dimanche 27 avril 2025

Théorie d'ensemble

 

Ce matin, je me suis levé aux aurores comme tous les dimanches, et j'ai bu mon café sans avoir la moindre idée de ce que j'allais écrire, ce qui est assez rare. Les événements (événements à mon minuscule niveau, bien entendu) survenus ces derniers jours rendent assez dérisoires de continuer à s'imaginer écrivain-écrivant. Aujourd'hui, je ne rêve que d'une chose : avoir un travail et m'y rendre chaque matin — avoir un travail et une fiche de paie, bien sûr. En parlant d'écrire, le nouveau Mac possède un clavier mille fois plus confortable que l'ancien, et surtout, ne m'oblige plus à perdre un temps infini à repasser derrière lui pour supprimer toutes les voyelles en double qu'il disposait à l'insu de mon plein gré — et de manière aléatoire ! — dans les mots sur lui tapés. Cette histoire de voyelles qui prennent leurs aises avec l'orthographe (beau sujet pour un psychanalyste, ou un kabbaliste !) m'en rappelle une autre : la VED. La VED, c'est la Verve Épistolaire Dispersée, une chose que j'avais inventée au début des années 80, alors que j'habitais à Planay. Il n'existait pas d'ordinateur, alors, mais j'avais une machine à écrire. Machine-à-écrire… J'aimerais posséder une telle chose ! Il me semblait évident que nous n'écrivons pas de lettres qui soient radicalement différentes les unes des autres, quel qu'en soit le destinataire. La Verve Épistolaire Dispersée est une chose paradoxale que je crois intéressante, et dont je reparlerai sans doute ailleurs : elle consistait, pour faire très simple, à être capable d'écrire une lettre — dans laquelle on ne changeait que quelques mots clés — qu'il était possible d'adresser à plusieurs personnes sans que la singularité essentielle de sa substance en soit affectée. Dommage que je n'ai pas conservé les lettres écrites selon cette « méthode », ou ce rite, ou cette religion, je serais très curieux de voir en quel idiome j'écrivais à l'époque. Je me rappelle vaguement un style très dur, dur au point qu'une de mes correspondantes, la belle Barbara King, m'avait dit : « Tu me fais peur ! » Barbara était venue dans mon trou pour y accorder mon piano, et avait passé quelques jours chez moi. Elle était pianiste et accordeur. Je me souviens de son style de piano, quand elle jouait du jazz. Elle jouait bien, mais il lui manquait une chose essentielle en ce domaine : les accents. Son jeu était lisse et propre. Trop lisse. Trop Chopin… C'était mon vieux Kawaï, alors, un quart de queue très costaud, très lourd, très solide, qui pouvait tout endurer, et Dieu sait que je ne l'ai pas épargné, ce piano sur lequel Inouï dormait pendant que je travaillais. Je ne me rappelle plus à qui je l'ai vendu, quand j'ai acheté en 1985 mon merveilleux Feurich, my last one. Beaucoup de chose sont désormais « my last one ». Dernier amour, dernier Mac, dernier domicile peut-être… J'imagine déjà la dernière semaine… Il faut s'habituer. 

J'ai revu David, celui qui m'avait vendu mes gros Mac et tout ce qui va avec, dans les années 2000, et qui m'avait aidé à y installer tous les logiciels de musique que j'utilisais, du temps que je faisais de la musique électroacoustique. Époque faste et joyeuse. C'est lui qui m'a dépanné ces derniers jours. Lui aussi a pris un coup de vieux, nous ne nous étions pas vus depuis 2012, mais beaucoup moins que moi. J'ai découvert sa maison, et sa magnifique chienne, qui s'appelle aussi Luna, qui tient presque plus du loup que du chien. Une bête très impressionnante, mais d'une gentillesse surprenante. J'aurais pu avoir peur d'elle, mais cela n'a pas été le cas, elle m'a léché la main, et voulait à toute force que je pénètre dans son enclos, me tirant par la main qu'elle avait dans sa gueule. David est devenu « survivaliste ». Je le comprends. Barbara avait joué chez moi une ballade de Chopin, peut-être la troisième. Je me rappelle vaguement son corps sec et sa chevelure, très « lion », très « king ». Nous étions allés dîner dans un restaurant près de Planay, à Verdonnet, je crois bien, un restaurant dont le patron passait les sonates de Scarlatti au clavecin, par Scott Ross. À Planay, le lisais Derrida. Je me rappelle ce texte que j'avais dû lire au moins vingt fois de suite avant de croire le comprendre à moitié. Un texte sur la Différance avec un a, dans le volume intitulé Théorie d'ensemble, dans la collection Tel Quel, de Sollers, livre dont presque tous les articles m'avaient passionné et avaient contribué à faire miroiter sous mes yeux une monde étincelant que j'ignorais presque totalement alors. Mais c'est tout moi, ça, de prendre les choses à l'envers. On ne commence pas par Derrida, quand on n'a pas de formation philosophique ! J'avais acheté son livre intitulé La Carte Postale, je crois, qui m'avait enthousiasmé. Qu'en avais-je compris ? Peut-être rien (un peu de la même manière que la lecture de Marx, quelque temps auparavant), mais c'était pourtant un feu d'artifice dans mon esprit. Tout cela pour en revenir à la correspondance, qui est mon dada depuis ce temps-là, je m'en rends compte aujourd'hui. J'avais tenté de lancer, au tout début des emails, un mouvement pour la préservation et le développement de la correspondance manuscrite (pour éviter sa noyade), car je voyais déjà très bien où allait nous mener le développement très rapide de l'informatique alors balbutiante. Je ne retrouve plus ce texte, mais peu importe. Même moi qui suis un convaincu, je n'écris plus de lettres manuscrites, y compris avec mes meilleurs amis, et ce pour plusieurs raisons, dont une n'est pas glorieuse : l'argent, on y revient toujours. Je n'aurais pas les moyens, aujourd'hui, d'entretenir une correspondance manuscrite et d'envoyer régulièrement des lettres par la poste, l'affranchissement étant devenu ridiculement onéreux (j'ai connu une époque où il coûtait 10 centimes). Quel plaisir, pourtant, de coller un timbre sur une enveloppe ! Rien que ce petit geste rendait la missive presque sacrée, sans même parler de ce moment magique où l'on glisse la lettre dans la boîte jaune (« plus de retour en arrière possible », semble-t-il inscrit sur cet objet liturgique qu'est la boîte à lettres). Messenger est à cet égard un instrument diabolique, mais je suis coupable avant tout le monde, puisque j'en fais un usage important, du moins avec certains correspondants choisis. Toute cette masse de données informatiques me dégoûte profondément, et m'attriste encore plus, mais je serais incapable de me passer des services qu'elle nous rend, ou semble nous rendre. Je sais bien qu'il est inutile d'espérer quelque retour en arrière que ce soit, mais je vois très clairement tout ce qu'on a perdu, et qui n'est rien à côté de ce qu'on a va perdre encore, car l'informatique a tout envahi, du sol au plafond — et ne parlons même pas du cataclysme que va être l'intelligence artificielle, cette invention du Diable, qui sera peut-être The Last One.

La panne de mon ordinateur a été comme toujours très révélatrice et riche d'enseignements. Ce n'est pas la première fois que je passe par là (j'ai utilisé l'informatique bien avant que les Français s'y mettent, et j'ai connu à peu près tous les déboires qu'elle peut provoquer), mais ce qui a changé, par rapport aux pannes précédentes, c'est que je suis fatigué de tout cela, que je n'ai plus le moindre enthousiasme à l'égard de ces outils, et que mon esprit refuse désormais de délivrer une puissance suffisante pour résoudre les énigmes qu'ils posent immanquablement. Il se cabre devant l'obstacle, et je peux le comprendre. Nous devons toujours opérer des choix, et de plus en plus, dans les facultés que nous mettons en branle pour élucider (et combattre) le monde qui nous entoure, car ses sollicitations sont de plus en plus nombreuses et impérieuses, le téléphone portable ayant en ce domaine une responsabilité gigantesque dont à mon avis on ne mesure pas encore vraiment la portée. 

Correspondance/conversation, voilà deux mots qui clignotent constamment en moi, qui vibrent plus que tous les autres. Je suis triste que mon disque Double Silence plein la bouche n'ait eu aucun succès, car je suis convaincu que je n'ai rien fait de mieux jusqu'à présent. Mais peut-être n'est-ce compréhensible que par des gens qui, comme moi, ont été nourris dés l'enfance par la radio. C'est elle, bien plus que les livres, qui fut mon véritable précepteur. La radio entretient avec les livres et la pensée un rapport très fructueux, très riche, de ça je suis absolument convaincu, alors que la télé a décimé les premiers, ou du moins les a réduits en esclavage, et a rendu la dernière presque inutile, ou du moins superfétatoire, ce qu'allait encore accentuer, en rendant la chose irréversible, le Numérique. Ce n'est pas pour rien qu'une émission comme le Panorama de France-Culture de Jacques Duchateau a eu un retentissement aussi énorme et qu'elle a laissé dans l'esprit de ceux qui l'ont connue des traces indélébiles, ainsi qu'une grande nostalgie. Du temps que Lafourcade ne me faisait pas la gueule, nous en avions parlé, de toutes ces voix qui étaient comme des divinités de la Connaissance, et il comprenait parfaitement mon émotion. Je suis un hindouiste radiophonique, moi, niveau spirituel. Qu'y a-t-il de plus beau et de plus émouvant qu'une voix dont le corps nous est inconnu qui nous amène à une forme de connaissance ? Et il existait en outre une autre émission, alors, qui m'a profondément marqué, je parle de l'Atelier de Création Radiophonique, de Lucien Farabet, le dimanche soir. Un véritable trésor. J'ignore s'il est possible aujourd'hui d'en retrouver quelques traces, mais je dois en avoir encore de nombreux exemplaires enregistrés sur des cassettes. France-Culture (elle portait bien son nom, qui disait tout — tout est là) était alors une radio que le monde entier nous enviait, et c'est d'autant plus douloureux quand on voit ce qu'elle est devenue. Je pense d'ailleurs qu'elle a montré la voie du Désastre, pour ce qui est de celui de notre pays, et que ce n'est sans doute pas un hasard si Renaud Camus a accédé à une certaine (malfaisante) notoriété nationale par le biais d'un scandale qui a commencé sur ces ondes, précisément. On voyait déjà, en germe, en 2000, tout ce qui allait survenir ensuite inéluctablement. Nous sommes des survivants, pas plus.

Un autre aspect que la panne informatique qui m'a touché a mis en pleine lumière est le caractère incertain et même vicieux des mots. Je le sais, il n'y a pas à cet égard de véritable étonnement, mais on est toujours surpris néanmoins de constater la somme de malentendus provoquée par la langue, presque aussi importante que celle qu'elle contribue à éviter. Nous employons des mots dont nous pensons que le sens est connu, bien repéré, et même assez précis, mais non, il faut déchanter. C'est d'ailleurs quelque chose qui m'effraie de plus en plus, cette propension à (trop) vite mettre un mot sur une chose afin de pouvoir en parler avec autrui. Les expressions qui font fortune trop vite dans la langue commune sont toujours suspectes à mes yeux. C'est lorsqu'on pense être compris naturellement qu'on va au-devant de graves déconvenues. 

Comme j'écris ceci en écoutant les sonates pour violon et piano de Bach, je repense à ma belle infirmière qui, entendant ce même disque, m'avait demandé de quoi il s'agissait. (Elle avait dit aimer cette musique.) Quand on me dit qu'on aime « cette musique », immédiatement se forme en mon esprit une image mentale qui épouse les formes de ces sonates, mais ce n'est évidemment pas ce qu'elle ressent, celle qui me dit « aimer cette musique ». Et je me demande : quelle est donc l'image mentale, ou la sensation, qu'elle a dans son esprit, celle qui me dit cela ? À quoi ressemble la musique de Bach dans les nerfs et la pensée de quelqu'un qui ne la connaît pas, qui la « découvre »  visiblement ? Qu'entendent les autres, que comprennent-ils, comment perçoivent-ils ? Je me dis ce matin qu'il doit sûrement exister autant de malentendus dans l'écoute de la musique que dans la conversation, mais ici on ne les aperçoit pas, du moins pas immédiatement. Il faut parfois des années pour comprendre que telle musique est entendue de telle manière par X ou Y, et encore est-ce très approximatif. Je repense souvent à ce que m'avait raconté ma mère, à propos de Bach. Elle parlait de l'un des amis de mes parents qui lui avait confié ne pas apprécier ce compositeur, car, disait-il, « c'est toujours pareil, ça fait boum boum boum boum ». Ce n'est pas complètement faux, bien sûr. La musique de Bach se développe souvent sur un motif rythmique qui se répète de manière assez étale, ce qui est très différent de la musique romantique, par exemple. Il y a un côté « moteur » qu'évidemment on ne perçoit plus du tout si l'on est un tant soit peu initié à cette musique dont bien d'autres paramètres sont éminemment variables et complexes. Mais quelqu'un qui n'entend pas cela entend ce que nous n'entendons plus du tout, qui est un substrat que nous jugeons non essentiel — ou moins pertinent. Tout est affaire de degrés de sens et de perception. Dans la polyphonie, le problème se pose de manière évidente : combien de voix entendez-vous réellement, combien de voix êtes-vous capables de chanter, de suivre même quand elles sont superposées aux autres ? D'ailleurs, lorsqu'on effectue ce que les informaticiens amateurs nomment une sauvegarde, que choisit-on d'enregistrer, qu'est-ce qui est important, pertinent, qu'est-ce qui l'est moins, et comment ces données seront-elles remises ultérieurement dans le circuit actif (l'interface homme-machine) qui nous permet de continuer à nous servir de l'ordinateur et qui en font un outil. Qu'entend-on dans la vie de tous les jours ? Quels sont les choix qu'effectue en permanence notre oreille sans qu'on en soit conscient, que sauve-t-elle du tohu-bohu ambiant, comment se précise la hiérarchie qui seule nous permet de ne pas devenir fous et qui seule nous permet d'accéder au sens ? C'est ce que l'on nomme la discrimination, terme honni par nos contemporains, mais nos sens ne relèvent pas de la morale, fort heureusement. Faites l'expérience suivante : enregistrez une des conversations que vous avez avec un ami, et comparez ensuite avec ce que vous aviez entendu, avec ce que vous aviez retenu. Vous serez très surpris. Le magnétophone, lui, ne discrimine pas, et c'est ce qui le rend si précieux. Il nous montre la discrimination à l'œuvre, précisément parce qu'il met tout sur le même plan, et moi j'ai l'impression que cette mise à plat est désormais réalisée par nos interlocuteurs, qui, comme on dit vulgairement « n'ont pas les codes ». Quand on parle à quelqu'un par le truchement d'un téléphone portable, ce que je viens d'évoquer est très sensible : il arrive fréquemment que les bruits et les sons qui entourent notre correspondant soient aussi puissants que sa voix. Pourtant, ils peuvent lui paraître insignifiants, à lui, il ne les remarque même pas et il est très étonné si vous les lui faites remarquer. Même observation pour les appareils auditifs qu'on porte fréquemment à partir d'un certain âge. Ceux qui les utilisent et se sont trouvés dans la situation de devoir suivre une conversation au restaurant me comprendront. La voix de leur interlocuteur ne se détache pas du bruit des conversations ambiantes et il leur devient très difficile d'avoir un dialogue un tant soit peu suivi. L'ouïe est un mécanisme très complexe qui fait intervenir de multiples paramètres, aussi bien physiques que psychologiques. Les sens humains sont tous interconnectés, de la même manière que chaque organe de notre corps n'est efficace qu'en liaison avec tous les autres organes. On entend ET on voit ET on sent ET on touche ET on pense ET on aime (ou déteste). Il n'est que de penser au mot « sentir » qui est loin de ne faire référence qu'au seul sens olfactif, ou au mot « voir »  (on voit quelque chose autant par la pensée que grâce aux yeux), et ne parlons même pas du magnifique « subodorer » ! J'aime aussi beaucoup le mot « tact », qui vient évidemment du toucher, mais qui a effectué sa mue (ou plutôt s'est dispersé, ou diffracté) vers des territoires en apparence beaucoup plus subtils. Le tact touche au toucher (tâter), au rythme (taktus), à la psychologie, à la politesse, à l'érotisme, au désir, à la sensibilité, à l'amour, au goût (tastevin), c'est un « mot-clé » merveilleux qui ouvre de nombreuses serrures, et qui nous démontre que les mots ne sont jamais seulement des vocables accompagnés de leur définition, qu'ils portent en eux une nébuleuse de sens (à tous les sens de sens) qui communiquent les uns avec les autres, qui font plus que cela, qui n'existent pas les uns sans les autres, ce que démontre admirablement le principe même du dictionnaire. 

David m'a sermonné ! D'abord parce que j'avais été imprudent, et ensuite parce que l'aspect de mon Mac était épouvantable. J'ai eu honte. Mais, je le reconnais volontiers, un ordinateur n'est plus pour moi, désormais, qu'une machine-à-écrire un peu sophistiquée. Il n'est plus du tout cet outil (qui parfois même m'a paru ressembler à un instrument) un peu merveilleux qui m'a longtemps fait rêver, quand nous n'étions que quelques uns à nous en servir et que leur puissance tenait plus de la grosse calculette qu'autre chose. Sa vertu totalisante est aussi son plus grave péché. Plus un appareil est capable de faire de choses, plus il est dangereux et à terme appauvrissant. 

Il m'a également fait part (David) d'une réflexion très juste qui lui est venue de sa longue fréquentation des utilisateurs de ces ustensiles hautement technologiques, qui est que plus on est au bas de l'échelle sociale moins on prend soin de ces objets-là, ce qui est paradoxal, car l'achat d'un ordinateur de 1200 euros est une dépense énorme pour un pauvre, quand elle n'est rien pour quelqu'un d'aisé. Pourtant, ce sont les gens aisés qui en prendront soin et les pauvres qui n'y feront pas attention. Il faudrait nuancer un peu, bien sûr, car les pauvres d'aujourd'hui ne sont pas les pauvres de jadis, et inversement. Mais son observation est tout de même juste. En ce qui me concerne, j'étais un véritable maniaque quand j'ai commencé à utiliser ce type d'objets, mais je suis devenu tout le contraire aujourd'hui, ce qui prouve bien que je suis typiquement ce qu'on appelle un déclassé, un déclassé technophobe, s'il vous plaît. J'ai apparemment toutes les tares. Autant je comprends qu'on soit extrêmement soigneux avec son instrument (de musique), autant je me fiche de l'aspect de mon Mac. Mais, je le jure, ça va changer ! Je suis totalement déconstruit et disséminé, comme mec, OK, mais ce n'est pas une raison pour manger mon paris-beurre sur le Mac Book Air, dans mon bain. 

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