pas sa mère, mais… il a dû partir. Les gendarmes m'incitent à penser ça en tout cas. Ils me disent, Madame, vous n'êtes pas la première qu'un homme quitte et puis ça peut arriver, on ne va pas déclencher non plus une alerte particulière, votre mari a dû partir avec une autre femme. »

Mais les heures passent encore et Stéphanie Gletty se ressaisit. 

« Ce n'est pas possible. Il a des médicaments. Il est obligé de prendre ces médicaments. Il n'a pas pris sa sacoche. Il n'a pas d'argent. Je ne vois pas de mouvements sur son compte en banque, je sais qu'il avait assez peu de liquidités sur lui. Il n'est pas parti avec son véhicule. Ça ne ressemble pas à mon mari. C'est sûr. »

Un chef d'entreprise qui disparaît comme ça, en laissant femme et enfants sans nouvelles, la situation est suffisamment préoccupante pour qu'au troisième jour le procureur de Saint-Étienne ouvre une information pour "disparition inquiétante". Les gendarmes de Saint-Paul-en-Jarret se rendent au siège de Princeps-Alu, la société de Philippe Gletty, une usine de portes et fenêtres en aluminium. 

« Il était là tous les jours, oui, bien sûr. On a commencé à se poser des questions, au bout du deuxième, au bout du troisième, oui, il n'y avait plus de problèmes, Philippe était disparu. »

« L'ambiance est pesante et elle est difficile, dans le sens où il y a une quarantaine d'employés. Philippe Gletty est estimé, donc tout le monde s'inquiète fortement de sa disparition, d'autant que personne n'apporte d'explications. »

Les gendarmes reprennent donc l'emploi du temps du chef d'entreprise, ce lundi 27 février. Philippe Gletty est arrivé vers neuf heures, chez Princeps-Alu. 

« Tous les matins, en arrivant, il faisait le tour de l'entreprise, complet, et il venait saluer… tout le monde. Que ça soit dans l'atelier, dans les bureaux, mais il venait saluer… tout le monde. »

Vers dix heures trente, il a passé un coup de fil important à un ami, lui aussi chef d'entreprise dans la région.

« Il m'appelait pour un renseignement purement professionnel, pour une affaire à Montpellier, avec un grand groupe de la construction que je connais bien, puisque j'y ai travaillé. Il a toujours été à la recherche de conseils, il n'hésitait pas, on s'appelait, il disait ben tiens, là-dessus, comment tu fais… Je l'ai trouvé comme d'habitude, tout à fait naturel, et il n'y avait pas de choses particulières dans ses propos. On se sépare et on se souhaite une bonne semaine, puisque il était rare les semaines que je ne l'avais pas une fois au téléphone, donc, voilà. » 

En poursuivant leurs auditions dans l'atelier, les gendarmes identifient le dernier employé qui a eu un contact direct avec le patron. 

« Sur les coups de onze heures, il est interpellé par un de ses employés, M. Bonnet, un métreur, qui lui demande de rappeler un client concernant un métrage pour un chantier en cours sur l'agglomération lyonnaise. »

« Pensant que Philippe était dans son bureau il n'y était pas et il était en train de partir. Donc je suis descendu au rez-de-chaussée, Philippe était là encore, je lui ai donné le post-it en lui disant il faut que tu rappelles cette personne là parce que bon effectivement il voulait discuter avec toi mais à priori on aura le chantier. Il m'a dit il n'y a pas de problèmes je le rappelle sur la route parce qu'il partait. »

« Il va quitter l'entreprise de manière on va dire presque précipitée aux alentours de onze heures, selon les différents témoins. Personne ne sait où il va effectivement, ni même Mme Beau, ou en tout cas l'ensemble du personnel administratif qui le côtoie au quotidien. »

Bettina Beau c'est la plus proche collaboratrice de Philippe Gletty, la secrétaire de direction, celle qui sait tout sur tout…

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