samedi 8 juillet 2017

Éditeur (musique, culture, concept, français, etc.)



« L'éditeur photo le plus avancé au monde » (publicité)

L'"éditeur", au sens numérique du terme, c'est désormais le logiciel. Ce n'est plus QUELQU'UN, une personne qui aime les livres (et peut-être la littérature) et qui en publie (c'est-à-dire les met à disposition d'un public), c'est un processus technologique, c'est QUELQUE CHOSE.

Et qu'est-ce qu'un "logiciel" ? Neuf fois sur dix, à cette question, on répond : un outil, ou un instrument. Mais c'est faux. Un outil ou un instrument se plie à vos désirs, à vos caprices, à votre imagination, une fois surmontée, difficilement, la phase d'apprentissage, alors qu'un logiciel vous force à penser comme lui, après vous avoir donné l'illusion d'être là pour vous servir.

Quand on apprend le piano, par exemple (et c'est l'un des instruments les plus difficiles, dont l'apprentissage est le plus long), on apprend petit à petit à s'en dégager, à être libre. Un logiciel ne vous libère pas, il vous amène insidieusement là où il règne en maître.

Là réside le grand mensonge de l'informatique. On se dit : pour être libre, je dois apprendre à maitriser cet outil, car on réfléchit comme on a toujours eu l'habitude de le faire. Un instrument demande une forme de maitrise, sinon il est au mieux inutile, au pire dangereux. En conséquence de quoi, on apprend la langue des logiciels (car les logiciels sont des machines dont le moteur est une certaine forme de discours), la langue des réseaux, la langue des machines. Mais cette langue (qui n'en est pas une) est un leurre. Elle fait en sorte que vous soyez toujours à la traîne, à la dérive, et que vous ne puissiez jamais "la maitriser". En revanche, elle, elle vous apprend, elle vous connaît de mieux en mieux, et un beau jour, elle vous maitrisera pour de bon.

Dans cet horrible syntagme, « éditeur-photo », il faut entendre la disparition de la main humaine, de la main humaine singulière, unique, irremplaçable, de la main humaine capable de maitrise et d'art, mais aussi la disparition de la langue, et enfin la disparition de la photographie. Ça fait beaucoup à la fois.

La seule petite chance de l'homme face au "logiciel", c'est sa bêtise