samedi 1 février 2014

Ne bougez pas !


Le petit Jésus est en apprentissage chez un teinturier de Tibériade. Celui-ci lui apprend les particularités de chaque couleur et lui remet plusieurs étoffes somptueuses qui doivent être teintes chacune d'une manière singulière, avant de se rendre au marché pour ses affaires. Jésus, resté seul à la boutique, et pressé de retrouver ses parents, plonge toutes les étoffes dans une seule et même cuve emplie de couleur noire, puis rentre chez lui. Le teinturier, à peine rentré, constate que son apprenti a ignoré ses consignes et que les précieuses étoffes sont maintenant uniformément noires. 

Le lendemain, nous retrouvons la meute sur la piste des bisons. Les petits ont grandi, ils sont plus résistants. Les bisons prennent la fuite. Accélérations, dépassements, feintes, encerclements, harcèlements, replis tactiques, c'est un ballet merveilleux, organisé sous la direction du loup le plus intelligent et le plus fort. Les petits bisons courent en restant au plus près de la mère, capable de tenir trois loups à distance.

J'appelle le 15. Bonjour Le Quinze, comment allez-vous ? C'est plutôt à moi de poser cette question, non !? Comment allez-vous ? Qu('est)-ce que ça peut vous foutre ? Bon, bon, alors dégagez, n'encombrez pas la ligne ! Mais je voulais avoir de vos nouvelles, moi ! Appelez le 16, je crois qu'il déprime grave…

New York, 1987. Jésus revient. Il fait un tour en ville, et puis il se tire vite fait. Quel boucan !

Grands formats. Couleurs vives. Beaucoup de noir. Hier, on m'appelle au téléphone. Bonjour, M. X, c'est les impôts. Attendez, je vous passe Y. Non, c'est à X que je veux parler. Oui, mais moi je ne veux pas vous parler.

Je sors de la route. Boum ! Un platane. La rencontre de ma vie.

Il entre dans une violente colère et se rend chez Joseph et Marie, à qui il raconte ce qu'a fait leur fils. Le pauvre teinturier se dit déshonoré. Mais Jésus le réconforte en lui affirmant qu'il va plonger à nouveau les étoffes dans la même cuve de noir, et qu'elles en sortiront avec les couleurs voulues par leurs propriétaires. C'est ce qu'il fait, à la grande surprise du teinturier.

Salt Peanuts, vous connaissez ? Bon, passez-moi M. Y, je crois que ça vaut mieux.  Petit Bison, c'est les impôts au téléphone ! Ah, les chiens, y m'ont r'trouvé !

Et la journée s'écoule tranquillement. Elle est assise sur un banc, elle fait des mots croisés. Vous pourriez me montrer vos seins ? C'est dix dollars. Bon, je reviendrai quand j'aurai fait fortune. J'ai un tableau à vendre, ne bougez pas.

Le tableau est tout noir, évidemment. Il faut le replonger dans l'acide et dans les larmes, et alors les couleurs apparaissent, resplendissantes, aveuglantes. Tellement aveuglantes que tout le monde passe sans le voir.