Tout me conduisait naturellement à le détester. Andy Warhol, le pop art, les tags, sa dégaine, et surtout ceux qui l'aimaient et ceux qui l'aiment. J'avais aperçu du coin de l'œil deux ou trois tableaux qui me confortaient heureusement dans cette détestation naturelle. Même son nom trop français m'énervait ! Je me souvenais vaguement de Catherine V. qui m'avait dit l'admirer, mais j'avais soigneusement remisé cette bizarrerie dans le tiroir "snobisme décadent", une sous-section du tiroir "les modernes sont des cons", et je n'y pensais plus. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pourquoi donc a-t-il fallu que je voie, sur Artstack je crois, d'autres toiles, qui ne collaient pas du tout, elles, avec l'image que j'avais en tête ? Quelqu'un avait décidé de venir m'emmerder, ça ne faisait aucun doute.
Un Rasta avec les cheveux en pétard qui dessine des graffiti dans la rue en se bourrant de coke, et qui veut devenir célèbre ? On connaît la chanson. La filière est inépuisable, et d'ailleurs il a couché avec Madonna, un signe qui ne trompe pas. Tout le monde a reconnu Jean-Michel Basquiat, Samo pour les intimes, à la vie aussi brève qu'un orgasme masculin. En l'écoutant parler, je suis bien obligé de reconnaître qu'il est tout sauf idiot, et qu'il vaut beaucoup mieux que la plupart des abrutis qui de nos jours se piquent de faire dans l'art, même les célèbres, surtout les célèbres. Mais c'est surtout sa peinture qui maintenant m'impressionne, sa peinture qui, sa peinture que…
Sa peinture ? Je n'en dirai rien pour l'instant. C'est encore trop neuf pour moi. Je n'aime pas parler des choses que je découvre. Tout de même, j'ai eu l'impression de retrouver un peu de vie dans un art moribond, asphyxié qu'il était (et qu'il est encore) par "l'art conceptuel", qui n'est que l'autre nom qu'on donne à l'impuissance et à la bêtise.